Mercredi 21 juillet 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/Nadja.jpgQuatrième de couverture : Nadja est un récit autobiographique d'André Breton. Avec le ton neutre du « procès-verbal », du document « pris sur le vif », Breton rend compte « sans aucune affabulation romanesque ni déguisement du réel » des événements quotidiens survenus durant 9 jours entre lui et une jeune femme inconnue rencontrée le 4 octobre 1926 à Paris.

"J'ai pris, du premier au dernier jour, Nadja pour un génie libre, quelque chose comme un de ces esprits de l'air que certaines pratiques de magie permettent momentanément de s'attacher, mais qu'il ne saurait être question de se soumettre... J'ai vu ses yeux de fougère s'ouvrir le matin sur un monde où les battements d'ailes de l'espoir immense se distinguent à peine des autres bruits qui sont ceux de la terreur et, sur ce monde, je n'avais vu encore que des yeux se fermer.


Mon avis : Quelle lecture étrange. Il y a deux ans (je crois), j'avais emprunté ce livre, qui était en mauvais état, je n'ai rien compris à la première page que j'ai détestée et j'ai rendu ce livre. C'était donc non sans appréhension que j'ai de nouveau emprunté ce bouquin (dans une édition plus récente), et que je me suis relancée dedans.

Le titre et la quatrième de couverture nous font croire que cette femme, Nadja, est le centre de ce roman... ce qui n'est pas faux, sauf que sur 190 pages, Nadja n'apparaît qu'à la 71ème. Et autant dire que les 70 pages ont été difficiles pour moi.... surtout les dix premières. André Breton part dans des digressions (je ne sais pas pourquoi je dis "pars" car impossible de vraiment discerner le fil conducteur, tout ne m'a semblé être que des digressions, donc, ces réflexions peuvent-elles porter le nom de digressions ? Je ne sais pas.) J'ai saisi, en très gros, qu'il commençait par poser la question "qui suis-je ?", et, à partir de là, il se demande ce que cette question implique, etc, et j'ai été très souvent larguée. Au milieu de tout ça, on a quelques réflexions de critique littéraire, puis il évoque une pièce de théâtre, des relations qu'il a avec d'autres écrivains... le tout m'a semblé très mondain et incompréhensible. Je ne dis pas que tout cela est dénué d'intérêt : seulement, tout ces passages ne sont pas encore pour moi. Mais je persévère, je reste intriguée et j'espère qu'un jour, qui ne surviendra peut-être que dans quelques décennies, je relirai tout cela en ayant l'impression que c'est beaucoup plus clair.

Heureusement, l'apparition (enfin !) de Nadja a bien avivé mon intérêt pour ce livre. Tout ne s'est pas éclairci, loin de là, et encore fréquemment, André s'égare (ou plutôt, M'égare) dans des réflexions obscures pour moi, mais tant pis, je me suis accrochée et je me dis que ce flou donne aussi un certain charme au roman (mais est-ce un roman ?). Mais qui est Nadja ? Une inconnue qu'il va rencontrer par hasard à Paris, à plusieurs reprises... là, au moins, je me suis sentie presque l'égale de l'auteur, qui ne la connaissait pas avant  (lui qui auparavant ne cessait d'évoquer des choses qu'il semblait parfaitement maîtriser et qui m'étaient inconnues !) et nous fait connaître ses impressions sur elle.... nous les suivons tous les deux, tout le livre est régulièrement illustré de photographies des lieux parcourus, des personnalités dont il est question, d'affiches, de dessins...  et on essaie, nous aussi, de comprendre qui est Nadja, question peut-être un peu vaine puisqu'il s'agit d'une femme mystérieuse, fascinante, je ne saurais pas du tout comment la définir ni résumer sa relation avec André.

Même si je me suis très souvent sentie perdue, suite à la première apparition de Nadja je me suis laissée emporter par ma lecture, je me suis "décrispée" je dirais, et j'ai eu envie de noter de nombreux passages que j'ai trouvés très beaux (du coup j'ai noté les pages pour les retrouver après ^^)

Une lecture qui m'a déconcertée, dont j'ai bien du mal à parler de façon satisfaisante (mais de toute façon, parler d'un livre de façon satisfaisante, qu'est-ce que ça veut dire ?), mais qui m'a plongée dans une ambiance étrange et finalement, pas désagréables, malgré les 70 premières pages qui ont pour moi été assez pénibles. J'ai bien peur que cet avis ne vous décourage, et pourtant, je pense que cela vaut le coup de dépasser ces difficultés... d'autant plus que certaines personnes ont peut-être compris ce livre bien mieux que moi, qui suis passée forcément à côté de tant de choses que je ne désespère pourtant pas d'atteindre plus clairement un jour.... cette rencontre avec Nadja n'a pas été tout à fait manquée pour moi étant donné que certaines pages m'ont ravie et que le tout m'a perturbée, mais pour tout apprécier, c'est encore bien trop tôt pour moi. Pour l'heure, j'ai envie de continuer ma découverte à tâtons du surréalisme (dont je n'avais jusqu'à aujourd'hui qu'une connaissance théorique, en-dehors de quelques poèmes), peut-être avec L'Amour fou du même auteur ?

Quelques extraits :
"J'ai toujours incroyablement souhaité de rencontrer la nuit, dans un bois, une femme belle et nue, ou plutôt, un tel souhait une fois exprimé ne signifiant plus rien, je regrette incroyablement de ne pas l'avoir rencontrée."

"Je suis contraint d'accepter l'idée du travail comme nécessité matérielle (...). Que les sinistres obligations de la vie me l'imposent, soit, qu'on me demande d'y croire, de révérer le mien ou celui des autres, jamais. Je préfère, encore une fois, marcher dans la nuit à me croire celui qui marche dans le jour. Rien ne sert d'être vivant, le temps qu'on travaille."

"Qui étions-nous devant la réalité, cette réalité que je sais maintenant couchée aux pieds de Nadja, comme un chien fourbe ?"

"Ne pas alourdir ses pensées du poids de ses souliers."

"Toi qui fais admirablement tout ce que tu fais et dont les raisons splendides, sans confiner pour moi à la déraison, rayonnent et tombent mortellement comme le tonnerre."

Vendredi 23 juillet 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/lliiiissstes.jpgEnvie de faire le bilan de plusieurs listes qui me plaisent :

 
1) La liste des 1001 livres qu'il faut avoir lus dans sa vie.
Un gros livre qui vaut surtout le coup pour la sélection de romans du XXème siècle qu'il propose, ouvrage collectif, dirigé par Peter Boxall, avec la participation de Jean d'Ormesson, Peter Ackroyd... (environ 160 collaborateurs au total - étudiants, journalistes, chercheurs, écrivains...), je vous en avais déjà parlé ici, il y a 2 ans jour pour jour. A l'époque, j'avais lu 5,5% de cette liste.
=> Aujourd'hui = 89 livres lus soit 8,9 %


2) La Liste des 100 romans incontournables :
Liste établie par Pierre Vavasseur éditée en Librio, je vous en avais déjà parlé il y a un peu plus d'un an ici.
L'année dernière : 20% lu
=> Aujourd'hui : 26 %

3) La liste des 139 livres incontournables selon les Livraddictiens :
Une toute nouvelle liste que vous jugerez peut-être plus représentative et intéressante que les deux autres : liste compilée par Mélusine à partir de 78 mini-listes de 20 titres proposées librement par les membres du forum (topic qui a permis de la créer ici). La voici :

(Les nombres à droite indiquent le nombre de voix que chaque titre a recueilli / en gras, ceux que j'ai lus / soulignés, les titres qui sont dans ma PAL ou dans des Challenges / en italique, des livres que j'avais déjà prévus de lire un jour)

=> 85 lus sur 139 soit 61%
une dizaine dans ma PAL
...

