Jeudi 26 août 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/linsoutenablelegeretedeletre.jpg(lu le 16 août)

COUP DE FOUDRE

Quatrième de couverture / extrait : Qu'est-il resté des agonisants du Cambodge ? Une grande photo de la star américaine tenant dans ses bras un enfant jaune.
Qu'est-il resté de Tomas ? Une inscription : il voulait le Royaume de Dieu sur la terre. Qu'est-il resté de Beethoven ? Un homme morose à l'invraisemblable crinière, qui prononce d'une voix sombre : Es muss sein ! " Qu'est-il resté de Franz ? Une inscription : Après un long égarement, le retour. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Avant d'être oubliés, nous serons changés en kitsch. Le kitsch, c'est la station de correspondance entre l'être et l'oubli.
 
Mon avis : il y aurait tant à dire… la première fois que j’ai vu ce livre, c’était il y a six ans, dans une librairie montargoise. La beauté du titre m’avait frappée (comme vous le savez peut-être, je suis très sensible à ces choses-là), la beauté du nom de l’auteur également. La quatrième de couverture ne me tentait pas (je l’ai d’ailleurs aussitôt oubliée), mais j’ai été immédiatement fascinée, attirée et en même temps impressionnée, intimidée par ce livre, que je n’ai donc pas acheté mais que je m’étais promis de lire plus tard. C’est, je crois bien, le seul livre que j’ai adoré avant de le lire ; ça semble peut-être idiot, mais c’était mon intime conviction.

Quelques années plus tard, j’ai commencé à lire un blog (que je suis toujours) écrit par une demoiselle de talent, un blog que je commente irrégulièrement et toujours anonymement, et dont je garde jalousement l’adresse ; et la propriétaire de ce blog a écrit à plusieurs reprises qu’elle adorait Kundera, et je ne saurai pas expliquer pourquoi, mais cela a fortement renforcé l’impression que je l’adorerais moi aussi. Pour mes vingt ans, je me suis offert l’Insoutenable Légèreté de l’Etre, et je me suis promis que je le lirai avant mes vingt et un ans ; mais ensuite, plus les mois passaient, moins j’osais l’ouvrir, tellement j’avais peur d’être déçue. J’ai donc encore attendu 8 mois et demi avant de l’ouvrir, et hier, je l’ai presque entièrement englouti (je l’ai fini ce matin).
 
J’ai encore la sensation que je n’ai pas assez de recul pour vous parler de ce livre. Je ne sais pas si j’en aurai un jour assez. (curieux hein, comme je rechigne à commenter de la façon habituelle les livres qui m’ont le plus touchée). Mais je pense pouvoir dire aujourd’hui sans me tromper que ma rencontre avec Milan Kundera ne fait que commencer, et que l’Insoutenable Légèreté de l’Être est le troisième véritable coup de foudre littéraire de ma vie. (les deux premiers sont : Le Portrait de Dorian Gray, d’Oscar Wilde, lu l’été de mes quatorze ans ; Un homme qui dort, de George Perec, lu quand j’avais 18 ans. A 16 ans, j’aurais peut-être ajouté La Hors-Venue, de Marie Brantôme, mais je n’ai pas réussi à le relire de façon satisfaisante des années après et c’est donc un coup de cœur que j’aurais tendance à disqualifier aujourd’hui)
 
Comment vous définir ce qu’est à mes yeux un coup de foudre littéraire ? Je dirais que c’est un livre que je suis sûre de relire, que je dois absolument avoir dans ma bibliothèque (si jamais je l’ai emprunté pour le lire, je l’achète rapidement), et même pourquoi pas, en plusieurs éditions, pour l’avoir toujours sous la main et ne pas risquer de le perdre ; un livre qui me procure une jouissance non éphémère, dont la simple évocation me réconforte ; un livre que je lis lentement pour bien le savourer ; j’interromps ma lecture pour relire certains passages, je note des pages que j’ai envie de relire et relire, de connaître par cœur (une quarantaine de passages de l’Insoutenable légèreté de l’Être m’ont ainsi paru géniaux)
 
Pour le moment, je dirais juste que j’ai été touchée par tous les personnages ; Tomas l’indécis séducteur, Tereza l’amoureuse jalouse aux cauchemars effrayants, Sabina la femme légère, Franz le rêveur... C’est un livre qui mêle des personnages humains en proie à des histoires d’amour tout sauf niaises, qui façonneront grandement leur vie ; des personnages qui se posent des questions ; des réflexions sur la liberté, Dieu (sujet qui parfois me barbe prodigieusement mais que j’ai trouvé captivant ici), l’existence, le kitsch (le kitsch, un concept qui m’était assez étranger et qui m’a énormément intéressée, je n’en ai pas fini avec lui !), la vie et l’expérience qu’elle peut nous apporter, les possibles inaccessibles, le roman (j’ai eu du mal à me remettre du formidable art poétique de la page 318), les symboles qu’on choisit pour rendre notre vie romanesque, la place de l’Histoire dans nos vie, la guerre, les animaux, les rêves… sujets variés, tous liés de façon originale, je continuerai longtemps à puiser dans ce livre (puisqu’il est une de mes bibles désormais).

Kundera a réussi à rendre concrètes et compréhensibles des choses abstraites qui m’étaient inconnues (dans la première phrase par exemple il parle du concept nietzschéen de l’éternel retour et au début je me demandais bien où il voulait en venir…) C’est un livre universel, assez vaste pour être général, mais qui nous donne aussi une vision particulière de notre monde, en évoquant notamment la Tchécoslovaquie sous l’emprise de l’Union Soviétique (évènements historiques que je connais assez peu, et seulement grâce à des cours d’Histoire, et j’ai maintenant envie d’en savoir plus).

