Samedi 30 octobre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/bartlebylescribe.jpgQuatrième de couverture : “Je préférerais ne pas” : telle est la réponse, invariable et d’une douceur irrévocable qu’oppose Bartleby, modeste commis aux écritures dans un cabinet de Wall Street, à toute demande qui lui est faite. Cette résistance absolue, incompréhensible pour les autres, le conduira peu à peu à l’isolement le plus total.
Bartleby, s’il n’a pas l’ampleur de Moby Dick et Pierre ou les ambigüités compte pourtant parmi les écrits les plus importants d’Herman Melville (1819-1891). Les thèmes existentiels de ses romans d’aventures y sont transposés, avec une tension comparable, dans la simple histoire de la vie d’un employé.
Ce texte bref, mais aux significations inépuisables, a exercé une fascination durable sur des écrivains et philosophes comme Maurice Blanchot, Georges Bataille, Michel Foucault ou Gilles Deleuze.

Mon avis : cette nouvelle m'a été conseillée par Ludo, qui m'a rappelé qu'elle a inspiré Georges Perec pour Un homme qui dort (qui est un de mes livres fétiches, on ne le dira jamais assez). On note en effet chez les deux personnages le même refus de jouer le jeu de la vie en société (de la vie tout court pourrait-on dire si on considère comme "la vie" l'état d'esprit commun à tous qui consiste à penser qu'on doit faire quelque chose de notre existence, l'animer par des activités, interagir un minimum avec nos congénères etc...)

Je ne m'attendais pas néanmoins à ce que les deux œuvres soient si différentes ! Ce n'est pas un reproche, j'ai bien aimé Bartleby (mais en effet, mon admiration pour Un homme qui dort est bien supérieure), mais malgré leurs grandes similitudes, par certains aspects elles m'ont semblé inverses : dans Un homme qui dort, bien que le récit soit à la deuxième personne du singulier, on a le point de vue interne de notre rebelle indifférent à tout... il ne prend pas vraiment en compte la présence des autres, ou plutôt, il les observe mais ces passants sont plus examinés comme des objets que comme des personnages avec qui il pourrait communiquer par exemple. Il est donc physiquement (et mentalement bien sûr) seul, et il ne travaille pas (son état commence même par le fait qu'il ne se rende pas à un examen).

Dans la nouvelle de Melville, c'est assez différent : le récit est à la première personne du singulier, mais le narrateur est celui qui sera le patron de Bartleby, et non pas Bartleby lui-même.... on a donc un point de vue extérieur sur son comportement, et il n'est pas physiquement isolé du reste du monde, puisque (pendant un certain temps du moins) il travaille. J'ai d'abord été un peu déçue quand j'ai compris qu'on ne connaîtrait jamais ses pensées : Bartleby est un personnage bien plus impénétrable que mon homme qui dort... mais d'un autre côté, avoir le point de vue d'un personnage extérieur est intéressant, et on ne l'a pas du tout dans l'oeuvre de Perec. Les fins des deux œuvres sont aussi diamétralement opposées ! Dans un certains sens, même si Bartleby semble au premier abord plus "normal", moins déconnecté du monde parce qu'il travaille, on s'aperçoit peu à peu qu'il est un personnage encore plus radical, qu'il va encore plus loin ; on peut se sentir complice du héros de Perec, se reconnaître en lui, le comprendre intimement, tandis que Bartleby reste inaccessible, le lecteur n'est pas plus avancé, pas plus proche de lui que ne le sont les gens qui le côtoient.

Comme toute notre connaissance du personnage de Bartleby nous est transmise par le témoignage d'un personnage, j'avais aussi un peu peur que ce personnage soit trop fermé, qu'il ne cherche pas du tout à comprendre Bartleby, mais le narrateur qui nous est proposé est au contraire lucide et sympathique ! Son ton est toujours clair, j'ai aimé la présentation qu'il fait de son bureau et de ses employés avant d'introduire le personnage qui nous intéresse le plus. Ses deux collègues principaux, Dindon et Lagrinche, sont dépeints avec humour, et même s'ils ne sont pas forcément très crédibles (le premier est calme et efficace le matin, nerveux et fatigant l'après-midi, quand à l'autre... c'est l'exact inverse bien sûr), il forme un duo remuant comique qui constrastera évidemment beaucoup avec le comportement immuable de Bartleby.

Etant donné sa fonction, on pourrait s'attendre à ce que le narrateur soit autoritaire et sans indulgence... mais ce drôle de patron va au contraire faire preuve de beaucoup de compréhension (il va essayer en tout cas), et même si cet incroyable Bartleby va rapidement le gêner, il sera le seul à avoir de la compassion à son égard, et se sentira même responsable de lui. A la fin, j'ai même eu plus pitié de notre pauvre narrateur que de Bartleby : Bartleby est un personnage assez grandiose, tragique même, et même si ça n'est pas développé, je pense que le narrateur se sent un minimum coupable de ce qui lui arrivera... culpabilité pourtant injuste car il le personnage le plus méritant, le plus humain, et si on devait juger Bartleby sévèrement, on pourrait en venir à la conclusion que son comportement n'est peut-être que l'expression d'une folie et d'un égoïsme hors du commun, et le narrateur était de toute façon impuissant face à un tel phénomène ! Bartleby est en réalité un personnage effrayant et déprimant car il met en évidence la vanité naturelle de notre condition humaine en nous faisant prendre conscience de la futilité de toute notre agitation, qui de toute façon nous mènera tous à la même fin.

Dimanche 31 octobre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/dominique.jpgCHALLENGE ABC 2010, 23ème livre lu ♦

Quatrième de couverture : Un jour de chasse, le narrateur lie connaissance avec M. de Bray, que tout le monde appelle Dominique, et qui vient d'abattre un coq de perdrix qui revenait à son voisin. Les relations intimes bientôt nouées entre les deux hommes conduisent Dominique à faire à son ami le récit enchâssé, la confidence mélancolique de sa vie tourmentée et de son impossible amour de jeunesse pour Madeleine. Notable aimé de tous, père de famille comblé et paisiblement retiré sur ses terres, Dominique tourne le dos à son siècle, et son énigme n'est pas dans le récit qu'il nous fait, mais dans la conclusion qu'il n'en tire pas : est-il heureux comme il le semble, et vraiment guéri de son passé ? En 1863, Eugène Fromentin, qui est peintre, donne avec Dominique, son premier et unique roman.