(pour ceux que ça intéresse, un challenge à partir de cette liste est proposé ICI)

1    Rowling, JK    Harry Potter ( série)    47
2    Tolkien, J. R. R.    Le Seigneur des anneaux (série)    27
3    Austen, J.    Orgueil et préjugés    19
4    Brontë, E.    Les hauts de Hurlevent     15
5    Orwell, G.    1984    15
6    Saint-Exupéry    Le Petit Prince    15
7    Brontë, C.    Jane Eyre    14
8    Laclos, C.    Les Liaisons Dangereuses    14
9    Wilde, O.    Le portrait de Dorian Gray    13
10    Barjavel, R.    La Nuit des temps    12
11    Suskind, P.    Le parfum    12
12    Shakespeare    Roméo et Juliette    11
13    Christie, A.    Les dix petits nègres    11
14    Meyer, S.    Fascination / Twilight (série)    11

15    Vian, B.    L'écume des jours    11
16    Keyes    Des fleurs pour Algernon    10
17    Stoker, B.    Dracula    10
18    Rostand, E.    Cyrano de Bergerac    9

19    Mitchell    Autant en emporte le vent    9
20    Nabokov, V.    Lolita    9
21    Werber, B.    Les Fourmis (trilogie)    9
22    Zola, E.    Au bonheur des dames    9

23    Baudelaire, C.    Les Fleurs du mal    9
24    Lévi, P.    Si c'est un homme    8

25    Dumas, A.    Les trois mousquetaires    8
26    Herbert    Dune    8
27    Pagnol, M.    Souvenirs d'enfance    8
28    Pennac, D.    Saga Malaussène (Bonheur des ogres, M. Malaussène, Marchande de prose)    8
29    Voltaire    Candide    8
30    Franck, A.    Journal    7

31    Alcott, L. M.    Les quatre filles du Dr March    7
32    Dahl, R.    Charlie et la chocolaterie    7
33    Gavalda, A.    Ensemble, c'est tout    7

34    Hobb    L'assassin royal (série)    7
35    King, S.    La Ligne verte    7
36    Lee    Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur    7
37    Pullmann    A la croisée des mondes (série)    7
38    Schmitt, E.-E.    Oscar et la dame rose    7
39    Goscinny, R.    Astérix (série)    7

40    Barrie, JM    Peter Pan    6
41    Bottero    Le pacte des Marchombre (trilogie)    6
42    Bradbury, R.    Fahrenheit 451    6
43    Brown    Da vinci code    6

44    Chattam, M.    Trilogie du mal    6
45    Conan Doyle, A.    Sherlock Holmes (série): pref le chien des baskerville    6
46    Goodkind    L'épée de vérité (série)    6
47    Hugo, V.    Le dernier jour d'un condamné    6
48    Huxley, A.    Le meilleur des mondes    6
49    Kafka    La métamorphose    6

50    Larsson, S.    Millenium (série)    6
51    Maupassant    Une vie    6
52    Werber    Les thanatonautes    6
53    Zola, E.    Germinal    6
54    Barjavel    Ravage    5

55    Barrows & Shaffer    Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates    5
56    Briggs    Mercy Thompson (série)    5
57    Hugo, V.    Les Misérables    5
58    King    Shining    5
59    Lehane D.    Shutter Island    5
60    Lenteric    La nuit des enfants rois    5
61    Maupassant    Le Horla    5
62    Orwell, G.    La ferme des animaux    5
63    Schmitt, E.-E.    La part de l’autre    5
64    Pennac, D.    Comme un roman    5
65    Anouilh    Antigone    4

66    Asimov    Fondation    4
67    Auel    Les enfants de la terre (série)    4
68    Barjavel    L’enchanteur    4
69    Bottero    La Quête d'Ewilan (trilogie)     4
70    Brown    Anges et démon    4
71    Caroll    Alice au pays des merveilles    4
72    Cohen    Belle du Seigneur     4
73    Dahl, R.    Matilda    4
74    Eddings    La belgariade    4
75    Feist    Krondor (série)    4
76    Flaubert    Madame Bovary    4
77    Folett    Les piliers de la terre    4
78    Golden, A.    Geisha    4
79    Goscinny    Le petit Nicolas    4
80    Hickock, L. A.    L'histoire d'Helen Keller    4
81    London, J.    Croc-Blanc    4

82    Maupassant    Bel-Ami    4
83    Pratchett     Les Annales du Disque-Monde    4
84    Rice, A.    Entretien avec un vampire (et chroniques)    4
85    Steinbeck    Les Raisins de la colère    4
86    Steinbeck    Des souris et des hommes    4
87    Cocteau    La Machine infernale    3
88    Molière    Le médecin malgré lui    3
89    Molière    Dom Juan    3
90    Sartre    Huis-clos    3

91    Shakespeare    Othello    3
92    Shakespeare    Hamlet    3

93    Blackman    Entre chien et loup    3
94    Bottero    Les Mondes d'Ewilan (trilogie)    3
95    Camus    L'étranger    3
96    Claudel    La petite fille de monsieur Linh    3
97    Coben, H.    Ne le dis à personne    3
98    Coelho    L'Alchimiste    3

99    Collins, S    The Hunger Games (série)    3
100    Dick, P. K    Ubik    3
101    Dostoïevski    Crime et Châtiment    3
102    Du Maurier, D.    Rebecca    3
103    Eco    Le nom de la rose    3
104    Ellory    Seul le silence    3
105    Fforde    Thursday Next (série)    3
106    Gavalda, A.    L'échappée belle    3
107    Gemmell    Waylander    3
108    Homère    L'Illiade    3
109    Jacq, C.    Ramsès (série)    3
110    Kessel    Le Lion    3
111    King    Ca    3
112    Kundera    L'insoutenable légèreté de l'être    3
113    Lewis, R.    Pourquoi j'ai mangé mon père    3
114    Maupin, A.    Chroniques de San Francisco    3
115    Murail M. A.    Oh boy    3
116    Murail, M. A.    Simple    3
117    Nothomb    Hygiène de l'assassin    3
118    Nothomb    Métaphysique des tubes    3
119    Nothomb    Stupeur et tremblement    3
120    Orsenna    La grammaire est une chanson douce    3
121    Pef    Motordu    3

122    Sa, S.    La joueuse de go    3
123    Ségur, Ctesse   Les Malheur de Sophie, Les petites filles modèles, Les vacances,    3
124    Sije, D.    Balzac et la petite tailleuse chinoise    3

125    Simmons    Les Cantos d'Hypérion    3
126    Simmons    L'échiquier du mal    3
127    Stendhal    Le Rouge et le Noir    3
128    Verne    Le tour du monde en 80 jours    3

129    Verne    Voyage au centre de la terre    3
130    X    L'herbe bleue    3
131    Zafon, C. L.    L'ombre du vent    3

132    Zelazny    Le Cycle des Princes d'Ambre (série)    3
133    Zimmer Bradley, M    Les Dames du Lac (série)    3
134    Zola, E.    L'Assommoir    3
135    Zola, E.    Nana    3
136    Zusak    La voleuse de livres    3
137    Zweig    Le Joueur d'échecs    3
138    Zweig    La pitié dangereuse    3
139    Zweig    Lettre d'une inconnue    3


 Je n'ai pas envie de faire de challenge* à partir de ces listes,
que je trouve néanmoins très intéressantes
car bourrés d'idées de lectures souvent alléchantes....
Je continuerai à faire des bilans
pour évaluer ma progression de temps en temps.

*
comme j'ai tout de même envie d'améliorer au fil des ans mes "scores", il serait plus juste que je considère qu'il s'agit d'un challenge personnel et implicite ;)

Mercredi 28 juillet 2010


Quatrième de couverture : Dans l'Angleterre du XIIème siècle ravagée par la guerre et la famine, des êtres luttent chacun à leur manière pour s'assurer le pouvoir, la gloire, la sainteté, l'amour, ou simplement de quoi survivre. Les batailles sont féroces, les hasards prodigieux, la nature cruelle. Les fresques se peignent à coups d'épée, les destins se taillent à coups de hache et les cathédrales se bâtissent à coups de miracles... et de saintes ruses. La haine règne, mais l'amour aussi, malmené constamment, blessé parfois, mais vainqueur enfin quand un Dieu, à la vérité souvent trop distrait, consent à se laisser toucher par la foi des hommes.

Mon avis :
Un roman historique que Maxence me conseille depuis trois ans, et qui est dans ma PAL depuis au moins deux, la taille de la bête (1050 pages dans mon édition) me faisait un peu peur, je dois l'avouer. Peur pour rien (comme d'hab') puisque ce pavé se lit vite et bien !

Le roman commence de façon un peu abrupte par le récit d'une pendaison, à la fin de laquelle la jeune femme enceinte du condamné maudit publiquement les notables responsables de cette exécution ; entrée en matière brutale mais qui nous plonge directement en plein Moyen Age ; le premier point fort de ce gros roman est à mon avis qu'il restitue bien les moeurs de l'époque ; attention, quand je dis qu'il "restitue bien", je ne suis pas historienne, je ne peux pas vous le garantir, mais j'aurais tendance à faire confiance à la quatrième de couverture qui nous assure que l'auteur "s'appuie sur un extraordinaire travail d'historien.' Ce que je veux dire, c'est qu'on sent bien qu'il ne s'agit pas d'une histoire qui aurait pu être contemporaine qui aurait été implantée à cette époque pour faire joli ou original, non : les mentalités des personnages sont souvent bien différentes des nôtres, et la plupart des évènements découlent directement de l'époque où ils se déroulent, rien de tel ne pourrait se passer aujourd'hui (en Angleterre, en tout cas).

