Jeudi 4 août 2011

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Un peu moins de 600 pages ; j’ai lu les 50 premières en une semaine (ou plutôt, j’ai lu les 50 premières en deux jours, et j’ai ensuite passé 4-5 jours sans lire), mais une fois que j’ai repris ma lecture, je l’ai achevée en deux jours.  Pour apprécier ce livre, il a fallu que j’accepte de me laisser emporter par lui, par ses personnages surtout. Si je devais rapprocher ce roman de l’œuvre d’un autre auteur, je penserais à Paul Auster : un personnage d’écrivain, un univers dense, fourmillant, avec plusieurs degrés qui s’imbriquent. .. mais  à la différence des romans de Paul Auster, j’ai eu le sentiment que dans celui-ci la vie était plus mise en valeur que la littérature, qu’elle n’était pas uniquement un prétexte justifiant l’existence de son personnage d’auteur. J’adore Paul Auster, mais dans un sens, Le Monde selon Garp m’a peut-être paru plus « humain » que la Nuit de l’Oracle, car plus réaliste et plus proche de ses personnages. (au final je préfère peut-être quand même le roman d'Auster... mais cela ne sera peut-être pas le cas de tout le monde !)

 Le roman de John Irving m’a paru très ambitieux, mais il tient ses promesses ; il est généreux avec nous, lecteurs, en nous donnant toutes les clés pour comprendre les personnages et leur vie. Il commence par nous plonger dans la vie de la mère du héros avant sa naissance, et je me suis rapidement attachée à Jenny Fields, au point de regretter par avance qu’on s’éloigne d’elle pour se concentrer ensuite sur Garp. Je crois d’ailleurs que c’est pour ça que j’ai délaissé le livre au bout de 50 pages : Garp étant né, je sentais bien qu’on allait bientôt se concentrer sur lui, et je n’avais aucune envie d’abandonner sa mère ; ce que je ne savais pas, c’est d’abord qu’on ne perdrait la jamais de vue, car Garp resterait proche de sa mère toute sa vie, même quand ils ne vivront plus ensemble… et puis, Garp est aussi (largement) un personnage qui mérite qu’on s’intéresse à lui, même si j’ai eu plus de mal à le cerner, à comprendre ce qui était le plus important pour lui (mais je crois que lui aussi a des difficultés à définir ce qu’il veut vraiment).

Si le roman est long, c’est parce que l’auteur n’hésite jamais à nous raconter une scène en détails,  même s’il s’agit d’une simple anecdote. On a l’impression que pour John Irving, tout sert l’intrigue, il ne se contente pas de raconter ce qu’il est obligé de raconter pour avoir une histoire, non, il donne une épaisseur à tout ça : il crée un monde. En le sentant « digresser » quand il commence à nous raconter un truc concernant un personnage qu’on ne sera probablement pas amené à revoir, j’ai parfois pensé « mais enfin, on s’en fout, de ça » ; mais en fait non, on ne s’en fout pas, et John Irving parvient si bien à donner de l’intérêt à tout ce qu’il raconte, il est un conteur si enthousiaste, qu’on se laisse prendre au jeu et à la fin du passage qui nous semblait inutile, on se dit qu’on est quand même content qu’il existe, et puisqu’il fait partie de la vie de Garp, oui, effectivement, il mérite d’être dans le bouquin. C’est à ça que je pense quand je dis qu’il s’agit d’un roman généreux.

J’ai aussi adoré qu’on ait de larges extraits de la prose de Garp (procédé aussi utilisé par Paul Auster, mais pas de façon aussi développée si mes souvenirs sont bons) ; cela me frustre quand on nous parle d’un personnage d’écrivain sans pouvoir lire ce qu’il écrit, cela le rend trop abstrait. J’ai trouvé amusant le décalage entre le narrateur (externe et omniscient) et les propos de Garp concernant son œuvre ; d’un côté, le narrateur nous fait connaître de long en large la vie de Garp, les rapports qu’il entretient avec sa famille, ses difficultés d’écrivain et l’œuvre qui en résulte malgré tout etc ; de l’autre, on a Garp qui rejette les journalistes et de manière générale tous les partisans de la critique contextuelle, qui prétendent mieux comprendre son œuvre grâce à la connaissance de sa vie. Dans ces conditions, seul le lecteur a une vision globale de Garp et des rapports que sa vie entretient avec son oeuvre : Garp et son entourage manquent en effet de recul, quant aux personnages vraiment extérieurs, ils sont au contraire trop loin du « monde » de Garp pour le comprendre. J’ai été passionnée par  ce thème de l’écriture liée à la vie, suivre les aléas de l’inspiration de Garp, mémoire VS imagination, le voir dénigrer l’autobiographie et pourtant inscrire dans ses romans de nombreux éléments de sa propre vie, comprendre en quoi l’écriture peut être thérapeutique et libératrice pour lui, observer les différentes réactions de son entourage, mère, épouse, amis et éditeur….

Deux (tout) petits bémols : la narration est très fluide, le roman très prenant se lit vite (une fois qu’on a accroché), mais si on s’y arrête, le style m’a parfois légèrement déçue, la faute aux personnages « qui secouent la tête » (cette expression cliché qui sert à rien me met en colère) et à la prolifération de « Bonté divine ! » - mais bon, je pardonne facilement ces quelques maladresses (qui n’en sont peut-être que pour moi) à John Irving, d’autant plus que certaines sont peut-être tout simplement causées par la traduction ! c’est un livre que j’essaierai de lire en version originale, s’il me prend l’envie de le relire dans quelques années.  Je préfère ne pas m’appesantir sur ces détails mais plutôt admirer sa virtuosité de conteur, il maîtrise comme un chef des techniques pour « tenir » son lecteur et le faire bouillir, par exemple en nous mettant sous le nez les conséquences d’un évènement horrible, puis prenant bien son temps pour nous annoncer quel est l’évènement horrible en question ! (car si le roman est linéaire, Irving joue cependant habilement avec les ellipses)

 Autre bémol, la fin, qui m’a ennuyée alors que tout le reste m’avait passionnée : dans un (trop) long épilogue, on apprend la destinée de tous les personnages jusqu’à leur mort ; connaissant John Irving (dans la mesure où on peut connaître un auteur en ayant lu un seul roman de lui), c’est tout à fait logique, il a accordé trop d’attention à tous ses personnages pour terminer son livre sans qu’on sache ce qu’il advient d’eux… mais bon, ça s’étire, ça s’étire, et comme le dénouement principal a déjà eu lieu, pour moi le livre était bel et bien fini et j’ai eu l’impression de subir des bonus pas forcément bienvenus ; mais il faut noter aussi qu’arrivée au dernier chapitre, j’étais exténuée, j’aurais probablement plus apprécié cet épilogue si je l’avais lu à tête reposée ce matin !

Je ne vois pas comment conclure ce billet un peu décousu (j’aime pas les conclusions, raaah), mais si vous avez lu cet article ou au moins les trucs en gras, vous avez sûrement compris que j’ai beaucoup aimé (je n’ose pas lire tout de suite un autre bouquin du même auteur, peur d’être déçue en lisant quelque chose de moins bien ou de trop similaire) et que j’ai été scotchée par sa richesse incroyable ! En plus (aaah, ça y est, je tiens ma conclusion), c’est le livre préféré de Tote.

 
http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lemondeselongarp.jpgBONUS 
(au cas où ma sublime critique ne vous suffirait pas hinhin)

Résumé (trouvé ici) : Jenny Fields ne veut pas d’homme dans sa vie mais elle désire un enfant. Ainsi naît Garp. Il grandit dans un collège où sa mère est infirmière. Puis ils décident tous deux d’écrire, et Jenny devient une icône du féminisme. Garp, heureux mari et père, vit pourtant dans la peur : dans son univers dominé par les femmes, la violence des hommes n’est jamais loin… Un livre culte, à l’imagination débridée, facétieuse satire de notre monde. Né en 1942, John Irving est l’un des plus grands romanciers américains de sa génération. Le Monde selon Garp, partiellement autobiographique, (publié en 1978, NDLB) a connu un succès mondial et a été porté à l’écran.

Quatrième de couverture (= extraits de critiques élogieuses)
« Chaque génération a son livre. Le Monde selon Garp de John Irving pourrait bien être pour les enfants de la crise l'équivalent de l'Attrape-coeurs de Salinger pour ceux des années cinquante. » Jacques Cabau, Le Point
« Un des plus beaux, des plus étonnants monstres de la nouvelle fiction américaine. » Michel Braudeau, L'Express
« C'est peut-être cela un grand livre : une parodie qui se révèle plus vraie que la réalité qu'elle est censée grimacer. » Pierre Lepape, Télérama
 
Extraits :
"- L'art n'aide personne, dit Garp. En fait, l'art n'est d'aucune utilité pour personne ; les gens ne peuvent pas le manger, il ne les habillera pas, pas plus qu'il ne les abritera - et, s'ils sont malades, il ne les aidera pas à guérir.
Telle était, Helen le savait, la théorie de Garp sur l'inutilité fondamentale de l'art ; il rejetait l'idée que, du point de vue social, l'art eût la moindre valeur - qu'il pût en avoir, qu'il dût en avoir. Les deux choses ne devaient surtout pas être confondues, estimait-il ; il y avait l'art, et il y avait l'aide dont les gens avaient besoin. Et il y avait lui, qui, maladroitement, s'essayait aux deux - le vrai fils de sa mère, finalement. Mais, fidèle à sa théorie, il voyait dans l'art et dans l'engagement social deux domaines distincts. Les gâchis éclataient lorsque des imbéciles tentaient de combiner les deux champs. Garp devait toute sa vie garder la conviction, conviction qui d'ailleurs l'exaspérait, que la littérature était une denrée de luxe ; il aurait souhaité qu'elle fût plus utilitaire - et pourtant, dès qu'elle l'était, il en avait horreur."
(p.252)

"Ils laissèrent Garp fulminer en silence. Qu'auraient-ils pu faire d'autre ? Ce n'était pas là l'un des points forts de Garp : la tolérance à l'égard des intolérants. Les fous le rendaient fou. On aurait dit qu'il se sentait personnellement révolté de les voir céder à la folie - en partie, sans doute, parce que lui-même devait si souvent lutter pour se comporter de façon sensée. Lorsqu'il voyait des gens renoncer à lutter pour préserver leur raison, ou échouer, Garp les soupçonnait de ne pas déployer assez d'énergie." (p. 526)

Autres critiques : ici (SC) et (Livraddict)
A propos du film : fiche allociné et fiche SC
Challenge ABC 2001 : +1 !