Mon avis : un assez beau roman, des critiques plutôt négatives que j'avais lues il y a quelque temps m'avaient fait un peu peur, je craignais de m'ennuyer, mais finalement j'ai pu le lire dans la journée sans problème. Le début n'est pas des plus palpitants cependant, j'aurais aimé que le récit enchâssé arrive un peu plus vite. Comme c'est un récit rétrospectif et qu'on connaît donc la situation de Dominique à la fin du roman (marié avec une femme qui n'est pas son grand amour de jeunesse, retiré en province...), on se doute que l'histoire d'amour qu'il va nous raconter est vouée à l'échec, mais j'ai quand même été agréablement surprise ! Le Dominique plus âgé qui conte son histoire semble d'un tempérament très calme, peu propre à s'enflammer, mais on comprend vite que ce n'est que résignation, tant cet état d'esprit contraste avec le caractère plus vif qu'il a eu dans sa jeunesse... et son histoire d'amour n'est pas si décevante que ça.

J'aurais quand même aimé le voir plus combattif, le ton est souvent plaintif... mais comme son amour est impossible et que le personnage n'est qu'un adolescent quand il rencontre sa Madeleine, ses craintes et sa timidité sont touchantes. Ma quatrième de couverture (différente de celle que je vous propose) parle d'"un chef d'oeuvre du roman psychologique", il est vrai que l'analyse des sentiments des personnages fait l'intérêt du roman mais j'aurais aimé que l'auteur aille plus loin, que le dénouement soit plus développé surtout, entre la fin de son histoire d'amour de jeunesse et la situation présente du personnage il n'y a pas vraiment de transition, j'aurais aimé par exemple que sa rencontre avec celle qui sera sa femme soit racontée, qu'on connaisse les sentiments de Dominique à ce moment-là.... et les personnages secondaires (Augustin et Olivier, précepteur et ami de Dominique) ont un caractère opposé et un bon potentiel romanesque, mais j'aurais aimé aussi qu'on connaisse plus en détail leur vie, on les perd un peu de vue au fur et à mesure du récit, même si sera mis plus tard au courant de leur situation.

Les notes ont m'ont aussi un peu gâché le plaisir, je les ai trouvé trop critiques, sans arrêt des parallèles sont faits entre ce roman et des oeuvres de Flaubert, Musset, Balzac, Chateaubriand, Stendhal... avec l'impression à chaque fois que le roman qu'on est en train de lire ne sort pas gagnant de ces comparaisons et que celui qui a rédigé ces notes voulait pointer le manque d'originalité de Fromentin (et je trouve pas ça très cool, d'autant plus que personnellement je n'aurais pas fait ces parallèles de moi-même, même si on sent bien que les thèmes de ce roman ne sont pas nouveaux).

Une particularité de ce roman quand même : le personnage dit lui-même avoir une grande mémoire des sensations que des lieux et des atmosphères ont provoqué chez lui, et on a donc pas mal de descriptions de paysages, souvent en accord avec l'état d'esprit du héros, ce qui donne une ambiance particulière au texte. Dominique a un domaine au bord de la mer, mais il s'intéresse bien plus à ses forêts et à ses champs - ce qui peut sembler dommage, des descriptions maritimes m'auraient plus plu, mais c'est logique : la campagne un peu plate, un peu triste est à l'image du personnage résigné, et il parvient assez bien à exprimer ce qui fait pour lui le charme de ce paysage. (bon je suppose que ce n'est pas extrêmement original, cela fait penser notamment aux "paysages intérieurs" des poèmes romantiques, mais au moins ces passages-là n'ont pas été sans arrêt comparés à des passages d'autres œuvres et je les ai trouvés bien faits).

Ma quatrième de couverture présente aussi ce roman comme un "roman politique" : je n'ai pas lu l'introduction qui développait cette thèse mais je pense comprendre de quoi il est question : ce roman fait écho aux désillusions dans le domaine politique que de nombreuses personnes retirées suite à des espoirs déçus ont connu à cette époque... mais ce rapprochement est plutôt métaphorique, on n'est (et j'ai envie de dire, heureusement !) pas écrasé par cet aspect des choses ; certes, Dominique a été l'auteur d'écrits politiques, mais cette thématique reste assez implicite, aucun nom n'est évoqué, il y a peu de dates, le récit est rythmé par la succession des saisons et ce sont bien les sentiments amoureux de Dominique qui restent toujours au premier plan... et j'ai été soulagée que l'aspect historique et politique ne soient pas trop développé.

Mon avis est un peu en demi-teinte, je ne pense pas que ce roman me marquera énormément et la plume de Fromentin dans son ensemble ne m'a pas éblouie (même si certains passages m'ont plus spécialement plu !), mais ça a été une lecture agréable et intéressante, et plus chargée en émotions finalement que ce à quoi je m'attendais !

Extrait : (d'une lettre d'Augustin à Dominique adolescent)
"Ecrivez-moi plus souvent. Ne dites pas que je connais d'avance votre vie et que vous n'avez rien à m'en apprendre. A l'âge où vous avez et dans un esprit comme le vôtre, il y a chaque jour du nouveau. Vous souvenez-vous de l'époque où vous mesuriez les feuilles naissantes et me disiez de combien de lignes elles avaient grandi sous l'action d'une nuit de rosée ou d'une journée de fort soleil ? Il en est de même pour les instincts d'un garçon de votre âge. Ne vous étonnez pas de cet épanouissement rapide, qui, si je vous connais bien, doit vous surprendre et peut-être vous effrayer. Laissez agir des forces qui n'auront chez vous rien de dangereux : parlez-moi seulement pour que je vous connaisse ; permettez-moi de vous voir tel que vous êtes, et c'est moi, à mon tour, qui vous apprendrai de combien vous aurez grandi. Surtout soyez naïf dans vos sensations. Qu'avez-vous besoin de les étudier ? N'est-ce point assez d'en être ému ? La sensibilité est un don admirable ; dans l'ordre des créations que vous devez produire, elle peut devenir une rare puissance, mais à une condition, c'est que vous ne la retournez pas contre vous-même."

Lundi 1er novembre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/tumblrkum1bp7Iom1qzfwwoo1500large.jpg
... eh oui, Bouquins a 5 ans aujourd'hui ! :D

28 pages se sont ajoutées au blog en 1 an, soit environ
140 articles, soit à peu près 1 article tous les 2-3 jours...
Un certain nombre de livres lus (bilan livresque fin décembre ;))
Pas mal de challenges et de commentaires échangés....
Une MeL toujours ravie d'être sur Cowblog !