Les personnages les plus faibles sont à la merci des tyrans qui ont le pouvoir, mais rien de vraiment pathétique ni pessimiste puisqu'on les voit se battre pendant des années, d'abord pour survivre, ensuite pour mener à bien leur propres projets. A peu près tous les personnages se retrouvent confrontés à de gros ennuis à un moment ou à un autre, et même les plus puissants se retrouvent parfois en difficulté ! Aucun des personnages n'est vraiment à l'abri d'un coup du sort, et cette précarité constante rend possible des rebondissements phénoménaux, laisse de l'espoir dans les situations désespérées... misère comme gloire sont tour à tour extrêmes, et il s'agit donc d'une lecture riche en émotions. (j'ai retenu mes larmes suite à un évènement particulier qui m'a atterrée).

On apprend bien vite à suivre sans se perdre les destinées des personnages principaux : Tom le bâtisseur, Ellen la femme indépendante, Philip le prieur juste et énergique, Jack, Aliéna... ce roman est constitué de deux grandes parties (qui constituent des tomes séparés dans certaines éditions), intitulées "Ellen" et "Aliéna", qui contiennent chacune trois parties. A l'intérieur de chacune des parties, on suit en alternance (je ne pense pas que ces alternances soient tout à fait régulières, mais tout cela est soigneusement construit, cela ne fait aucun doute) la vie des différents personnages ; cette narration complexe (mais pas compliquée à suivre) permet au lecteur d'avoir une connaissance complète des personnalités des personnages et des évènements qui les concernent, et le changement fréquent de point de vue empêche toute lassitude. Le tout est très fluide, tout s'enchaîne très bien, et même si les personnages sont relativement nombreux, il est très facile de les repérer et de s'y retrouver vu qu'ils sont liés de façon logique : j'applaudis vraiment le talent de conteur de Ken Follet !

Que de louanges n'est-ce pas... et pourtant, même si j'ai grandement apprécié ma lecture, ce n'est pas un véritable coup de cœur pour moi (comment ça, je suis très exigeante ?). Si le style avait été une perle rare, un joyau d'originalité et de poésie, j'aurais pu véritablement adorer ce pavé. Mais, ce n'est pas vraiment le cas : certes, comme je l'ai dit c'est fluide, ça se lit bien, je n'ai pas à reprocher à l'auteur de grosses maladresses stylistiques, mais quand même, j'ai quelques réserves. Quand on est emporté dans l'action, pas de problème, tout va bien ; mais dans les moments de "pause", et je pense surtout aux scènes d'amour (sentimentales comme sexuelles), aïe aïe aïe. L'auteur n'hésite pas à nous asséner des métaphores éculées, et quand certaines expressions déjà vues se répètent, ça coince un peu pour moi, on tombe vite dans le mièvre et le banal !

Exemple qui m'a un peu navrée : "Elle l'aimait parce qu'il l'avait ramenée à la vie. Elle était comme une chenille dans un cocon et lui l'en avait tirée pour lui apprendre qu'elle était papillon.", et ça continue pendant encore un bon paragraphe comme ça.... Si ce genre de phrase ne vous choque pas, alors le style ne vous causera vraisemblablement pas de problème, mais perso ça m'a un plutôt gênée parfois... Je pense que si l'auteur avait passé une dizaine d'années de plus à la rédaction de cette œuvre pour fignoler chaque phrase, éviter tous les clichés etc, on aurait vraiment pu se retrouver face à un chef d'œuvre incontournable !

Autres réserve du même genre : certains personnages se ressemblent un peu trop ; si j'admire certaines analyses psychologiques en actes plutôt fouillées comme celle que Ken Follett fait au sujet de William Hamleigh, jeune homme frustré et amoureux qui devient au fil du temps un homme sanguinaire et sadique, j'ai été déçue de constater que les personnages d'Ellen et d'Aliéna étaient très similaires, j'aurais aimé qu'ils creusent leurs différences au lieu de se répéter ainsi....

=> En un mot, je suis un peu déçue par le style qui n'a pas été aussi travaillé que la structure, la narration du roman qui est elle très réussie, et pour cette raison je ne pense pas que je lirai la suite, Un monde sans fin (ou alors seulement dans plusieurs années) ; mais cette lecture restera un excellent souvenir pour moi malgré tout, car à travers une fiction elle nous apprend beaucoup de choses sur la vie au Moyen Age, et les ressorts romanesques sont très bien exploités pour nous offrir de longues heures d'évasion !

 
Lecture terminée le 20 juillet,
billet publié le 28 car c'est une Lecture Commune :
vous pouvez donc également allez voir les avis de
Frankie, Véro, Mlle Pointillés, Mam'zellebulle, Leyla...
En cliquant sur la couverture vous aurez accès à encore plus de chroniques ;)

Lundi 2 août 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lesfauxmonnayeurs.jpgRésumé : Qu'un jeune garçon apprenne qu'il n'est pas le fils de son père, qu'il décide de ne pas se présenter à ses examens et de partir au hasard de certaines rencontres : jusque-là, rien que de très commun. Mais qu'il croise la route tordue de faussaires en tout genre, d'enfants qui trafiquent de la fausse monnaie ou de tricheurs ès sentiments, et l'histoire se transforme en une folle épopée où les différents fils se mêlent et s'emmêlent pour mieux finir par démêler tous les mensonges.

Singulier roman que cette croisée de destins et de personnages : il surprend et fascine, tant il ne ressemble à rien de connu tout en conservant une structure parfaitement attendue. Manière de symphonie, où Gide, qui tenait Les Faux-Monnayeurs pour l'un de ses textes les plus aboutis, orchestre les thèmes qui lui sont chers : l'adolescence et ses tourments, les troubles d'identité, mais surtout le mensonge, le faux sous toutes ses facettes, qu'il débusque avec acharnement, pour qu'enfin les masques tombent.

Mon avis : il y a quelques mois j'ai étudié ce livre à la fac, sa structure surtout, alors même si je ne l'avais pas lu, je connaissais déjà pas mal l'histoire. Le style est particulier, différent de ce à quoi je m'attendais à vrai dire, je m'attendais à quelque chose de plus classique, de moins impertinent, j'ai donc été agréablement surprise. Le fait que ce roman mette en scène des adolescents (entre autres)participe sans doute à cette impertinence, on a pas mal de langage familier, d'expressions argotiques qui ne sont aujourd'hui plus guère utilisées et qui par conséquent, assez paradoxalement, passeraient presque pour être des expressions soutenues (exemple : "faire le marlou" pour "faire le malin") : le tout donne une atmosphère spéciale au roman, ces lycéens et écoliers se prennent au sérieux, jouent les pédants, mais ils sont plus amusants qu'exaspérants, car on sent bien que toute cette frime n'est là que pour les soutenir, ils cherchent à se donner de l'importance, alors qu'au fond, ils se cherchent, voire, sont paumés.

Pas vraiment de héros dans ce roman, différentes intrigues s'entremêlent, plusieurs personnages sont d'importance similaires ; au centre tout de même, il y a Bernard, le jeune fugueur, Olivier, son ami, et Edouard, l'oncle d'Olivier, très lié aux deux adolescents, et personnage d'écrivain, qui correspond plutôt à Gide (si on cherche à mettre en évidence ce genre de correspondances) : on a plusieurs extraits de son journal ; et parmi tous les passages que j'ai appréciés et que j'ai eu envie de prendre en note, nombreux sont ceux qui en sont extraits. Le narrateur (externe et qui fait mine de ne pas être omniscient), qui intervient assez souvent, nous fait suivre tour à tout les différents personnages ; à certains moments, il fait même une pause dans son récit pour nous dire ce qu'il pense de l'avancée du roman, d'untel ou untel... un jeu souriant avec le lecteur s'instaure alors.

Les personnages sont nombreux, l'histoire part un peu dans tous les sens, tantôt on s'intéresse de près à tel personnage, pour ensuite quasiment l'oublier par la suite... oh, je sais bien que tout cela est très construit, que rien n'est là par hasard, mais au moment de tourner la dernière page, je me sens déchirée, entre une impression de trop, et de trop peu : l'impression d'avoir suivi quelque chose de très riche, mais d'avoir été stoppée dans mon élan. J'ai trouvée la fin trop abrupte, j'aurais aimé que le roman continue, que vont devenir tous ces personnages ? Je ne suis pas d'accord.

