Lundi 7 juin 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/leclubdusuicide.jpgQuatrième de couverture : Toujours en quête d'aventures extravagantes, le prince Florizel et son compagnon, le colonel Geraldine, rencontrent un soir un étrange jeune homme qui les convie à une soirée du Club du suicide. Les deux amis découvrent avec horreur et fascination un diabolique jeu de cartes où le seul gain est la mort... Une histoire aussi inquiétante qu'ironique par l'auteur de L'étrange cas du Dr Jekyll et M. Hyde.

Mon avis : une série de trois nouvelles qui ont un rapport puisqu'elles ont toutes les trois un lien avec le Club du Suicide. La première nouvelle, intitulée "le Club du suicide", correspond au résumé de la quatrième de couverture, le prince Florizel découvre le Club du Suicide. On a un certain suspense, on ignore pendant une partie de la nouvelle le fonctionnement de ce club... une fois qu'ils ont compris son fonctionnement, les personnages sont alors pris au piège, ce qui relance la tension dramatique...

J'ai seulement été un peu déçue par le point de vue du héros, qui, dès qu'il parvient à prendre le pouvoir, condamne ce club qu'il juge immoral et criminel sans plus chercher à l'analyser. Peut-être suis-je un peu sadique, mais au fond je trouvais amusant ce Club du Suicide, qui punit en quelque sorte la fatuité des participants qui s'y inscrivent par jeu, sans le prendre au sérieux... le but du héros est de réparer le mal qui a été causé par ce Club, j'avoue que j'aurais préféré une histoire qui aurait suivi la malédiction d'un des membres qui aurait été complètement fasciné par ce club démoniaque...

Dans les deux nouvelles qui suivent, le Club du Suicide n'est plus à proprement parler le sujet de l'action, mais c'est la recherche et la poursuite de son Président qui constitue le nœud des intrigues. La deuxième nouvelle, "Histoire du docteur et de la malle de Saratoga" nous fait croiser un personnage un peu naïf, Silas Q. Scuddamore qui se retrouve malgré lui entraîné dans une histoire de meurtre... sa situation est désespérée et propre à inquiéter le lecteur qui se demande comment il va s'en sortir... interrogation qui ne se pose pas plus de quelques minutes hélas puisqu'un personnage bienfaiteur (même s'il reste ambigu) va immédiatement venir à son secours. Le problème est donc résolu un peu trop facilement et rapidement à mon goût, et celui qui devait être le héros de la nouvelle a finalement un rôle très minime, il est très passif, j'en espérais plus de sa part.

La troisième nouvelle m'a bien plus séduite : des gentilshommes sont invités d'une façon étonnante à une réception dans une demeure qui leur est inconnue, une curieuse sélection s'effectue, ceux qui restent sont mené dans un endroit étrange... bref, l'intérêt du lecteur est ranimé sans cesse et même si la toute fin n'est pas imprévisible, cette nouvelle est celle qui m'a le plus tenue en haleine.

Ces nouvelles sont donc assez originales et le narrateur a bien su maîtriser le rythme de son récit pour garder éveillée l'attention du lecteur, même si la deuxième nouvelle m'a parue un peu plate ; j'ai passé un bon moment à lire ces nouvelles, qui sont en vérité extraites du recueil Nouvelles mille et une nuits, recueil qui doit être bien plus imposant que ce qui nous est proposé là ! L'enchaînement rappelle fortement celui des Mille et une nuits (enfin, pour ce que j'en sais), puisqu'à la fin de chaque nouvelle la nouvelle suivante est annoncée ; il n'y a donc pas vraiment de chute, le dénouement de l'action se fait toujours un peu avant, et d'ailleurs ces nouvelles me feraient presque plus penser à des contes. Le style est soigné, et c'est amusant de voir que les paroles des personnages sont pleines de civilité et d'esprit alors même que leur situation est noire, et cet aspect rajoute un charme indéniable au texte.

Je remercie pour finir Matilda sans qui je n'aurais pas vécu cette lecture, puisque c'est elle qui m'a gentiment offert ce livre suite au concours qu'elle a organisé pour fêter le premier anniversaire de son blog !

Citation : "La jeunesse n'est que le temps de la lâcheté, (...) où les soucis paraissent plus noirs qu'ils ne le sont en réalité."