Quels évènements notables dans ma vie online depuis l'an dernier ?
Mon inscription sur Livraddict, 1er forum que je n'abandonne pas...
La création de mon blog ciné, Spectatrice....
... je pense que c'est à peu près tout et c'est déjà pas mal !

Merci à tous les gens qui passent ici et me font savoir que les lecteurs
sont quand même toujours super-nombreux, ça fait plaisir !

Un petit sondage pour finir parce que je suis curieuse
et que je ne crois vous avoir jamais posé cette question :


(pour tous ceux qui ne s'étaient jamais préoccupés de l'habillage en se contentant toujours de celui par défaut, vous pouvez, soit m'avouer votre indifférence/ignorance sur le sujet, soit les découvrir - mieux vaut tard que jamais  - dans le menu en bas à gauche ;)

(ne vous fiez pas au sondage qui vous dit bêtement "sélectionnez une réponse avant de voter" alors que vous l'avez fait, votre vote est quand même pris en compte, il faut actualiser la page pour le voir ensuite sur la page des résultats)

Vendredi 5 novembre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lareinedesneiges.jpgQuatrième de couverture : Il arrive souvent que le diable qui dispose, comme chacun sait, d'immenses pouvoirs, s'amuse à semer la discorde sur Terre pour le simple plaisir de se réjouir du malheur des hommes. C'est à la suite d'un tour de cette sorte que la pure Gerda va parcourir le vaste monde à la recherche du petit Kay qui a disparu dans le sillage du traîneau de la Reine des Neiges, un soir d'hiver. Au cours d'un long voyage, Gerda interroge les fleurs et les oiseaux, le vent et le soleil qui, peut-être, savent où Kay a été emmené...

Liste des contes de ce recueil : La Reine des neiges / Une histoire dans les dunes / L'histoire d'une mère / Le vieux Ferme-l'oeil / L'homme de neige / Ogier le Danois / Le papillon / Les deux coqs / Une feuille du ciel

Mon avis : un beau recueil qui dans l'ensemble m'a beaucoup plu, même si les deux contes les plus longs, "La Reine des Neiges" (seul conte que je connaissais déjà) et "Une histoire dans les dunes", m'ont un peu déçue. La religion est parfois un peu trop présente à mon goût, et Andersen n'hésite pas à rendre ses personnages pathétiques en leur faisant vivre des choses vraiment terribles, mais plusieurs contes sont cependant tout à fait amusants, Andersen nous montre souvent des points de vue très originaux et des scènes agréables et imaginatives propres à émerveiller les petits et les grands :)

- La Reine des Neiges : on m'avait raconté ce conte quand j'étais petite, mais je ne m'en souvenais plus très bien. Le personnage de la sorcière blanche dans le Monde de Narnia (le 1er film) me rappelait ce personnage, et la visite au Musée de l'Automate de Souillac dans le Lot m'a donnée envie de lire ce conte car j'ai été émerveillée par la scène animée de La Reine des Neiges, j'ai même acheté la carte postale de cette scène et m'en suis servie comme marque-page pour cette lecture ^^
J'adore l'histoire du miroir maléfique, les aventures de Gerda à la recherche de Kay sont chouettes mais j'aurais aimé qu'on voit plus la Reine des Neiges, qu'il y ait un face-à-face, une lutte entre elle et Gerda afin de sauver Kay... la résolution est un peu simple, j'aurais aimé qu'on passe plus de temps dans le palais de la Reine des Neiges ! Pour compenser cette petite frustration j'aimerais voir des illustrations diverses, en consultants des albums comme ceux-ci par exemple.

Ci-dessous, ma carte postale et une photo que j'ai prise de mon automate préféré, qui n'apparaît pas sur la carte (cliquez pour les voir en plus grand) :

http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/Lareinedesneigescarte.jpghttp://bouquins.cowblog.fr/images/divers/reinedesneigesours.jpg

- Une histoire dans les dunes : un couple heureux espère l'arrivée d'un enfant, début classique de conte, mais aussi prometteur, mais ça va de mal en pis, le couple décède, (ouhlàlà je spoile, mais il meurt au début donc c'est pas bien grave) en laissant derrière eux un orphelin qui sera recueilli par un couple pauvre, on espère qu'il retrouvera ses origines, et on pense qu'il va lui arriver plein de trucs, mais finalement c'est plutôt triste et décevant qu'autre chose, même si on a droit à quelques descriptions joyeuses qui font chaud au coeur, et surtout à une merveilleuse scène fantastique qui mêle les vivants et les morts dans une église, ce passage m'a d'ailleurs fait penser aux Noces Funèbres de Burton.

- L'histoire d'une mère : l'histoire d'une mère désespérée qui veut reprendre son enfant à la Mort en personne. Sa quête est jalonnée de sacrifices étranges, et la rencontre avec la Mort est très belle, on a une vision très originale de ce personnage ! Un très beau conte même si je n'ai pas trop aimé le message religieux qui reste à peu près le même que dans "Une histoire dans les dunes" : il faut se soumettre à la volonté divine.

- Le Vieux Ferme-l'oeil : un charmant conte onirique ! Une sorte de marchant de sable endort un petit enfant et lui raconte chaque nuit une histoire qui deviendra son rêve. On a donc 7 petites histoires merveilleuses avec des voyages, des fêtes, des jouets animés, des animaux qui parlent... un conte qui reste très positif malgré l'apparition de la Mort et la petite morale finale.

- L'homme de neige : petit conte mignon, mais triste et assez prévisible, avec deux points de vue originaux : celui d'un bonhomme de neige, et celui d'un chien. Conte qui m'a rappelé le poème de Jacques Prévert "le bonhomme de neige".

- Ogier le Danois : est un héros guerrier mort mais prêt à renaître si son pays a besoin de lui. Conte patriotique mais pas désagréable qui explique notamment l'origine du blason danois et vante trois grands hommes que je ne connais pas,

- Le Papillon : conte animalier (qui m'a fait penser aux Fables de La Fontaine) très amusant qui raconte l'histoire d'une papillon qui cherche à épouser une fleur mais se montre trop exigeant. Les comparaisons entre les fleurs et certains caractères humains sont bien trouvées et m'ont fait sourire !