Je reste un peu perplexe, en fait, la densité de ce roman m'a plu, mais finalement je me sens presque dupée. Je pense aussi que je n'ai pas lu ce livre de la façon dont il le méritait, ma lecture n'a pas été assez attentive, elle a été trop traînante, et sans avoir eu de difficulté à suivre, j'ai parfois eu la sensation que je n'avais pas tout en tête, et je me déçois, sur ce coup-là. Même au moment de me demander ce que j'ai finalement vraiment pensé de ce roman, que je suis embrouillée... une lecture agréable, des personnages attachants, un style savoureux, délicieusement ampoulé pour-de-faux, qui sert de nombreux très beaux passages, et je me suis successivement identifiée à plusieurs personnages amoureux ou à la recherche d'attention.... mais j'ai un goût d'inachevé, à relire pour moi dans quelques années, et c'est pourquoi je me félicite de l'avoir acheté au vide-greniers. Je crois bien en attendant que c'est une œuvre qui risque de me marquer. De Gide, j'avais déjà lu La Symphonie pastorale*, et j'ai infiniment préféré les Faux-Monnayeurs. (deux oeuvres vraiment très différentes, mais je dois aussi admettre que la Symphonie pastorale m'a laissé bien peu de souvenirs !)

Extraits : (nombreux, mais je me contiens, j'en ai noté bien plus !)

"Tout ce qui n'est créé que par la seule intelligence est faux."

"Incapable de pénétrer les sentiments secrets de Laura, il prenait pour de la froideur son retrait et ses réticences. Il eût été bien gêné d'y voir clair et c'est ce que Laura comprenait ; de sorte que son amour dédaigné n'employait plus sa force qu'à se cacher et à se taire."

"Je voudrais, tout le long de ma vie, au moindre choc, rendre un son pur, probe, authentique. Presque tous les gens que j'ai connus sonnent faux. Valoir exactement ce qu'on paraît ; ne pas chercher à paraître plus qu'on ne vaut... on veut donner le change, et l'on s'occupe tant de paraître, qu'on finit par ne plus savoir qui l'on est..."

"Il me semble parfois qu'écrire empêche de vivre, et qu'on peut s'exprimer mieux par des actes que par des mots."

"Je crois que c'est le propre de l'amour, de ne pouvoir demeurer le même ; d'être forcé de croître, sous peine de diminuer ; et que c'est là ce qui le distingue de l'amitié."

"Le scepticisme n'a jamais rien donné de bon. On sait de reste où il mène... à la tolérance ! Je tiens les sceptiques pour des gens sans idéal, sans imagination ; pour des sots..."

"Lorsque j'étais plus jeune, je prenais des résolutions, que je m'imaginais vertueuses. Je m'inquiétais moins d'être qui j'étais, que de devenir qui je prétendais être. A présent, peu s'en faut que je ne voie dans l'irrésolution le secret de ne pas vieillir."

Lundi 2 août 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/LogoChallenge1000anslitteraturefce.jpgJe me suis inscrite à un nouveau challenge, qui va me permettre, je l'espère, d'approfondir ma connaissance des classiques ! Il s'agit du Challenge 1000 ans de littérature française, organisé par Bookine ; ce challenge est réalisé à partir d'une série de DVDs intitulée l’histoire personnelle de la littérature française par Jean d’Ormesson et Olivier Barrot... série divisée en 80 chapitres qui retracent l'histoire de la littérature française. Pour chacun de ces chapitres (plusieurs seront couplés à chaque fois pour éviter que ce challenge dure 15 ans ^^), Bookine va nous proposer une fiche synthétique présentant l'époque abordée, et des lectures correspondantes, au rythme d'une lecture "commune" par trimestre ; chaque participant doit choisir un livre (ou plus) d'au moins une des thématiques proposées.

Je mettrai cet article à jour au fur et à mesure pour mettre les liens vers mes billets et faire le récapitulatif des époques rencontrées. Si vous désirez en savoir plus (et nous rejoindre ! :p il est également possible, d'après ce que j'ai compris, de participer de façon ponctuelle), allez voir l'
article présentant le challenge écrit par l'organisatrice elle-même ;)

 
LC1 - 1er week-end d'octobre 2010 : (2 thèmes proposés, cliquez sur les titres pour voir les articles de Bookine contenant une présentation historique et des propositions de lectures plus détaillées !...) :
1) Des chansons de geste à Chrétien de Troyes : propositions de lectures principales :
- La Chanson de Roland : seulement lu des extraits pour la fac (qui sont plutôt mal passés)
Perceval ou le conte du Graal, de Chrétien de Troyes : déjà lu et étudié à la fac en cours d'ancien français, j'en garde un plutôt bon souvenir, mon avis ici ! Du même auteur j'ai aussi lu Yvain ou le chevalier au lion ()...
2) Les premiers romans, les chroniqueurs : propositions de lectures principales :
Le Roman de Renart : lu des extraits pendant mon enfance, j'aimerais assez en lire une version plus complète un jour
- Les Chroniques de Jean Froissart
~> ma lecture : Lancelot ou le chevalier de la charrette de Chrétien de Troyes.

♣ LC2 - 1er week-end de décembre 2010 :
1) François Villon et Clément Marot, deux poètes du XVème siècle : prop. de lectures principales :
- Les Lais ou  Le Testament ou Ballade des pendus de Villon.
- L'adolescence clémentine, de Marot : étudié à la fac, mon billet ici.
2) François Rabelais : lire Gargantua ou Pantagruel
~> ma lecture : j'ai choisi et acheté Pantagruel de Rabelais mais je ne l'ai pas encore lu :$

♣ LC3 - 1er week-end de février 2011 :
1) Michel de Montaigne : déjà essayé de lire une partie des Essais pour la fac, plutôt en vain... je ne choisirai donc pas ce thème.
2) Ronsard et la Pléiade : je pense lire des poèmes de Ronsard, je ne sais pas encore lesquels...

Mardi 3 août 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/concertoalamemoiredunange.jpgQuatrième de couverture : Quel rapport entre une femme qui empoisonne ses maris successifs et un président de la République amoureux ? Quel lien entre un simple marin et un escroc international vendant des bondieuseries usinées en Chine ? Par quel miracle une image de sainte Rita, patronne des causes désespérées, devient-elle le guide mystérieux de leurs existences ? Tous ces héros ont eu la possibilité de se racheter, de préférer la lumière à l'ombre.
A chacun, un jour, la rédemption a été offerte. Certains l'ont reçue, d'autres l'ont refusée, quelques-uns ne se sont aperçus de rien. Quatre histoires liées entre elles. Quatre histoires qui traversent l'ordinaire et l'extraordinaire de toute vie. Quatre histoires qui creusent cette question : sommes-nous libres ou subissons-nous un destin ? Pouvons-nous changer ? Concerto à la mémoire d'un ange est suivi du Journal tenu par Eric-Emmanuel Schmitt durant l'écriture.

Mon avis :
- "L'Empoisonneuse" : une bonne idée de départ, grâce à un personnage ambigü, une femme âgée, meurtrière, qui tombe sous le charme d'un prêtre... personnage que j'ai cependant trouvé peu crédible, et je n'ai pas aimé le fait qu'il "prenne le dessus" par la suite et ai été un peu déçue par la suite des évènements.

- "Le retour" : l'histoire d'un homme qui apprend à prendre conscience de sa famille (je préfère ne pas en dire trop pour ne pas spoiler) pareil... une bonne idée de départ, mais qui s'essouffle vite, malgré le suspense, la fin m'a parue finalement peu surprenante, et même un plutôt mièvre.

- "Concerto à la mémoire d'un ange" : la nouvelle qui donne son nom au recueil... et je ne l'ai pas du tout aimée. Trop longue à démarrer, pas du tout crédible, je n'ai réussi à m'attacher à aucun des deux personnages, le style m'a laissée complètement indifférente, ou bien m'a agacée. En ce qui concerne l'histoire, j'ai la flemme de résumer, mais disons que c'est une sorte de réécriture de l'histoire d'Abel et Caïn.

- "Un Amour à l'Elysée" : un couple de puissants qui se déteste et se menace, une bonne idée de départ, encore une fois, qui laissait présager une fin amusante, perverse, mais encore une fois, la nouvelle s'amollit avant la fin, qui est niaise à souhait. (je dois cependant reconnaître que la lecture de cette nouvelle-ci a été plus distrayante que la lecture de la nouvelle précédente.)


