Quatrième de couverture : "Ils vont sonner et sans leur demander de décliner leur identité je vais ouvrir. Ce sera très bref, je les accueillerai en leur disant que je n'ai rien à dire, que je vais mourir bientôt, qu'il n'est rien dans ma vie que je regrette, aucune action, aucune parole, et là chacun reconnaîtra les siens, et que tout se trouve dans mes livres. Je leur dirai que rien aujourd'hui ne me semble avoir plus d'importance que le bruit du vent dans les arbres, que la seule chose au monde que je regretterai à l'instant où j'en terminerai avec cette comédie de la vie ce sera cela. "
Norwich Restinghale, vieux poète reclus, reçoit un photographe et un critique à l'occasion de la publication d'une nouvelle après presque dix ans de silence. Infréquentable, maniaque, capricieux et misanthrope, l'écrivain connaît ses interlocuteurs puisqu'il fut l'amant de la mère du photographe, qui s'est suicidée après cette tragique relation, et sujet de la thèse avortée du second. Un roman polyphonique drôle et cinglant, sans concession, ni pour l'université, ni pour la critique.
Mon avis : Pour un cours de "théorie littéraire" je suis censée lire plusieurs romans réflexifs, où il est question de littérature, d'écriture, dont celui-ci, et nous devrons faire des exposés à partir de ces livres (j'ignore encore les modalités de ces exposés). Et ma foi pour le moment je ne sais pas trop ce que je vais faire de ce bouquin en lien avec ce cours, certes il est question d'un écrivain, de son œuvre, de ce qu'il choisit d'en dire, de son mépris de la critique et des universitaires, mais cela me semble un peu secondaire, ce n'est pas ça en tout cas qui fait le charme de ce roman à mes yeux.
Ce roman est court (111 pages), et on y retrouve un procédé d'écriture qui en général ne me plaît guère : l'alternance des points de vue, chaque chapitre nous offre successivement le point de vue de Georges, le "thésard avorté", de Paul, "le fils éploré" et de Norwich Restinghale, vers qui tous les regards se tournent. Comme chaque chapitre est court, les différents points de vue s'enchaînent, un peu trop rapidement à mon goût ; j'ai eu l'impression au début surtout, qu'on changeait de narrateur alors même que je commençais à peine à m'habituer au précédent ! Ce qui explique que j'ai eu un peu de mal à apprécier les premiers chapitres, après je me suis habituée, et ça ne m'a plus posé de problème.
La quatrième de couverture nous laisse à penser que la rencontre entre les trois personnages est le centre du roman, alors que ce n'est pas le cas : j'ai attendu un moment cette fameuse rencontre avant de me rendre compte qu'en fait, ce n'était pas ce qui importait : l'essentiel, c'est les circonstances de cette rencontre, et les souvenirs qu'elle fait ressurgir. Paul et Georges revivent mentalement les évènements en lien avec l'auteur, et c'est Norwich Restinghale lui-même qui vient tout démonter en livrant ses propres souvenirs, ses propres pensées sur ces évènements qui, comme il le devine avec raison, préoccupent les deux autres alors qu'ils s'apprêtent à le rencontrer.
J'ai été troublée par les similitudes que j'ai trouvées entre ce roman et
Hygiène de l'assassin d'Amélie Nothomb : dans ces deux romans, il est question d'un écrivain misanthrope et énorme, qui vit en ermite depuis longtemps, et qui va enfin être interviewé de façon exceptionnelle ; et dans les deux œuvres, l'écrivain a une sœur aimée, morte trop tôt dans des circonstances mystérieuses. Il faudrait peut-être que je relise
Hygiène de l'assassin pour mieux juger de ces ressemblances, mais j'ai quand même du mal à croire à une pure coïncidence, et je ne sais qu'en penser ! Le personnage de Laurie, la petite voisine handicapée plus intelligente qu'il n'y paraît, et que l'écrivain prend en amitié, est un personnage marginal et mystérieux comme Amélie Nothomb les affectionne, et elle serait tout à fait à sa place dans un des romans de cette dernière.
Du bruit dans les arbres est un roman finalement assez riche et plaisant, et que je relirai sûrement (et peut-être bientôt si je le choisis pour mon exposé) ; je ne l'ai pas trouvé "drôle ni cinglant" (ou alors j'ai rien compris ?), je parlerai plutôt d'ironie du sort, parce que cette rencontre entre trois êtres qui ont à la fois tant et si peu en commun est assez improbable et extraordinaire, et la fin m'a laissée méditative, puisqu'elle semble justifier tout le reste, tout en étant étonnante, vu la personnalité de l'écrivain on ne s'attendait pas à ça... ce qui correspond bien toutefois à l'esprit de l'ensemble du roman, tout peut surprendre finalement car les choses sont souvent différentes de ce que l'on croit, et une partie de la réalité reste toujours cachée... la citation suivante m'a frappée et je pense assez bien cette idée :
"La réalité des faits est quelque chose d'illusoire, la seule réalité c'est ce qu'on en dit, ou la façon dont on veut bien la considérer."