Mardi 8 juin 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/okviergeCopieCopie.jpg
J’ai découvert chez Meli un Challenge organisé sur Livraddict  : « Un livre qui dort », joli nom qui  n’est pas sans me rappeler bien sûr un de mes livres fétiches, Un Homme qui dort de Georges Perec.

Le but du challenge ? S’engager à lire d’ici la fin de l’année un livre qui prend la poussière dans notre bibliothèque depuis longtemps… et pour animer un peu le défi, on ne choisit pas le livre qu’on va lire ; chacun présente sa (plus ou moins petite) liste de livres délaissés, on défie quelqu’un de lire un livre de sa liste, et on attend d’être défié à notre tour.
Je suis donc entrée dans la chaîne en défiant Avalon de lire Lolita, de Vladimir Nabokov.

Voici la liste des livres qui attendent sur mes étagères depuis des années (pas tout à fait exhaustive, je n’ai pas eu le temps de fouiller dans l’armoire, et , comme je l’ai dit sur le forum, j’ai volontairement exclu de cette liste quelques pavés qui mériteraient quand même d’y être comme Les Bienveillantes de Jonathan Litell ou L’Idiot de Dostoievski, car je sais que si on me demande de lire un pavé énorme d’ici la fin de l’année, en plus de tous mes autres challenges, je ne vais pas y arriver !)

La Chartreuse de Parme, de Stendhal
Les neiges du Kilimandjaro, d'Ernest Hemingway
Malika, ou un jour comme tous les autres, de Valérie Valère
Lettres de mon moulin, d'Alphonse Daudet
La Rabouilleuse, de Balzac
Little Big Man, de Thomas Berger
Chroniques martiennes, de Ray Bradbury
L'orange mécanique, d'Anthony Burgess
Sido, de Colette
Les vrilles de la vigne, de Colette
L'illusion comique, de Corneille
Le pays où l'on n'arrive jamais, d'André Dhôtel
Le concile de pierre, de Grangé
L'homme qui rit, de Victor Hugo
Un sac de billes, de Joseph Joffo
Le monstre, d'Ismail Kadaré
Les oiseaux se cachent pour mourir, de Coleen McCullough
Les confessions d'un mangeur d'opium anglais, de Thomas de Quincey
Les aventures de Tom Bombadil, de J.R.R. Tolkien
La Pitié Dangereuse, de Stefan Zweig

Et j'ai été défiée par Nymi de lire Les Oiseaux se cachent pour mourir, depuis le temps qu'on (Maxence je pense à toi ^^) me dit de le lire... :-)

Si vous voulez participer, rendez-vous ICI, défiez quelqu'un et proposez votre liste pour être défié à votre tour ! Les inscriptions à ce défi se poursuivent jusqu’au 13 juin, plus que 5 jours pour donner une chance à un livre délaissé de votre PAL d’être lu avant 2011 ! ^^

image : aucun logo n'a encore été proposé pour ce défi, j'ai fait ce petit montage (comme si je n'avais rien de mieux à faire ^^), s'il vous plaît, vous pouvez l'utiliser. (une version plus petite est disponible ici)

[ EDIT, octobre 2010 ] Voilà, j'ai lu Les Oiseaux se cachent pour mourir, défi réussi dans les temps ! ]

Lundi 14 juin 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lapianiste.jpgPour un public averti
 
CHALLENGE ABC 2010, 11ème livre lu ♦

Quatrième de couverture : Elle ne boit pas, ne fume pas, couche encore à 36 ans dans le lit maternel et aime bien rester chez elle. Chaque fois que ses horaires de professeur de piano au conservatoire de Vienne le lui permettent, elle se plaît à fréquenter les cinémas pornos, les peep-shows et les fourrés du Prater. Et quand un de ses étudiants tombe amoureux d'elle, Erika Kohut ne sait lui offrir en échange qu'un scénario éculé, propre à redorer la vieille relation du maître et de l'esclave.
Cru, féroce et en même temps d'un comique irrésistible, ce livre n'épargne ni l'amour maternel et ses vaines ambitions, ni la vénérable institution qu'est à Vienne la grande musique, ni le sexe et ses névroses.

