Quatrième de couverture : Un grand classique anglais où la fatalité mène le jeu en dehors de toute morale, de tout préjugé social. Cette force aveugle, présente à chaque instant, couvre de son ombre le visage de Tess, héroïne et victime désignée. Réalisme et poésie se côtoient. Thomas Hardy dépeint admirablement la nature et la vie des paysans en cette fin de XIXème siècle. Les paysages du Wessex qu'il sait si bien décrire offrent un admirable cadre, parfois riant, parfois âpre, à cette fresque victorienne. Les personnages se détachent, scrutés jusqu'à l'âme, sur ce décor brossé avec tendresse.
Paru en 1891, Tess d'Urberville a inspiré à Roman Polanski, presque cent ans plus tard, l'un de ses plus beaux films.
Mon avis : Tiens, je ne m'attendais pas à une histoire de ce genre. J'avais bien pris garde de ne pas lire de résumé pour ne pas gâcher ma lecture (et j'ai snobé la quatrième de couverture. Quand il s'agit de "grands classiques", je me méfie, les éditeurs - et les profs, mais c'est une autre histoire - souvent ne se gênent pas pour raconter la fin, ils s'imaginent sans doute que les romans qu'ils rééditent sont universellement connus dans tous leurs détails ? Sauf que non ! Et heureusement qu'on peut encore lire un roman du passé sans forcément connaître la fin d'avance...). Je crois bien que la première fois que j'ai "entendu parler" de ce livre, c'était dans Comme un roman de Daniel Pennac. Ma grand-mère ensuite m'a incité à le lire, et c'est ainsi que ce livre s'est retrouvé dans mon challenge ABC 2009 (challenge périmé, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire...).
Simplement à partir du titre (je dirais même, simplement à cause de la particule), je m'étais imaginée que ce roman relaterait une histoire d'amour dans un milieu noble. Pour le côté "histoire d'amour", j'avais visé juste ; mais alors, de milieu noble, point du tout ! Notre fameuse héroïne, Tess, s'appelle en vérité aux yeux du monde Tess Durbeyfield... Durbeyfield, déformation dégradée de d'Urberville, nom de ses nobles ancêtres, noblesse légendaire mais bien éloignée dans les faits, puisque Tess mène une rude vie de paysanne dans la campagne anglaise (ça, j'aurais pu le deviner si j'avais lu la quatrième de couverture qui indique que "Thomas Hardy dépeint admirablement la nature et la vie des paysans en cette fin de XIXème siècle", huhu.)
Qu'importe, j'ai donc été embarquée dans un milieu bien plus modeste et rural que ce que je prévoyais, je ne vais pas m'en plaindre. Au début du roman, Tess est la jeune paysanne typique, fraîche avec de jolies joues roses, rêvant vaguement à l'amour de façon tout à fait ingénue, même si ce n'est pas le premier de ses soucis puisqu'elle doit travailler dur pour aider sa famille nombreuse et pauvre à laquelle elle est naturellement toute dévouée. Elle est bien gentille, elle va devoir quitter le foyer familial pour travailler pour un jeune homme riche et séducteur, et il va sans dire que la pauvre, malgré une résistance farouche (c'est une fille vertueuse), elle va vite tomber dans le panneau.... et tous les malheurs de sa vie découleront de cette première erreur. Au début, je dois bien admettre que je n'étais pas très emballée par Tess, qui me semblait être un personnage un peu trop cliché pour que je m'y intéresse et m'y attache vraiment.... mais peu à peu, j'ai eu beaucoup de sympathie pour elle, et je l'ai suivie dans ses (més)aventures avec plaisir. (ignoble petite sadique que je suis)
On sent bien qu'on lit un livre du XIXème siècle ; c'est plutôt facile à lire de mon point de vue (plus que ce à quoi je m'attendais, puis bon peut-être qu'à force je suis rodée, et ce qui m'aurait apparu comme une difficulté il y a 5 ans m'est aujourd'hui une originalité stylistique plaisante :)), mais ce sont surtout les mœurs des personnages qui sont très différentes des nôtres. On est de toute façon bien forcé de garder en tête cet éloignement temporel, sans quoi on serait outré (je le serais en tout cas) par la conception de l'honneur de l'époque, et les conséquences désastreuses d'un manquement à un idéal moral si vain sont, quand on les juge avec notre regard d'aujourd'hui, complètement absurdes....de même certains préjugés sur les femmes énoncés comme des vérités générales (surtout tout ce qui concerne la nécessaire soumission au mari !) m'ont fréquemment fait lâcher un petit soupir, mais bon, j'ai bien conscience que c'était conforme à la mentalité de l'époque, et je dois aussi défendre Thomas Hardy qui aurait pu se montrer infiniment plus sévère (et donc lourd) : s'il évoque tous ces préjugés, c'est souvent pour les remettre en question (du moins je préfère le comprendre comme ça, ne me détrompez pas !), et il nous a épargné beaucoup de passages religieux qu'il aurait pu facilement insérer, là toutes les références à Dieu restent pittoresques et très supportables. Tout ce qui arrive à Tess est très injuste, et je dirais que globalement elle n'a vraiment pas de chance, heureusement elle ne stagne pas et ne cesse d'essayer de s'en sortir, et je n'ai pas arrêté d'espérer que tout s'arrange pour elle !