Lundi 5 septembre 2011

http://data-allocine.blogomaniac.fr/mdata/9/1/4/Z20060415232024140518419/img/1187737399_1182759672_frodon_a_fondcombe.jpg
Mes lectures depuis mon dernier article :

Eh bien... pas grand-chose, je le crains ! J'aurais aimé lire au moins 27 livres de ma PAL cet été mais ça a été très loin d'être le cas. C'est bien dommage étant donné que je risque d'être 100 fois plus occupée à partir de maintenant... mais me connaissant, c'est peut-être quand j'aurai moins le temps de lire que j'en aurai le plus envie, et peut-être que j'apprécierai d'autant plus mes lectures ? Avant de partir en vacances en Corse, j'ai commencé le K, de Dino Buzzati... que j'ai oublié d'emporter au camping, et j'ai donc commencé à relire là-bas le Seigneur des Anneaux. J'ai fini la Communauté de l'Anneau (meilleur que la première fois, je pense de toute façon que je vous en reparlerai quand j'aurai fini la trilogie), et je suis au milieu des Deux Tours... que j'ai oublié d'emporter dans mon studio en région parisienne avant-hier -_-... du coup, en attendant de le récupérer j'ai recommencé la lecture du K, et vraiment ce recueil me plaît !!!

La rentrée littéraire :
Je m'en fous un peu normalement et d'ailleurs je n'en ai jamais parlé ici les années précédentes (je ne méprise absolument pas la littérature contemporaine, mais je trouve qu'il est difficile de s'y retrouver au milieu de tant de titres et surtout, comme j'ai déjà une "liste d'attente" conséquente pour mes lectures, il n'est jamais pressé à mes yeux que je lise tel ou tel ouvrage récemment sorti !), mais commençant une formation en métiers du livre, avec des cours liés aux bibliothèques mais aussi à l'édition et à la librairie, il serait bon que je me tienne un peu plus au courant de ce qui se passe !

Pour la première fois depuis 3 ans, je n'ai pas acheté le dernier-né d'Amélie Nothomb, Tuer le père car j'avais été déçue par son précédent une forme de vie, et je n'ai été séduite ni par la quatrième de couverture (« Allez savoir ce qui se passe dans la tête d’un joueur », cette simple phrase me fait penser à la Musique du hasard de Paul Auster ou à Vingt-quatre heures de la vie d'une femme de Stefan Zweig, voire au Joueur d'échecs du même auteur, et sans vouloir être méchante, sur le thème du jeu je doute que notre chère Amélie fasse mieux qu'eux) ni par la première page ; je l'achèterai quand il sortira en poche, ou bien je le trouverai en bibliothèque !

Mais j'ai noté quelques titres de la rentrée qui pourraient me plaire, en vrac :
- Clèves, de Marie Darrieussecq : a l'air un peu crado (l'éveil à la sexualité d'une ado des années 80, avec pensées intimes pleines de mots crus) mais ça ne me fait pas vraiment peur, et surtout j'aime cet auteur d'habitude donc ça m'intrigue...
- Rien ne s'oppose à la nuit, de Delphine de Vigan : parce que c'est l'auteur de No et moi et Jours sans faim, ce livre-ci (à propos du suicide de sa mère) me semble intéressant... à condition qu'il ne soit pas trop larmoyant, mais j'ai plutôt confiance.
- La femme et l'ours, de Philippe Jaenada : j'ai déjà oublié le pitch mais si je l'ai noté dans mon carnet c'est qu'il avait l'air bien ! Et j'ai adoré le Cosmonaute du même auteur.
- Sunset Park, de Paul Auster : mon amour pour Paul Auster sert d'explication !
- Héritage, de Nicholas (et non William ^^) Shakeaspeare : parce que j'en ai entendu du bien deux fois en cinq minutes aujourd'hui et le pitch me botte assez !

Pour un cours, je vais devoir choisir un livre de la rentrée littéraire, le lire, le "vendre" à l'oral devant mes petits camarades, suivre son devenir médiatique et enfin faire une synthèse écrite pour voir l'influence des critiques sur le chiffre de vente. Cela risque d'être passionnant si je trouve le livre qui me donne envie de me décarcasser pour lui ! :p (si un livre de la rentrée littéraire vous a plu, parlez-m'en !!!)

Et enfin, j'ai lu cette semaine une nouvelle inédite de Bernard Werber parue dans le Muze de cet été, si j'ai le temps je vous en parlerai peut-être plus tard !

Mercredi 21 septembre 2011

http://www.leseditionsdeminuit.com/images/3/270731952X.jpgComme avec En attendant Godot il y a quelques années, me reste une impression d'être un peu passée à côté. Ce qui m'ennuie pas mal. A la fac, quelqu'un (z'étaient plusieurs d'ailleurs si mes souvenirs sont bons) avait fait un exposé sur Molloy, exposé ensuite repris par le prof qui l'avait élargi en nous parlant de toute l’œuvre de Beckett, on l'avait donc "étudié" sans le lire et ça m'avait plu, je m'étais dit "Tiens, Beckett, il faudra que je retente". Et hop, j'ai Mercier et Camier à lire pour les cours, ça tombe bien !

Mais une fois que je me suis lancée dans cette lecture, mon enthousiasme est retombé, zut.

Au début j'aimais bien pourtant, la maladresse des personnages qui les fait tourner en rond, leur pessimisme... ils sont exaspérants à souhait et c'est ça qui est bon, leurs défauts vont tellement loin - ils repoussent sans cesse leur départ pour des raisons idiotes mais qu'ils prennent très au sérieux en les examinant au cours de nombreux débats stériles -, et puis ces digressions "inutiles" (inutiles si on considère qu'on souhaite avoir une intrigue traditionnelle, ce qui n'est pas le cas ici) qui se contredisent et saupoudrent le tout d'humour absurde, cette vulgarité ici et là à laquelle on ne s'attend pas et qui laisse perplexe....

Je sens qu'il y a de la matière mais je ne sais pas quoi en faire. Dommage, mon côté snob serait ravi si j'arrivais un jour à apprécier pleinement Beckett, ahah ! Si on examine ma lecture, on pourrait dire en résumé qu'il y a les passages qui m'ont plu, et ceux où j'ai été plus ou moins perdue, qui ont fini par m'ennuyer à force d'être trop nombreux (ah oui, Mercier et Camier n'est absolument pas le livre adapté à des trajets en bus et train de 10 minutes, car dès que je reprenais ma lecture je devais revenir en arrière pour raccrocher les wagons, difficile souvent de retrouver le fil ténu et entortillé de leur "histoire".... comme souvent, les circonstances de ma lecture ont dû l'affecter.)

Mon extrait préféré, p. 34 :
"Assis au comptoir ils devisèrent de choses et d'autres, à bâtons rompus, suivant leur habitude. Ils parlaient, se taisaient, s'écoutaient, ne s'écoutaient plus, chacun à son gré, et suivant son rythme à soi. Il y avait des moments, des minutes entières, où Camier n'avait pas la force de porter son verre à sa bouche. Quant à Mercier, il était sujet à la même défaillance. Alors le plus fort donnait à boire au plus faible, en lui insérant entre les lèvres le bord de son verre. Des masses ténébreuses et comme en peluche se pressaient autour d'eux, de plus en plus serrées à mesure que l'heure avançait. Il ressortait néanmoins de cet entretien, entre autres choses, ce qui suit.
1. Il serait inutile, et même téméraire, d'aller plus loin, pour l'instant.
2. Ils n'avaient qu'à demander à Hélène de les loger pour la nuit.
3. Rien ne les empêcherait de se mettre en route le lendemain, à la première heure, et par n'importe quel temps.
4. Ils n'avaient pas de reproches à s'adresser.
5. Ce qu'ils cherchaient existait-il ?
6. Que cherchaient-ils ?
7. Rien ne pressait.
8. Tous leurs jugements relatifs à cette expédition étaient à revoir, à tête reposée.
9. Une seule chose comptait : partir.
10. Et puis merde."


Le cours de litté de la semaine prochaine qui portera sur ce livre est censé éclairer ma lanterne (j'avais écrit éclaircir, n'importe quoi !), nous verrons bien, peut-être vais-je avoir une illumination beckettienne qui va me faire revoir entièrement mon avis sur Mercier et Camier ??? (mais j'en doute, pas vraiment à cause de Beckett mais plutôt à cause du cours qui n'a hélas pas su me séduire jusqu'ici....)

Et la quatrième de couv' :
Mercier et Camier nous invitent au voyage. La contrée qu'ils vont parcourir, une île jamais nommée, est parfaitement reconnaissable. C'est l'Irlande, merveilleusement décrite ici, avec ses landes de bruyères, les jetées de ses ports lancées vers le large pour enlacer la mer, ses sentiers parmi les tourbières, les écluses du canal de Dublin, tout un paysage si cher à Samuel Beckett et si souvent présent en filigrane dans toute son œuvre.
Le but du voyage de Mercier et Camier n'est guère précis. Il s'agit " d'aller de l'avant ". Ils sont en quête d'un ailleurs qui, par nature même, s'abolit dès qu'il est atteint. Leurs préparatifs ont été extrêmement minutieux, mais rien ne se passe tout à fait comme prévu. Il faut d'abord parvenir à partir ce qui n'est pas une mince affaire. Il faudra ensuite rebrousser chemin pour moins mal se remettre en route derechef. Il pleuvra énormément tout au long du voyage. Ils n'ont qu'un seul imperméable à se partager et, après maints efforts, leur parapluie refusera définitivement de s'ouvrir. Leur unique bicyclette va bientôt être réduite à peu de chose : on a volé les deux roues. Cependant, mille embûches ne peuvent les faire renoncer à quitter la ville. Mercier et Camier vont nous entraîner par monts et par vaux, et d'auberges en troquets où le whisky redonne courage. C'est qu'il faut du courage pour affronter leurs rencontres souvent périlleuses avec des personnages extravagants, cocasses ou inquiétants, voire hostiles, au point qu'un meurtre sera commis. De quiproquos en malentendus, de querelles en réconciliations, ainsi va le constant dialogue entre Mercier et Camier qui devisent et divaguent chemin faisant.
Mercier et Camier sont unis dans l'épreuve et, si différents que soient leurs caractères, ils semblent à jamais indissociables. Cette solidarité survivra-t-elle aux péripéties du voyage ? Où vont-ils aboutir et peuvent-ils demeurer inchangés au terme d'une pérégrination si mouvementée ?

 
(Je ne renonce pas, j'aimerais aimer Beckett un jour, je reste persuadée qu'il y a chez cet auteur quelque chose qui a envie de me parler, mais ce n'est tout simplement pas avec ce livre-ci que le vrai déclic se fera, pas encore en tout cas...)

