Lundi 5 juillet 2010


Quatrième de couverture : Dans une petite ville d'Alabama, à l’époque de la Grande Dépression, Atticus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Avocat intègre et rigoureux, il est commis d'office pour défendre un Noir accusé d'avoir violé une Blanche.
Ce bref résumé peut expliquer pourquoi ce livre, publié en 1960 - au cœur de la lutte pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis -, connut un tel succès. Mais comment ce roman est-il devenu un livre culte dans le monde entier ? C'est que, tout en situant son sujet en Alabama dans les années 1930, Harper Lee a écrit un roman universel sur l'enfance. Racontée par Scout avec beaucoup de drôlerie, cette histoire tient du conte, de la court story américaine et du roman initiatique.
Couronné par le Prix Pulitzer en 1961, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur s'est vendu à plus de 30 millions d'exemplaires dans le monde entier.

« Ce livre est magique. D'une tendresse, d'un humour, d'une mélancolie sans pareils. »
Frédéric Vitoux, Nouvel Observateur.

« Un phénomène comparable à l'Attrape-Coeurs de Salinger, et donc l'un des plus beaux livres jamais écrits. »
Femina

Mon avis : toutes les critiques que j'ai eu l'occasion de lire sur ce livre jusqu'ici sont très positives, j'en attendais donc beaucoup. Mais environ jusqu'à la moitié du livre, j'étais un petit peu déçue. Je pensais "mmmh, c'est très bien, mais pour le moment je n'ai pas de magistral coup de cœur". Au tout début du roman, Scout (dont le vrai nom est Jean Louise) évoque la fracture du bras que son frère s'est faite à 13 ans et tous deux, une fois adultes, se demandent quels sont exactement "les évènements qui avaient conduit à cet accident." Le roman tout entier est en fait un immense récit rétrospectif : Scout, la narratrice, va revenir sur des tas d'aventures dont, de manière plus ou moins directe, les circonstances de cet accident bien plus important qu'on ne pourrait le penser au départ sont la conséquence... accident qui sera raconté finalement en détails à la fin du livre (et à ce moment-là, on pense "aaaaaah !", et on relit le début ^^).

On suivra donc la vie de Scout, son frère Jem, leur père Atticus, leur domestique Calpurnia, leur ami Dill et les voisins sur une période de trois ans. A travers bien des anecdotes (que je n'évoquerai pas de manière précise pour ne pas vous gâcher la lecture :)), on apprend à connaître les différents personnages, et de manière générale, la mentalité des gens de Maycomb, qui peut nous sembler bien étrange : les traditions ont beaucoup de poids et les préjugés font loi, chacun étant censé avoir un comportement strictement conforme à ce que la réputation de sa famille lui prescrit.... à travers ses yeux d'enfant, Scout nous parle du fonctionnement de cette petite société, qu'elle accepte comme une évidence au début, mais qu'elle va progressivement remettre en question.

Je viens de parler de "ses yeux d'enfant", mais justement, ce point pose un peu problème. Je m'attendais vraiment à un style enfantin très marqué, comme dans L'attrape-coeurs de Salinger (un extrait de critique figurant sur la quatrième de couverture fait un rapprochement entre les deux oeuvres), ou dans Quand j'avais cinq ans je m'ai tué, d'Howard Buten. Mais ce n'est pas vraiment le cas : les situations sont analysées de façon subtile, la syntaxe est tout à fait normale et le vocabulaire est d'une richesse telle que, même si on a l'impression de suivre en temps réel les actions de notre petite héroïne, on a bien du mal à croire qu'on a le point de vue d'une petite fille de huit ans, j'ai vraiment senti un décalage entre ce personnage de petite fille, et le langage utilisé : c'est d'ailleurs le seul bémol que je pourrais trouver à ce livre, et je dois d'ailleurs le nuancer ; il faut premièrement se souvenir qu'il s'agit d'un récit rétrospectif, raconté par Jean Louise adulte ; étant donné la vivacité du récit, la proximité qu'on ressent vis-à-vis des personnages, on a tendance à vite l'oublier ; deuxièmement, il me semble évident que Scout n'était de toute façon pas une petite fille ordinaire, mais au contraire un personnage très mûr pour son âge, et même, précoce (elle a appris à lire seule et très jeune par exemple). Ces deux choses justifient donc aisément le style un peu inattendu.
Cependant, certains éléments nous rappellent de manière régulière qu'elle reste une enfant : sa candeur vis-à-vis de certains sujets (la sexualité...), la description de ses jeux, la relation émouvante qu'elle a avec son frère (protecteur et taquin), l'affection qu'elle a pour son père, son refus d'être une "dame" comme sa tante le voudrait et son caractère garçon manqué la rendent authentique et amusante. On a en quelque sorte accès à la fois la sensibilité de l'enfant, et à la maturité de l'adulte, et c'est un mélange finalement très réussi puisqu'on ne peut les distinguer.
L'atmosphère de ce roman m'a fait songer à plusieurs reprises à Frankie Addams de Carson McCullers : le sud des Etats-Unis et toute la mentalité que ça implique, la chaleur, l'été, une héroïne un peu rebelle, une domestique noire comme figure maternelle, la fin de l'enfance, la densité du récit....