A travers ces nouvelles, l'auteur cherche sans doute à nous amener à une réflexion, à nous poser des questions du type : sommes-nous les maîtres de notre destin ? peut-on changer ? Quelqu'un de mauvais peut-il devenir bon ? (et vice-versa). Mais je ne suis pas convaincue... une grosse déception pour moi, même si je dois admettre que je me doutais un peu, rien qu'à la quatrième de couverture, que ce recueil serait plus du niveau d'Odette Toulemonde* (bien mais sans plus) que de celui de la Rêveuse d'Ostende*...

J'aime beaucoup Schmitt en principe mais il m'a pas mal déçue ces derniers temps, il se peut que j'arrête de lire aveuglément tout ce qu'il écrit. Même si je n'oublie pas qu'il a aussi écrit de bien meilleure qualité (Lorsque j'étais une oeuvre d'art, La Part de l'autre, Le Visiteur, La Nuit de Valogne...) Le style est fluide mais parfois j'ai vraiment l'impression que Schmitt se fait plaisir en nous infligeant des passages où il exagère volontairement, en fait des tonnes, ce type d'écriture peut séduire certaines personnes mais alors moi ça m'a vraiment agacée, pitié !  -_-

Par exemple, cette phrase qui m'a choquée (où il est simplement question d'un type qui transpire) : "Ruisselant des épaules nues jusqu'au creux des reins, le colosse était transformé par la sueur en idole barbare : une aura d'évaporation nimbait son corps verni par les flammes fauves des chaudières." Mais bien sûr ! Je m'appesantis peut-être sur des détails qui n'intéressent que moi, mais franchement, Eric-Emmanuel, tu es capable de tellement mieux ! :(

Samedi 7 août 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lenfant.jpgCHALLENGE ABC 2010, 15ème livre lu ♦
 
Quatrième de couverture : Fils de professeur de collège et d'une paysanne bornée, Jacques Vingtras, double de Vallès, est dès le plus jeune âge, instruit à l'école du malheur. Sous prétexte de l'aguerrir, on s'ingénie à lui rendre la vie dure, on finit par lui reprocher le pain qu'il mange. Et il brûle du désir de quitter cette maison maudite.

Mon avis : un livre autobiographique qui m'a rappelé Poil de Carotte de Jules Renard et Vipère au poing d'Hervé Bazin, puisque le héros et narrateur est un enfant maltraité et que sa mère n'aime pas... la narration m'a un peu surprise au début, le narrateur évoque successivement ses parents, d'autres personnes de sa famille, des voisins, des lieux... diverses anecdotes s'enchaînent en formant différents chapitre mais cela m'a semblé d'abord plutôt décousu et un peu trop décousu, on a certes un aperçu vivant de la vie du petit Jacques, mais cela reste quand même assez descriptif, je n'ai véritablement accroché qu'après, quand on passe à une narration un peu plus linéaire, quand on suit le personnage dans ses différents déménagements ; on le suit en fait jusqu'à ses 16 ans, ce qui m'a aussi un peu étonnée, sachant que les deux autres livres suivants s'intitulent Le Bachelier et L'Insurgé, je pensais que ce tome-ci ne parlerait que de l'enfance du héros, alors qu'en fait dans ce tome on le connaît également adolescent (même si tout le monde semble encore le considérer comme un enfant), il est question de son baccalauréat et à travers ses premières révoltes, on a les prémices de son engagement politique d'adulte.

Comme dans Poil de Carotte et Vipère au poing, la violence maternelle (et paternelle également, dans l'Enfant le personnage du père n'est en aucun cas un soutien, il apparaît même à plusieurs reprises comme aussi mauvais que la mère) est terrible et elle se cache souvent sous un masque de bonne éducation. Le point fort du discours du jeune héros, c'est certainement son ironie, son ton railleur ; ironie qui semble d'abord dédramatiser la situation, mais qui en même temps, ne fait que dénoncer avec plus de force l'absurdité des comportements parentaux, et leur cruauté. J'ai donc été touchée par ce livre, le style est très agréable, même si j'ai trouvé qu'il y avait quelques longueurs, le début surtout manquait d'entrain à mes yeux (mais pas le tout tout début, l'incipit est formidable) ; et comme c'était surtout le regard d'enfant du héros qui m'intéressait, je ne pense pas que je lirai tout de suite Le Bachelier ni L'Insurgé... peut-être dans quelques années, si je me réconcilie avec les livres où il est question d'engagement politique ! (car il me semble que c'est surtout cette direction-là que la trilogie de Vallès prend, à la fin de l'Enfant)

Extrait : (le début, que j'ai étudié il y a quelques années et que j'aime beaucoup)

Ai-je été nourri par ma mère ? Est-ce une paysanne qui m’a donné son lait ? Je n’en sais rien. Quel que soit le sein que j’ai mordu, je ne me rappelle pas une caresse du temps où j’étais tout petit : je n’ai pas été dorloté, tapoté, baisotté ; j’ai été beaucoup fouetté.
Ma mère dit qu’il ne faut pas gâter les enfants, et elle me fouette tous les matins ; quand elle n’a pas le temps le matin, c’est pour midi, rarement plus tard que quatre heures.
Mademoiselle Balandreau m’y met du suif.
C’est une bonne vieille fille de cinquante ans. Elle demeure au-dessous de nous. D’abord elle était contente : comme elle n’a pas d’horloge, ça lui donnait l’heure. « Vlin ! Vlan ! zon ! zon ! – voilà le petit Chose qu’on fouette ; il est temps de faire mon café au lait. »
Mais un jour que j’avais levé mon pan, parce que ça me cuisait trop, et que je prenais l’air entre deux portes, elle m’a vu ; mon derrière lui a fait pitié.
Elle voulait d’abord le montrer à tout le monde, ameuter les voisins autour ; mais elle a pensé que ce n’était pas le moyen de le sauver, et elle a inventé autre chose.
Lorsqu’elle entend ma mère me dire : « Jacques, je vais te fouetter !
– Madame Vingtras, ne vous donnez pas la peine, je vais faire ça pour vous.
– Oh ! chère demoiselle, vous êtes trop bonne ! »
Mademoiselle Balandreau m’emmène ; mais au lieu de me fouetter, elle frappe dans ses mains ; moi, je crie. Ma mère remercie, le soir, sa remplaçante.
« À votre service, » répond la brave fille, en me glissant un bonbon en cachette.

(pour en lire plus, cliquez ici)

Samedi 7 août 2010

(ma Junie, qui part en camping avec nous)
http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/junieavatar.jpg
En vacances du 8 au 25 août environ
,
selon mon accès au net et mon envie de traîner sur l'ordi,
soit mes avis seront publiés au fur et à mesure comme d'habitude
soit la publication de mes avis sera partielle ou anarchique
soit je serai complètement absente et déconnectée.

Je n'ai pas encore fait ma valise et je n'ai pas encore choisi exactement quels bouquins j'emmène
mais je pense en emporter une douzaine, et parmi eux je sais déjà qu'il y aura
Le Comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas ! (pour la LC du 30 août)

(d'ici demain matin, j'ajouterai peut-être à cet article la liste des livres élus, ou pas)

Portez-vous bien, à bientôt !

MeL


http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/vacs.jpg

26 août :

Je suis revenue !
Et j'ai lu 15 livres pendant mes vacances.

J'ai écrit mes avis au fur et à mesure sur Word
et voici donc la liste des articles à venir :
 
- Les Mondes d'Ewilan, tome 1 : La Forêt des Captifs, de Pierre Bottero
- Les Mondes d'Ewilan, tome 2 : LOeil d'Otolep, de Pierre Bottero
- Les Mondes d'Ewilan, tome 3 : Les Tentacules du Mal, de Pierre Bottero
- Le Dieu des Petits Riens, d'Arundhati Roy
- Le Voyage d'Anna Blume, de Paul Auster
- Bleu presque transparent, de Murakami Ryû
- La Femme qui dort, d'Ikezawa Natsuki
- Mitsou, ou comment l'esprit vient aux filles, de Colette
- La Couleur pourpre, d'Alice Walker
- L'Insoutenable Légèreté de l'être, de Milan Kundera
- Fanfan, d'Alexandre Jardin
- La vraie vie de Sebastian Knight, de Vladimir Nabokov
- Clarissa, de Stefan Zweig
- Une forme de vie, d'Amélie Nothomb (cadeau de mon père :D)
- Des souris et des hommes, de John Steinbeck

(et je suis en train de lire Le Comte de Monte-Cristo) => D'ailleurs, la Lecture Commune pour ce livre a été décalée au 10 septembre.