Avis très très subjectif et qui mériterait d'être complété par plusieurs relectures, mais je pense que vous avez compris à quel point je vous le conseille !

Quelques citations :
"Qui cherche l'infini n'a qu'à fermer les yeux."

"Avoir le vertige c'est être ivre de sa propre faiblesse."

"Tomas se dit : Lier l'amour à la sexualité, c'est l'une des idées les plus bizarres du Créateur.
Et il se dit encore ceci : Le seul moyen de sauver l'amour de la bêtise de la sexualité ce serait de régler autrement l'horloge dans notre tête et d'être excité à la vue d'une hirondelle."

"L'amour physique est impensable sans violence."

"Le rêve est la preuve qu'imaginer, rêver ce qui n'a pas été, est l'un des plus profonds besoins de l'homme."
Par Ebeth le Jeudi 26 août 2010
J'avais entendu parler de ce livre, je crois même avoir quelques livres de Kundera dans ma bibliothèque, je devrais vérifier. Mais il n'y aucun doute sur le fait que tu m'as terriblement donné envie de le lire.
Par Bookine le Vendredi 27 août 2010
Avis "subjectif"?! je dirais plutôt que l'émotion qui se dégage de ton billet ne peut que piquer notre curiosité! ta présentation reste mystérieuse...cela fait longtemps que je souhaite lire ce livre, mais il me faisait peur. Je craint que ce ne soit trop philosophique pour moi et que je n'y comprenne pas grand chose...ton avis me rassure un peu et m'encourage surtout. merci!
Par Bookine le Vendredi 27 août 2010
Avis "subjectif"?! je dirais plutôt que l'émotion qui se dégage de ton billet ne peut que piquer notre curiosité! ta présentation reste mystérieuse...cela fait longtemps que je souhaite lire ce livre, mais il me faisait peur. Je craint que ce ne soit trop philosophique pour moi et que je n'y comprenne pas grand chose...ton avis me rassure un peu et m'encourage surtout. merci!
Par lemonde-dans-leslivres le Vendredi 27 août 2010
Heureuse de voir à quel point ce roman t'a emballé!
Par Lu-cein le Samedi 28 août 2010
MeL, que ton article est beau ! J'ai vraiment été sensible à sa lecture, tu introduis ta lecture de l'Insoutenable légèreté de l'être avec tant de précautions et de délicatesses qu'on sent tout de suite à quel point elle t'a touchée. Je ne donnerai pas une meilleure description du coup de foudre littéraire que tu ne l'as fait : un livre qui nous réconforte, même à distance, c'est quand même incroyable, et rare ! Ce sont ces livres qui nous font, à tout jamais, aimer la littérature.
Par Lu-cein le Samedi 28 août 2010
Ps : j'avais oublié à quel point le Portrait de Dorian Gray t'avait tant marqué, et c'est amusant parce que je le découvre en anglais en ce moment, et tu en parles dans cet article. Je vais aller voir ton article sur le sujet de ce pas :)
Par Akkantha le Samedi 28 août 2010
Tu me donnes vraiment envie de lire ce livre. Si j'étais tombée dessus quelque part, je crois que rien que le titre m'aurait poussée à le lire.
Par Raison-et-sentiments le Jeudi 2 septembre 2010
Je l'ai lu il y a deux ans (et depuis Risibles amours m'attend dans ma bibli.) et j'ai aimé même si je n'ai pas eu un coup de foudre comme toi. Je ne me souviens en fait pas trop ce que j'en ai pensé, sauf que parfois, j'ai trouvé cela assez difficile à comprendre.
Vraiment si j'oublie ce que j'ai pensé d'un roman seulement deux ans après l'avoir lu c'est qu'il ne pas beaucoup marqué ou que je deviens sénile :)
Par Nanon. le Samedi 23 octobre 2010
Je viens de découvrir ton blog que je trouve très intéressant. Ca m'a permis de lire d'autres avis sur des livres que je connais (tel que "L'insoutenable légèreté de l'être" que j'ai lu il y a 3 ans et qui m'a énormément plu. Tes citations m'ont permis de me replonger dans le souvenir de ce livre.)
Et ça m'a également donné envie de découvrir certains de ces livres.
Mais j'ai été à la fois déçue et triste de ne rien trouver sur Jonathan Coe et Nancy Huston. Alors si ce n'est pas déjà fait, je te conseil de lire "Lignes de faille" et "Professeurs de désespoir" de Huston et "La maison de sommeil", "Testament à l'anglaise", "Bienvenue au club" et "Le cercle fermé" de J. Coe.
Par MeL le Samedi 23 octobre 2010
Merci ! Mais faut pas être déçue ou triste, pense plutôt que grâce à tes recommandations je vais peut-être découvrir ces auteurs ;) (de Jonathan Coe, j'avais déjà prévu de lire La Pluie avant qu'elle tombe, d'ailleurs)
Par Nanon le Samedi 23 octobre 2010
"La pluie avant qu'elle tombe" je l'ai lu récemment (à vrai dire j'ai lu tous ses livres) mais ce n'est vraiment pas le meilleur. J'aimais l'idée que ça parte de souvenirs contenus dans des photo (je fais des études de photographie). Mais j'ai été déçue du résultat. Il se laisse lire mais vraiment sans plus.
J'espère par contre que les autres te plairont :)
 

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