Lundi 18 octobre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lerireducyclope.jpgRésumé : Darius, humoriste célèbre et coqueluche du tout Paris, s’effondre dans sa loge à l’issue d’une représentation à L’Olympia. Quelques minutes avant sa mort, le pompier de garde l’a pourtant entendu éclater de rire…Journaliste au Guetteur moderne, Lucrèce Nemrod est sûre qu’il ne s’agit pas d’une mort naturelle. Son complice, Isidore Katzenberg, qui vit toujours dans son château d’eau, entouré de dauphins, est persuadé qu’il faut remonter aux origines du rire pour mener à bien cette enquête…Un roman werbérien à la fois malin et savant, où l’on retrouve deux de ses héros favoris : Isidore Katzenberg et Lucrèce Nemrod. Après le chaînon manquant et le cerveau, l’étrange phénomène du rire est au centre de leur nouvelle enquête.

Mon avis : comme vous le savez certainement, à l'époque où j'ai créé ce blog (il y a bientôt cinq ans), j'étais très fan de Bernard Werber (il n'y a qu'à voir ma première page...) et mon admiration pour l'auteur n'a pas faibli de tout le lycée. Les deux derniers livres que j'ai lus de lui, Le Mystère des Dieux et Le Papillon des Etoiles, m'avaient beaucoup plu aussi mais avec ces deux livres, Werber a quand même commencé à me décevoir (même si je me rends compte - en les relisant - qu'on ne s'en aperçoit guère en lisant mes avis de l'époque), pour deux raisons : 1) au fil des années le style compte de plus en plus à mes yeux et sur ce plan-là Bernard Werber me semble très décevant (il dit lui-même que ce n'est pas l'essentiel à ses yeux) 2) les thèmes et idées qui m'ont enthousiasmée - et le mot est faible - quand j'ai découvert l'auteur ne se renouvellent guère, et ça devient assez répétitif.

Afin de ne pas prendre le risque de me dégoûter de l'auteur, je n'ai donc pas cherché à lire les livres qu'il a écrit après Le Papillon des Etoiles, à savoir Paradis sur Mesure et Le Miroir de Cassandre. Quand j'ai appris la prochaine publication de celui-ci, je ne pensais pas non plus que je le lirais... mais sachant que ce roman est la suite de l'Ultime Secret (un de mes préférés de l'auteur avec Les Fourmis et Les Thanatonautes), et surtout ayant la possibilité de le lire dès sa sortie sans qu'il m'en coûte un centime, je me suis décidée à donner une dernière chance à Werber... j'ai commencé ma lecture pleine de bonne volonté en espérant vraiment que ce roman signifierait ma réconciliation avec l'auteur fétiche de mon adolescence.

Et ? Il n'y a malheureusement pas eu de miracle, et je suis déçue. Lire ce roman n'a pas été une torture, loin de là, j'ai même finalement pris plus de plaisir que la lecture des 150 premières pages ne le laissait présager, mais Le Rire du Cyclope n'a fait que confirmer les critiques que je commençais à former au fond de moi à la lecture des précédents. J'ai trop eu l'impression, en lisant ce roman, que Werber exploitait toujours le même schéma pour écrire ses livres ; l'alternance entre diverses couches de textes (le récit qui constitue la couche principale càd l'intrigue du roman, et des passages plus autonomes, anecdotes insolites ou amusantes, textes didactiques...) qui m'avait charmée quand j'ai découvert Werber et avait rendu cet auteur exceptionnel à mes yeux me lasse aujourd'hui ; dans ce roman-ci, les passages autonomes qui se mêlent au roman proprement dit sont des blagues (des extraits de sketches de Darius Wozniak), et des passages censés retracer l'histoire de l'humour dans toute l'humanité.

Les blagues sont dans l'ensemble des intermèdes sympathiques ; elles ne sont pas de Werber mais ont été collectées sur son site, si j'ai bien compris, à l'aide d'internautes. J'en connaissais certaines (mais très peu, peut-être trois ou quatre), et la plupart sont vraiment pas mal ; elles m'ont amusée mais aucune ne m'a fait rire littéralement et je trouve ça un peu dommage... je ne ris pas très facilement, certes, mais il m'est déjà arrivé de rire en lisant et je trouve un peu regrettable qu'un livre dont c'est le sujet n'y parvienne pas finalement.