Mon avis : Il y a un an ou deux, j'ai vu le film de Mickael Haneke avec Isabelle Huppert, Benoît Magimel et Annie Girardot. Film interdit aux moins de 16 ans qui m'avait un peu choquée à l'époque mais qui m'avait tout de même beaucoup plu puisque je l'ai regardé une deuxième fois avant de le rendre à la médiathèque. J'ai appris il y a quelques mois, sur le blog des-mots-sans-bruit, que ce film était l'adaptation d'un livre ; sur ce blog le livre était présenté comme difficile, tant du point de vue du contenu que sur celui de la forme ; cette critique m'a intriguée, et j'ai pris cette lecture comme un défi, et j'ai finalement décidé d'entreprendre cette lecture non sans appréhension... en empruntant ce livre j'ai été très étonnée (et enthousiasmée, je dois le dire ^^) de découvrir que ce livre avait été traduit par Yasmin Hoffmann, une prof de ma fac que j'ai connue grâce à un cours portant sur les liens entre cinéma et psychanalyse, cours qui m'avait beaucoup plu ; du coup, voir que ce livre avait été traduit par elle m'a donnée encore plus envie de le lire et c'est pleine de bonne volonté que j'ai commencé ma lecture. :D

Allez, j'arrête le suspense : j'ai beaucoup aimé cette lecture. (j'ai même envie de dire que j'ai adoré) Ma très grande envie de lire une œuvre traduite par ma chère Mme Hoffmann (même si je ne l'ai connue que quelques mois, ce professeur m'a vraiment fait une très grande impression !) et ma connaissance préalable du film m'ont sans nulle doute bien aidée à apprécier cette oeuvre qui, il est vrai, n'est pas forcément très accessible. Ce roman se divise en deux parties : dans la première on fait amplement connaissance avec le personnage d'Erika et de sa mère : on comprend vite que leur relation est à la fois fusionnelle et malsaine, "l'enfant" (c'est ainsi qu'est désignée Erika de façon récurrente, malgré ses 36 ans) est totalement soumise à sa mère. La narration est très originale : on pense d'abord avoir affaire à un narrateur externe, à une description froide des choses, mais on se rend compte très rapidement qu'en réalité on a sans arrêt les pensées et les paroles rapportées des personnages, qui se mêlent également à des récits rétrospectifs qui nous permettent de connaître l'adolescence d'Erika. Aucun indice dans le texte ne nous aide à repérer de façon très nette les différents récits pour opérer des distinctions (si ce n'est que dans le récit rétrospectif Erika est désignée par le pronom ELLE, en majuscules). Le résultat ? Un texte décousu, mais j'hésite à employer ce terme de "décousu" qui a une connotation péjorative.... alors que ce côté décousu m'a charmée.

On ne peut dire précisément qui est le narrateur, quel est le point de vue adopté : certaines façons de désigner tel personnage laissent penser qu'il s'agit d'un jugement que la mère porte sur sa fille par exemple, mais la ligne suivante désamorce cette interprétation puisqu'on a une sensation qui ne peut être ressentie que par Erika... on est donc sans arrêt dans le flou, mais ce flou correspond très bien à la personnalité des personnages : Erika ne semble pas avoir d'identité propre tant elle est écrasée par sa mère, elle se juge donc elle-même de façon négative, avec les mots qu'utilisent sa mère à son égard ; et quand elle tente de mener sa vie propre, il s'agit d'une vie de perversités, comme si en s'exposant, en recherchant une sexualité violente, Erika cherchait à fuir pour de bon l'autorité maternelle, d'une part en faisant des choses que sa mère désapprouverait complètement, d'autre part en cherchant à se stimuler, à voir si elle peut sentir quelque chose en-dehors du cocon familial, si elle est capable d'avoir des désirs propres...

Alors même que le lecteur la suit dans son intimité, une intimité pleine d'horreur et de saleté (scènes de voyeurisme, de mutilation...) on ignore toujours ce que pense véritablement Erika ; de même, quand elle pourrait commencer un semblant d'histoire d'amour avec Walter Klemmer, elle gâche tout en refusant de se laisser aller, et en essayant de l'entraîner dans ses délires sado-masochistes... désirs qui vont tragiquement finir par se retourner contre elle ! Renversement de situation qui correspond sans doute au "comique irrésistible" mentionné par la quatrième de couverture, mais il s'agirait alors d'humour noir, indissociable d'une cruauté sans fond.