Jeudi 22 septembre 2011

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lautrefille.jpgSamedi dernier, je suis enfin allée m'inscrire dans la petite bibliothèque de ma nouvelle ville. J'y allais surtout pour visiter, ayant déjà des livres à lire je n'avais pas prévu d'en emprunter tout de suite mais la bibliothécaire m'a dit "Vous pouvez aller choisir vos livres pendant qu'on termine l'inscription",  je n'ai pas pu résister ; j'ai donc emprunté l'album Sleeping with Ghosts de Placebo, le DVD Taxi Driver, et deux romans : Seul dans le noir, de Paul Auster, et le livre dont je m'apprête à vous parler, que j'ai emprunté un peu au hasard, parce qu'il était sur le présentoir et parce que sa brièveté - 77 pages - m'a donné bonne conscience. J'ai déjà lu Journal du dehors d'Annie Ernaux, j'étais curieuse de lire autre chose d'elle... et la simplicité du titre (et de la couverture) m'ont également attirée.

Quatrième de couverture (extrait) :

«Car il a bien fallu que je me débrouille avec cette mystérieuse incohérence : toi la bonne fille, la petite sainte, tu n'as pas été sauvée, moi le démon j'étais vivante. Plus que vivante, miraculée. Il fallait donc que je vienne au monde et que je sois sauvée.»

Pas besoin de résumé annexe (cela dit si vous en voulez un, hop), il me semble que l'extrait de quatrième de couverture est assez transparent (Matilda, toi qui as lu assez de livres évoquant le thème de la famille et de la mort ces derniers temps, je ne te conseille peut-être pas de lire ce livre immédiatement...) ! Pas de suspense dans ce livre, pas d'action à proprement parler, mais vous me connaissez bien maintenant, vous savez qu'il ne s'agit pas forcément d'ingrédients essentiels à mes yeux ;)

Au moment d'écrire cet article, je reprends le livre en main et découvre la toute première page (juste avant la page de titre), que je n'avais pas lue, elle présente la collection dans laquelle cette œuvre est publiée, ce qui n'est pas du tout indifférent comme vous allez le voir :
 
   "Quand tout a été dit dans qu'il soit possible de tourner la page, écrire à l'autre devient la seule issue. Mais passer à l'acte est risqué. Ainsi, après avoir rédigé sa Lettre au père, Kafka aurait préféré la ranger dans un tiroir.
   Ecrire une lettre, une seule, c'est s'offrir le point final, s'affranchir d'une vieille histoire.
   La collection "Les Affranchis" fait donc cette demande à ses auteurs : "Ecrivez la lettre que vous n'avez jamais écrite."

.... ce texte, que je range ici dans la catégorie "Romans contemporains" est donc en réalité une lettre autobiographique, ce que je n'avais compris que vers la fin. Ça commence par la description d'une photo d'un bébé qui n'est autre que la sœur de l'auteur, et de fil en aiguille, cette lettre recouvre (à peu près) tout ce qu'Annie Ernaux peut nous dire au sujet de cette sœur morte avant sa naissance, dont elle sait si peu de choses et qui a pourtant énormément marqué sa vie - en creux.

Quel rapport entretient-elle avec cette absente que ses parents lui ont toujours cachée ? Comment a-t-elle appris son existence, comment a-t-elle géré cette nouvelle, comment comprend-elle aujourd'hui les causes d'un tel mystère autour de ce personnage qui aurait dû être si proche d'elle ? Annie Ernaux ne cherche pas à généraliser, elle parle bien de son histoire à elle, et uniquement cela, mais avec une clarté et une finesse qui font que le lecteur s'intéresse à tout cela sans se sentir intrus, plus le récit avance et plus on sent à quel point cet évènement tragique et la dimension de secret qui a tourné autour ont eu de l'importance pour elle.

Ne pas lire ce court texte d'une traite (j'ai en lu les trois quarts dans une laverie) m'a permis de m'en imprégner, j'ai songé à cette petite fille morte en attendant mon train et cela m'a glacée, j'ai eu un moment d'extrême tristesse face à l'injustice et à l'horreur de la chose, comme si tout cela m'avait réellement concernée. Je n'ai pas de petite soeur morte, mais je me suis sentie solidaire d'Annie Ernaux, et son histoire peut faire écho à nos propres ténèbres : d'autres morts, d'autres secrets de famille, et de manière plus large, toutes ces choses difficiles qu'on subit sans pouvoir les contrôler, choses terribles mais avec lesquelles on doit apprendre à vivre tant bien que mal, jusqu'à ce que ces choses s'intègrent à notre identité profonde ; et ainsi, Annie Ernaux rattache ce drame à sa vocation d'écrivain.

En empruntant ce livre, j'avais peur de me retrouver face à ce que j'appelle toujours "un récit larmoyant". Cela n'a rien de drôle, et j'ai été très touchée à un moment donné, mais l'auteur a la sagesse de ne pas jouer avec le pathos qui suinte des faits. Elle semble au contraire très neutre ; cette apparente froideur m'a un peu bloquée au début, mais on la comprend rapidement, c'est la seule manière dont Annie Ernaux arrive à parler de cette sœur qu'elle ne peut pas pas pleurer spontanément, puisqu'elle n'a pas connu directement la douleur de sa perte. Au fur et à mesure que la lettre se déploie, j'ai eu le sentiment d'un rapprochement effectif, d'une sorte de "réconciliation" entre cette sœur inaccessible et l'auteur : alors qu'au commencement elle semble irrémédiablement coupée d'elle, elle finit dans les dernières pages par s'adresser à elle de manière plus systématique, et c'est alors seulement que j'ai compris ce texte comme une lettre... les mots ont finalement rendu un peu plus présente la sœur disparue, et en fermant l'ouvrage je me suis sentie soulagée. J'espère que l'auteur a ressenti un apaisement similaire (cela serait la moindre des choses, et je suppose que c'était le but.)

Jeudi 6 octobre 2011

http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/morrobay.jpgMorro Bay Rock, source

(critique positive même si on ne dirait pas au début, accrochez-vous !)

Dimanche 25 septembre, il y a donc plus d'une semaine, j'étais dans le train et j'envoyais un texto à Matilda pour lui dire que je venais de finir Et rester vivant, roman de la rentrée littéraire qu'elle m'a conseillé et prêté (comme je suis chouchoutée ! :p), et que j'avais commencé la veille dans un autre train. (je passe ma vie dans des trains, j'adore ça, surtout si ça me permet de rejoindre les gens que j'aime !).

Si Matilda ne m'avait pas forcée poussée, je ne me serais peut-être pas penchée sur ce livre. Je ne connais pas l'auteur. Je ne connais pas la maison d'édition, Buchet/Chastel (ça c'est un détail, et d'ailleurs ça ne va pas durer, surtout si je choisis ce livre pour mon cours de librairie, pour répondre au commentaire d'Envolée-Littéraire : je ne sais pas, je n'ai pas encore décidé quel livre je vais prendre pour ce travail, peut-être que cela sera celui-ci, peut-être pas !). Et surtout, a priori, je n'aime pas le titre.
 
"Et rester vivant."

Est-ce que ces quelques mots vous font la même impression qu'à moi, quand je ne savais rien du tout sur ce livre ? C'est comme s'ils disaient "Vous allez voir, j'ai vécu plein de trucs horribles, que je vais vous raconter, mais ça se finit bien, parce que je suis tellement courageux que j'ai choisi de rester vivant, finalement, je suis super-fort, héhé !."
Et c'est un peu ce que le narrateur dit au final, si on caricature. Mais il ne le dit pas de cette manière suffisante que j'imaginais, non pas du tout. Et les trucs horribles qu'il vit, d'abord on n'a pas envie d'en rire (parce que c'est vrai... ça ne suffit pas toujours comme argument, les témoignages-choc ne m'attirent pas mais ce n'est pas ça non plus), mais ensuite il ne nous appuie pas sur les paupières pour nous faire chouiner, et les siennes restent sèches - ce qui n'en est pas moins douloureux.

Même si les deux situations sont très différentes - Jean-Philippe Blondel se prend tout de plein fouet -, ça parle de famille et de mort et la démarche vis-à-vis du lecteur ne me semble finalement pas très éloignée de celle d'Annie Ernaux dans Une autre fille (ma lecture précédente pour ceux qui ne suivent pas). Jean-Philippe perd sa mère, son frère et son père dans deux accidents de voiture à 4 ans d'écart (je crois), se retrouvant à peu près seul au monde à 22 ans. Ses seules attaches ? Sa petite amie Laure - nouvellement ex au moment du drame - et son meilleur ami Samuel - avec qui est partie sa-nouvellement-ex-petite-amie, vous suivez toujours ?

L'enjeu du bouquin, c'est un peu celui-ci : comment fait-on pour continuer à vivre avec un jeu de cartes aussi merdique ?
On sait bien que le jeune narrateur ne va pas péter les plombs au point de se foutre en l'air, puisqu'il nous écrit tout ça des années après..... pour autant, il est évident que dans une telle situation, plus rien ne coule de source, tout est à faire. La vie est en quelque sorte ramenée à son plus simple appareil, dévêtue de toutes les habitudes qui la construisent en la faisant tenir dans un cadre. Qu'est-ce qui peut alors nous retenir, à quoi se raccrocher ?

La réponse peut sembler incongrue, mais qu'auriez-vous fait à sa place, franchement ? Jean-Philippe va partir en voyage aux USA avec ses deux acolytes, trio ressoudé par la force des choses alors qu'il s'apprêtait à s'émietter, avec pour objectif ultime de visiter Morro Bay, un lieu qu'il connaît seulement de nom grâce à une chanson qu'il écoute en boucle, et que voici :
 

(je découvre seulement maintenant cette fameuse chanson sans laquelle ce roman n'existerait pas. Amusant de constater que, d'après ce que le narrateur en dit, je ne l'imaginais pas du tout comme ça, je m'étais fait ma propre idée.... on voit bien que ce qui compte, ce n'est pas tant la chanson en elle-même, mais le sens que le personnage lui donne !)

Cette histoire de Morro Bay correspond assez à l'idée que je me fais des micro-perspectives telles qu'elles sont définies dans ma nouvelle préférée, "Voix" d'Antonio Tabucchi (sauf qu'une micro-perspective, normalement c'est petit, simple à faire. Là ça semble un gros morceau, mais quand même, n'est-ce pas a priori une raison de vivre bien mince, quasi-absurde, de rejoindre ce lieu inconnu alors qu'on vient de perdre toute sa famille ???). L'idée, c'est d'avoir un objectif, quel qu'il soit. Et effectivement, partir n'est peut-être pas une mauvaise solution.

