Dimanche 31 octobre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/dominique.jpgCHALLENGE ABC 2010, 23ème livre lu ♦

Quatrième de couverture : Un jour de chasse, le narrateur lie connaissance avec M. de Bray, que tout le monde appelle Dominique, et qui vient d'abattre un coq de perdrix qui revenait à son voisin. Les relations intimes bientôt nouées entre les deux hommes conduisent Dominique à faire à son ami le récit enchâssé, la confidence mélancolique de sa vie tourmentée et de son impossible amour de jeunesse pour Madeleine. Notable aimé de tous, père de famille comblé et paisiblement retiré sur ses terres, Dominique tourne le dos à son siècle, et son énigme n'est pas dans le récit qu'il nous fait, mais dans la conclusion qu'il n'en tire pas : est-il heureux comme il le semble, et vraiment guéri de son passé ? En 1863, Eugène Fromentin, qui est peintre, donne avec Dominique, son premier et unique roman.

Mon avis : un assez beau roman, des critiques plutôt négatives que j'avais lues il y a quelque temps m'avaient fait un peu peur, je craignais de m'ennuyer, mais finalement j'ai pu le lire dans la journée sans problème. Le début n'est pas des plus palpitants cependant, j'aurais aimé que le récit enchâssé arrive un peu plus vite. Comme c'est un récit rétrospectif et qu'on connaît donc la situation de Dominique à la fin du roman (marié avec une femme qui n'est pas son grand amour de jeunesse, retiré en province...), on se doute que l'histoire d'amour qu'il va nous raconter est vouée à l'échec, mais j'ai quand même été agréablement surprise ! Le Dominique plus âgé qui conte son histoire semble d'un tempérament très calme, peu propre à s'enflammer, mais on comprend vite que ce n'est que résignation, tant cet état d'esprit contraste avec le caractère plus vif qu'il a eu dans sa jeunesse... et son histoire d'amour n'est pas si décevante que ça.

J'aurais quand même aimé le voir plus combattif, le ton est souvent plaintif... mais comme son amour est impossible et que le personnage n'est qu'un adolescent quand il rencontre sa Madeleine, ses craintes et sa timidité sont touchantes. Ma quatrième de couverture (différente de celle que je vous propose) parle d'"un chef d'oeuvre du roman psychologique", il est vrai que l'analyse des sentiments des personnages fait l'intérêt du roman mais j'aurais aimé que l'auteur aille plus loin, que le dénouement soit plus développé surtout, entre la fin de son histoire d'amour de jeunesse et la situation présente du personnage il n'y a pas vraiment de transition, j'aurais aimé par exemple que sa rencontre avec celle qui sera sa femme soit racontée, qu'on connaisse les sentiments de Dominique à ce moment-là.... et les personnages secondaires (Augustin et Olivier, précepteur et ami de Dominique) ont un caractère opposé et un bon potentiel romanesque, mais j'aurais aimé aussi qu'on connaisse plus en détail leur vie, on les perd un peu de vue au fur et à mesure du récit, même si sera mis plus tard au courant de leur situation.

Les notes ont m'ont aussi un peu gâché le plaisir, je les ai trouvé trop critiques, sans arrêt des parallèles sont faits entre ce roman et des oeuvres de Flaubert, Musset, Balzac, Chateaubriand, Stendhal... avec l'impression à chaque fois que le roman qu'on est en train de lire ne sort pas gagnant de ces comparaisons et que celui qui a rédigé ces notes voulait pointer le manque d'originalité de Fromentin (et je trouve pas ça très cool, d'autant plus que personnellement je n'aurais pas fait ces parallèles de moi-même, même si on sent bien que les thèmes de ce roman ne sont pas nouveaux).