Le personnage d'Erika est véritablement passionnant et pourrait être analysé, interprété sans fin, il est le sujet central du roman tout en restant insaisissable ; Erika n'a rien de sympathique, elle apparaît la plupart du temps comme une victime consentante qui se complaît dans sa prison, ne fait aucun vrai effort pour s'en échapper, manque de courage pour se construire une véritable vie, sa vie secrète liée à la sexualité est uniquement passive, Erika cherche à assister à des actes violents, pas à rencontrer l'âme sœur pour aimer de façon authentique, tout en elle semble pourri, foutu... son comportement en public en tant que professeur est froid, désagréable, elle peut même sembler carrément méchante. Et pourtant, dès le début (peut-être parce que je connaissais déjà la fin, ayant vu le film) j'ai ressenti beaucoup de compassion pour elle. Difficile de dire qui est le méchant de l'histoire : la mère est un bourreau certes, mais un bourreau tellement dominé par ses propres faiblesses qu'il est impossible de la considérer comme un monstre qui aurait prémédité tout le mal qu'elle fait. Le personnage de Walter Klemmer inspire lui aussi de la pitié, mais son côté Don Juan a fait que je n'ai pas réussi à m'attacher à lui, et au fond c'est peut-être lui que je méprise le plus...

Ce roman nous présente donc trois personnages très différents et pourtant  unis car tous trois par leur soumission à leurs pulsions les plus négatives... une immersion totale dans l'intériorité des personnages, une intériorité à laquelle on n'a paradoxalement accès que partiellement, ce qui fait sans doute tout la force de ce roman incroyable, et sa richesse, richesse qui entraîne forcément une grande densité et donc de possibles difficultés à la lecture, même si personnellement j'ai été totalement prise par ce roman et que je n'ai pas eu à faire d'effort pour le finir en deux jours. Attention, certaines scènes sont un peu "hard", même si je dois dire que je m'attendais à pire : rien d'insoutenable à mes yeux, mais il est vrai que le fait d'avoir vu le film au préalable a dû me constituer la préparation psychologique nécessaire ! A présent, j'ai envie de re-revoir le film, et de lire d'autres œuvres du même auteur (et accessoirement d'envoyer un mail admiratif et béat à ma prof mais je vais peut-être m'abstenir, ou pas !)

(hum, je crois que c'est la première fois que je fais un avis aussi long, bravo à ceux qui m'auront lue, et le pire c'est que je n'ai pas l'impression d'avoir tout dit !)

Extraits :
"Mieux vaut user de ses semelles, pensent les dames Kohut, que servir de paillasson."

"Ni comme créateur ni comme virtuose Schubert ne correspondait à l'image de génie que se fait la foule. Klemmer, lui, n'est qu'un avec la foule. La foule se fabrique des images et n'est contente que lorsqu'elle les rencontre en pleine nature. Schubert ne possédait même pas de piano, quel bien-être est le vôtre en comparaison, M. Klemmer ! Quelle injustice de voir Klemmer en vie, de le voir renâcler au travail alors que Schubert est mort ! Erika Kohut insulte un homme dont elle souhaite pourtant être aimée. Maladroite, elle s'emporte contre lui, des mots blessants résonnent sous le voile de son palais, sur la membrane de sa langue. La nuit, son visage se tuméfie, tandis que sa mère ronfle innocemment à ses côtés. Au réveil, devant la glace, Erika arrive à peine à discerner ses yeux, au milieu de tant de drapés. Elle travaille beaucoup sur son image, mais celle-ci ne s'arrange pas. Une fois de plus, homme et femme s'affrontent en un face à face figé."

"Victime d'une sorte de crise d'asthme, elle lutte violemment pour reprendre son souffle, et ensuite ne sait que faire de tout cet air."

Samedi 19 juin 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/onsyfera.jpgQuatrième de couverture : Quand on découvre que Zardjou, l'homme qui remet en question la vie d'Arezou, est marchand de serrures, on peut y voir l'ironie d'un signe plus subtil qu'il n'y paraît. Les apparences sont trompeuses ; on entre avec plus de vigilance et de curiosité dans une belle histoire d'amour.
À travers le destin d'une femme active, divorcée, partagée entre sa mère et sa fille, trois générations s'affrontent dans un monde où règnent depuis longtemps les interdits et le non-dit. On suit Arezou, au bord du rire ou des larmes, sous la neige, espérant avec elle profiter enfin d'une certaine beauté de la vie.
Dans un roman d'une richesse et d'une vigueur exceptionnelles, Zoyâ Pirzâd brosse à la fois le portrait d'une société pleine de contradictions et celui d'une femme passionnante, aussi drôle et attachante qu'une héroïne de Jane Austen.