Tout ce qui concerne le domaine de l'enfance, des questions et des peurs qui y sont liées, font de ce livre un roman universel qui peut toucher à peu près tout le monde, je pense.... et tout l'aspect historique lié à la ségrégation raciale s'ajoute à ce premier aspect déjà riche. J'avoue d'ailleurs que c'est à partir du moment où il est question du procès de manière plus centrale que j'ai vraiment été prise dans ce roman (avant, j'arrivais à le reposer sans angoisse). Même si l'issue du procès est assez prévisible (hélas) j'ai été émue par toute cette partie de l'intrigue.

Enfin, ce roman a un côté poétique, avec plusieurs métaphores originales, plusieurs motifs en arrière-plan qui parcourent tout le roman comme un fil rouge : l'"oiseau moqueur" (qui renvoie à plusieurs personnages), et le personnage mystérieux de Boo Radley, voisin fantômatique que personne ne voit jamais, et qui va hanter l'imaginaire des enfants... et quand on finit le roman, on s'aperçoit que pas mal de questions restent en suspens, on ignore tout de la mère de Scout et Jem par exemple, et ces manques peuvent nous laisser penser que le monde des personnages est sans fin et a une véritable existence en-dehors de la lecture qu'on en a faite... ce qui donne également envie de relire ce livre plus tard, pour voir si on trouve plus de choses, plus d'indices... et en attendant on peut toujours imaginer ce qu'on ne sait pas !

Un livre très vivant, riche, avec un personnage principal excellent, un arrière-plan historique prenant.... et donc, en un mot, une vraie réussite, même s'il a fallu un certain temps pour que je m'attache complètement à tout cet univers plus complexe qu'il n'y paraît !

Extrait :

"Le problème de mes vêtements rendait tante Alexandra fanatique. Je ne pourrais jamais être une dame si je portais des pantalons ; quand j'objectai que je ne pourrais rien faire en robe, elle répliqua que je n'étais pas censée faire des choses nécessitant un pantalon. La conception qu'avait tante Alexandra de mon maintien impliquait que je joue avec des fourneaux miniatures, des services à thé de poupée, que je porte le collier qu'elle m'avait offert à la naissance - auquel on ajoutait peu à peu des perles ; il fallait en outre que je sois le rayon de soleil qui éclairait la vie solitaire de mon père. Je fis valoir qu'on pouvait aussi être un rayon de soleil en pantalon, mais Tatie affirma qu'il fallait se comporter en rayon de soleil, or, malgré mon bon fond, je me conduisais de plus en plus mal d'année en année. Elle me blessait et me faisait constamment grincer des dents, mais, quand j'en parlai avec Atticus, il me répondit qu'il y avait déjà assez de rayons de soleil dans la famille et que je n'avais qu'à continuer à vivre à ma façon, peu lui importait la manière dont je m'y prenais."
Par Belledenuit le Lundi 5 juillet 2010
"on a bien du mal à croire qu'on a le point de vue d'une petite fille de huit ans, j'ai vraiment senti un décalage entre ce personnage de petite fille, et le langage utilisé" : j'ai ressenti exactement la même chose que toi lorsque j'ai lu ce bouquin. De plus, j'ai trouvé la 1ère partie longue; le procès est excellent et la fin m'a un peu déçue. J'en attendais autre chose tellement j'en avais lu des éloges. C'est un bon bouquin mais sans plus pour moi.
Par Frankie le Lundi 5 juillet 2010
Bravo pour ton article très approfondi ! Ce livre est mon préféré en 2010 jusqu'à présent. Plus d'un mois après sa lecture, je l'ai encore en tête. J'ai d'ailleurs acheté en DVD le film tiré du livre. J'espère pouvoir le voir rapidement.
Par Akkantha le Lundi 5 juillet 2010
Cool, je dois aussi lire ce livre prochainement pour le challenge livraddict, et avec ton avis positif j'ai assez hâte de m'y mettre.
Par Raison-et-sentiments le Mercredi 7 juillet 2010
J'ai très envie de lire depuis que j'en ai entendu parler dans 16 Lunes et ton avis ne peut que mon conforter dans cette idée ^^
Par Anne Sophie le Lundi 19 juillet 2010
j'ai pu en lire beaucoup de bien. il faut que je le lise :)
Par Luna Z. le Lundi 4 juillet 2011
Je viens tout juste de terminer Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur et c'est définitivement une très belle découverte. Ce livre m'a vraiment émue.

C'est assez étonnant de voir des gens se faire mettre de côté comme ça, parce qu'ils ont une mentalité qu'on qualifierait de "normale" de nos jours... De voir Scout et Jem qui ne comprennent pas vraiment ce qui se passe jusqu'au procès clairement joué d'avance...

J'ai beaucoup aimé ce livre, je comprends mieux pourquoi il est l'une des références de la littérature américaine, il le mérite, c'est certain :)
 

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