- Les Deux coqs : autre conte animalier humoristique qui fait la comparaison entre un coq de métal qui méprise le monde qu'il regarde de haut, et un coq de basse-cour fanfaron mais plus terre-à-terre... la petite morale est pertinente et drôle, et j'ai particulièrement aimé le troisième personnage de ce conte, tout à fait inattendu : une courge qui rêve d'être mangée par le coq de basse-cour ! Un petit conte que j'ai trouvé très réussi.

- Une feuille du ciel : dernier conte, très bref, et que j'ai trouvé décevant, la présence de cette plante miraculeuse n'est qu'un prétexte pour faire une foi de plus l'apologie de la foi, de l'innocence, j'ai eu l'impression l'évènement pathétique qui survient n'était encore là que pour servir un message religieux fataliste.... un peu dommage pour ma part de finir le recueil sur ce conte-là, qui ne me marquera pas, mais je préfère me souvenir de ceux que j'ai le plus aimés, et ils sont quand même assez nombreux !

Extrait : (du conte de "La Reine des Neiges")
"Un jour, [le Diable] était de bien bonne humeur : il venait de confectionner un miroir qui avait une merveilleuse propriété : le beau, le bien qui s'y réfléchissaient, disparaissaient presque entièrement ; tout ce qui était mauvais ou déplaisant ressortait, au contraire, et prenait des proportions excessives. (....)
Ses débris n'étaient pas plus gros que des grains de sable. Le vent les éparpilla à travers le vaste monde. Bien des gens reçurent de cette funeste poussière dans les yeux. Une fois là, elle y restait et les gens voyaient tout en mal, tout en laid et tout à l'envers. Ils n'apercevaient plus que la tare de chaque créature, que les défectuosités de toute chose ; car chacun des imperceptibles fragments avait la même propriété que le miroir entier. Bien plus, il y eut de ces morceaux qui descendirent jusqu'au cœur de certaines personnes ; alors c'était épouvantable ; le cœur de ces personnes devenait comme un morceau de glace, aussi froid et aussi insensible."

Dimanche 7 novembre 2010

http://26.media.tumblr.com/tumblr_lbdhy8WZoc1qa21u7o1_500.jpg(image sans rapport mais j'ai vu Moulin Rouge cette semaine et ai du mal à m'en remettre alors...)

Pas de tags depuis quelques mois mais en voici un nouveau, que m'a transmis Matilda.
J'ai d'abord hésité à y répondre, j'avais peur qu'il soit redondant par rapport au Tag des Mots dans lequel nous devions citer des auteurs que nous aimions... mais finalement non, ce n'est pas tout à fait pareil (même s'il y aura quand même pas mal de redites), parce que le but du Tag des 15 auteurs est de nommer quinze auteurs qui nous ont marqué et qu'on oubliera jamais. C'est donc une liste plutôt nostalgique, qui vous donne une idée (même s'il n'y a pas tout, j'ai dû laisser des auteurs de côté - du genre, j'ai pas mis Gabriel Garcia Marquez ni Dephine de Vigan alors que je les aime ohlàlà !) des coups de coeurs livresques que j'ai eus tout au long de ma vie... j'ai aujourd'hui changé d'avis sur certains auteurs et Bernard Werber par exemple ne compte plus parmi mes auteurs préférés.... mais je l'ai adoré à une époque et je ne l'oublierai jamais, donc il a sa place dans cette liste, dont l'ordre est dirons-nous... chronologique. Pas besoin de justifications mais je me connais, je vais pas pouvoir m'empêcher de bavarder !

1) La Comtesse de Ségur : parce qu'en CP ma mère me lisait Les Malheurs de Sophie et c'est donc un des premiers livres que j'ai ensuite lus par moi-même, et je l'ai relu de très nombreuses fois !
2) J.K. Rowling (pas besoin d'expliquer pourquoi !)
3) Guy de Maupassant
4) Charlotte de Brönte
5) Emile Zola - pour ces 3 derniers choix, ce sont des lectures de collège et je ne suis pas sortie indemne du Horla, de Jane Eyre et de Thérèse Raquin, ce sont donc ces trois auteurs qui m'ont donné envie de me tourner plus vers les classiques !
6) Oscar Wilde - Le Portrait de Dorian Gray, 1er coup de foudre littéraire de ma vie.
7) Bernard Werber - découvert au lycée et adoré pendant des années. (je garde en haute estime Les Thanatonautes et la Trilogie des Fourmis)
8) Amélie Nothomb - découverte au lycée et mon admiration ne s'est pas encore démentie !
9) Marie Brantôme
10) Stefan Zweig
11) Boris Vian
12) Georges Perec - Un homme qui dort, 2ème coup de foudre littéraire de ma vie.
13) Arthur Schnitzler
14) Jean Tardieu - sujet de mon minimémoire, toujours absent de ce blog et c'est fort injuste !
15) Milan Kundera - L'Insoutenable légèreté de l'être, mon dernier coup de foudre en date.

Je ne tague personne en retour parce que j'ai la flemme (15 personnes c'est beaucoup !) et la plupart des gens que j'aurais aimé taguer l'ont déjà été... mais si ce tag vous intéresse n'hésitez pas à le prendre !

Mercredi 10 novembre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/laligneverte.jpg
CHALLENGE ABC 2010, 24ème livre lu ♦
 
Quatrième de couverture :
"Ça s'est passé en 1932, quand le pénitencier de l'État se trouvait encore à Cold Mountain. Naturellement, la chaise électrique était là. Ils en blaguaient de la chaise, les détenus, mais comme on blague des choses qui font peur et auxquelles on ne peut échapper. Ils la surnommaient Miss Cent Mille Volts, la Veuve Courant, la Rôtisseuse."

Dans le bloc des condamnés à mort, au bout d'un long couloir que les prisonniers appellent la ligne verte, la chaise électrique attend John Caffey. Le meurtrier des petites jumelles Detterick, jadis découvert en larmes devant leurs cadavres ensanglantés.

Paul Edgecombe, le gardien-chef, l'accueille comme les autres, sans état d'âme. Pourtant, quelque chose se trame... L'air est étouffant, la tension à son comble. Un rouage va lâcher, mais pourquoi ? Les provocations sadiques d'un maton dérangé, la présence d'une souris un peu trop curieuse, l'arrivée d'un autre condamné ?