Comme vous l'avez compris, ceci n'est pas vraiment une fiction dans la mesure où Jean-Philippe Blondel raconte ce qui lui est réellement arrivé (bon il a peut-être brodé, je n'en sais rien et peu importe, le canevas est là !). C'est donc un récit assez brut où le lecteur doit s'adapter, le road-trip nous est livré tel qu'il s'est passé, il n'est donc pas là pour nous divertir en satisfaisant notre besoin de tourisme par procuration. Ce n'est pas un roman qu'on lit pour voyager aux Etats-Unis, mais pour accompagner l'auteur dans son passé qu'il fait renaître sous nos yeux : les deux points de vue s'entrechoquent, on a à la fois le Jean-Philippe de 22 ans qui se débat comme il peut sans qu'on sache ce qui va advenir de lui, et parfois, la voix de l'écrivain qui nous aide à prendre un peu de recul mais sans qu'on soit bien assuré de la suite... de manière générale, j'ai eu le sentiment de rester collée à l'époque passée quand même : on a aussi beaucoup de flash-backs, de souvenirs de sa famille, les souvenirs d'enfance avec sa mère surtout m'ont touchée.... cela permet bien de cerner de mieux en mieux le personnage, sa vie telle qu'elle a été, et de voir que vraiment, rien n'est simple. Alors les souvenirs sont écrits au présent, les différentes temporalités se superposent en se mélangeant, tout semble plus ou moins hâché, saccadé ; d'un passé bel et bien mort il ne reste que des bribes survivant tant bien que mal dans sa mémoire (quelle responsabilité !), et son présent explosé ne tient plus debout.... pas facile de rattacher les morceaux et de continuer à aller de l'avant au milieu d'un tel cataclysme !

J'ai tout spécialement apprécié l'honnêteté du narrateur qui ne cherche ni à donner une image des défunts plus reluisante que celle qu'il avait vraiment, ni à dorer son propre blason : tantôt il m'a semblé bizarrement froid, tantôt on le voit à nu en pleine souffrance.... pas de logique narrative artificielle derrière, mais la vie, c'est-à-dire les réactions tout aussi vraies qu'invraisemblables que chacun peut expérimenter quand la réalité devient plus folle que la plus grotesque des fictions : chaque chemin est compliqué, et à chacun de faire avec, comme il peut. (et si on est plusieurs pour lutter contre l'horreur, c'est mieux effectivement ! Je pourrais aussi vous parler longuement de l'intérêt que j'ai trouvé à lire son histoire d'amour/amitié avec Samuel et Laure... ce roman m'a vraiment plu pour des raisons diverses, j'applaudis sa richesse dont ma critique ne permet pas vraiment de rendre compte !!!). Si je me laissais aller à une conclusion cliché, je dirais que ce roman est une belle "leçon de courage" ? cela ne serait sûrement pas faux, du courage il n'en est pas dénué ! Mais il n'en fait pas l'étalage et ce n'est certainement pas une leçon - plutôt un encouragement, un livre-médicament qui, sans nous faire la morale, nous aide à relativiser nos malheurs en nous donnant la preuve qu'aucun n'est insurmontable, pourvu qu'on accepte le décalage entre la difficulté des obstacles et la faiblesse de nos moyens, sans pour autant baisser les bras.

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/Etrestervivant.jpgExtrait :
"Parfois, mon frère pleure, la nuit.
Je le sais.
Je crois que je suis le seul à le savoir. (...)
Cela arrive alors que rien ne le laisse présager. Mes parents ont fermé leur porte. Il est deux ou trois heures du matin. Je me réveille parce que quelque chose cloche. Et ce qui cloche, c'est ce son étouffé par l'oreiller. Je feins de dormir.
La seule fois où je me retourne et que je demande ce qui se passe, il ne répond pas. Le lendemain et les semaines suivantes, il m'évite.
Je me dis que j'aurai l'explication plus tard. Je me dis que nous avons la vie devant nous.

Je ne pleure jamais dans la vie quotidienne.

Je pleure silencieusement devant les films, en lisant des livres, en écoutant de la musique. Dans la vie courante, je reste de marbre.
Je me demande de quelle maladie nous souffrons tous les deux."

Quatrième de couverture :
« Depuis, quand on me croise, on compatit. On me touche le coude, on m'effleure le bras, on refoule des larmes, on me dit que c'est bien, que je suis courageux, que ça va aller, hein ? Je ne réponds pas. Je laisse glisser. Je continue d'enchaîner les longueurs dans ma piscine intérieure et je fais attention à ce que le chlore ne rougisse pas mes yeux.»

Avoir vingt-deux ans - et plus aucune attache. Rouler sur les routes californiennes. Vivre des rêves éveillés et des cauchemars diurnes. Comprendre que l'important, désormais, c'est de continuer coûte que coûte. Et de rester vivant.


Mercredi 19 octobre 2011

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/riennesopposealanuit-copie-1.jpg
Quatrième de couverture :
Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l’écho inlassable des morts, et le retentissement du désastre. Aujourd’hui je sais aussi qu’elle illustre, comme tant d’autres familles, le pouvoir de destruction du Verbe, et celui du silence.

Encore un article écrit des jours après ma lecture, sur (encore) un livre de la rentrée littéraire où il est question (encore) de famille et de mort.

Et encore une chanson pour illustrer :

(si vous ne voyez pas quel est le rapport entre cette chanson et ce bouquin... eh bien écoutez donc)

Tout d'abord, un grand merci à PriceMinister qui m'a offert ce livre parce que je le vaux bien dans le cadre des Matchs de la rentrée littéraire !

J'aime Delphine de Vigan depuis que j'ai lu No et moi, roman über-chouette qu'elle m'a dédicacé lors de ma première venue au Salon du Livre de Paris il y a trois ans (j'avais osé m'approcher d'elle parce qu'elle était toute seule à son stand et j'avais été extrêmement impressionnée !). que j'ai relu plusieurs fois, et j'ai aussi lu (et relu) Jours sans faim, qui est aussi très bien. [N.B. : elle a aussi écrit Jolis garçons - recueil de nouvelles, Un soir de décembre - que je viens d'emprunter - et Les heures souterraines - que je possède en livre audio mais n'ai toujours pas écouté.]
Si je vous fais cette mini-rétrospective de mon rapport à cet auteur, c'est parce que ça explique en partie mon envie de lire Rien ne s'oppose à la nuit, livre autobiographique où elle parle de sa mère qui s'est suicidée (en photo sur la couverture)... ayant déjà été touchée par sa sensibilité auparavant, j'ai eu envie de me plonger dans celui-ci, après quelques hésitations toutefois, le sujet me semblant très dur, si ce bouquin n'avait pas été signé de Vigan il ne m'aurait peut-être jamais intéressée.

Mon verdict ? J'ai aimé, oui... même si j'ai peut-être préféré les deux autres. No et moi parce qu'il était plus gai, plus léger. Jours sans faim parce que... les livres réussis évoquant l'anorexie ont toujours une place particulière dans mon cœur, je m'identifie énormément à ces héroïnes - alors que je ne suis pas anorexique, mais allez comprendre pourquoi certains livres nous touchent inexplicablement plus que d'autres.... !

Même si cela n'a pas été LA révélation, ce livre est cependant loin de m'avoir laissée indifférente, Rien ne s'oppose à la nuit est un livre fort...  Et on ose à peine le critiquer tant on sent le cœur qu'y a mis l'auteur. Que critiquer vraiment, d'ailleurs ? C'est un livre réussi malgré son sujet casse-gueule - encore un livre sur le deuil, et plus précisément sur le suicide, sujet terrible - comment ne pas aller trop loin dans l'apitoiement et l'horreur ?, un livre qui raconte des histoires de famille, comment intéresser les lecteurs à une histoire touffue et personnelle sans tomber dans l'anecdote people ? Je me méfie généralement des livres qui promettent du trash et de l'authentique, parce que j'ai souvent peur de tomber sur... un témoignage catastrophe qui compte sur son potentiel tire-larmes pour faire oublier son absence totale de style, vous voyez de quel genre de livres je veux parler ? Pis si on s'avise de cracher sur un bouquin de ce type, il va toujours y avoir quelqu'un pour nous traiter de monstre parce qu'on est forcément amputé du myocarde si on a pas été convaincu par cette histoire poignante. Et là vous me répliquerez avec raison : "Oui, mais de toute façon les livres dont tu parles ne prétendent pas être de la littérature...." c'est vrai... mais pas toujours. Et puis n'empêche, je me méfie. A tort cette fois-ci, parce qu'avec Delphine de Vigan bien sûr, on est tranquille, la qualité est au rendez-vous ! (j'espère que je n'aurai jamais à contredire cette phrase...)

Pourquoi ai-je l'air un peu mitigée, alors ?
Ben... je dirais que ce livre a les défauts de ces qualités. A travers l'écriture de cet ouvrage, l'auteur a cherché à comprendre le mal-être de sa mère en retraçant toute sa vie. Et on la suit de très près dans cette entreprise : ce roman n'est pas le résultat policé et artificiel de ses recherches, il ne s'agit pas du tout d'une biographie traditionnelle qui laisserait de côté son narrateur, non, on accompagne au contraire Delphine de Vigan dans son projet, elle nous raconte sa façon d'enquêter (en recueillant notamment des interviews des proches de sa mère), les difficultés traversées au cours de l'écriture de ce livre, les raisons qui la poussent à continuer malgré tout... tout cet aspect nous rend plus proche encore de Delphine, mais d'un autre côté, difficile de s'immerger complètement dans le récit de la vie de sa mère dans ces conditions, on sent toujours une tension entre passé  et présent, la "réalité" décrite (guillemets parce qu'on se rend bien compte de la relativité de cette réalité reconstruite, constituée des souvenirs indirects issus de témoignages, d'interprétations, commentaires personnels...). Tout cela participe à l'inconfort provoqué par cette lecture, inconfort parfois presque pénible - comme il aurait été plus simple de considérer Lucile comme un simple personnage de fiction comme les autres ! on la suivrait plus facilement en prenant finalement son destin moins à cœur... ! - mais qui fait aussi une grande partie de l'originalité et de la force de l’œuvre.

Cette lecture n'est pas non plus exempte de frustrations : il y a ce que l'auteur tait volontairement - la vie commune de ses parents -, et ce qu'elle ne sait pas, ce qu'on ne saura jamais avec certitude, parce qu'on ignore les pensées de Lucile, et parce que certains secrets résistent au temps, surtout ceux que les personnes concernées ont emporté dans leur tombe... et ce roman est aussi une ultime tentative d'accéder enfin à la vérité de cette mère restée bien souvent mystérieuse... tentative qui n'est pas complètement vaine, mais c'est avec peine qu'on voit les limites de ce rapprochement grâce à l'écriture, ce roman est habité par le manque, le flou, les regrets de ne pas pouvoir tout dire parce qu'on ne sait pas tout. Il s'agit d'un roman, mais on sent combien l'auteur a du mal à romancer justement, elle nous fait part de son intention d'être précise et juste, de respecter les faits quand elle les connaît, ce qui est inconnu le restera, les trous ne sont pas comblés artificiellement.
Il reste toutefois beaucoup de matière : la famille Poirier a eu une histoire riche, tout à fait romanesque, avec une récurrence d'évènements tragiques qui nous rappelleraient presque les malédictions familiales zoliennes ! Ce qui m'a surtout frappée, ce sont les réactions des personnages face à tous ces drames : alors que le moindre de ces "problèmes" pourrait faire l'objet d'un roman psychologique, ils n'en font pas tout un plat et continuent d'avancer malgré tout... et en effet, dans la vie, c'est comme ça que ça se passe : quand quelque chose de vraiment grave arrive, on évite généralement de rester bloqué dessus et on essaie au contraire de tourner la page, parce qu'il le faut bien. Cela donne quand même lieu à des passages un peu surréalistes où sont évoqués en 2 lignes des évènements vraiment choquants mais qui ne feront l'objet d'aucune remarque supplémentaire.... et j'admire Delphine de Vigan d'avoir justement été capable de rendre compte de tous ces détails horribles mais vrais (qu'il n'a pas dû être facile de dévoiler pour certains), sans pour autant tomber dans la surenchère en utilisant ces éléments de manière pathétique alors qu'ils n'ont pas été traités comme tels dans les faits !

