Quatrième de couverture / extrait : oui je le hais je mourrais pour lui je suis déjà morte pour lui je meurs pour lui encore et encore chaque fois que cela se produit...
Pauvre Quentin
Elle se renversa en arrière appuyée sur ses bras les mains nouées autour des genoux
Tu n'as jamais fait cela n'est-ce pas
Fait quoi
Ce que j'ai fait
Si si bien des fois avec bien des femmes.
Puis je me suis mis à pleurer sa main me toucha de nouveau et je pleurais contre sa blouse humide elle était étendue sur le dos et par-delà ma tête elle regardait le ciel je pouvais voir un cercle blanc sous ses prunelles et j'ouvris mon couteau.
Résumé (amazon) : C'est avec cet ouvrage explosif que William Faulkner fut révélé au public et à la critique. Auteur de la moiteur étouffante du sud des États-Unis, Faulkner a réellement bouleversé l'académisme narratif en plaçant son récit sous le signe du monologue intérieur, un monologue d'abord "confié" à un simple d'esprit passablement dépassé par les événements qui se déroulent autour de lui. Confusément, les images qui lui parviennent font remonter ses souvenirs : il brosse de façon impressionniste et chaotique l'histoire douloureuse de sa famille. Vient ensuite le moment d'écouter les confessions de Quentin, son frère, exposant les raisons qui le pousseront à se donner la mort. D'amours déçues en déchirements, la fratrie (qui compte un troisième membre ayant lui aussi son monologue) se désagrège. Jouant subtilement avec les différences de registres en passant d'un personnage à l'autre, Faulkner conclut en tant que narrateur extérieur ce roman violent, où chacun se débat tant bien que mal sans réellement pouvoir se soustraire à un destin funeste.
Mon avis : Un roman difficile à lire, sachez-le d'emblée ; j'ai eu envie de l'inclure au challenge ABC parce que je le connaissais de nom et je trouvais le titre très beau, (et c'est une référence à Macbeth en fait : "La vie […] : une fable racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien." ). je me suis lancée dans cette lecture sans rien connaître de l'histoire mais au bout de quelques pages, j'ai déchanté, j'avais l'impression de ne rien comprendre, je n'arrivais pas à saisir qui était le narrateur, ni à quoi il faisait allusion ; alors, plutôt que d'abandonner ce livre, j'ai décidé de lire la préface proposée par le traducteur (chose que je fais très rarement), et je dois dire qu'elle m'a bien aidée, en donnant des informations sur la composition du roman, j'ai pu comprendre quel est le point de vue adopté dans chaque partie, et ça m'a semblé essentiel pour ne pas perdre le fil.
Ce roman nous montre - et j'utilise ce verbe à dessein car j'ai vraiment eu l'impression que tout nous était montré plus que raconté, et encore, pas vraiment montré, c'est à nous de nous approcher, je n'ai pas eu le sentiment que ce roman était vraiment tourné vers son lecteur , mais tant mieux - l'histoire terrible d'une famille du sud des Etats-Unis, une famille où chacun semble un peu fou à sa manière, où l'amour est aussi destructeur que la haine. Nous voyons successivement à travers les yeux d'un handicapé mental, Ben, de Quentin, son frère qui ne supportera pas le départ et le mariage de leur soeur bien-aimée, Caddy ; et dans la troisième partie nous avons le point de vue de Jason, leur autre frère, qui a eu l'impression de s'être sacrifié pour cette famille, et qui hait Quentin, la fille de Caddy qui est ensuite élevée chez eux. Il faut aussi prendre en compte les autres personnages : Caroline, la mère, Jason, le père et les serviteurs noirs : Roskus, Frony, le jeune Luster et surtout la bonne et dévouée Dilsey.
Plusieurs personnages portent le même prénom, parfois la ponctuation est presque absente, le roman ne suit pas un ordre chronologique, les retours dans le passé se font de façon imprévisible, pensées au présent et souvenirs se mêlent sans logique, comme c'est le cas dans la réalité : ces monologues intérieurs demandent donc une certaine concentration au lecteur, qui ne peut pas tout comprendre (pas du premier coup en tout cas !) ; mais grâce à ce procédé d'écriture, c'est toute une atmosphère qui ressurgit sous nos yeux, sans les artifices de la narration traditionnelle, c'est au lecteur de s'adapter pour comprendre ce monde. Si parfois la lecture m'a semblé vraiment laborieuse, à d'autres moments j'étais vraiment "dedans" et j'ai été vraiment touchée par certains passages ; chaque partie est vraiment écrite avec un style, un regard différent, ce roman me semble vraiment très riche et je suis persuadée que je pourrais encore le relire plusieurs fois avant d'avoir le sentiment de l'avoir épuisé ; c'est une lecture qui demande un effort, mais un effort qui en vaut la peine !
Pour conclure je vais laisser la parole au traducteur (que je remercie infiniment !) : "Je ne crains pas, du reste, d'affirmer que la compréhension absolue de chaque phrase n'est nullement nécessaire pour goûter Le bruit et la fureur. Je comparerais volontiers ce roman à ces paysages qui gagnent à être vus quand la brume les enveloppent. La beauté tragique s'en accroît, et le mystère en voile les horreurs qui perdraient en force sous des lumières trop crues. L'esprit assez réfléchi pour saisir, à une première lecture, le sens de toutes les énigmes que nous propose M. Faulkner, n'éprouverait sans doute pas cette impression d'envoûtement qui donne à cet ouvrage unique son plus grand charme et sa réelle originalité."