Jeudi 26 août 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/laforetdescaptifs.jpg(lu le 8 août)

Quatrième de couverture / extrait :
"La raison d'Ewilan vacilla. Qui avait révélé son Don à l'Institution ? Qui était au courant qu'elle allait revenir et que son pas sur le côté la conduirait dans le parc à cet instant précis de la journée ? Que savaient les hommes qui l'avaient enlevée de l'Art du Dessin et de Gwendalavir ?"

Mon avis : Mon avis sur La Quête d'Ewilan était mitigé et je m'étais dit que je ne lirais pas les trilogies suivantes et puis finalement, quand j'ai appris qu'un ami de mon frère les possédait je me suis laissée tenter, un peu d'aventures fantastiques pour les vacances, pourquoi pas !
Lu quasiment d’une traite (en voiture sur la route des vacances…), j’ai bien aimé, je dirais, autant que le troisième tome de la trilogie précédente, La Quête d’Ewilan : il faut croire que j’ai décidément fini par m’attacher aux personnages, et le style qui m’avait souvent agacée dans la Quête d’Ewilan m’a plutôt plu dans ce livre-ci (sauf quelques passages un peu mièvres -_-), j’ai trouvé l’écriture moins clichée, les images un peu plus originales ; est-ce que ce livre est mieux écrit ou bien étais-je aujourd’hui dans une meilleure disposition d’esprit ? Je ne sais pas trop…
 
Quasiment la totalité de l’histoire se déroule dans notre monde, ce qui m’a un peu déçue au début, j’aurais aimé retourner à Gwendalavir… mais mon attention a cependant été immédiatement accrochée puisqu’on commence par la description d’une situation désespérée avec la séquestration d’Ewilan par de mystérieux ravisseurs et les tentatives désespérées de Salim pour la sauver… les différents flash-backs habilement entremêlés qui suivent nous permettent de comprendre comment on a pu en arriver là et la révélation de l’identité des ravisseurs est retardée, ce qui renforce le suspense ; une fois qu’elle est connue, l’enjeu sera bien évidemment de les combattre, l’action est donc sans cesse relancée.

La résolution de tous les problèmes se fait un peu trop facilement à mon goût, un rebondissement inespéré surtout m’a semblé un peu facile à inventer pour l’auteur, j’aurais aimé une solution un peu plus subtile, mais bon…. Je ne pense pas que ces différentes aventures me marqueront énormément mais j’ai cependant bien profité de cette lecture très distrayante et c’est donc avec plaisir que je vais me lancer dans le tome 2, l’œil d’Otolep.

Jeudi 26 août 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/loeildotolep.jpg(lu le 9 août)

Quatrième de couverture / extrait : "Le brûleur arrivait sur eux à une vitesse hallucinante. Ellana encocha une flèche, Edwin tira son sabre, Salim son poignard. Le cœur serré par l'angoisse, Ewilan comprit pourtant qu'ils ne pourraient pas arrêter le monstre. Elle se glissa dans l'Imagination. "

Mon avis : Ah, avec ce deuxième tome nous sommes de nouveau dans le monde merveilleux de Gwendalavir, et nous retrouvons bon nombre des personnages rencontrés dans la première trilogie, qui m’avaient manqué.

Je crois bien que j’ai fini par identifier quels sont les traits d’écriture particuliers à Pierre Bottero (j’ai presque envie de les qualifier de « tics ») que je n’aime pas trop. Pour renforcer une idée, donner un ton plus direct, plus péremptoire à son discours, l’auteur ajoute sans arrêt des phrases nominales (le plus souvent) très courtes pour appuyer ce qu’il vient de dire, ou saccader les différentes étapes d’une action de manière emphatique.

Je trouve ça plus redondant et saoulant qu’autre chose, je préfère quand les choses sont dites de façon moins catégoriques, avec plus de nuances, mais bon, je passe outre, et je pense que cette façon de donner plus de poids à différentes déclaration participe à la tonalité épique de certains passages, je pourrais comparer ce style d’écriture à la musique assourdissante qui accompagne souvent les moments forts dans des films. Exemple, dès la deuxième page :
 "La ruelle était étroite, tortueuse, mal éclairée, un véritable coupe-gorge dans lequel la marchombre l’avait précipité quelques minutes plus tôt.
    Volontairement.
Et elle était décidée à ne pas intervenir (...)" (et la phrase continue encore)

Comme dans les tomes précédents, du danger, un certain suspense, des aventures et donc une bonne dose d’action… si la psychologie des personnages secondaires est à peine esquissée, on s’intéresse cette fois-ci d’un peu plus près aux sentiments d’Ewilan et de Salim, et ce n’est pas dommage ! (et je ne sais pas si je l’avais déjà dit en ce qui concerne La Quête d’Ewilan ou pas, en tout cas c’est une impression qui me poursuit, il me semble assez clair que Bottero s’a dû s’inspirer du Seigneur des Anneaux, un peu trop à mon goût, les équivalences entre différents personnages sont si évidentes dans certains cas que quand je pense au personnage d’Edwin par exemple, c’est invariablement l’image d’Aragorn qui me vient à l’esprit). De même dans ce tome quand il est question des conséquences désastreuses d’amours déçus, de cicatrice dangereuses, du comportement de professeurs, de téléportation (le « pas du le côté »), de la nécessité de protéger son esprit contre des attaques qui feraient plier la volonté de notre héroïne…. Il y a plein d’éléments qui me rappellent irrésistiblement l’univers de Harry Potter.

Heureusement, la dimension de l’Imagination et les particularités des différentes aventures et lieux confèrent à l’univers de Bottero une certaine profondeur et une originalité qui permettent d’écarter un minimum de l’esprit du lecteur le souvenir de ces autres œuvres fantastiques. Une fois de plus cependant, je reprocherais à Bottero d’avoir imaginé une solution miraculeuse sortie d’on-ne-sait-où pour sauver une situation infiniment délicate, mais tant pis…
 
 Alors que la fin du tome 1 des Mondes d’Ewilan est relativement calme et positive, la fin du tome 2 donne envie de lire plus rapidement le tome 3 afin de dénouer des problèmes pas encore résolus ! Dans l’ensemble l’intrigue du tome 2 m’a parue plus dense que le tome 1, et plus sombre peut-être : du moins on voit dans ce tome-ci que les problèmes peuvent venir de l’intérieur, ce qui donne une certaine complexité à l’intrigue qui devient dès lors moins manichéenne, et j’ai apprécié l’apparition de Liven dans le rôle de concurrent de Salim… mais je n’en dis pas plus ;)

Citation : "Le ridicule tue moins que la prétention. Et il fait rire."

Jeudi 26 août 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lestentaculesdumal.jpg(lu le 9 août)

Quatrième de couverture / extrait : "Un frisson d'angoisse parcourut le dos d'Ewilan.
- L'Appel Final mérite des jeux extraordinaires, peuple de Valingaï, pourquivit Baaldoub. Je t'ai donc concocté un programme éblouissant, un programme sanglant, un programme à ta mesure !"

Mon avis : un tome bourré d’action, tout l’enjeu de ce volume étant de résoudre de façon définitive les problèmes insolubles depuis plusieurs tomes, voire même depuis La Quête d’Ewilan… en ce qui concerne le style, voir mes commentaires sur les tomes précédents, je ne suis décidément pas particulièrement fan de l’écriture de Bottero mais je reconnais qu’elle est tout de même assez fluide pour qu’on suive l’intrigue pleine de rebondissements sans gêne et avec plaisir.

Péripéties inattendues et rencontres de personnages extraordinaires sont nombreuses, d’autant plus que ce tome-ci fait cent pages de plus que les deux précédents ; j’ai cependant lu les deux derniers tomes dans la même journée, ce qui montre bien que malgré mes réserves concernant la forme, le tout est assez entraînant ;)

J’ai cependant été un peu déçue de voir que j’avais été assez perspicace pour deviner une révélation fracassante qui couvait depuis le tome d’avant, légère déception compensée par le fait que pour ce dernier tome la résolution de l’action s’est faite de façon moins évidemment heureuse que pour les précédents, et tant mieux.
 
Pour résumer, même si l’univers de Bottero ne compte pas parmi mes préférés, parmi ceux que je vous conseillerais à tout prix, ça a été une découverte finalement très sympathique ; là après avoir lu les trois tomes d’affilée j’avoue que je sature un peu et je pense que ma prochaine lecture sera quelque chose de plus calme… mais tout cela s’est montré bien plus distrayant que je ne l’aurais deviné à la lecture du premier tome de La Quête d’Ewilan !