Le style du XIXème siècle fait donc comme une petite musique, profondément dépaysante ; le narrateur intervient assez souvent (mais avec de petits sabots), soit pour donner un peu de peps à une description (cf extrait ci-dessous), soit pour railler (plus ou moins) légèrement les personnages, souvent hélas pour casser l'ambiance en rappelant à Tess que son destin est noir et que c'est pas la peine de s'enthousiasmer (méchant narrateur !). Cependant j'ai parfois regretté un léger manque de rythme... je ne me suis pas vraiment ennuyée car comme je l'ai dit les péripéties sont relativement nombreuses ; oh, ne vous emballez pas, rien de très rocambolesque, chaque "étape" (le roman est divisé en sept "phases", et pour vous donner une idée, les deux premières s'appellent "jeune fille" et "femme") est très développée donc on n'a pas non plus un enchaînement rapide des différentes actions, mais ce n'est pas ça qui m'a gênée, non, j'ai beaucoup aimé qu'on s'arrête avec Tess dans chacun des endroits qu'elle parcourt, qu'on fasse de nouvelles connaissances avec elle, qu'on la suive dans ses travaux de laiterie, dans ses réflexions un peu désespérées... (au début ses sentiments me semblaient un peu lisses, mais par la suite, on s'enflamme, on a de la passion violente, des menaces de suicide, le top. Elle essaie toujours de se modérer, dommage pour nous, mais quand même.)
Non, ce qui à mon avis a un peu alourdi inutilement le texte, c'est qu'à chaque début de chapitre (et les chapitres sont courts, il y en a 59 pour 400 pages), on a presque systématiquement un paragraphe descriptif plus ou moins long, soit pour nous présenter un nouveau lieu si Tess s'est déplacée, soit pour nous parler de la météo ; ce sont surtout le passages météo qui ont fini par me barber, au début je les lisais attentivement, ils sont même plutôt poétiques, mais ils reviennent trop souvent pour que je les accueille à chaque fois sans lassitude, et j'en ai sauté quelques-uns pour finir. Ce n'est qu'un détail, mais qui m'a empêché d'être vraiment emportée par ma lecture, ces pauses dans le récit l'ont freiné un peu trop souvent à mon goût.
Même si l'intrigue reste assez simple (machin lui pardonnera-t-il ? sera-t-elle un jour heureuse ?) je n'ai pas réussi à prévoir la fin, et plus de cent pages avant la dernière, j'ai applaudi un beau rebondissement qui, personnellement, m'a laissée sur les fesses. Je n'ai pas vraiment eu de coup de cœur pour le style, qui est pourtant bien particulier, ni pour l'héroïne, qui m'a assez régulièrement exaspérée, même si je l'aime beaucoup au fond (petite mère !), mais je ne regrette en aucun cas cette lecture qui m'a tenue occupée plusieurs jours, qui a réussi à m'angoisser et m'extasier en même temps à certains moments, et à m'emmener loin de ma chambre.... maintenant, il faut que j'emprunte le DVD pour juger le film !
Extrait :
"La société des volatiles dont Tess avait été nommée surveillante, pourvoyeuse, infirmière, chirurgien et amie, avait pour quartier général une vieille chaumière située dans un ancien jardin, maintenant sablonneux et piétiné. Le lierre envahissait la maison, et ses branches en élargissaient la cheminée, lui donnant l'aspect d'une tour en ruine. Les pièces du bas étaient complètement abandonnées aux oiseaux, qui s'y promenaient d'un air de propriétaires, comme si cet endroit avait été bâti par eux et non par certains tenanciers réduits en poussière qui gisaient maintenant dans le cimetière."