Aux frontières du roman noir et du fantastique, ce récit est avant tout une brillante réflexion sur l'exécution capitale.

Mon avis : eh bien... c'est mon deuxième Stephen King (il y a un peu plus de deux ans j'ai lu Shining) et pas le dernier je pense ! Quelle œuvre de King me conseillez-vous ensuite ?

J'ai d'abord été étonnée (comme d'hab' je n'avais pas lu la quatrième de couverture, la seule chose que je savais vaguement, c'est qu'il serait question de la peine de mort dans ce roman) que le narrateur soit un gardien de prison, je m'attendais plus à une confession du condamné lui-même, comme dans le Vagabond des étoiles de Jack London. Et j'ai été touchée par l'humanité de ce personnage, par sa compassion. Non pas que j'imaginais que tous les gardiens de prison sont nécessairement des sadiques heureux de faire ce boulot pour maltraiter les détenus qui leurs sont confiés, mais... ouais, je crois que c'est quand même le genre de cliché qui court sur ce métier et je m'attendais plus à un personnage de ce genre-là. Surtout en 1932, les geôliers ne devaient pas avoir de formation psychologique comme ça doit être le cas maintenant ! Mais à travers sa confession (le terme de confessions n'est pas vraiment juste, il ne cherche pas à "confesser" ce qu'il a fait mais plutôt à raconter enfin ce qui s'est vraiment passé cette année-là) Paul nous fait bien sentir que, tout en étant professionnel et en dirigeant les exécutions, il prenait à coeur les destinées de ses "gosses à problèmes" promis à la chaise électrique. Le style est parsemé d'expressions argotiques, et le ton est clair mais chaleureux, le narrateur ne nous cache rien de ses sentiments de l'époque sans perdre pour autant le fil bien tracé de son histoire. Il développe des anecdotes qui nous permettent de bien imaginer la vie au bloc E, tout ce qui concerne leur étonnement joyeux face au curieux personnage de la souris par exemple nous fait plonger complètement dans leur quotidien !

Même si l'histoire de John Caffey est celle que Paul tient le plus à nous raconter, il nous raconte aussi toutes celles qui y sont plus ou moins directement liées : les histoires des autres détenus de la même époque : Delacroix, William Wharton.... ; celles de ses collègues, son patron Hal Moores, l'affreux Percy Wetmore... et la sienne propre, qu'il raconte assez objectivement (je me suis demandée au début pourquoi il insistait tant sur son infection urinaire avant de comprendre l'importance de ce qui n'aurait pu être qu'un détail insignifiant !) Il nous parle aussi de façon assez développée de sa situation au moment où il écrit tout cela, en maison de retraite... on a donc un décalage entre le Paul âgé qui se met à écrire, et le Paul plus jeune au moment des faits, décalage pas si important car il a peu changé (mentalement je veux dire), et le parallèle qu'il fait peu à peu entre la prison et la maison de retraite, et les habitants des deux endroits, est plutôt effrayant et pas incohérent ! (et c'est la pertinence de ce parallèle justement qui le rend effrayant). Tous les personnages au fond sont rapprochés, les détenus condamnés à mort ne sont pas marginalisés ni diabolisés, et les hommes libres et prétendument innocents ne sont pas si blancs que ça !

Ce roman est divisé en 6 épisodes distincts eux-mêmes subdivisés en une dizaine de chapitres chacun. Au début de chaque épisode (l'épisode précédent finissant sur un gros moment de suspense généralement !), on revient au présent et Paul âge évoque sa vie à Georgia Pines (le nom de sa résidence pour personnes âges), récapitule un peu tout et reprend ensuite la fin de l'épisode d'avant. J'ai d'abord trouvé ce procédé redondant avant de me souvenir que La Ligne Verte avait d'abord été publiée en feuilleton (en France, en édition Librio), et que les 6 parties ont donc été à l'origine publiées tout à fait isolément... en gardant cela à l'esprit, j'ai donc pu apprécier l'intérêt de cette brève mais systématique récapitulation au début de chaque épisode, et j'ai pu en profiter moi-même pour rentrer encore plus facilement dans le récit après des pauses forcées (vraiment forcées, j'aurais bien tout lu d'une traite, mais j'ai lu ce roman en trois jours) entre certains épisodes.

Le registre fantastique présent ne nous fait pas oublier le réalisme du reste du récit, réalisme qui domine très largement de toute façon (même s'il fait preuve d'une certaine compréhension, le narrateur ne nous cache pas les vices des détenus à sa charge et ne nous les présente pas comme des agneaux sans défense !), certains passages m'ont vraiment beaucoup émue, et une fois que j'ai fini ce roman, je me suis posée la même question qu'après avoir visionné le film La Dernière Marche (vu une fois il y a des années mais il m'a marquée, j'aimerais le revoir et lire le roman dont il s'inspire) : Comment peut-on être pour la peine de mort quand on réfléchit vraiment concrètement à ce que tuer un homme représente ? (sans parler du risque toujours présent d'exécuter un innocent...) Je pense que l'histoire de Paul Edgecombe et celle de John Caffey risque de me marquer... j'ai le DVD de l'adaptation ciné avec Tom Hanks chez moi, je pense le visionner bientôt !

Lundi 15 novembre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/readmorebooksthanblogsanalogsoul.jpgCe blog n'est en principe pas du tout le lieu indiqué pour des épanchements personnels, mais la décision que je viens de prendre le concerne un minimum, et puis même si j'ai 2 autres blogs, je considère un peu Bouquins comme mon blog "officiel", ceci explique la présence de cet article ici. (et surtout, parler "en public" de mon envie de me couper un minimum du net me forcera à ne pas oublier aussitôt cette bonne résolution ! ^^)

Allumer l'ordinateur est un réflexe quotidien pour moi. Et chaque jour, je passe des heures devant mon écran. Quelquefois jusqu'à en avoir mal aux yeux, jusqu'à en être abrutie. Ce n'est pas très sain... J'ai déjà essayé plusieurs fois de freiner cette addiction à l'ordi mais jamais de façon vraiment radicale. Depuis quelques semaines surtout, ma lassitude s'accroît, mes errances sur le net m'exaspèrent, sans que je parvienne à être raisonnable et à éteindre mon ordinateur pour autant (j'ai des problèmes d'autodiscipline !).... mais quand je pense à tout ce temps perdu depuis des années ça m'effraie, alors j'ai envie aujourd'hui de mettre un sérieux hola.