Une particularité de ce roman quand même : le personnage dit lui-même avoir une grande mémoire des sensations que des lieux et des atmosphères ont provoqué chez lui, et on a donc pas mal de descriptions de paysages, souvent en accord avec l'état d'esprit du héros, ce qui donne une ambiance particulière au texte. Dominique a un domaine au bord de la mer, mais il s'intéresse bien plus à ses forêts et à ses champs - ce qui peut sembler dommage, des descriptions maritimes m'auraient plus plu, mais c'est logique : la campagne un peu plate, un peu triste est à l'image du personnage résigné, et il parvient assez bien à exprimer ce qui fait pour lui le charme de ce paysage. (bon je suppose que ce n'est pas extrêmement original, cela fait penser notamment aux "paysages intérieurs" des poèmes romantiques, mais au moins ces passages-là n'ont pas été sans arrêt comparés à des passages d'autres œuvres et je les ai trouvés bien faits).

Ma quatrième de couverture présente aussi ce roman comme un "roman politique" : je n'ai pas lu l'introduction qui développait cette thèse mais je pense comprendre de quoi il est question : ce roman fait écho aux désillusions dans le domaine politique que de nombreuses personnes retirées suite à des espoirs déçus ont connu à cette époque... mais ce rapprochement est plutôt métaphorique, on n'est (et j'ai envie de dire, heureusement !) pas écrasé par cet aspect des choses ; certes, Dominique a été l'auteur d'écrits politiques, mais cette thématique reste assez implicite, aucun nom n'est évoqué, il y a peu de dates, le récit est rythmé par la succession des saisons et ce sont bien les sentiments amoureux de Dominique qui restent toujours au premier plan... et j'ai été soulagée que l'aspect historique et politique ne soient pas trop développé.

Mon avis est un peu en demi-teinte, je ne pense pas que ce roman me marquera énormément et la plume de Fromentin dans son ensemble ne m'a pas éblouie (même si certains passages m'ont plus spécialement plu !), mais ça a été une lecture agréable et intéressante, et plus chargée en émotions finalement que ce à quoi je m'attendais !

Extrait : (d'une lettre d'Augustin à Dominique adolescent)
"Ecrivez-moi plus souvent. Ne dites pas que je connais d'avance votre vie et que vous n'avez rien à m'en apprendre. A l'âge où vous avez et dans un esprit comme le vôtre, il y a chaque jour du nouveau. Vous souvenez-vous de l'époque où vous mesuriez les feuilles naissantes et me disiez de combien de lignes elles avaient grandi sous l'action d'une nuit de rosée ou d'une journée de fort soleil ? Il en est de même pour les instincts d'un garçon de votre âge. Ne vous étonnez pas de cet épanouissement rapide, qui, si je vous connais bien, doit vous surprendre et peut-être vous effrayer. Laissez agir des forces qui n'auront chez vous rien de dangereux : parlez-moi seulement pour que je vous connaisse ; permettez-moi de vous voir tel que vous êtes, et c'est moi, à mon tour, qui vous apprendrai de combien vous aurez grandi. Surtout soyez naïf dans vos sensations. Qu'avez-vous besoin de les étudier ? N'est-ce point assez d'en être ému ? La sensibilité est un don admirable ; dans l'ordre des créations que vous devez produire, elle peut devenir une rare puissance, mais à une condition, c'est que vous ne la retournez pas contre vous-même."
Par Dame-Meli le Samedi 6 novembre 2010
Hehe, j'avais pas vu ce billet ! Il est également dans ma PAL depuis un moment. Il faisait partie d'un lot trouvé en vide-grenier. 5 Nelson pour 2€ ou quelque chose comme ça. Quand on sait qu'un Nelson vaut minimum 6 ou 7€, j'ai pas résisté, même si ce titre, et un autre, ne me disait absolument rien !
Tout ça pour dire que ton avis me pousse un peu plus à remonter ce titre vers le haut de ma PAL... un jour, j'en viendrai à bout ! ^^
 

Ajouter un commentaire









Commentaire :








Votre adresse IP sera enregistrée pour des raisons de sécurité.
 

La discussion continue ailleurs...

Pour faire un rétrolien sur cet article :
http://bouquins.cowblog.fr/trackback/3054311

 

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | Page suivante >>

"Chacune de nos lectures laisse une graine qui germe." Jules Renard

Un livre au hasard

Il ne se passait rien...
Créer un podcast