Mon avis : J'avais été charmée par le style doux de Zôya Pirzâd dans Comme tous les après-midi et Le Goût âpre des kakis, deux recueils de nouvelles ; mais j'ai été déçue par ce roman. Je n'ai pas retrouvé cette lenteur sereine qui m'avait plu dans les autres œuvres de cet auteur, ni les longues descriptions exotiques ou pleines de non-dits, de signification.

Premier reproche que je ferais à ce roman : les dialogues sont beaucoup trop nombreux, on n'a pas vraiment accès à l'intériorité des personnages, j'ai eu l'impression que tout le roman était construit sur ce schéma : une réplique d'un personnage, une phrase de récit ou de micro-description pour nous donner une idée de la scène, genre didascalie, puis une nouvelle réplique, et ainsi de suite... si ça avait été comme ça sur 100 pages, je pense que ça aurait pu passer, mais 324 pages comme ça ! J'ai été lassée et ai mis 5 jours à lire ce livre.

L'héroïne, Arezou, n'a pas réussi à me toucher vraiment, j'ai trouvé que Zôya Pirzâd avait sur son personnage un regard béat, et comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, je déteste quand les auteurs nous disent sans subtilité : "regarde comme elle est bien mon héroïne !", et là c'était "regarde, la pauvre est étouffée par sa famille et ne peut pas mener sa vie sentimentale comme elle l'entend !"... bon, j'exagère un peu, il y a bien des passages qui m'ont fait sourire et on sent quand même qu'il y a de la tendresse entre les trois femmes. Mais bon, je n'ai quand même pas été séduite.

Je m'attendais à autre chose, j'aurais aimé quelque chose de plus dépaysant, là certes on a une vision des moeurs en Iran dans les classes plutôt aisées de nos jours... mais c'est trop contemporain, trop occidentalisé. Cette histoire aurait pu être transposée en France, cela n'aurait pas changé énormément les choses, et dans ce cas-là ça aurait été une petite histoire sentimentale sans intérêt ; l'idylle entre Arezou et Zardjou est plus que prévisible, dès le début, et son évolution n'est pas non plus surprenante... pas vraiment désagréable à lire, mais pas enthousiasmant non plus.

J'ai lu quelques critiques de personnes déçues comme moi par ce roman, mais qui avaient beaucoup aimé un autre roman de Zoyâ Pirzâd, Un jour avant Pâques ; roman que je lirai donc tout de même (celui-là ou bien C'est moi qui éteins les lumières, premier roman de l'auteur), pour donner une autre chance à Zoyâ Pirzâd en tant que romancière ; en attendant, je vous conseille plutôt, si vous ne la connaissez pas, de vous tourner vers ses nouvelles (et en particulier vers le recueil Comme tous les après-midi, le premier que j'ai lu et aussi mon préféré).

Lundi 21 juin 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/sumoquinepouvaitpas.jpgQuatrième de couverture : Sauvage, révolté, Jun promène ses quinze ans dans les rues de Tokyo, loin d'une famille dont il refuse de parler.
Sa rencontre avec un maître du sumo, qui décèle un "gros" en lui malgré son physique efflanqué, l'entraîne dans la pratique du plus mystérieux des arts martiaux. Avec lui, Jun découvre le monde insoupçonné de la force, de l'intelligence et de l'acceptation de soi.
Mais comment atteindre le zen lorsque l'on n'est que douleur et violence ? Comment devenir sumo quand on ne peut pas grossir ?
Derrière les nuages, il y a toujours un ciel...

Après Milarepa, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Oscar et la dame rose, L'Enfant de Noé, Eric-Emmanuel Schmitt poursuit "le Cycle de l'Invisible" avec ce nouveau récit qui mêle enfance et spiritualité, nous conduisant ici à la source du bouddhisme zen.

Mon avis : Une petite lecture sympathique ; au début le côté vaniteux du personnage de Jun  m'agaçait, mais au fil du texte son septicisme m'a touchée et me l'a rendu plus proche. L'histoire est simple, il s'agit d'un récit initiatique qui fonctionne comme une parabole : à l'aide de son maître sumo, Shomintsu, notre héros qui est complètement perdu va apprendre à avoir confiance en lui, à agir avec détermination et persévérance, à méditer... le déclic qui s'opère quand il parvient enfin à méditer est resté un peu abstrait pour moi (je n'ai pas l'impresson que cela soit si facile, mais peut-être parce que je n'ai jamais réellement essayé ?), mais pourquoi pas... même si l'intrigue n'est pas vraiment développée, cette histoire m'a un peu fait penser à l'Alchimiste de Paulo Coelho, à l'Apiculteur de Maxence Fermine...

