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Quatrième de couverture : L'histoire se passe au Moyen Age, à la cour du roi Arthur, pendant le festin de l'Ascension. Un prince étranger, le noir Méléagant, vient troubler la fête : il lance un défi au roi, bat en duel son malheureux sénéchal et, pour prix de sa victoire, enlève la reine Guenièvre.
Alors paraît un chevalier venu de nulle part, le vaillant et preux Lancelot, qui entreprend de la délivrer...
Le récit de cette quête initiatique est, au même titre que la légende de Tristan et Iseut, une bible romanesque de la pensée courtoise. Plus qu'un art d'aimer, c'est un art de vivre.
Mon avis : troisième œuvre de Chrétien de Troyes que je lis, et je crois bien que c'est celle que je préfère !!! Perceval et le conte du Graal était assez sympathique à lire mais l'aspect religieux prenait trop de place à mon goût ; et j'ai reproché à Yvain, héros du Chevalier au lion, de parfois préférer son honneur à sa dame... les valeurs chevaleresques peuvent être très belles mais je trouve que Perceval et Yvain sont plus vaillants que galants, et ça m'avait quand même un peu déçue... tandis que Lancelot est à mes yeux le chevalier parfait puisqu'il n'hésite pas à tout faire pour séduire celle qui fait battre son cœur (vous voyez que je peux être niaise, des fois), quitte à subir le blâme des autres chevaliers trop conventionnels !
La religion, et même la morale, m'ont semblé moins écrasantes que dans les deux autres contes que j'ai déjà lus ; les références à Dieu sont finalement assez rares. Les hyperboles propres au style moyen-âgeux, m'ont paru moins lourdes, peut-être parce qu'elles sont formulées de façon moins répétitive ? (ou alors c'est moi qui me suis habituée à ce style, je ne sais pas....) Et on peut deviner parfois une certaine distance entre l'auteur et son discours, les exploits de Lancelot sont parfois loués avec une telle emphase qu'on sent une touche d'ironie ! Ironie qui apparaît aussi sous d'autres formes, dans les paroles mêmes des personnages, qui ne sont pas si vertueux que ça.
J'ai adoré le personnage de Guenièvre, malgré son air impitoyable elle n'est pas si farouche que ça (mais elle est sadique quand même, ahah) (et un peu masochiste aussi, mais vous comprenez, un amour aussi absolu que le leur entraîne bien un peu de soumission, d'un côté comme de l'autre !). J'ai d'ailleurs été très surprise et amusée par la scène de la "nuit d'amour", je ne pensais pas du tout trouver une scène de ce genre chez Chrétien de Troie (bon, rien de porno non plus hein, qu'est-ce que vous allez imaginer... mais quand même) ! J'ai aussi été étonnée de constater que personne ne semble d'offusquer du caractère illégitime de l'amour entre Guenièvre et Lancelot, alors qu'elle est la femme du roi Arthur, rien que ça ! On a même droit à un quiproquo scabreux que j'ai trouvé plutôt drôle. De manière générale, j'ai aimé le rôle que tiennent les personnages féminins dans ce conte, elles agissent et ne sont pas simplement des "lots de récompense".
Les aventures que connaît Lancelot, même si elles ne sont pas très originales (on garde le schéma classique du roman de chevalerie), ne m'ont pas ennuyée, les scènes que j'ai le moins appréciées sont celles qui décrivent les combats, mais je les ai trouvés quand même relativement variées et inventives, on visualise facilement la scène. Ces scènes d'action, et le fait que le narrateur s'adresse assez régulièrement au lecteur/à son auditoire, animent le texte et j'imagine bien à quel point ces récits pouvaient avoir de succès au Moyen Âge !
Les notes de mon édition (pas trop longues, pas trop fréquentes, pertinentes... j'ai apprécié celles que j'ai lues !) m'ont permis de mieux comprendre le second degré du texte, on voit que chaque épreuve est significative, et que le tout représente un vrai cheminement symbolique ; les analyses psychanalytiques proposées ne m'ont pas semblé dénuées d'intérêt (même si j'avoue que je ne les ai pas toutes lues jusqu'au bout, je n'avais pas envie de faire une lecture très poussée). J'ai trouvé la traduction satisfaisante (j'ai eu à traduire des textes d'ancien français à la fac et je peux vous assurer que ce n'est pas évident de trouver des formulations en français moderne qui restent fidèles au texte original sans être lourdes !), un peu plus archaïsante que ce mon prof nous recommandait mais rien qui choque vraiment à la lecture.
Extraits :
"Parler l'importune car il préfère s'enfoncer dans ses pensées. Amour ravive fréquemment la plaie qu'il lui a faite. Jamais on n'y mit d'emplâtre pour la guérir et lui faire recouvrer la santé car le blessé n'a cure des remèdes et des médecins tant que sa plaie ne porte pas atteinte à sa vie ; on dirait au contraire qu'il recherche avec délectation à en souffrir..."
"Puisqu'il est mort, je suis bien lâche de rester encore en vie. Mais la vie ne doit-elle pas m'être moins insupportable si en lui survivant je tire tout mon bonheur des tourments que j'endure pour lui ? Si après sa mort, je trouve là ma consolation, alors, quel bonheur lui aurait causé, quand il était encore en vie, cette souffrance dans laquelle je me délecte ! Elle est bien lâche celle qui préfère mourir plutôt que de souffrir à cause de son ami. Certes il m'est doux de supporter le plus longtemps possible ma douleur : je préfère vivre et souffrir la rigueur du destin que de mourir pour trouver un repos éternel."