Le roman est assez long pour qu'on s'attache vraiment aux différents personnages, qui sont nombreux et dont la personnalité se déploie sous les yeux du lecteur au fil des années. Il s'agit des parents de Lucile, Liane et Georges, et de ses frères et soeurs : Lisbeth, Barthélémy, Antonin, Jean-Marc, Milo, Justine, Violette et Tom (si j'ai bien compris, les prénoms ont tous été changés ; eh bien je les trouve particulièrement bien choisis). Au début je craignais de ne pas réussir à m'intéresser vraiment à la destinée de chacun, mais c'est venu et au final, ils m'ont marquée bien plus que je ne l'aurais pensé : ce roman m'a attristée, et même parfois dégoûtée. L'auteur aux prises avec ce passé trouble ne nous épargne ni les évènements les plus durs, ni le récit de sa propre fragilité face à cette histoire lourde à porter. Je lui en ai parfois presque voulu de nous imposer ça, mais au final, malgré / grâce aux allers-retours entre présent et passé et aux manques du récit, qui m'ont gênée mais qui sont évidemment nécessaires à ce roman en affirmant sa singularité, je pense avoir été touchée assez profondément.... (plus d'une semaine que je repousse la rédaction de cet article en me disant que je ne vais pas savoir quoi dire, que j'ai déjà dû oublier bien des choses... mais tout m'est revenu en tête en écrivant, et j'admets que des bribes du roman m'ont hantée chaque jour depuis que je l'ai fini)

[alors finalement, je serais bien incapable de répéter que ce roman m'a déçue. Disons plutôt qu'il est moins facile à digérer que les autres... mais c'est peut-être justement son point fort ?]

Lundi 24 octobre 2011

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/amitieamoureuse-copie-1.jpgEncore un livre de la rentrée littéraire (décidément, on ne m'arrête plus !).... mais qui sera cependant rangé dans ma catégorie "romans avant 1960". Amitié amoureuse est en effet la réédition d'un best-seller de 1897.

Quatrième de couverture :
Roman épistolaire, Amitié amoureuse repose sur la correspondance suivie de deux trentenaires : Denise, jeune veuve élevant seule sa fille, et Philippe qui ne semble pas avoir eu de femme dans sa vie. 

De leur rencontre lors d’une soirée très ennuyeuse naîtra une indéfectible amitié. Cinq ans durant, ils ne cesseront de s’écrire, parfois même deux fois par jour. Évidemment, quand l’un se déclare, l’autre le repousse au nom du sentiment qui les unit déjà. Ils cultivent ainsi une relation ambiguë, passant beaucoup de temps ensemble, y compris les vacances. Ils s’essayent à l’amitié, à l’amour, et finalement optent pour un compromis fait de douleur et de tendresse : « Cher, qu’importe de vieillir quand on est deux, si merveilleusement, si amoureusement amis ! »

Derrière Philippe de Luzy et Denise Trémors se cachent Guy de Maupassant et Hermine Oudinot Lecomte du Nouÿ qui, de 1883 à la mort de l’auteur de Bel-Ami en 1893, entretiennent des rapports assez semblables à ceux des protagonistes du roman.


     ... d'après ce que j'ai pu lire sur le net, il n'est en vérité pas absolument certain que Guy de Maupassant et l'auteur de ce roman aient eu une telle correspondance, mais c'est toujours agréable de se l'imaginer (et on comprend bien que l'éditeur mette cet aspect en avant en espérant ainsi attirer des lecteurs admiratifs de Maupassant). Ce roman est dédié à Laure de Maupassant, la femme de Guy... ce qui est d'autant plus savoureux si comme j'aime le penser, Maupassant correspond bien au personnage masculin du roman !

Enfin, qu'il ait vécu une relation de ce genre ou non ne change de toute façon rien à la qualité de ce roman épistolaire, qui m'a enchantée pour deux raisons : d'abord, de manière tout à fait objective, j'ai adoré me plonger dans l'univers d'une correspondance de la fin du XIXème. Suivre la vie assez oisive de ces deux personnages rentiers, rythmée par des obligations mondaines mais aussi, dans le cas de Denise, des plaisirs plus simples que lui procure sa fille, m'a beaucoup plu, surtout parce qu'on sent ici une certaine distance entre les personnages et ce monde : certes ils s'y plaisent, et ont de nombreux amis qu'ils "visitent", mais on sent toutefois une dichotomie entre leur amitié, faite de sincérité et de désir d'intimité, et les relations de sociabilité plus superficielles qu'ils doivent entretenir dans leur entourage pour ne pas être exclus de ce cercle et subir les commérages qu'engendrerait l'amitié exclusive qui se construit progressivement entre eux.

     Comme leur vie est surtout remplie de futilités (ce terme est peut-être trop fort et péjoratif, si j'en trouve un meilleur je le changerai) sur lesquelles eux-mêmes ne s'appesantissent pas, leur amitié - ou plus précisément, les sentiments troubles qui naissent entre eux - occupent, sans surprise, une partie majeure de leur correspondance ; si comme moi vous êtes adeptes des romans psychologiques qui laissent une large place aux moments d'introspection, vous allez probablement vous régaler !

Comme je l'ai déjà dit en évoquant le cadre, ce roman porte vraiment une empreinte "XIXème siècle", ce qui entraîne évidemment des tournures et un vocabulaire particuliers... les personnages expriment leurs sentiments d'une manière qui peut aujourd'hui nous sembler excessive, la récurrence du mot "cœur" par exemple peut amuser, et on tombe aussi de temps à autre sur des mots plus rares (et précieux, dans tous les sens du terme) comme "pococurantisme", "pyrrhonnisme", "jaboter", " saboulé"... personnellement ce genre de style (fleuri mais assez simple pour rester compréhensible) me ravit ! Et plus on creuse, plus on se rend compte que sous ce vernis de mots doux rendus presque banals à force d'être répétés, on peut aussi trouver de véritables sentiments, dont les nuances subtiles et changeantes méritent tout à fait d'être décrites avec le soin que leurs auteurs y apportent. Chaque lettre est courte (240 lettres réunies en moins de 400 pages), ce qui rend la lecture facile et fluide, il y a bien quelques lettres plus "fortes" qui marquent un tournant mais globalement le ton reste léger, et c'est surtout en reliant toutes les lettres entre elles qu'on comprend la nature souvent équivoque de leurs liens.
     L'évolution de leur relation au fil des années est touchante et j'ai souvent craint qu'ils basculent dans un extrême ou dans un autre, je dirais que c'est là que se tient la tension dramatique du roman, qui est du reste assez absente (les fâcheux uniquement amoureux d'actions aventureuses grogneront qu'"il ne se passe rien"). On note quand même des étapes dans leur amitié, qui sont marquées par la division du roman en cinq livres, précédés à chaque fois de quelques citations, les trois quarts du temps de Stendhal (qui a également préfacé l'ouvrage).
   

http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/amitieamoureuseitalienne.jpgune édition italienne de 1927 du roman
 

     Seuls (petits) bémols, à lire toutes ces lettres brèves à la suite, on oublie un peu qu'elles s'étalent dans le temps, et ainsi, vers la fin surtout, la succession rapide de sentiments parfois opposés donne une impression d'inconstance plutôt irritante... mais il faut garder en tête le temps qui s'écoule entre chaque lettre pour se rendre compte que tous les revirements décrits dans les lettres ne se font pas en accéléré, mais sont les conséquences du temps qui passe.... (même si personnellement à certains moments je trouve qu'ils vont bien vite quand même !)
    J'ai aussi été régulièrement exaspérée par la représentation de la femme qu'on sent parfois dans l'esprit de nos personnages, plus souvent chez Denise que chez Philippe d'ailleurs : quand elle est faible, elle s'accuse alors d'être "bien femme", et quand elle se montre au contraire forte, Philippe applaudit la "virilité de son caractère".... l'amalgame entre féminité et faiblesse m'a fait fulminer, mais je sais que ça correspond à la mentalité de l'époque... et heureusement, loin de prendre toujours complètement au sérieux cette représentation cliché et insupportable, les personnages jouent avec en l'évoquant parfois avec ironie !

    Pour des raisons personnelles que je ne détaillerai pas ici mais qui sont faciles à deviner (imaginez ce que vous voulez, peu me chaut), cette lecture tombait tout à fait à point pour moi, le thème pouvait être on ne peut plus proche de ce que je vis actuellement, et je me suis donc beaucoup identifiée aux personnages, à Philippe d'abord, puis à Denise dans un deuxième temps (j'avoue ma tendance au bovarysme !). Ce roman m'a tellement parlé qu'il se peut qu'il devienne une de mes bibles. Pour vous donner une idée, sur les 386 pages qu'il comporte, j'ai relevé dans mon carnet pas moins de 38 passages (dont quelques-uns de plusieurs pages) que j'aimerai relire de nombreuses fois, voire connaître par cœur pour certains ! Je m'interdis sur ce sujet d'en dire plus, par peur justement d'en dire trop.
    En tout cas je peux vous recommander cet ouvrage, qui m'a paru plus actuel que bien des romans contemporains que j'ai lus récemment ! Sa lecture m'a été un délice, j'ai souvent souri, et j'ai parfois vraiment été frappée par la justesse de certains propos, comme si ce livre avait été écrit pour moi....

Extraits :
“P.S. : je ne veux pas manquer à mon rôle de femme qui est de mettre les affaires les plus importantes dans un misérable post-scriptum, à la fin d’une lettre pleine de riens.”

Mon ami,
Je suis un peu triste d'être si longtemps sans nouvelles ; cela m'ôte tout courage pour vous envoyer des nôtres.
Vous l'avez éprouvé vous-même : involontairement le silence entraîne à croire qu'on est oublié : la crainte d'être importune achève de couper les ailes à toute pensée désireuse de s'envoler vers l'ami, et on n'écrit pas, et on est triste, et tout cela pourtant n'est qu'un rêve méchant qui hante mal à propos l'esprit inquiet.