N'allez pas imaginer que cet article sonne le glas de Bouquins, il n'en est pas question ! Je continuerai à écrire mes avis sur mes lectures (je dirais que ça fait partie de mon mode de vie maintenant, j'adore toujours autant le faire et je ne vois pas pourquoi je m'en priverais car je prolonge ainsi le plaisir que je prends à lire !), donc il y a de fortes chances pour que ça ne change pas grand-chose ici, je continuerai à publier mes articles à peu près comme d'habitude (mais pas de façon aussi instantanée, je publierai peut-être plusieurs articles d'un coup).

Donc si je ne réponds pas à vos commentaires, et surtout si je semble absente de vos blogs, de Livraddict... pas d'inquiétude, je ne suis pas morte ! Je reviendrai simplement quand j'aurai réussi à me détacher un peu du monde virtuel qui a actuellement bien trop tendance à envahir ma vie.

D'ici là, bonne continuation tout le monde,
bonnes lectures, et à bientôt ! :o)
 
MeL
 
P.S. : Deux articles de blogs sont en partie responsables de cette "prise de conscience" et de la décision que je prends ce soir de m'éloigner du net : cet article (qui disparaîtra dans une semaine), et SURTOUT celui-là, lu il y a quelques mois et qui m'a marquée puisque je vous en recommande encore la lecture aujourd'hui.... (je viens de le relire et vraiment je trouve qu'il vaut le coup !)

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Mercredi 17 novembre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lelivredeschosesperdues.jpgQuatrième de couverture : La Seconde Guerre mondiale gronde. Oppressé par l'atmosphère familiale, le jeune David se réfugie dans les livres. Une nuit, il pénètre dans un univers parallèle peuplé de créatures inquiétantes, hybrides de ses lectures et de ses terreurs. Égoïstes, violentes, elles s'entredéchirent pour la mainmise du royaume. Poursuivi par un mystérieux être malfaisant, David se trouve plongé au cœur d'une terrible lutte de pouvoirs.
 
Mon avis :
Il y a un certain temps (je dirais quelques mois), j’ai lu plusieurs articles très élogieux sur ce livre et l’ai donc inscrit dans ma LAL. Quand il a été proposé en partenariat, je n’ai donc pas hésité avant de postuler et j’ai été très contente d’être sélectionnée, merci beaucoup à Livraddict et à J’ai Lu !
 
Le début m’a fait pas mal penser à L’Ombre du Vent, car le héros est un petit garçon aimant les livres qui perd sa mère dans un contexte de guerre… mais le héros n’est pas vraiment complice avec son père et on se rend compte assez rapidement que la comparaison s’arrête là. L’auteur prend son temps pour nous familiariser avec le personnage du héros, David, il revient assez longuement sur la maladie de la mère, la tristesse du personnage est bien décrite, de même que sa jalousie lorsque son père va refaire sa vie, ses séances avec un psychologue seront aussi évoquées...
On sait à l’avance que David va connaître des aventures merveilleuses, mais ce début ne les annonce pas vraiment,  le seul élément fantastique qui laisse doucement entrevoir la suite (sans qu’on puisse deviner où cela va nous entraîner) est la présence les « voix des livres » que David entend. La situation est telle qu’on comprend que de jeunes lecteurs peuvent y être particulièrement sensibles, mais le style n’est heureusement pas trop enfantin.

Ce début assez « psychologique » nous permet de connaître de façon assez complète la personnalité de ce jeune héros déboussolé qui ne parvient ni à faire son deuil, ni a vraiment s’intégrer à sa famille recomposée, je ne me suis pas ennuyée car ces thèmes, s’ils sont assez banals, sont développés de façon réaliste et touchante ; mais cette partie du roman m’a un peu fichu le cafard et m’a laissée perplexe : je trouvais que cette situation était un point de départ inattendu (et bizarrement long) pour un roman de fantasy en principe bourré d’aventures (car la quatrième de couverture semble bien indiquer que ce roman fait partie de ce genre)…
 
Mais les aventures déferleront dès que notre jeune héros ira faire un tour dans la brèche du jardin creux et en effet, la suite nous emmène bien comme prévu dans un monde parallèle, irréel et peuplé de créatures extraordinaires. J’ai apprécié ce monde et la quête qui s’ensuit ; j’ai déjà reproché aux romans de fantasy de nous infliger à chaque fois un long voyage effectué par un jeune héros sans expérience et un compagnon plus aguerri, et cette fois-ci encore on y a droit…. Mais là je ne me suis pas ennuyée et je n’ai rien à y redire ! Le voyage que va faire David est en effet semé d’embûches (pas de périple monotone à travers un désert ici, ouf), et les rencontres qu’il fait m’ont enthousiasmée, que cela soit dans le camp des alliés ou celui des ennemis.

Trolls, loups, « sires-loups », harpies, nains… le bestiaire semble ne rien avoir d’inédit (ou presque) mais la grande force de ce roman, l’idée de génie de l’auteur a été de réexploiter les personnages merveilleux des contes que nous connaissons tous, en les intégrant dans une histoire originale et en les remaniant à sa sauce ! Rencontrer dans ce roman des personnages de contes célèbres nous donne l’impression de nous retrouver dans un monde imaginaire à la fois familier (et c’est délicieux) et surprenant, car l’auteur nous les fait voir autrement, et on découvre alors que les héroïnes des contes par exemple n’ont pas forcément le beau rôle que les contes leur prête habituellement, qu’il s’agisse de Blanche-Neige, de la Belle au Bois Dormant ou du Petit Chaperon Rouge (qui n’est pas du tout une petite victime ici ^^)… j’ai adoré tous les passages où il est question de ces personnages qui ont bercé mon enfance, ce sont sans aucun doute ceux que j’ai préférés dans ce roman, j’étais à la fois heureuse de les retrouver, et curieuse de ce qui allait se passer, de voir en quoi l’auteur allait s’affranchir des histoires déjà écrites!

Les péripéties sont assez nombreuses, assez imaginatives pour être vraiment divertissantes, et toujours l’ombre menaçante du diablolique Homme Biscornu qui suit David relance l’intrigue et nous fait espérer le pire (et donc le meilleur :p) pour la suite.
Certaines descriptions légèrement sanglantes nous font visualiser les scènes avec pas mal de réalisme, la cruauté de certains des personnages est assez flippante, et le côté noir des contes ressort bien plus dans ce roman plus que le côté naïf et rose bonbon « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants » qui en est quasiment absent (je dis quasiment car on a quand même de l’amour dans ce livre, un peu… sans jamais tomber dans la mièvrerie, et d’une façon assez inhabituelle d’ailleurs, j’aime !)
 