Les passages "historiques" (mettez de gros guillemets) m'ont beaucoup moins plu, je les ai trouvés peu crédibles voire carrément fantaisistes. Werber veut certainement nous faire voyager dans le temps et dans l'espace, on passe par tous les continents, mais le postulat de base semble être : "regardez, en fait, tous les plus grands évènements du monde ont été causés par une blague", ce qui me semble être une manière quand même un peu... légère d'aborder l'Histoire ! Bien sûr, c'est une fiction, il faut prendre du recul, ce n'est que la vision historique proposée par une société secrète imaginaire... mais mêler le vrai et le faux en utilisant les noms de personnages qui ont réellement existé, cela me semble moyen des fois, les passages qui m'ont fait le plus bondir étant sans doute ceux où l'auteur refait l'histoire littéraire à sa sauce, en affirmant (par exemple) que c'est en fait Pierre Corneille qui a écrit la plupart des pièces de Molière ! Certes, cela ne sort pas de nulle part, c'est une thèse qui a été défendue par plusieurs chercheurs, mais il ne faut pas oublier que c'est une hypothèse... la présenter comme une vérité indiscutable, sans nuances, est à mon avis un drôle de raccourci o_O et à plusieurs reprises j'ai eu envie de m'exclamer "Mais n'importe quoi !!!"

L'enquête proprement dite concernant la mort du Cyclope et l'arme du crime, qui serait une blague mortelle, est plutôt bien menée, malgré un démarrage un peu lent, les 100 premières pages m'ont vraiment laissée dubitative... mais les rebondissements sont ensuite assez nombreux et certains passages m'ont tenue en haleine et une fois ma lecture finie, je dois admettre que même si j'ai fréquemment critiqué intérieurement, je ne me suis pas ennuyée.  Mais le début est quand même assez incohérent  : à la fin de du roman précédent Lucrèce et Isidore couchent ensemble (j'ai même relu les dernières pages de l'Ultime Secret pour vérifier), et là nos deux héros sont en froid.... et pendant très longtemps, cet état de fait étonnant ne nous sera pas expliqué (et ça m'a pas mal agacée) !

Le personnage de Lucrèce ne m'a pas trop séduite ; on l'avait déjà rencontrée dans Le Père de nos pères et l'Ultime Secret mais je ne me souvenais pas trop d'elle, elle pourrait être attachante mais justement, l'auteur nous la présente trop comme une héroïne censée nous plaire (et je l'ai dit et redit, je n'aime pas trop quand l'auteur nous pousse sans discrétion à nous apitoyer sur un de ses personnages). En revanche, j'ai été très contente de retrouver Isidore Katzenberg le misanthrope, que j'avais adoré dans les précédents romans. Il est évident que c'est un avatar de l'auteur ; on a même une mise en abyme du roman que j'ai trouvée assez réussie ; vers la fin, Isidore réfléchit à la forme qu'il veut donner à son roman et j'ai trouvé ce passage très révélateur, Bernard Werber nous glisse là son art poétique, ce qu'est selon lui un bon roman : et c'est sans doute parce que nous n'avons pas (plus ?) le même avis sur la question que je ne suis plus convaincue par ses œuvres. Je ne dirais pas que Bernard Werber est vraiment un mauvais écrivain, et je garderai en tête les merveilleux moments que ses premiers romans m'ont vivre il y a des années, mais à présent je décèle trop derrière son écriture une technique bien huilée pour les apprécier encore. Quant à savoir si ses romans sont de moins en moins bons, ou s'il écrit ainsi depuis le début mais que je ne m'en aperçois que maintenant... c'est une autre histoire, mais je ne pense pas que je relirai ses œuvres pour vérifier... (mais je préfère privilégier la première hypothèse)

En conclusion : Malgré ma déception, je suis quand même plutôt contente d'avoir lu ce roman, même si je dois bien admettre aujourd'hui que les romans de Bernard Werber ne sont plus pour moi car ils ne correspondent plus vraiment à ce que je recherche en lisant, et présentent certains défauts qui sont aujourd'hui à mes yeux assez rédhibitoires. Je remercie les éditions Albin Michel qui m'ont permis d'effectuer cette lecture en me proposant ce livre et en me l'envoyant gracieusement !