Je doute que cette lecture me marque vraiment, et j'aurais aimé un peu plus de poésie dans le style (que je suis difficile !), mais je ne suis pas déçue, je l'ai lue avec plaisir, en souriant, en un peu moins d'une heure. Comme les autres oeuvres du "Cycle de l'Invisible" (enfin du moins celles que je connais, je n'ai pas encore lu Milarepa ni L'Enfant de Noé), il s'agit d'une lecture-détente agréable et rapide (encore qu'Oscar et la dame rose me semble plus riche, plus construit) que je conseillerais plutôt à des enfants, ou à de jeunes adolescents, car un livre comme celui-ci initie un propos philosophique intéressant tout en restant très accessible. Remarque, ce livre m'a aussi permis d'apprendre l'existence d'une maladie génétique rare et aux symptômes étonnants.

Extrait :
"- On n'a pas besoin de religion pour vivre.
- De religion, peut-être pas. Mais de spiritualité, si.
- Foutaise ! Pipeau ! Du vent, du bruit ! Moi, je vis très bien sans ça.
- Ah oui ? Tu vis très bien, toi ?
Il marquait un point : mon angoisse empirait et je m'en rendais compte."

NOUVEAU : Cliquez sur les couvertures des livres pour voir la fiche du livre sur Livraddict et ainsi trouver des liens vers d'autres critiques. (je vais faire ça dès aujourd'hui et sur les anciens articles, de manière progressive)

Lundi 21 juin 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/BrokebackMountain.jpgQuatrième de couverture : Brokeback Mountain : un bout de terre sauvage, hors du temps, dans les plaines du Wyoming. Ennis del Mar et Jack Twist, cow-boys, nomades du désert américain, saisonniers des ranchs, n'ont pas vingt ans. Ils se croisent le temps d'un été. La rencontre est fulgurante. Ni le temps, ni l'espace, ni les non-dits, ni la société n'auront raison de cet amour - que seule la mort brisera.

Le récit déchirant d'une passion, au cœur des grands espaces américains, ces somptueuses solitudes dont Annie Proulx est sans conteste l'écrivain le plus inspiré dans la littérature américaine contemporaine. Pour Ang Lee, réalisateur du film adapté du livre, Le secret de Brokeback Mountain qui a obtenu le Lion d'or 2005 à la Mostra de Venise, c'est "une grande histoire d'amour épique qui représente le rêve d'une complicité totale et honnête avec une autre personne".

Mon avis :  l'écriture de l'auteur est à l'image de l'amour entre Jack et Ennis : simple et brutal. Ma grand-mère, qui m'a prêté ce livre, m'a dit avoir été choquée par certaines scènes de sexe... elle est bien impressionnable, je m'imaginais du coup une simple histoire d'amour charnel entre deux hommes, sans sentiments... tandis que la quatrième de couverture laisse entendre au contraire qu'il s'agit d'une idylle super-romantique ("un amour que seul la mort brisera, le récit déchirant d'une passion", ces expressions empreintes d'un lyrisme exacerbé me faisaient un peu peur/fuir - j'aime bien les histoires d'amour mais pas trop niais quand même).

Et en fait, ce n'est ni l'un ni l'autre : ni une histoire de cul, ni un Roméo et Juliette gay, et tant mieux : c'est plutôt un compromis entre deux extrêmes, et j'ai trouvé cette histoire belle et plutôt réaliste. Il s'agit d'une nouvelle de 89 pages (avec une grande police), contrairement à ce que ma grand-mère disait les "scènes de sexe" (je mets entre guillemets tant j'ai du mal à les appeler ainsi) ne m'ont pas semblé vulgaires, et elles sont trop courtes pour être vraiment considérées comme des descriptions obscènes (remarquez, après avoir lu des bouquins comme La Pianiste il en faut peut-être un peu plus pour me choquer maintenant), je pense que ma grand-mère a surtout été heurtée car elle n'a pas l'habitude de trouver des scènes homsexuelles dans ses livres (elle devrait s'y faire). Ces scènes me semblent d'ailleurs nécessaires pour comprendre la nature de la relation qui unit les deux hommes. Ces deux-là s'aiment sans se le dire, on n'a pas de déclaration d'amour traditionnelle, on ignore leurs pensées, mais leurs actes parlent pour eux. Comme je l'ai déjà dit, leur amour, leur vie tout entière est brutale, cependant leurs gestes sont plein de sens, et je pense qu'ici les non-dits peuvent marquer le lecteur plus fortement que si on avait eu droit à une analyse de leurs sentiments  (la fin avec l'histoire des deux chemises m'a fait un pincement au cœur....)

