Résumé : Octave Mouret affole les femmes de désir. Son grand magasin parisien, Au Bonheur des Dames, est un paradis pour les sens. Les tissus s'amoncellent, éblouissants, délicats, de faille ou de soie. Tout ce qu'une femme peut acheter en 1883, Octave Mouret le vend, avec des techniques révolutionnaires. Le succès est immense. Mais ce bazar est une catastrophe pour le quartier, les petits commerces meurent, les spéculations immobilières se multiplient. Et le personnel connaît une vie d'enfer. Denise échoue de Valognes dans cette fournaise, démunie mais tenace. Zola fait de la jeune fille et de son puissant patron amoureux d'elle le symbole du modernisme et des crises qu'il suscite. Zola plonge le lecteur dans un bain de foule érotique. Personne ne pourra plus entrer dans un grand magasin sans ressentir ce que Zola raconte avec génie : les fourmillements de la vie.
Mon avis : Emile, je t'aime. C'est ce que j'ai pensé en lisant ce roman. Pourtant, ça n'était pas gagné : certes, j'avais entendu beaucoup de bien de cette œuvre, mais au départ le résumé ne me tentait pas du tout.... les histoires où il est question de commerce, très peu pour moi, me disais-je. Mais j'ai l'impression à présent qu'Emile pourrait me parler d'à peu près n'importe quoi, il arriverait à me captiver ! Ce qui m'a plu au départ, bien plus que le cadre (qui est essentiel), c'est l'histoire de ces trois gamins débarqués à Paris sans le sou : Denise, 20 ans, toute chétive et maternelle, son frère Jean, un bel adolescent, et Pépé, l'adorable petit. Quand on apprend (au tout début) que Baudu, un des commerçants que Le Bonheur des Dames ruine, est l'oncle de Denise, je me suis dit aïe aïe aïe : il était évident que notre héroïne, qui cherche une place de vendeuse, allait devoir faire son choix, entre les petites boutiques traditionnelles, et le grand magasin.
J'ai eu donc peur pendant un instant que l'auteur nous offre une vision manichéenne du commerce de l'époque, avec le Bonheur des Dames comme grand méchant loup d'un côté, et les petites boutiques au bord de la faillite comme des victimes qu'il faut plaindre, de l'autre. Heureusement, Zola a eu la très bonne idée de nous offrir quelque chose de beaucoup plus subtil ; loin de diaboliser le Bonheur des Dames (qui est cependant plusieurs fois qualifié de "monstre" à cause de son gigantisme), il en décrit le charme à la perfection, et même moi qui ne suis guère une adepte du shopping, je me suis prise à rêver chiffons pendant ma lecture ! On comprend donc bien vite que Denise est du côté du grand magasin, tout en gardant du respect et de la compassion pour le camp adverse, ce qui nous donne un tableau très humain de l'ensemble. Les nombreuses descriptions, loin de m'ennuyer, m'ont séduite, et j'admire le talent de portraitiste de Zola qui est quelques mots parvient à nous présenter un personnage, toujours différent de tous les autres.
Ce roman confirme donc mon amour pour Zola, que j'admirais déjà énormément pour Thérèse Raquin et l'Assommoir (j'avais aussi lu Germinal, je l'avais aimé mais avais eu un peu de mal à le lire quand même, je pense que j'étais trop jeune pour l'apprécier, il faut que je le relise !) J'ai été peut-être un peu moins captivée par la fin, qui est quand même assez prévisible : mais je garderai de ce roman un souvenir enchanté, ne serait-ce que grâce du style de Zola ! Un jour je pense que je reprendrai les Rougon-Macquart dès le début, pour tous les lire, et dans l'ordre :p