Jeudi 26 août 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/ledieudespetitsriens.jpg(lu le 11 août)


Quatrième de couverture : Rahel et Estha Kochamma, deux jumeaux de huit ans, vivent en Inde, entourés de leur grand-mère, Mammachi, qui fabrique des confitures trop sucrées, de l'oncle Chacko, un coureur de jupons invétéré, esprit romantique converti au marxisme pour les besoins de son portefeuille, de la grand-tante Baby Kochamma, qui nourrit un amour mystique pour un prêtre irlandais, et de leur mère Ammu, désertée par son mari, qui aime secrètement Velutha, un Intouchable.

Un drame va ébranler leur existence et les séparer. Comment réagir quand, à huit ans, on vous somme de savoir "qui aimer, comment et jusqu'où  ? Comment survivre quand, après un événement affreux dont on a été témoin, on vous demande de trahir la vérité pour l'amour d'une mère ? Un récit envoûtant, plein d'humour et d'émotion, servi par une écriture neuve et poétique, qui recrée le monde de l'enfance - celui de l'imaginaire et de la liberté.

Mon avis : un roman foisonnant qui nous fait découvrir jusque dans leur intimité une foule de personnages, comme si l’auteur connaissait le secret de chacun et nous l’esquissait grâce à de petites touches bien senties, bribes de pensées, de chansons, paroles, images, sensations… on va d’un personnage à un autre, et on voyage dans le temps sans cesse ; ce roman, c’est avant tout l’histoire d’un drame qui a marqué toute une famille indienne, et en priorité, nous suivons le destin de deux jumeaux, Rahel et Estha, et indirectement, celui de leur mère, Ammu.
 
Au début du roman, Rahel adulte retrouve son frère Estha, devenu muet, qu’elle n’a pas vu depuis leur enfance ; et tout l’enjeu du roman sera de comprendre quelle est la tragédie qui a causé leur séparation… on comprend bien vite que cette séparation est liée à la mort de leur cousine, Sophie Mol, mais impossible de deviner ce qui s’est vraiment passé, et alors que s’enchaînent des anecdotes nous illustrant la vie des deux enfants, je me suis demandée à plusieurs reprises où l’auteur voulait en venir, quel était le rapport avec le secret qu’on aimerait voir révélé….
 
Mais maintenant que j’ai fini ce roman extraordinaire, autant du point de vue du style que du point de vue de l’univers qu’il contient (serait-ce le premier roman que je lis qui a lieu en Inde ? Possible…), je comprends l’intérêt de tout cela, car comme Estha le dit, « N’Importe Quoi peut Arriver à N’importe Qui », est c’est pourquoi « Mieux Vaut Se Tenir Prêt ».  C’est le mélange de tous ces Petits Riens qui mènent à la conclusion, Petits Riens majuscules car malgré leur apparente insignifiance, leurs conséquences sont importantes… un beau mélange de hasard, de réactions liées aux différents personnages, leurs goûts, leurs choix, leurs frustrations, leurs peurs, leurs regrets… qui mèneront à d’autres évènements qui paraîtront anodins sur le coup, et pourtant…
 
Un roman non linéaire, flash-backs de différentes époques et temps présent se confondent tant que je m’y suis parfois un peu perdue, et même parfois ennuyée parce que j’avais l’impression de ne plus comprendre… et pourtant, malgré ce désordre apparent on se dirige toujours, lentement mais sûrement, vers le jour qui bouleversera tout, somme logique (si tant est que la Vie est logique…) de tout le reste. Les trois personnages qui me resteront le plus en tête sont bien sûr Ammu, femme qui se sacrifie pour ses enfants, pour sa famille, broyée par une société injuste envers les femmes censées être soumises et dans la norme, une société qui impose, comme cela est répété plusieurs fois, des « Lois de l’Amour. Qui disaient qui devait être aimé et comment. Et jusqu’à quel point. » Et ses enfants donc, les faux jumeaux, Rahel et Estha, qui longtemps ne sont qu’un « Nous » avant d’être absurdement séparés…
 
Une lecture vibrante, surtout vers la fin pour moi, car c’est là que toutes les expressions récurrentes et parfois un peu incompréhensibles qui rythmaient tout le roman ont pris leur sens à mes yeux, que j’ai compris à quel point elles symbolisaient de façon poétique et forte ce qui comptait pour chaque personnage. L’histoire m’a pas mal rappelé Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, car c’est une histoire d’enfance, d’amour concernant un « intouchable », et d’injustices, mais le style, s’il n’est pas forcément toujours très aisé, est unique.

Jeudi 26 août 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/levoyagedannablume.jpg(lu le 12 août)
COUP DE CŒUR !

Quatrième de couverture : D'une ville qui semble sur le point de disparaître, Anna Blume écrit une lettre dont on ne sait si elle trouvera jamais son destinataire. Cet ailleurs presque indéfini, ce pays des dernières choses (c'est, littéralement traduit, le titre de l'édition anglaise) a une force symbolique d'autant plus efficace qu'elle défie en nous un passé de terreurs et d'apocalypses en même temps qu'elle renouvelle les interrogations auxquelles nous oblige parfois notre perverse relation avec le langage. Mais la force et le talent de Paul Auster, révélé en France par sa fameuse Trilogie new-yorkaise, c'est de faire sentir le poids de ces oppressions sans jamais s'éloigner d'une " aventure " infiniment romanesque par laquelle on reste fasciné du commencement à la fin.

Mon avis : eh bien, j’adore ! Même si je n’ai lu que pour le moment que deux œuvres de Paul Auster – celle-ci et La Nuit de l’Oracle -, j’ai bien envie d’introduire cet auteur dans la liste de mes Ecrivains Préférés. Ce livre-ci m’a autant captivée que la Nuit de l’Oracle, même si ces deux œuvres sont très différentes : dans la Nuit de l’Oracle, on assiste à la « renaissance » d’un homme d’un certain âge qui revient à la vie après un grave accident ; dans Le Voyage d’Anna Blume au contraire, on assiste à la lente « déchéance » (mais est-ce le mot juste ? Anna apprend tout de même bien des choses tout au long de son parcours…) d’une jeune fille qui part à la recherche de son frère disparu dans une ville mystérieuse et effrayante.

On a peu d’informations objectives sur le monde dans lequel se déroule cette histoire ; comme la quatrième de couverture l’indique, il s’agit d’une lettre, mais aucun indice ne permet d’identifier de façon très précise le destinataire ; ce flou, associé à l’utilisation régulière du pronom de la deuxième personne du singulier (un peu comme dans Un homme qui dort, mon livre fétiche…), fait qu’on se sent encore plus concerné par tout cela, un lien se tisse entre l’héroïne et nous, je me suis sentie proche d’elle, et d’autant plus impuissante…
 
Ce qui importe, ce n’est pas tant la nature des différentes aventures que l’héroïne va nous raconter, que l’ambiance de cette ville terrible, et les comportements de ses habitants. On a une ambiance apocalyptique qui m’a pas mal fait penser à La Route, de Cormac McCarthy ; de même que le début, qui est assez étrange (on a du mal à distinguer si la ville qui commence à être décrite n’est pas un songe, une chimère sortie de l’esprit de l’héroïne, tout semble étrange et fantastique), nous montre un monde de misère anarchique, cependant régi par des règles impitoyables, une vraie jungle, cet ordre paradoxal, les coutumes désordonnées de ce résidu de civilisation m’ont fait penser au monde fictif créé par Georges Perec (encore lui... <3) dans W ou le Souvenir d’enfance.
 
Chacun doit se battre pour survivre, l’environnement est instable, profondément violent et dangereux, les instincts humains les plus mauvais s’y déchaînent, chacun est poussé dans ses derniers retranchements, et ce qui m’a passionnée, c’est d’imaginer (enfin en l’occurrence, d’admirer les fruits de l’imagination de Paul Auster) dans quelle mesure il est possible de rester « humain » dans ces conditions, et qu’est-ce qui caractérise notre humanité alors, l’amitié et l’amour peuvent-ils subsister quand l’égoïsme primitif est nécessaire pour avoir une chance de survivre ? Quels sont les différents moyens de réagir à une telle précarité, de s’en sortir, que devient notre vie quand on n’a plus rien, jusqu’où va notre instinct de survie ?
 
 
 A aucun moment notre héroïne (et narratrice) ne semble sombrer dans la folie, elle reste assez humaine à nos yeux, et lucide, son discours est clair et agréable à suivre, on sent bien qu’elle tient vraiment à faire comprendre à son interlocuteur ce qu’elle nous raconte, à nous faire sentir comment une mentalité très civilisée peut évoluer, elle incarne à la fois la mémoire vivante du monde tel que nous le connaissons, et le personnage qui doit s’intégrer de force dans ce nouveau monde sauvage : les rencontres qu’elle y fait sont variées et nous permettent de nous trouver face à un large panel des situations possibles.