Minou (c'est ainsi que tout le monde appelle ma grand-mère) a vu le film (ce qui n'est pas mon cas), et l'a beaucoup aimé, ce qui me laisse espérer que je l'aimerai aussi. Peut-être que je le regarderai avec elle. Le cadre dans le livre fait rêver, il a son importance, car cette nature immense et belle est à la fois ce qui fascine les deux hommes, ce qui leur permet de se rencontrer, mais aussi ce qui les sépare (toute leur vie ils vont travailler loin l'un de l'autre), j'ai hâte de voir ce que cela donnera en images. Comme la plume d'Annie Proulx m'a plu, j'aimerais aussi un jour lire le recueil dont est extraite cette nouvelle, Les pieds dans la boue.

Samedi 26 juin 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lesmots.jpg(merci Karine de m'avoir prêté ce livre (o:)

Quatrième de couverture : J'ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute : au milieu des livres. Dans le bureau de mon grand-père, il y en avait partout ; défense était de les faire épousseter sauf une fois l'an, avant la rentrée d'octobre. Je ne savais pas encore lire que, déjà, je les révérais, ces pierres levées : droites ou penchées, serrées comme des briques sur les rayons de la bibliothèque ou noblement espacées en allées de menhirs, je sentais que la prospérité de notre famille en dépendait...

Mon avis : comme vous le savez peut-être si vous avez entendu parler de ce livre, Les Mots est une autobiographie de Jean-Paul Sartre, mais une autobiographie d'un genre bien particulier, il y expose surtout son rapport aux livres, à l'écriture et on se focalise sur la période de son enfance. J'ai été un peu surprise, je m'attendais bêtement à quelque chose de plus chronologique, plus rythmé. Etant donné la relative brièveté de ce texte (200 pages environ), je me suis d'abord dit que j'allais le lire d'une traite comme j'aime souvent le faire, mais je n'ai pas pu. Sans m'ennuyer, j'ai eu l'impression étrange que j'avais besoin de digérer ce que je lisais au fur et à mesure.

On a ici une sorte d'autobiographie intérieure : l'auteur campe d'abord les personnages principaux (ses grands-parents, sa mère et lui-même) et part ensuite dans des digressions qui se suivent sans cesse, difficile de vraiment dégager la structure de l'œuvre, qui se déroule comme un long monologue, une réflexion de l'écrivain sur l'enfant qu'il a été et sur sa relation compliquée aux mots, qui constituent le titre et l'enjeu principal du livre. ; on a deux parties certes, la première s'intitule "Lire", la seconde, "Ecrire" ; pas de chapitres, le rythme du récit est un peu inhabituel, même si on avance quand même dans le temps au fil des pages.

J'admire Sartre depuis que je l'ai découvert en terminale ; à cause des cours de philo, mais surtout grâce à deux pièces de théâtre, Huis Clos et les Mouches, et au recueil de nouvelles Le Mur ; mais j'en m'aperçois aujourd'hui, j'ignorais à peu près tout de sa personnalité, je n'avais jamais vraiment entendu sa voix, et j'ai à présent le sentiment (peut-être illusoire, mais qu'importe) de le connaître un peu mieux. Au cours de ma licence j'ai connu plusieurs profs qui détestaient Sartre... cela me choquait et maintenant cela me choque encore plus, même si paradoxalement je peux essayer de comprendre pourquoi sa personnalité peut sembler antipathique.