Quelles pauvres poupées nous sommes, imaginatives, insatiables, coquettes et tourmentées, sérieuses et légères, insatisfaites toujours ! Notre amitié déjà vieille, quel vent de folie me fait l'agiter, l'animer d'un souffle qui ne peut la rendre ni plus solide ni plus durable ?
Le fond de tout ceci n'est-il pas triste et décevant, et faut-il profaner par une tendresse plus familière cette délicieuse atmosphère d'amour qui m'enivre éperdument et dans laquelle il fait si bon vivre ?
Ah ! toute cette comédie de phrases vous fera-t-elle comprendre mon trouble et mes angoisses ?


http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/critiquefigaroamitieamoureuse.jpg
BONUS :

Pour ceux que ça amuserait, je vous invite à lire une critique de l'époque de ce roman : voyez ICI la critique du Figaro du 18 février 1897. (5ème page, 2ème moitié de la deuxième colonne, en zoomant beaucoup on parvient très bien à lire !)

Mardi 1er novembre 2011

http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/books.jpg
Le 1er novembre 2005, je créais b0uquins sur skyblog.
Depuis, de l'eau a passé sous les ponts, et Bouquins a bien failli mourir cette année, mais j'ai réussi à le ressusciter, et même s'il n'est toujours pas en très grande forme, il est tiré d'affaire et c'est tout ce qui m'importe !

Pas de bilan (j'en ferai un petit fin décembre comme d'habitude), pas de concours ni rien, mais juste cet article en passant pour fêter ses 6 ans d'existence... (-:

Malgré la rareté des mises à jour, les visites ne baissent pas, au contraire... c'est un mystère que je renonce à expliquer, mais bonjour à vous, ô visiteurs silencieux !

(© image : Owen Carson)

Mercredi 16 novembre 2011

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lafemmeetlours.gifEncore une fois, un bouquin issu de la rentrée littéraire que je n'en finis pas de goûter... ! Philippe Jaenada, j'avais aimé sa verve, ses parenthèses, la complicité avec les personnages qu'il nous avait offerts avec le Cosmonaute ; j'en attendais autant avec ce petit dernier... j'avais sans doute mis la barre trop haut... c'est sympa, mais c'est moins bien.

Il me semble qu'il s'est pas mal calmé avec les parenthèses... vous me direz (pour ceux qui connaissent le Cosmonaute) que c'est peut-être un bon point, car les nombreuses parenthèses du Cosmonaute rendaient son discours peut-être un peu dur à suivre par moments. Là, pas de problème de ce genre, c'est très fluide, mais on perd en originalité, et en humour, c'est certain. Ce qui m'avait tant plu dans le Cosmonaute (désolée si ça vous ennuie, mais je suis bien partie pour comparer les deux œuvres tout au long de cet article car dans ma tête elles sont vraiment liées), c'était la distance teintée de raillerie espiègle entre le narrateur et lui-même, si je puis dire. Dans la Femme et l'ours, on a toujours un narrateur à la première personne, mais que j'ai trouvé moins facétieux, même s'il s'agit au final du même genre de personnage - un avatar de l'auteur apparemment, j'ai lu je-ne-sais-plus-où que La Femme et l'ours est le roman le plus autobiographique de Jaenada, le narrateur est effectivement un personnage d'écrivain...

... mais ce qui lie le plus fortement La Femme et l'Ours et le Cosmonaute - seul autre roman de l'auteur que j'ai lu mais je précise qu'il en a écrit bien d'autres, donc on pourrait peut-être faire de multiples autres liens avec le reste de son œuvre, je vous redirai ça quand je connaîtrai tout de lui -, c'est le personnage de la femme de l'auteur, qui semble absolument identique dans les deux romans : il s'agit d'une femme tyrannique et maniaque à laquelle notre narrateur doit se soumettre afin d'éviter les situations explosives.... et là forcément je ne peux m'empêcher de me demander si la femme de l'auteur est vraiment comme ça ! Si oui 1) je le plains et je me demande comment il fait pour la supporter 2) il serait très improbable qu'il ose en faire un tel portrait publiquement ! J'en déduis donc qu'il doit y avoir une bonne part de fiction là-dedans (ou alors, c'est son ex-femme et il se venge mouahaha), bref, on tombe dans des considérations un peu trop people à mon goût alors je ne vais pas épiloguer là-dessus, n'empêche que ce personnage féminin diabolique ne manque pas de charisme et malgré son effet plutôt malfaisant, j'ai été contente de la retrouver ici, au point d'avoir un peu l'impression que la Femme et l'ours est une sorte de suite du Cosmonaute !

Dans le Cosmonaute, on avait surtout un tableau du couple formé par les deux personnages ; là, le personnage de la femme (la femme du titre n'est d'ailleurs pas forcément la femme du narrateur...) est beaucoup plus effacé, on se centre sur le narrateur, qui va d'ailleurs s'éloigner physiquement du foyer conjugal en tentant une sorte de rébellion par la fuite. Je ne continue pas trop sur cette lancée sinon on va m'accuser de tout spoiler (je-m'en-tape !) mais en gros, la narrateur va être entraîné dans des aventures qui l'emmèneront toujours un peu plus loin de chez lui ; ça part d'une broutille réaliste et pffffuit, d'un évènement à un autre il se retrouve embarqué dans une histoire qui pourrait avoir des conséquences bien plus lourdes que tout ce qu'il pouvait imaginer au départ.

La fantaisie qui manquait au début de ce dernier roman (à mon avis) se retrouve au fur et à mesure que les pages se tournent, on sent que l'auteur laisse progressivement libre court à son imagination, ça devient de plus en plus déjanté, au point de m'avoir rendue assez réticente à le suivre dans ses pérégrinations loufoques au bout d'un moment, je me suis vraiment demandée jusqu'où on irait, des scènes crues que le début n'annonçait pas du tout (noooon je ne suis pas mijaurée, seulement, je ne m'y attendais pas c'est tout !) m'ont fait poser le bouquin une minute, le temps de déclarer à ma mère - qui n'en avait strictement rien à faire mais c'est pas grave, j'avais besoin de partager mon ressenti en direct : "Ouuuhlàlà, ça part carrément en vrille là !" Les personnages et l'objet de la "fuite" sont différents, mais ce roman m'a  fait beaucoup penser à Eyes Wide Shut (et donc à l’œuvre littéraire qui a servi de base au film de Kubrick, La nouvelle rêvée, d'Arthur Schnitzler) : on suit le narrateur en se demandant jusqu'où tout cela va le mener !

Le dérapage est cependant contrôlé, le narrateur/auteur retombera sur ses pattes (d'ours), la fin m'a plutôt réconciliée avec les passages que j'ai trouvés excessifs, et une fois le roman terminé, je me dis qu'aller aussi loin était sans doute nécessaire. Le tout est bien ficelé, et à la fin du roman, on considère la situation initiale différemment : nous (enfin, au moins "me")  faire reconsidérer complètement une situation que je jugeais pourtant de manière tranchée et sans tergiverser au début est à mon avis une sorte d'exploit qu'il convient d'applaudir. Si la fin du Cosmonaute me faisait chérir le célibat, celle de la Femme et l'Ours me démontre que les choses ne peuvent pas être jugées de manière aussi simpliste. Un roman qui manque un peu de pêche et s'enlise quelquefois  - toujours en comparant avec le Cosmonaute, mais je crois que vous avez compris à force - un peu plus triste, un peu plus proche de nos vies peut-être ? avec un narrateur très humain qui n'hésite pas à embrasser la déchéance (au moins temporairement, je ne vous dis pas comment ça finit - mais bon sang que d'alcool, c'en est presque saoulant !), l'aspect rocambolesque de ses frasques pimente la lecture et la rend plutôt prenante, et si la fin du roman en décevra forcément certains, pour ma part je trouve que l'évolution du personnage au cours du roman tient tout à fait debout et fait plutôt réfléchir...

Jeudi 24 novembre 2011

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/unsoirdedecembre.jpgQuatrième de couverture : Quarante-cinq ans, une femme, deux enfants, une vie confortable, et soudain l’envie d’écrire, le premier roman, le succès, les lettres d’admirateurs… Parmi ces lettres, celles de Sara, empreintes d’une passion ancienne qu’il croyait avoir oubliée. Et qui va tout bouleverser. Au creux du désir, l’écriture suit la trajectoire de la mémoire, violente, instinctive et trompeuse.

    Delphine de Vigan, je commence à bien la connaître, après avoir lu et aimé No et moi, Jours sans faim et Rien ne s'oppose à la nuit j'ai décidé de lire toutes ses œuvres (et je ne reviens pas sur cette décision d'ailleurs !), et là j'ai encore l'impression de découvrir une nouvelle facette de l'auteur : finalement, le thème si banal en littérature de la relation amoureuse n'avait pas été vraiment approfondi dans les autres œuvres de Delphine que j'ai déjà lues ! Et rien qu'en lisant la quatrième de couverture, on sent bien que c'est ici le thème central autour duquel toute l'histoire se tient. Sujet casse-gueule car déjà abordé des millions de fois et qui peut facilement tomber dans la mièvrerie... ce n'est pas le cas, mais ce roman n'est à mon goût pas exempt de certains défauts malgré tout.

C'est un roman court (moins de 200 pages, avec une grande police), et qui se lit très facilement, et j'ai envie de dire "confortablement" : on n'a pas de mal à suivre, moi qui ai du mal à lire de manière fragmentée et entourée de monde, j'ai fait traîner cette lecture trois jours en picorant des pages dans le bus, dans les couloirs de l'école, et même (chuuut !) en amphi en suivant un cours en même temps, sans que ces conditions défavorables gênent véritablement ma lecture.

    En raison de sa grande fluidité, c'est donc le roman parfait pour les vacances, une petite lecture rapide sans prise de tête (bon je dis ça pour correspondre à un cliché mais en vérité je profite souvent des moments de calme et de solitude en vacances pour me lancer dans des lectures plus longues ou ardues, mais on s'en fiche !). Mais cette "petite lecture" est-elle quand même suffisamment consistante, alors ? ... je ne saurais pas vraiment en juger, mais comme j'ai été vraiment émue par ce roman, qui était exactement ce dont j'avais besoin à ce moment-là, je dirais que oui, même si j'ai eu le sentiment d'un style peut-être un peu moins maîtrisé... je reproche à Delphine d'avoir cédé à certaines tournures un peu faciles : des anaphores surtout, qui permettent de rendre une atmosphère mélancolique à peu de frais, par exemple à l'aide de paragraphes entiers développés autour de la même expression assez simple avec de simples variations (ex : "j'attends...") .

