Mon avis : je dois lire ce roman pour la fac (cours de littérature du XIXème siècle) et j’appréhendais assez cette lecture, j’aime en général les gros romans avec un style passé mais le côté "politique" me faisait peur ; mais finalement ce pavé de 800 pages est plutôt sympathique. La lecture des 150 premières pages environ a été un peu pénible ; la quatrième de couverture dit que « ce roman s’ouvre sur la délicate peinture des premiers sentiments de Lucien pour Bathilde » : mais que nenni ! Avant ces passages passionnants, on a la présentation assez longue de Lucien et de sa situation : fils d’un riche banquier, sans grandes convictions dans quelque domaine que ce soit, il devient militaire pour la beauté de l’uniforme, et parce que son cousin lui a reproché son oisiveté ; il est donc un peu frivole, un peu vaniteux, mais il est assez lucide sur la médiocrité des gens qui l’entourent, l’hypocrisie qui règne dans le monde lui déplaît, même s’il la pratique lui-même avec succès ; il ne tarde pas à s’ennuyer à Nancy, et même s’il y a pas mal d’ironie dans tout cela, le lecteur aussi attend avec impatience la venue d’une péripétie qui viendrait débloquer la situation.
Péripétie qui finit par arriver heureusement, et comme je m’y attendais, les pages qui concernent Mme de Chasteller sont celles que j’ai le plus aimées. Hélas elles durent trop peu à mon goût, pour des raisons que je ne dévoilerai pas Lucien quitte Nancy et comme alors pour lui une nouvelle carrière, celle d’employé d’un ministère. Magouilles électorales, corruption et compagnie nous montrent de nouveau la fausseté du monde ; ce qui est le plus intéressant dans ce roman selon moi, c’est peut-être de voir le combat perpétuel qui se joue entre la sphère publique, la place dans le monde que Lucien Leuwen se sent obligé de tenir, et ce qui lui tient réellement à cœur, son dégoût de toutes ces manigances, son regret de Nancy.
Un passage assez long ensuite concerne le père de Lucien, et c’est, avec le début de la carrière militaire de Lucien, les pages du roman qui m’ont le moins plu, je dois même admettre que je me suis même un peu ennuyée ; mais étant donné que tout cela fait référence à une période historique que je ne connais guère et qui ne m’intéresse que moyennement, je m’attendais vraiment à peiner plus que cela sur ce roman ; en général Stendhal a réussi à m’intéresser à ce qu’il racontait, j’avais peur de trouver toute l’évocation des manigances politiques confuse, mais c’est resté assez clair finalement, et la lecture de ce roman n’a pas été désagréable, même si certains passages m’ont beaucoup plus passionnée que d’autres.
Je suis même étonnée de constater que j’aurais aimé au fond que cela soit plus long ; le roman est inachevé et je suis un peu restée sur ma faim, à nous de nous imaginer ce qui peut suivre… les notes sont nombreuses, je ne les ai pas toutes lues, beaucoup n’indiquent que des variantes pour un mot, et ne sont pas très utiles ; mais d’autres sont amusantes, les commentaires que Stendhal écrit au sujet de ses personnages par exemple sont assez drôles parfois, et on a alors l’impression de véritablement accompagner l’auteur dans son travail d’écriture. Voir par exemple que Stendhal lui-même semble capable de se lasser d’un sujet politique qui n’était pas non plus ce que je préférais m’a fait sourire : note 2 p 662 : "deux cent soixante-quatre pages d’élection. For me : il est bien temps de sortir des idées d’élection et d’intérêts d'ambition."
Extraits : "L'homme malheureux cherche à se fortifier par la philosophie, mais pour premier effet elle l'empoisonne jusqu'à un certain degré en lui faisant voir le bonheur impossible."
"En amour, il faut oser, ou l'on s'expose à d'étranges revers."
"La vieillesse n'est autre chose que la privation de folie, l'absence d'illusion et de passion. Je place l'absence des folies bien avant la diminution de la force physique. Je voudrais être amoureux, fût-ce de la plus laide cuisinière de Paris, et qu'elle répondît à ma flamme. (...) Plus ta passion serait absurde, plus je l'envierais."
"J'oublie de vivre, se dit-il. Ces sottises d'ambition me distraient de la seule chose au monde qui ait de la réalité pour moi. Il est drôle de sacrifier son cœur à l'ambition , et pourtant de n'être pas ambitieux..."
"(...) Qu'est-ce qu'un amant ? C'est un instrument auquel on se frotte pour avoir du plaisir."