Paru en 1891, Tess d'Urberville a inspiré à Roman Polanski, presque cent ans plus tard, l'un de ses plus beaux films.
Mon avis : Tiens, je ne m'attendais pas à une histoire de ce genre. J'avais bien pris garde de ne pas lire de résumé pour ne pas gâcher ma lecture (et j'ai snobé la quatrième de couverture. Quand il s'agit de "grands classiques", je me méfie, les éditeurs - et les profs, mais c'est une autre histoire - souvent ne se gênent pas pour raconter la fin, ils s'imaginent sans doute que les romans qu'ils rééditent sont universellement connus dans tous leurs détails ? Sauf que non ! Et heureusement qu'on peut encore lire un roman du passé sans forcément connaître la fin d'avance...). Je crois bien que la première fois que j'ai "entendu parler" de ce livre, c'était dans Comme un roman de Daniel Pennac. Ma grand-mère ensuite m'a incité à le lire, et c'est ainsi que ce livre s'est retrouvé dans mon challenge ABC 2009 (challenge périmé, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire...).
Simplement à partir du titre (je dirais même, simplement à cause de la particule), je m'étais imaginée que ce roman relaterait une histoire d'amour dans un milieu noble. Pour le côté "histoire d'amour", j'avais visé juste ; mais alors, de milieu noble, point du tout ! Notre fameuse héroïne, Tess, s'appelle en vérité aux yeux du monde Tess Durbeyfield... Durbeyfield, déformation dégradée de d'Urberville, nom de ses nobles ancêtres, noblesse légendaire mais bien éloignée dans les faits, puisque Tess mène une rude vie de paysanne dans la campagne anglaise (ça, j'aurais pu le deviner si j'avais lu la quatrième de couverture qui indique que "Thomas Hardy dépeint admirablement la nature et la vie des paysans en cette fin de XIXème siècle", huhu.)
Qu'importe, j'ai donc été embarquée dans un milieu bien plus modeste et rural que ce que je prévoyais, je ne vais pas m'en plaindre. Au début du roman, Tess est la jeune paysanne typique, fraîche avec de jolies joues roses, rêvant vaguement à l'amour de façon tout à fait ingénue, même si ce n'est pas le premier de ses soucis puisqu'elle doit travailler dur pour aider sa famille nombreuse et pauvre à laquelle elle est naturellement toute dévouée. Elle est bien gentille, elle va devoir quitter le foyer familial pour travailler pour un jeune homme riche et séducteur, et il va sans dire que la pauvre, malgré une résistance farouche (c'est une fille vertueuse), elle va vite tomber dans le panneau.... et tous les malheurs de sa vie découleront de cette première erreur. Au début, je dois bien admettre que je n'étais pas très emballée par Tess, qui me semblait être un personnage un peu trop cliché pour que je m'y intéresse et m'y attache vraiment.... mais peu à peu, j'ai eu beaucoup de sympathie pour elle, et je l'ai suivie dans ses (més)aventures avec plaisir. (ignoble petite sadique que je suis)
On sent bien qu'on lit un livre du XIXème siècle ; c'est plutôt facile à lire de mon point de vue (plus que ce à quoi je m'attendais, puis bon peut-être qu'à force je suis rodée, et ce qui m'aurait apparu comme une difficulté il y a 5 ans m'est aujourd'hui une originalité stylistique plaisante :)), mais ce sont surtout les mœurs des personnages qui sont très différentes des nôtres. On est de toute façon bien forcé de garder en tête cet éloignement temporel, sans quoi on serait outré (je le serais en tout cas) par la conception de l'honneur de l'époque, et les conséquences désastreuses d'un manquement à un idéal moral si vain sont, quand on les juge avec notre regard d'aujourd'hui, complètement absurdes....de même certains préjugés sur les femmes énoncés comme des vérités générales (surtout tout ce qui concerne la nécessaire soumission au mari !) m'ont fréquemment fait lâcher un petit soupir, mais bon, j'ai bien conscience que c'était conforme à la mentalité de l'époque, et je dois aussi défendre Thomas Hardy qui aurait pu se montrer infiniment plus sévère (et donc lourd) : s'il évoque tous ces préjugés, c'est souvent pour les remettre en question (du moins je préfère le comprendre comme ça, ne me détrompez pas !), et il nous a épargné beaucoup de passages religieux qu'il aurait pu facilement insérer, là toutes les références à Dieu restent pittoresques et très supportables. Tout ce qui arrive à Tess est très injuste, et je dirais que globalement elle n'a vraiment pas de chance, heureusement elle ne stagne pas et ne cesse d'essayer de s'en sortir, et je n'ai pas arrêté d'espérer que tout s'arrange pour elle !