J'ai eu parfois l'impression de me trouver face à une écriture "adolescente", le style m'a paru assez similaire à celui qu'on trouve parfois en parcourant des blogs tenus par des jeunes filles portées sur l'introspection tristounette (attention, je compare le style de Delphine aux blogs les mieux écrits, et il en existe effectivement de qualité !). On a donc une écriture un peu naïve, je comprendrais que ce style puisse agacer mais il a fonctionné sur moi en tout cas (j'espère que cela sera toujours le cas quand je relirai ce roman !)... et je crois qu'on a quand même là une touche propre à l'auteur : comme dans Rien ne s'oppose à la nuit finalement - même si les deux romans sont par ailleurs très différents, qu'il s'agisse du style, du sujet ou de l'ampleur de l’œuvre -  on sent derrière les mots une fragilité, qui peut mettre le lecteur plus ou moins mal à l'aise, mais qui fait en même temps la force du roman, ou en tout cas une grande partie de son charme !

  Et puis si le thème en lui-même n'est pas très original - un homme marié va connaître une lassitude et une nostalgie d'une histoire d'amour ancienne qui va tout remettre en question, en gros - mais c'est quand même assez subtil et poétiquement écrit pour être intéressant... je n'ai pas vraiment réussi à m'attacher au héros, tout en étant proche de ce personnage qui devient de plus en plus secret au fur et à mesure qu'il se retranche en lui-même au sein même de son foyer, on a du mal à savoir quelles sont ses pensées, notamment en ce qui concerne son travail d'écrivain : on sait au début du roman que son premier roman a eu du succès, on voit qu'il a du mal à se remettre à l'écriture, progressivement on en apprend un peu plus sur son rapport à l'écriture, et il y a pas mal de réflexions assez bien trouvées et joliment trouvées sur le pouvoir de l'écriture, sur ce qu'elle permet d'exprimer, mais au fond on ne sait pas trop ce qu'il pense de son travail et de son statut récent d'écrivain... on ignore d'ailleurs tout de ce premier roman qui l'a rendu célèbre ! Ce que je trouve un peu décevant, même si on comprend que ce n'est pas l'essentiel.

    De même, on sait peu de choses sur cette "Sara" qui va revenir dans sa vie et qu'on découvre 'à travers les quelques lettres qu'elle lui a écrites (très belles, je crois que presque tous les passages que j'avais envie de noter sont extraits de ces lettres) et les quelques souvenirs qu'il veut bien nous faire connaître. Cela laisse une certaine distance entre les personnages et le lecteur, qui est assez frustrante mais laisse planer une atmosphère de mystère pas désagréable et finalement bien en adéquation avec le sujet : le héros chez lui ne communique plus avec sa famille, mais celle à qui il pense reste loin de lui... on a tout un tas de barrières, physiques et symboliques, entre les personnages qui ne savent pas trop ce qu'ils veulent et restent toujours isolés les uns des autres d'une certaine façon...

   On sent dans ces personnages un décalage, non seulement entre leur vie réelle et leur vie fantasmée, mais aussi entre leurs rêves et ce qu'ils sont effectivement prêts à réaliser : ni complètement héroïques, ni complètement victimes, ces personnages ne sont pas dénués d'une part de médiocrité qui leur confère une dose supplémentaire d'humanité... et au final je serais bien en peine de les juger. Malgré l'atmosphère un peu ouatée et onirique dans laquelle baigne l'ensemble du roman (les scènes où il est question de désir sexuel par exemple sont plutôt réussies, ni trop prudes, ni trop crues), la fin est plus modérée et réaliste, elle est une façon de ramener le lecteur à terre, certains n'aimeront peut-être pas mais il me semble au contraire que c'est un choix judicieux de l'auteur, qui nous épargne ainsi un "parfait" happy end (ou une fin tragique, je ne vous dis pas comment ça finit !) qui aurait été trop caricatural.

Vendredi 9 décembre 2011

 "D'abord on voit mal la modification. On croit qu'il n'y a qu'un tracas instinctif qui partout vous fait voir l'anormal, l'ambigu, l'angoissant. Puis, soudain, l'on sait, l'on croit savoir qu'il y a, non loin, un l'on sait trop quoi qui vous distrait, vous agit, vous transit. Alors tout pourrit. On s'ahurit, on s'avachit : la raison s'affaiblit. Un mal obstinant, lancinant vous fait souffrir. L'hallucination qui vous a pris vous abrutira jusqu'à la fin.

L'on voudrait un mot, un nom ; l'on voudrait rugir : voilà la solution, voilà d'où naquit mon tracas. L'on voudrait pouvoir bondir, sortir du sybillin, du charabia confus, du mot à mot gargouillis. Mais l'on n'a plus aucun choix : il faut approfondir jusqu'au bout la vision.

L'on voudrait saisir un point initial : mais tout a l'air si flou, si lointain...."


http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/ladisparitiondegeorgeperec.gifCela me fait bizarre de mettre ce livre dans la catégorie "romans contemporains" car Perec est l'un de mes classiques, mais ce livre a été publié en 1969, alors soit, il ne peut s'inscrire dans ma catégorie "romans avant 1960". Il est très connu car il s'agit d'un roman sans le moindre e ; c'est un lipogramme (je note ce mot surtout pour ne pas l'oublier !).

Bon, c'est fâcheux. Perec, tu sais que je t'aime. J'évite de relire Un homme qui dort parce que j'ai peur de l'influence qu'il a sur moi mais il reste LE livre à mes yeux. Et quand Lucie m'a lu à voix haute la fin de W ou le souvenir d'enfance, j'ai eu une grosse envie de pleurer qui m'a beaucoup surprise, c'est la seule fois qu'un extrait d'un livre lu m'a autant touchée. Les choses je ne m'en souviens plus très bien mais cela m'avait plu aussi.

Cela n'a pas été du tout une lecture facile - or il commence à faire froid dehors, il fait trop souvent nuit et c'est une période de partiels, je suis un peu fatiguée, je n'ai pas vraiment l'énergie et la concentration suffisantes pour me plonger avec succès dans des lectures ardues. Si cela n'avait pas été toi j'aurais peut-être même renoncé. Cela ne veut pas du tout dire que ton livre est nul. Je crois même que tu as plutôt réussi ton coup en fait. Parfois c'était pénible et ennuyeux, ennuyeux dans le sens "je suis bien embêtée, j'ai oublié qui est ce personnage alors je ne comprends pas très bien de quoi il parle... je lis dans le vide je suis perdue, au secours !". Heureusement, à chaque fois j'ai fini par raccrocher les wagons. De temps en temps je me suis arrêtée avec délices sur certains passages vraiment beaux et étonnants que j'ai relus et notés, cf l'extrait en début d'article.

Je m'attendais à un style plus obscur
que ça en fait... mais ce qui m'a gênée, plus que l'absence de e, c'est la profusion des personnages, le fait que ça parte un peu dans tous les sens : ils racontent des trucs qui leurs sont arrivés, en lien avec d'autres personnages qui viennent s'ajouter, dans des lieux et époques différentes, et puis c'est une sorte d'enquête policière, autour de la disparition d'un personnage puis plusieurs, liée à quelque chose mais on-ne-sait-pas-quoi, enfin tout cela fait évidemment référence à la forme même du livre et à l'absence du e mais les personnages ne le savent pas et on finit par se prendre au jeu en les accompagnant tant bien que mal dans leurs recherches pleins de trous, et qui est finalement peut-être plus profonde qu'on ne le croit au départ... mais il y a beaucoup de non-dits, de trucs qui restent en suspens et qui font que le fil directeur de l'intrigue m'a paru souvent fragile et emmêlé !

Je reproche aussi à l'auteur un certain manque de concision. Bien sûr, pour dire des choses sans utiliser les très nombreux mots sans e, Perec doit avoir recours à des périphrases et ça donne des tournures parfois emberlificotées et biscornues... mais ça c'est plutôt un bon point, d'avoir réussi à écrire un texte lisible malgré cette horrible contrainte. Mais Georges est tellement virtuose qu'il a parfois fait du zèle, de temps en temps j'ai vraiment eu le sentiment qu'il s'est compliqué la tâche encore plus : ses énumérations par exemple auraient souvent pu être plus courtes. On a une phrase pas compliquée, qui se tient, sans e, bravo, mais hop Georges l'enrichit en rajoutant encore deux-trois synonymes ! Générosité stylistique qui rend son exploit encore plus éclatant, mais qui alourdit le texte hélas... (aaah et puis j'ai du mal à supporter la tournure "l'on" mais ça c'est un avis strictement personnel et j'ai fini par m'y habituer)

Mais raaah je dis des bêtises, comment lui reprocher ses formulations sinueuses et qui tournent autour du pot, je pense que ça aussi c'est fait exprès, et ça colle avec le thème, oui... si on se met deux minutes au niveau des personnages : des gens ont disparu on ne sait pas où ni pourquoi, on cherche à comprendre, on sent confusément que c'est lié à un secret, quelque chose qui tue quand on le découvre, quelque chose qui nous manque, on ne sait pas quoi, on veut trouver, mais en même temps on sait que cette quête est très dangereuse, alors que faire ? On cherche, on cherche, ça prend du temps, c'est énervant, on a l'impression de tourner en rond, ou bien au contraire de s'éloigner de la piste de départ au fur et à mesure qu'on avance, rien n'est simple.

Nous, lecteurs, face aux questions des personnages on a d'abord à moitié envie de leur dire "mais enfin voyons vous vivez dans un monde sans e !" mais en s'habituant progressivement à leur monde, on finit par être aussi perdus qu'eux... quand j'ai réussi à lire assez longtemps, à me sentir un peu plus proche de l'univers du livre, lire ce roman est devenu une expérience plus "facile" (dans le sens où lire se faisait enfin tout seul, sans efforts) et prenante, mais en même temps rageante, frustrante, voire assez déprimante. En tout cas, très inconfortable et déstabilisante, le style est vraiment particulier, on comprend certes mais quelque chose cloche, lire n'est plus une activité familière, on ne se sent pas en terrain connu, mais plutôt étranger, limite indésirable dans cette histoire à laquelle on finit pourtant par s'attacher parce que ça a aussi un côté très poétique, le rythme est fascinant, impression de tangage...

Alors je suis loin d'être indifférente, et à mes yeux un bon livre (définition non exhaustive !) est un livre riche, auquel je puisse croire, qui me fasse de l'effet, et c'est bien le cas avec la Disparition ; mais cette atmosphère lourde n'est pas évidente à supporter, même si elle est souvent allégée par le plaisir du jeu avec les mots, la destruction et modification d'expressions "cliché" par exemple est savoureuse ; mais j'admets que cet aspect n'est pas celui qui a le plus compté dans mon ressenti, comme vous avez pu le comprendre !

(enfin on peut bien sûr rapprocher le e manquant et "eux", càd les parents de l'auteur disparus pendant la Seconde Guerre Mondiale... mais je ne suis pas là pour vous faire un cours et on n'a pas besoin de savoir ça pour apprécier le texte !)


