Lundi 20 décembre 2010

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CHALLENGE ABC 2010, 25ème livre lu ♦
 

Résumé :
Le Petit Chose paraît en feuilleton en 1867. Daudet s'inspire des souvenirs d'une jeunesse douloureuse : humiliations à l'école, mépris pour le petit provencal, expérience de répétiteur au collège et enfin coup de foudre pour une belle jeune femme. L'écrivain manifeste une tendresse, une pitié et un respect remarquables à l'égard des malchanceux et des déshérités de la vie.

Mon avis : comme le sous-titre est "Histoire d'un enfant", je pensais vraiment que le récit se concentrerait sur l'enfance du héros et narrateur, mais en vérité on passe assez rapidement cette période, cela . Je connaissais l'extrait célèbre (cf ci-dessous) dans lequel on se moque de sa blouse et commence à le surnommer "le petit Chose", mais en fait c'est à peu près la seule scène décrivant sa vie au collège ! Contrairement aux romans autobiographiques tels que Vipère au Poing d'Hervé Bazin, Poil de Carotte, de Jules Renard ou L'Enfant de Jules Vallès, les malheurs du héros ne découlent pas de mauvais traitements qu'il aurait subis chez lui, il est au contraire aimé par ses parents et son frère. Non, ce qui marquera sa "descente aux enfers", c'est la ruine financière de sa famille, la misère qui les forcera à se séparer. J'ai été assez étonnée par cette séparation dont la nécessité me semble encore discutable, mais bon, admettons...

Cette séparation est un tournant dans la vie du Petit Chose qui doit alors se prendre en charge et gagner sa vie. Il ne cache rien des souffrances qu'il a endurés en tant que surveillant, les passages où il décrit ses humiliations, son manque d'autorité, la hargne des élèves m'ont peinée. Le ton du roman est assez original et m'a bien plu : le narrateur parle souvent de lui-même à la troisième personne en prenant le lecteur à témoin ; ses pensées et réactions de l'époque nous sont restituées en même temps que le regard postérieur du narrateur sur celui qu'il était alors, ce qui nous permet de nous amuser avec lui de sa naïveté, ce roman est en effet bien plus drôle que ce que j'aurais pensé, malgré le caractère pathétique de certaines péripéties j'ai très souvent souri ! Grâce à ce décalage, à cette double vision de personnage, on peut aussi un peu dédramatiser ses malheurs : si on avait eu seulement le point de vue du personnage au moment des faits, sans recul, j'aurais sans doute trouvé ça trop plaintif par moments... mais j'ai vraiment apprécié l'honnêteté du narrateur qui ne masque pas ses défauts et donne une image de lui pas toujours reluisante.

Le personnage du petit Chose m'a vraiment touchée en fait, et j'ai aimé suivre ses rêves, puis ses désillusions, les conséquences désastreuses de sa vanité... Si on considère ce roman de manière large, je trouve qu'il montre symboliquement ce qu'implique le passage à l'âge adulte (selon Alphonse Daudet, ce n'est pas une vérité générale mais je suis assez d'accord avec lui), l'évolution de la mentalité du héros m'a paru juste, réaliste.

Les autres personnages sont également dignes d'intérêt : le personnage de Jacques est l'incarnation même de l'amour fraternel, son abnégation va si loin qu'elle m'a quasiment semblé invraisemblable par moments... mais je la trouve vraie quand même, je suis sûre que de tels comportements se retrouvent dans la vraie vie.
J'ai aimé la façon originale dont il parle de la jeune fille qu'il aime, il distingue la personnalité bourgeoise (et commune) de cette demoiselle et ce qui lui plaît vraiment chez elle : ses yeux noirs, à tel point que "les yeux noirs" sont un personnage à part entière,  la dualité de cette jeune fille (enfin surtout, la duplicité du regard du héros sur elle) nous permettent de bien voir ce qui l'attire vraiment et cela remet pas mal en cause la vision idéale du sentiment amoureux qu'on pourrait avoir, que le narrateur discrédite complètement ; ce n'est pas dit de façon aussi explicite mais c'est comme cela que j'interprète la chose en tout cas... tout cela n'est pas très positif comme vision des choses mais j'ai trouvé ça plus réaliste que les clichés habituels. (la toute fin m'a d'ailleurs un peu déçue, mais bon c'est vrai que le côté heureux du dénouement est à nuancer - je n'en dis pas plus, chut)
Un dernier personnage m'a beaucoup plu, j'aurais aimé le voir plus développé : il s'agit d'Irma Borel la séductrice, je trouve que le héros la juge un peu trop sévèrement, qu'il surestime ses torts, peut-être pour amoindrir sa propre responsabilité ? Comportement plausible étant donné la personnalité du personnage du petit Chose, je l'ai trouvé très sympathique mais il faut bien admettre qu'il n'a rien de parfait (il le laisse entendre assez lui-même).

Au final, une belle lecture pour moi, assez riche et plus distrayante que l'Enfant de Jules Vallès par exemple, et elle m'a plus personnellement parlée.