L’impression de flou et d’inconstance qui domine tout le livre donne paradoxalement une impression de réalisme, on ignore comment on est arrivé là, aucune solution n’est trouvée, aucune réponse certaine n’est donnée aux questions qui se posent, l’héroïne flotte entre lutte, désespoir et indifférence, tout en étant tournée vers l’extérieur elle n’échappe pas à l’exercice d’introspection que revêt tout acte d’écriture autobiographique (je vous rappelle encore que la totalité du livre constitue une lettre où elle raconte ce qui lui est arrivé), si bien qu’on s’identifie facilement à elle, ce roman est universel, et toutes ses réactions m’ont paru tout à fait plausibles.
 
Enfin j’ai trouvé l’ensemble du texte très beau, si beau que j’ai souvent relu des passages, que j’ai eu envie de les noter ou de les lire à voix haute, ce cocktail de misère extrême dans tous les sens du terme et de pensées humaines envers et contre tout m’a semblé extrêmement poétique.

Citations :
"Tout ce que tu vois a la capacité de te blesser, de te diminuer, comme si par le seul acte de voir une chose tu étais dépouillé d'une partie de toi-même."

"Chaque fois que tu crois connaître la réponse à une question, tu découvres que la question n'a pas de sens."

Jeudi 26 août 2010

http://raison-et-sentiments.cowblog.fr/images/Anciens/9782877302968.jpg(lu le 13 août)
/!\ Pour lecteurs avertis /!\

Quatrième de couverture : Bleu presque transparent relate, en une succession de courts chapitres, quelques journées dans la vie d'un groupe d'adolescents. Journées ou plutôt nuits vides d'espoir d'une " génération perdue " et désillusionnée qui s'abîme dans la destruction. Sexe, drogue, musique, violence... le tableau serait d'une banale désespérance s'il n'y avait ce mélange de distance quasi clinique et d'infinie générosité dans le regard porté sur les personnages. Dans Tôkyô oppressante et triste, Ryû, Kei, Okinawa payent, dans leur corps qu'ils ruinent avec constance, l'absence d'âme d'une société. Et leur déchéance possède la couleur du bleu presque transparent de la pureté.
 
Mon avis : Un livre qui m’a été offert par Matilda, qui ne l’avait pas aimé (son avis m’avait cependant donné envie de le lire).

Comme prévu, c’est trash à souhait (encore que, je m’attendais presque à pire...). D’abord, ça semble sans queue ni tête, une succession de soirées orgiaques où les personnages vont de plus en plus loin… mais ce qui m’a donné envie de poursuivre ma lecture (que je n’aurais de toute façon pas arrêté, une telle débauche de violence a quelque chose de fascinant, je trouve – serais-je perverse ?), c’est le style, le ton de Ryû, narrateur et héros (et auteur, puisque tout cela semble autobiographique, si on en croit la lettre de la fin adressée à Lili, un des personnages – c’est elle d’ailleurs, sur la photo de la couverture).
 
Il semble blasé, comme s’il s’intéressait plus aux insectes grouillants autour de lui, à la nourriture pourrissant à ses côtés, à ce qui se passe par la fenêtre, qu’aux actes sexuels nombreux, variés et extrêmes auxquels il participe pourtant, comme s’il était un observateur machinalement actif… leurs soirées semblent cruelles, dénuées de sentiments, jeux fous empreints de douleur voire de mort ; à de multiples reprises Ryû nous informe qu’il a la nausée ; l’atmosphère glauque entraîne des descriptions sordides mais porteuses d’images inattendues, qui en deviennent poétiques, j’ai beaucoup aimé par exemple l’image des « cornichons pareils à des doigts de cadavre couverts de verrues ».
 
L’amour et l’amitié semblent impossibles dans de telles conditions, et pourtant, dans des moments de calme et de tête-a-tête, certains personnages se livrent parfois à des confidences intimes qui nous les font voir (ou pas, mais quelquefois si) sous un autre jour, plus humain, ils deviennent alors plus touchants, même si la scène d’orgie qui suit vient nous dégoûter à nouveau et anéantir le début de compassion qu’on a eu pour eux…

Cependant à la fin, c’est la compassion qui a dominé pour moi, les « confessions » des personnages pendant lesquelles ils tentent d’expliquer leur mal-être se font plus nombreuses, on a l’impression que tout déraille, qu’ils n’en peuvent plus, qu’ils ne peuvent aller plus loin, qu’ils partent dans des directions différentes ; à la toute fin la lettre à Lili que j’ai déjà évoquée, lettre aux accents personnels, m’a parue être une conclusion émouvante, qui donne à tout l’ensemble un tour peut-être un peu plus humain (si j’ai fait tant d’efforts pour, à l’instar du narrateur, ne pas juger les personnages, c’est peut-être aussi parce que j’avais lu cette lettre de la fin avant de lire tout le reste ?)
 
Un ouvrage étrange, qui peut se révéler fort pour peu qu’on arrive à entrer suffisamment dedans sans être dégoûté (ce qui, je le conçois, n’a rien d’évident), à ne pas lire n’importe quand, et donc à ne pas mettre dans toutes les mains, mais j’ai aimé cette lecture, qui me donne encore plus envie de lire d’autres œuvres de cet auteur (et en premier lieu, les Bébés de la consigne automatique, qui est dans ma LAL depuis plusieurs mois).

Jeudi 26 août 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lafemmequidort.jpg(lu le 14 août)

Quatrième de couverture : Les histoires d'Ikezawa Natsuki nous entraînent, du Brésil à l'île d'Okinawa, dans des voyages amoureux, tour à tour réalistes et oniriques. Elles nous emportent dans des contrées, à mi-chemin du réel et du songe, où des forces anciennes sont encore à l'œuvre et influent sur les vivants. Elles nous parlent de la mystérieuse sémantique des rêves, de la fraîcheur vivace des sentiments surgie intacte de l'épaisseur du temps.

Mon avis :
un livre que j’ai eu envie de lire pour plusieurs raisons : c’est un recueil de nouvelles (j’aime !), que Matilda a lu et aimé, d’un auteur japonais (ça change donc de mes lectures habituelles), et surtout (attention, argument le plus important à mes yeux, mais qui est aussi le plus bidon), le titre, La femme qui dort, m’a fait penser à mon livre fétiche, Un homme qui dort, de Georges Perec (je pense que si je tombe sur des livres intitulés le chat qui dort, le vieillard qui dort… je me sentirais peut-être obligée de les lire aussi ^^)
 
Un recueil de trois nouvelles, chacune faisait un peu plus de trente pages, et le point commun de ces nouvelles, c’est sans doute leur douceur, ce sont des histoires qui nous font voyager, rêver, sans qu’on passe par des sentiments de peur ou de tristesse ; on dit souvent que « les gens heureux n’ont pas d’histoires », ces nouvelles nous prouvent le contraire, elles sont toutes profondément positives !
 
La nouvelle éponyme, qui est la dernière du recueil, est celle que j’ai le moins aimé ; cette « Femme qui dort » et vit pendant plusieurs jours une sorte de rêve mystique m’a moins touchée que les personnages des autres nouvelles, son aventure intérieure est une série de rites spirituels plutôt répétitifs, et l’accumulations de termes japonais m’a un peu perdue en route ; ces moments de veille m’ont aussi un peu déçue, j’aurais aimé qu’une réelle discussion s’initie avec son mari mais ce n’est pas le cas, et même s’il n’y aucune dispute, aucun évènement sombre à proprement parler, c’est cette nouvelle-ci qui m’a semblée la moins joyeuse, la plus mélancolique peut-être.
 
Je préfère donc garder en mémoire les deux autres nouvelles du recueil ; la deuxième, intitulée « Mieux encore que les fleurs » est une aventure sentimentale entre deux personnages fort différents, chacun timide à sa façon, et qui aurait pu être banale (encore que, j’ai trouvé que les deux personnages avaient un air de candeur, d’innocence dans leur relation charnelle, qui est très humaine, réaliste et émouvante), si elle n’était mêlé à une histoire plus fantastique à la fin ; mais ma nouvelle favorite reste la première, « les origines de N’kunre », qui m’a séduite par l’impression de sérénité qu’elle dégage… je l’ai lue juste avant de m’endormir, et ce conte utopique qui nous fait croire à une incantation capable de calmer les esprits des hommes a bercé mon endormissement d’une façon délicieuse.

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"La littérature est la preuve que la vie ne suffit pas." Fernando Pessoa

Un livre au hasard

Il ne se passait rien...
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