Quatrième de couverture :

« Trahir qui disparut, dans La disparition, ravirait au lisant subtil tout plaisir. Motus donc, sur l'inconnu noyau manquant - "un rond pas tout à fait clos finissant par un trait horizontal" - , blanc sillon damnatif où s'abîma un Anton Voyl, mais d'où surgit aussi la fiction. Disons, sans plus, qu'il a rapport à la vocalisation. L'aiguillon paraîtra à d'aucuns trop grammatical. Vain soupçon : contraint par son savant pari à moult combinaisons, allusions, substitutions ou circonclusions, jamais G.P. n'arracha au banal discours joyaux plus brillants ni si purs. Jamais plus fol alibi n'accoucha d'avatars si mirobolants. Oui, il fallait un grand art, un art hors du commun, pour fourbir tout un roman sans ça ! »
Bernard Pingaud.



Autres extraits :
- Début du roman.

- [autres extraits à venir...]


Remarque personnelle hors-sujet :
Peut-être que ce blog va "encore" changer. La forme de ses articles je veux dire. Je lis moins qu'avant, et de manière différente : plus lentement, j'entretiens depuis quelques mois un rapport plus fort avec les livres que je lis, enfin non, peut-être pas plus "fort", mais j'ai plus de difficultés qu'avant à passer d'un livre à un autre : même des lectures courtes, j'ai tendance à les faire traîner, je me sens moins avide de finir un livre rapidement, quand la fin est imminente j'angoisse presque (mais d'un autre côté je regrette de lire si peu, contradiction quand tu nous tiens !), quand j'ai terminé un livre je veux écrire au moins quelques mots ici à son sujet mais ce n'est plus pressé et il se passe plusieurs jours avant que je parvienne à commencer une nouvelle lecture. Alors peut-être que les articles seront encore plus personnels et blablateux (et donc potentiellement moins intéressants pour vous mais là n'est pas la question), ou au contraire plus courts, je sais pas... mais j'aimerais si je le peux me détacher de cette manière trop "scolaire" à mes yeux que j'ai de parler de mes lectures, manière un peu rigide et qui ne correspond plus forcément à mon rapport aux livres ces derniers temps.

Samedi 7 janvier 2012

http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/Bartlebylecturesolitairesocial.png
2012 a déjà commencé et je n'ai pas donné signe de vie ici depuis presque un mois, mais peu importe, il n'est jamais trop tard pour bien faire ! Comme je vous le disais début décembre, je sens que ce blog doit évoluer mais je ne sais pas comment. Ces dernières semaines j'ai même songé à faire un nouveau blog où je réunirais des bavardages autobiographiques et mes avis sur des livres, des films voire de la musique, mais... je doute d'être capable de tout réunir et l'idée de fermer Bouquins me fait vraiment trop mal au cœur, alors je tente une énième (dernière ?) fois de revenir ;)

Livresquement parlant (et pas seulement livresquement d'ailleurs, mais bref), 2011 n'a vraiment pas été terrible, surtout la première moitié : j'ai seulement lu 51 livres [liste ici], alors qu'auparavant je lisais une centaine de livres chaque année (116 en 2010 par exemple). Grosse baisse de régime, blog mort la moitié du temps... arf. Enfin, même si ce n'est pas flagrant ici, je vais quand même mieux depuis quelques mois alors j'ai bon espoir pour 2012 ! Mes études (en métiers du livre, je le rappelle) me plaisent beaucoup, en aucun cas je ne regrette mon choix, je n'ai jamais autant baigné dans les bouquins et je sais que c'est là-dedans que j'ai envie de trouver ma place ! J'ai hâte de passer aux choses concrètes avec mon stage en bibliothèque en avril, et j'espère bien trouver du travail ensuite... mais chaque chose en son temps !

Point très positif
quand même : 2011 a été pour moi l'année de la (re)découverte des bandes dessinées, moi qui n'en lisais qu'exceptionnellement, j'en ai lu une cinquantaine en quelques mois [liste là], je n'en lis presque plus depuis septembre mais ça me manque, dès que je vivrai de nouveau près d'une médiathèque assez proche de chez moi et bien fournie, je me replongerai avec délices dans cet univers beaucoup plus beau et riche que ce que j'imaginais ! Trois éléments ont déclenché ce nouvel appétit chez moi : les conseils d'une amie, la découverte du très bon rayon BD de la médiathèque que j'ai fréquentée jusqu'en août, et les chroniques vidéo de Pénelope Bagieu, qui m'ont fait découvrir plein de trucs chouettes donc je vous les recommande !!!

[ Coups de cœur de l'année ]


- Les Mouflettes d'Atropos et Dans ma maison sous terre, de Chloé Delaume : partie comme je suis, je me sens prête à aimer n'importe quel livre de cet auteur. C'est pas facile-facile à lire, il faut avoir un minimum de temps et de concentration pour entrer dedans et je comprendrais que ce genre d'écriture en rebute plus d'un, mais si vous laissez tomber sans effort j'aurais tendance à penser que vous perdez vraiment quelque chose : j'accroche fermement pour ma part, si je devais vous donner une idée du thème de son œuvre je dirais [de manière tout à fait simpliste] qu'il s'agit d'autofiction pas très gaie, mais à l'écriture jouissive et terriblement originale, dans les Mouflettes d'Atropos une prostituée misandre émascule ses clients, tandis que l'héroïne de Dans ma maison sous terre (qui correspond en tous point à l'auteur Chloé Delaume, qui se définit elle-même comme un personnage fictif) va dans un cimetière pour y écrire le livre haineux qu'on a entre les mains, et qui a bout but de tuer la grand-mère de l'auteur. Bref, j'aime Chloé Delaume, je ne le dirai jamais assez et je crois bien que vous n'avez pas fini d'en entendre parler : je suis actuellement en plein dans Certainement pas (un autre de ses romans, vous l'avez compris), et j'ai commandé avant-hier en librairie son dernier-né, Une femme avec personne dedans - les premières pages sont en ligne ici.

- Aurélien, de Louis Aragon : on me l'avait tellement conseillé que je m'attendais à aimer encore plus je dois dire, tous les passages "mondains" qui ont surtout un intérêt historique en nous donnant un aperçu de la vie parisienne des années 20 me sont parfois passés un peu au-dessus de la tête... mais certaines pages décrivant l'état amoureux sont parmi les plus belles que j'ai lues de ma vie, c'est pourquoi ce livre m'a dérangée, hantée pendant un bon moment... il mérite donc sa place dans cette liste.

- Amitié amoureuse, de Hermine Lecomte du Noüy : un beau roman épistolaire de 1897 et réédité cette année, cf mon article.

- Et rester vivant, de Jean-Baptiste Blondel : émouvant et contrairement à ce que laisse présager son titre, échappe à la niaiserie, cf mon article.

- Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, de Stig Dagerman. Un texte de 1952 écrit juste avant le suicide de son auteur, très court et qui m'a fait un effet choc sur le moment, je n'ose pas le relire et suis incapable de vous en parler plus. (à lire ici - les Têtes Raides en ont également proposé une version musicale - intégrale - que vous pouvez écouter )

- Le Seigneur des Anneaux, de J. R. R. Tolkien : j'avais lu les 2 premiers tomes il y a quelques années, des articles sans intérêt doivent d'ailleurs traîner sur ce blog... j'ai relu ces deux tomes pendant l'été et ça a été un bonheur incroyable, une lecture encore plus agréable que la première fois ! Hélas la rentrée m'a empêchée de lire la fin de trilogie, que je connais donc toujours pas... (lire Tolkien sans avoir le temps de m'y immerger complètement me semble du gâchis, alors j'attendrai le moment propice pour achever enfin cette lecture)

- La Douleur, de Marguerite Duras : j'avais lu l'Amant il y a quelques années et j'étais passée complètement à côté. Là, ses mots ont fait mouche, derrière leur froideur et leur apparente simplicité je sens un truc que je n'arrive pas à définir mais qui rend ce texte très grand à mes yeux. Son thème aide aussi : Marguerite Duras attend le retour des camps de Robert Antelme après la fin de la seconde guerre mondiale, sans savoir s'il est encore vivant ou pas... cela m'a donné envie de lire d'autres livres de Duras, et l'Espèce humaine de Robert Antelme, que j'ai déjà prévu de lire depuis bien longtemps.

 
(je vous parlerai peut-être enfin des BD une autre fois)

Bonne année à tous !

Dimanche 9 septembre 2012

 Une éternité après, je remets ce blog en ligne et me décide à donner quelques nouvelles, au cas où quelques anciens fidèles de ce blog vraiment très persévérants repasseraient par ici par le plus extraordinaire des hasards. 

Je suis donc toujours en vie, j'ai fini mes études, je vis à nouveau dans la ville où j'ai fait ma licence et en suis très contente ; et depuis deux semaines, je travaille en médiathèque (après un premier stage d'avril à juin).

Le mois dernier, j'ai commencé un nouveau blog où je dépose des avis très subjectifs, plus ou moins longs et pertinents (enfin c'est moi qui blablate, vous savez comment je procède si vous avez connu Bouquins pendant ses années de vie...) sur des films, des romans, des bandes dessinées, et de la musique, enfin un peu tout ce que je mange culturellement parlant. Je ne fais évidemment aucune promesse quant à la qualité des articles / fréquence de publication / durée de vie de ce nouveau blog (qui était pour le moment sous mot de passe et commentaires désactivé) ; je tente de me ré-ouvrir au monde sur Internet (car dans la vraie vie étant donné mon travail vous vous doutez bien que je communique sans arrêt avec mes semblables héhé),
rendez-vous donc sur SPECTABOU pour de nouvelles aventures

Même s'il ne sera plus mis à jour, Bouquins restera en ligne (nostalgie oblige, et je ne vois pas pourquoi je tuerais presque 6 années de souvenirs de lectures !) et je vais essayer de faire quelque chose pour lui redonner des couleurs un peu plus avenantes (s'il a cette tête grisâtre pour le moment ce n'est pas de ma faute, un bug me bloque mais j'espère bien qu'un gentil administrateur va m'aider à résoudre le problème).

A bientôt sur mon nouveau blog, cher visiteur égaré ! (je répète, par ici : http://spectabou.cowblog.fr)

MeL

http://media.tumblr.com/tumblr_m4w8jaNnKI1qzyqjb.gif

Lundi 14 avril 2014

Cowblog va bientôt supprimer tous les blogs inactifs depuis trop longtemps - comme je souhaite que Bouquins reste en ligne, je crée donc cet article pour le sauver - et vous rappelle du même coup que je m'occupe toujours comme je peux de son successeur (qui n'est pas cantonné aux romans ni même aux livres) : http://www.ferioj.fr

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"Un livre est une fenêtre par laquelle on s'évade." Julien Green

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