Extrait :
«Ce qui me frappa d’abord, à mon arrivée au collège, c’est que j’étais le seul avec une blouse. À Lyon, les fils de riches ne portent pas de blouses ; il n’y a que les enfants de la rue, les gones comme on dit. Moi, j’en avais une, une petite blouse à carreaux qui datait de la fabrique ;  j'avais une blouse, j’avais l’air d’un gone... Quand j’entrai dans la classe, les élèves ricanèrent. On disait « Tiens ! il a une blouse ! » Le professeur fit la grimace et tout de suite me prit en aversion. Depuis lors, quand il me parla, ce fut toujours du bout des lèvres, d’un air méprisant. Jamais il ne m’appela par mon nom ; il disait toujours « Hé ! vous, là-bas, le petit Chose ! » Je lui avais dit pourtant plus de vingt fois que je m’appelais Daniel Ey-sset-te... À la fin, mes camarades me surnommèrent « le petit Chose », et le surnom me resta..."

"Un soir, au moment de se mettre à table, on s'aperçoit qu'il n'y a plus une goutte d'eau dans la maison.
- Si vous voulez, j'irai en chercher, dit ce bon enfant de Jacques.
Et le voilà qui prend la cruche, une grosse cruche de grès.
M. Eyssette hausse les épaules : 
- Si c'est Jacques qui y va, dit-il, la cruche est cassée, c'est sûr.
- Tu entends, Jacques, - c'est Mme Eyssette qui parle avec sa voix tranquille - tu entends, ne la casse pas, fais bien attention. ”
M. Eyssette reprend :
- Oh ! tu as beau lui dire de ne pas la casser, il la cassera tout de même.
Ici, la voix éplorée de Jacques :
- Mais enfin, pourquoi voulez-vous que je la casse ?
- Je ne veux pas que tu la casses, je te dis que tu la casseras, répond M. Eyssette, et d'un ton qui n'admet pas de réplique.
Jacques ne réplique pas ; il prend la cruche d'une main fiévreuse et sort brusquement avec l'air de dire :
- Ah ! je la casserai ? Eh bien, nous allons voir.
Cinq minutes, dix minutes se passent; Jacques ne revient pas. Mme Eyssette commence à se tourmenter :
- Pourvu qu'il ne lui soit rien arrivé !
- Parbleu ! que veux-tu qu'il lui soit arrivé ? dit M. Eyssette d'un ton bourru. Il a cassé la cruche et n'ose plus rentrer.
Mais tout en disant cela - avec son air bourru, c'était le meilleur homme du monde -, il se lève et va ouvrir la porte pour voir un peu ce que Jacques était devenu. Il n'a pas loin à aller ; Jacques est debout sur le palier, devant la porte, les mains vides, silencieux, pétrifié. En voyant M. Eyssette, il pâlit, et d'une voix navrante et faible, oh ! si faible : “ Je l'ai cassée ”, dit-il... Il l'avait cassée !...
Dans les archives de la maison Eyssette, nous appelons cela “ la scène de la cruche”."
Par Ludo le Mardi 21 décembre 2010
Ca m'intéresse, ça ! :)
Le deuxième extrait est très touchant et confirme ce que je ressens de ta critique : des malheurs, oui ; mais la lecture a quand même l'air tendre - ça peut faire du bien !
Alors ? tu nous faisais une grande pause ? :)
Par Raison-et-sentiments le Mardi 21 décembre 2010
Je l'ai dans la bibli. de mes parents et je n'étais pas trop tentée ... alors pourquoi pas :)
En tout cas tu avances bien dans ton challenge ABC ! Bravo :) (penser à finir le mien aussi :p)
Par Exlibris le Mercredi 22 décembre 2010
Du même avis que Ludo, le second extrait est très touchant, et le ton de la phrase est effectivement différente de d'autres roman autobiographiques.. Je sais que j'ai "L'enfant" de Vallès (que j'arrive pas à lire jusqu'au bout), mais surement pas "Le petit chose". (A quand ma liste de PAL?). J'espère que tu vas bien?
Par MeL le Mercredi 22 décembre 2010
@Ludo : pas vraiment une pause non... mais je glande (et lis quelques BDs, qui n'apparaissent pas ici)

@Matilda : ouiii plus qu'un livre et j'aurai réussi tous mes challenges de 2010 je m'aime !

@Exlibris : ça va bien :D et toi donc ? (waiting for your letter :p... mais sans te mettre la pression hein, prends ton temps !)
Par Ludo le Mercredi 22 décembre 2010
Tu as bien raison ! bon glandage alors. ;)
(Cela dit, effectivement : plus qu'un bouquin ; tu nous domines aisément. :p Moi, en tout cas... Mon Challenge ABC rame un peu !)
Très bonnes vacances, en tout cas. :)
Par Raison-et-sentiments le Vendredi 24 décembre 2010
Oh tu es merveilleuse ! Je viens juste de voir que j'avais un colis sur mon lit et du coup je l'ai déballé comme une barbare ! Waouhh mais t'es trop forte :D Tu n'as fait aucun doublon (même si on a frôlé la catastrophe avec le manga que j'ai failli acheter plusieurs fois), et tu as touchée juste tout le temps (bon ok ils étaient sur ma wish list) à mais quand même ! Bref c'est génial un grand, un énorme, un giga, un méga merci !
Tu es merveilleuse, merveilleuse, merveilleuse ... bref j'suis contente (au cas où tu n'aurais pas remarquée :p) \o/
 

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