(Liens vers d'autres critiques en cliquant sur l'image de couverture)
Par JessLivraddict le Lundi 18 octobre 2010
En même temps, ce style lui appartient et c'est ce pourquoi j'ai aimé l'auteur au début (comme toi, rencontre à l'ado), s'il venait à changer maintenant je pense que je ne le reconnaîtrai pas. J'ai bien aimé le rire du cyclope, qui pour moi, est un retour aux premiers Werber que j'ai tant aimés (après le Mystère des Dieux que j'avais détesté). Comme quoi, tous les goûts sont dans la nature ! :D
Par Bookine le Lundi 18 octobre 2010
Tout comme toi, j'ai été absorbé par cet auteur, en particulier le cycle des dieux et depuis...ça ne passe plus du tout
Par Silv le Mardi 19 octobre 2010
C'est intéressant ce que tu écris au sujet de Werber ! Je viens juste de découvrir ton blog et je vais surement lire une quantité d'autres articles, mais en attendant, j'aimerais m'attarder sur celui-ci (vu que c'est le seul que j'ai lu, d'une part, mais aussi parce qu'il me parle!).

En fait, je me reconnais pas mal dans ce que tu dis de Werber, comme toi, j'ai été conquis par lui dans mes jeunes années (vers 16 ans, grosso modo); j'avais même envie de devenir écrivain du coup ! J'ai commencé par les Thanatonautes, qui reste à ce jour un de mes livres favoris, puis d'autres qui m'ont plus ou moins accroché, mais je restais assez fidèle à ce bon vieux Bernard... Jusqu'au deuxième tome du cycle des Dieux (dont le nom m'échappe momentanément) et surtout le Papillon des Etoiles. C'est principalement à la lecture de ce dernier que je me suis rendu compte que Werber "s'écoute écrire" plus qu'autre chose. Le dénouement du Papillon apparaît gros comme un camion, mais il nous le sert quand même, et on sent qu'il en est fier.

Il y a une espèce de naïveté dans l'écriture de Werber que je ne voyais pas avant mais qui m'ennuie maintenant, en fait. il trouve un terme un peu original? Il nous le met toutes les quatre pages. En fait, il écrit tout simplement comme nous, et c'est peut-être la jalousie qui me fait parler alors? :p

En tout cas, je repense à son credo concernant l'écriture, "soit il faut du talent et du travail, du travail et de la chance, etc", j'en viens parfois à me dire qu'il n'a que la chance de son côté et sa dose de travail dont il semble se targuer dans ses romans ne se limite finalement qu'à de l'esbroufe.

Pourtant, pourtant, pourtant... Là où il est fort, c'est que les Thana et le Livre du Voyage resteront toujours dans mon top 10 (ou 20, faudrait que je fasse un top, un de ces quatre...)

Bon, sur ce, je pense que je vais lire la suite de ton blog.
Par Shanaa le Vendredi 29 octobre 2010
Je te rejoins tout à fait.

Werber faiblit à mon sens depuis quelques temps avec le miroir de Cassandre et le rire du cyclope, même si ce dernier reste de bonne qualité, j'ai trouvé le thème très moyen. Le style est toujours efficace néanmoins.

Mais les fourmis et les Thanas sont nettement au dessus
Par lemonde-dans-leslivres le Dimanche 7 novembre 2010
Celui-là je l'ai vu à la Fnac pas plus tard qu'hier, je ne savais pas qu'il en avait sorti un nouveau. Et alors je me suis dit : hum, ça ne m'inspire pas... Et je vois que ton article ne fait que confirmer mon sentiment!
Moi aussi j'étais une grande adepte de Werber... Mais je ne sais pas quel serait mon sentiment si je relisais par exemple les Thanatonautes ou l'Empire des Anges, romans qui m'avait, à l'époque, fait grande impression...
En tout cas, heureusement que tu es là pour lire autant, et ainsi pouvoir nous informer de la valeur des bouquins :)
PS : je cherchais l'adresse de ton blog cinéma pour aller voir tes avis (sur La princesse de Montpensier entre autres, que tu a du voir, et peut-être Vénus Noire, que j'ai très envie d'aller zyeuter. Pourrais-tu me le poster sur le tagboard?
A plouch, et bon anniv à ton blog, j'ai vu ça vite fait :)
 

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