Ce qui est le plus étonnant, c'est la façon dont Sartre considère l'enfant qu'il a été ; il se décrit lui-même comme un enfant vaniteux et snob, dénonce les faussetés, les manies de sa personnalité d'alors ; on peut d'abord être un peu agacé par ce personnage d'enfant qui lit Corneille très jeune pour impressionner son grand-père, avant de le délaisser pour des romans d'aventures plus populaires qui seront ses premières sources d'inspiration, il semble aussi prendre sa vocation littéraire très au sérieux, dictée par le Saint-Esprit (eh oui, rien que ça !).... mais je me suis vite attachée à ce petit personnage qui au fond, semble surtout avoir été très seul pendant de nombreuses années. Le regard que Sartre porte sur le petit garçon qu'il a été est tantôt un peu sévère, tantôt plus tendre, souvent railleur et ironique ; et en tout cas, qu'il ose se présenter ainsi, sans chercher spécialement à amoindrir ses défauts, m'a paru être une démarche courageuse, et cette honnêteté m'a touchée.

L'image qu'il a de lui, et qu'il nous donne du coup) est ambivalente : d'un côté il expose ses faiblesses, ses erreurs, son manque de génie évident ; de l'autre il ne nous cache par l'idée de sa supériorité, son assurance de devenir un écrivain. Il s'agit d'un récit auto-centré, je ne crois pas qu'il s'adresse à nous, lecteur, ou alors fort peu ! Et pourtant, il nous évoque indirectement quand il pense à ceux qui le liront, et ce lien biaisé m'a plu.

Dans ce livre qui doit donc se déguster lentement (enfin c'est ainsi que je l'ai apprécié, j'ai vraiment eu envie de savourer le style, que je n'ai pas toujours trouvé évident, mais le plus souvent, doux et très agréable), on trouve aussi pas mal de passages qui m'ont beaucoup plu où Sartre parle de religion (et pourtant Dieu sait (lol) que les passages où il est question de religion me barbent en général), de la difficulté à se faire une place satisfaisante dans sa famille, de la liberté, de l'éducation, de l'existence d'un Destin, de l'ennui, du regard lucide (ou pas) qu'on peut avoir sur soi, des rêves qu'on peut avoir sur son avenir.... un livre que je déconseillerais à tous les amateurs de livres bourrés d'action et aux allergiques au narcissisme, mais les autres, allez-y :)

Quelques extraits :

"(...) Un enfant gâté n'est pas triste ; il s'ennuie comme un roi. Comme un chien.
Je suis un chien : je bâille, les larmes roulent, je les sens rouler. Je suis un arbre, le vent s'accroche à mes branches et les agite vaguement. Je suis une mouche, je grimpe le long d'une vitre, je dégringole, je recommence à grimper. Quelquefois, je sens la caresse du temps qui passe, d'autres fois - le plus souvent - je le sens qui ne passe pas. De tremblantes minutes s'affalent, m'engloutissent et n'en finissent pas d'agoniser ; croupies mais encore vives, on les balaye, d'autres les remplacent, plus fraîches, tout aussi vaines ; ces dégoûts s'appellent le bonheur ; ma mère me répète que je suis le plus heureux des petits garçons. Comment ne la croirais-je pas puisque c'est vrai ? A mon délaissement je ne pense jamais ; d'abord il n'y a pas de mot pour le nommer ; et puis je ne le vois pas : on ne cesse pas de m'entourer. C'est la trame de ma vie, l'étoffe de mes plaisirs, la chair de mes pensées."

"Je viens de raconter l'histoire d'une vocation manquée : j'avais besoin de Dieu, on me le donna, je le reçus sans comprendre que je le cherchais. Faute de prendre racine en mon cœur, il a végété en moi quelque temps, puis il est mort. Aujourd'hui quand on me parle de Lui, je dis avec l'amusement sans regret d'un vieux beau qui rencontre une ancienne belle : "Il y a cinquante ans, sans ce malentendu, sans cette méprise, sans l'accident qui nous sépara, il aurait pu y avoir quelque chose entre nous."

"J'étais élu, marqué mais sans talent : tout viendrait de ma longue patience et de mes malheurs ; (...) je n'étais fidèle à rien sauf à l'engagement royal qui me conduisait à la gloire par les supplices. Ces supplices, restait à les trouver ; c'était l'unique problème mais qui paraissait insoluble puisqu'on m'avait ôté l'espoir de vivre misérable (...). Je me promis d'atroces chagrins d'amour mais sans enthousiasme."

"L'appétit d'écrire enveloppe un refus de vivre."

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"Un livre est une fenêtre par laquelle on s'évade." Julien Green

Un livre au hasard

Il ne se passait rien...
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