La dernière partie du roman m’a un peu moins plu, les révélations concernant l’Homme Biscornu sont pas mal trouvées (et m’ont un peu rappelé Coraline de Neil Gaiman), mais je pense que j’avais été tellement emportée par tout ce qui avait précédé que j’étais du coup trop exigeante et le dénouement m’a paru un peu « simple » en comparaison, la toute fin du roman est assez logique et je ne sais pas, j’aurais peut-être aimé une dernière grosse surprise ? Enfin je ne me plains pas, même si la lecture des toutes dernières pages a été moins haletante, j’ai fermé le livre avec un petit soupir souriant, et en vérité toute cette histoire m’a enchantée !

Un très grand merci donc à Livraddict et aux Editions J’ai Lu qui m’ont permis de savourer ce roman !!!

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(et comme d'habitude, plus d'avis sur ce livre en cliquant sur la couverture)

Extrait :
"Les histoires dans les livres détestent les histoires dans les journaux, disait la mère de David. Les nouvelles des journaux sont comme des poissons qui viennent d'être pêchés : elle sont intéressantes tant qu'elles sont fraîches, c'est-à-dire jamais très longtemps. Elles sont tapageuses et insistantes, comme ces vendeurs à la criée de l'édition du soir, alors que les histoires - les vraies histoires, celles qui sont inventées - ressemblent à des bibliothécaires sévères mais serviables officiant dans des salles de lecture aux rayonnages bien garnis. Les histoires des journaux sont aussi volatiles que la fumée, aussi périssables qu'éphémères. Elles ne s'enracinent nulle part, ce sont de mauvaises herbes proliférant sur le sol, cachant le soleil à des contes autrement plus dignes d'intérêt."

Jeudi 18 novembre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lachambredesofficiers.jpgQuatrième de couverture :
"La guerre de 14, je ne l'ai pas connue. Je veux dire, la tranchée boueuse, l'humidité qui traverse les os, les gros rats noirs au pelage d'hiver qui se faufilent entre les détritus informes, les odeurs mélangées de tabac gris et d'excréments mal enterrés, avec, pour couvrir le tout, un ciel métallique uniforme qui se déverse à intervalles réguliers comme si Dieu n'en finissait plus de s'acharner sur le simple soldat. C'est cette guerre-là que je n'ai pas connue."
Dans les premiers jours de 14, Adrien F, lieutenant du génie, est fauché par un éclat d'obus sur les bords de la Meuse. Défiguré, il est transporté au Val-de-Grâce où il séjournera cinq ans dans la chambre des officiers. Au fil des amitiés qui s'y noueront, lui et ses camarades, malgré la privation brutale d'une part de leur identité, révéleront toute leur humanité. De cette épopée dramatique, émouvante, mais drôle aussi parfois, on retiendra que des blessures naît aussi la grâce.

Mon avis : J'ai emprunté ce livre (sans en lire le résumé, comme d'hab') parce que j'ai le DVD et que je voulais donc lire le livre avant de le regarder. Etant donné que le DVD fait partie d'un coffret de "films romantiques", je m'attendais à une histoire un peu légère d'amourettes d'officiers pendant la guerre... alors que ce n'est pas du tout le sujet de ce livre, je ne m'attendais vraiment pas à ça ! ^^

Au début, certes, Adrien n'est rien d'autre qu'un jeune homme comme les autres, un peu frivole même puisqu'il séduit Clémence, une femme engagée à un autre homme déjà parti à la guerre la veille de sa propre mobilisation. Mais très vite, cette intrigue sentimentale n'est plus sur le devant de la scène, l'"accident" d'Adrien bouleverse tout. L'originalité de ce roman réside dans le fait de nous parler de la violence de la guerre d'un point de vue peu utilisé dans la littérature (enfin peu utilisé, après tout je n'en sais rien... mais c'est le premier roman de ce genre qui me tombe entre les mains !) : celui des Gueules Cassées. Adrien, narrateur de la guerre, se retrouve défiguré et coincé dans un hôpital pendant toute la durée de la guerre, et comme on suit son histoire et voit tout à travers ses yeux, on n'aura aucun récit de combat par exemple... les horreurs de cette guerre nous sont rapportées d'une façon à la fois indirecte - on reste à l'arrière - et terriblement directe, puisque le héros se retrouve mutilé et donc on ne peut plus concerné par tout ce qui se passe....

La douleur, la répulsion que lui causent ses blessures, la peur du regard de l'autre nous sont racontées. Le lecteur se retrouve dans une situation ambivalente, d'un côté on est nous aussi un peu dégoûté par l'aspect que doit avoir Adrien (je me demande ce que donne le film d'ailleurs, comment cet aspect est rendu, si le réalisateur cherche à épargner le spectateur ou pas...), mais de l'autre, on souffre avec lui, qui partage son intimité avec nous. On s'attache rapidement à cette "chambre des officiers" habitée par des hommes détruits, différents mais unis par une amitié indéfectible qui continuera bien après la guerre.

Le ton est réaliste, assez désenchanté, j'ai surtout aimé l'humour noir assez présent et qui met habilement en évidence l'absurdité de toute cette situation... sans espoir pour son avenir, Adrien doit faire le deuil d'un certain nombre de choses mais refuse malgré tout de renoncer à vivre, et combat ses propres faiblesses par une gaieté touchante. Il manque quand même un petit quelque chose pour que cela soit vraiment un coup de cœur pour moi, j'aurais aimé peut-être encore plus de passages d'introspection (même si on comprend aussi pourquoi il s'efforce de ne pas trop réfléchir, afin de ne pas s'apitoyer sur son sort), ou que l'histoire des autres personnages soit plus développée ? J'aurais aimé en savoir plus sur Clémence par exemple, on la revoit, d'accord, mais j'ai été un peu frustrée par leurs retrouvailles !

J'ai été plutôt émue à la lecture mais je crains déjà que cette histoire ne me marque pas autant que son sujet le mériterait.... il ne me reste plus maintenant qu'à voir le film, et je me demande quand même quelles modifications ont pu être effectuées pour qu'il soit carrément considéré comme un "film romantique"....