Le style du XIXème siècle fait donc comme une petite musique, profondément dépaysante ; le narrateur intervient assez souvent (mais avec de petits sabots), soit pour donner un peu de peps à une description (cf extrait ci-dessous), soit pour railler (plus ou moins) légèrement les personnages, souvent hélas pour casser l'ambiance en rappelant à Tess que son destin est noir et que c'est pas la peine de s'enthousiasmer (méchant narrateur !). Cependant j'ai parfois regretté un léger manque de rythme... je ne me suis pas vraiment ennuyée car comme je l'ai dit les péripéties sont relativement nombreuses ; oh, ne vous emballez pas, rien de très rocambolesque, chaque "étape" (le roman est divisé en sept "phases", et pour vous donner une idée, les deux premières s'appellent "jeune fille" et "femme") est très développée donc on n'a pas non plus un enchaînement rapide des différentes actions, mais ce n'est pas ça qui m'a gênée, non, j'ai beaucoup aimé qu'on s'arrête avec Tess dans chacun des endroits qu'elle parcourt, qu'on fasse de nouvelles connaissances avec elle, qu'on la suive dans ses travaux de laiterie, dans ses réflexions un peu désespérées... (au début ses sentiments me semblaient un peu lisses, mais par la suite, on s'enflamme, on a de la passion violente, des menaces de suicide, le top. Elle essaie toujours de se modérer, dommage pour nous, mais quand même.)
Non, ce qui à mon avis a un peu alourdi inutilement le texte, c'est qu'à chaque début de chapitre (et les chapitres sont courts, il y en a 59 pour 400 pages), on a presque systématiquement un paragraphe descriptif plus ou moins long, soit pour nous présenter un nouveau lieu si Tess s'est déplacée, soit pour nous parler de la météo ; ce sont surtout le passages météo qui ont fini par me barber, au début je les lisais attentivement, ils sont même plutôt poétiques, mais ils reviennent trop souvent pour que je les accueille à chaque fois sans lassitude, et j'en ai sauté quelques-uns pour finir. Ce n'est qu'un détail, mais qui m'a empêché d'être vraiment emportée par ma lecture, ces pauses dans le récit l'ont freiné un peu trop souvent à mon goût.
Même si l'intrigue reste assez simple (machin lui pardonnera-t-il ? sera-t-elle un jour heureuse ?) je n'ai pas réussi à prévoir la fin, et plus de cent pages avant la dernière, j'ai applaudi un beau rebondissement qui, personnellement, m'a laissée sur les fesses. Je n'ai pas vraiment eu de coup de cœur pour le style, qui est pourtant bien particulier, ni pour l'héroïne, qui m'a assez régulièrement exaspérée, même si je l'aime beaucoup au fond (petite mère !), mais je ne regrette en aucun cas cette lecture qui m'a tenue occupée plusieurs jours, qui a réussi à m'angoisser et m'extasier en même temps à certains moments, et à m'emmener loin de ma chambre.... maintenant, il faut que j'emprunte le DVD pour juger le film !
Extrait :
"La société des volatiles dont Tess avait été nommée surveillante, pourvoyeuse, infirmière, chirurgien et amie, avait pour quartier général une vieille chaumière située dans un ancien jardin, maintenant sablonneux et piétiné. Le lierre envahissait la maison, et ses branches en élargissaient la cheminée, lui donnant l'aspect d'une tour en ruine. Les pièces du bas étaient complètement abandonnées aux oiseaux, qui s'y promenaient d'un air de propriétaires, comme si cet endroit avait été bâti par eux et non par certains tenanciers réduits en poussière qui gisaient maintenant dans le cimetière."
(et J'ai aimé lire ton billet !)