Extraits :
"Clémence est en filigrane dans toutes mes pensées. Le sentiment de trahison qu'a fait naître sa lettre ne m'a détourné d'elle que pendant quelques jours. Je sais que je la reverrai, cela dût-il prendre des mois, des années. Je la regarderai se faner, je verrai le temps affaiblir ses contours, creuser sa beauté. Car moi, le mutilé de la face, je ne vieillirai pas. La guerre m'a fait vieillir à vingt-quatre ans. Je n'ai pas eu le courage de me suicider. J'ai eu le courage de ne pas me suicider. La rancœur, l'aigreur menacent. Je fais face à l'ennemi intérieur."

"Les jours se succèdent, tous pareils malgré nos efforts pour animer notre petite communauté. Une vie monacale, la souffrance en plus, l'illumination en moins. Le même renoncement. La même contrainte de rythmes immuables qui apaisent et qui oppressent. L'imaginaire d'un blessé, incarcéré par sa mutilation dans une chambre d'hôpital militaire pendant plusieurs mois, s'ordonne autour d'un petit nombre de pensées répétitives, rarement profondes et que d'autres trouveraient certainement obsessionnelles. La première tâche fut d'éliminer de notre champ de conscience tout ce qui pouvait rappeler que notre vie antérieure s'était normalement organisées autour de nos sens. Le seconde, de nous interdire toute projection dans un avenir autre que celui des petits progrès quotidiens de mastication et de prononciation."

Dimanche 5 décembre 2010

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Article publié le 5 décembre
parce que c'est une lecture commune
mais écrit pour de vrai le 23 nov.
juste après ma lecture)


D'autres avis :
Florel, Caelina, Lynnae, latite06, Avalon


Résumé : Le roman raconte les aventures d'un Gascon désargenté de 18 ans, d'Artagnan, monté à Paris faire carrière afin de devenir mousquetaire. Il se lie d'amitié avec Athos, Porthos et Aramis, mousquetaires du roi Louis XIII. Ces quatre hommes vont s'opposer au premier ministre, le Cardinal de Richelieu et ses agents, dont la belle et mystérieuse Milady de Winter, pour sauver l'honneur de la reine de France Anne d'Autriche. Avec ses nombreux combats et ses rebondissements romanesques, Les Trois mousquetaires est l'exemple type du roman de cape et d'épée.

Mon avis : Yeah ! Mirifique ! Sérieusement, après avoir beaucoup beaucoup aimé Le Comte de Monte-Cristo (t.1 / t.2), j'avais d'un côté envie de retrouver le style de Dumas qui m'avait enthousiasmée, et de l'autre, j'avais peur d'être déçue, car malgré tout le bien qu'on (et particulièrement Matilda) m'avait dit, Les Trois Mousquetaires me tentait a priori moins, cela fait des années d'ailleurs que ce livre attend dans ma bibliothèque ! (j'ai une édition que trouve très belle, moi qui ne jure que par les poches, je dois admettre  que c'est quand même fichtrement agréable d'avoir un si bel objet dans les mains, je pense que ça a accru le plaisir que j'ai pris à cette lecture ! (bon, je dis ça parce que je l'ai lu chez moi, parce que cela n'aurait pas été très pratique dans les transports en commun ^^))

Dans mon esprit inculte, les trois mousquetaires - dont je connaissais quand même les noms, Athos, Porthos, Aramis... et d'Artagnan - sans oublier Albeeeert, le 5ème mousquetaire ! (pardon, j'ai pas pu m'en empêcher XD) - étaient un peu les héritiers des chevaliers du Moyen Âge : des militaires courtois, prêts à se battre pour leur honneur et tout le toutim. Bon, je n'étais pas si éloignée que cela, mais j'ai quand même été très surprise par la personnalité et le comportement des personnages, je les ai trouvés.... étonnamment turbulents ! Je les imaginais beaucoup plus calmes, posés et .... retirés du monde, je ne sais pas pourquoi ^^ (maintenant que j'y repense ça me semble idiot, je ne sais pas du tout d'où m'était venue cette image des mousquetaires mais elle était fermement ancrée dans mon esprit en tout cas !)

Ce sont en fait des hommes tr�s � l'aise dans la vie mondaine, au fait de toutes les intrigues qui se nouent, courageux et prêts à défendre leur honneur en effet.... mais leur courage m'a paru souvent être de l'inconscience, tant ils semblent parfois chercher les conflits, se lançant sans arrê dans des duels, avec une joie et un entrain qui ne parvient pas à nous faire oublier qu'ils peuvent à chaque fois y perdre la vie ! Je les ai trouvés dépensiers, excessifs, ils en font un peu voir de toutes les couleurs à leurs pauvres laquais, même dans le cas où ils sont amoureux leur constance est douteuse.... et là vous vous dites que ce portrait n'est pas très flatteur et que je condamne ces personnages ? Mais non ! Disons qu'ils n'incarnent pas un idéal de perfection.... mais leurs défauts les rendent tout à fait humains et sympathiques !
Chacun des personnages a sa propre personnalité ses propres travers.... Athos (peut-être mon préféré ?) le bon compagnon cache un passé mystérieux, Porthos est peut-être le plus fanfaron, Aramis le faussement vertueux jure de rentrer dans les ordres à chaque fois que sa maîtresse le laisse trop longtemps sans nouvelles, et d'Artagnan enfin, qui est le personnage principal mais n'est pas mousquetaire au début, est un peu le petit jeune qui vient apporter une touche de fraîcheur en plus à cette joyeuse bande ! L'inconséquence et l'impertinence des mousquetaires m'a souvent fait sourire ! J'ai été complètement séduite par l'humour des personnages - et du narrateur - et j'ai trouvé cette lecture encore plus entraînante que le Comte de Monte-Cristo.

L'action en effet ne manque pas, et j'ai apprécié le dosage équilibré entre les évènements qui relèvent de la vie privée des mousquetaires - tout ce qui concerne leurs amours et leurs manigances afin de se procurer suffisamment d'argent pour mener à bien leurs missions et avoir la belle vie - et ceux qui découlent de leurs aventures "publiques", missions liés à leur métier de mousquetaires (= gardes royaux, je le précise parce qu'avant de commencer ma lecture je ne le savais même pas ^^). Les deux niveaux vont d'ailleurs vite s'entremêler, ce qui donne plus de richesse et de profondeur à l'intrigue : les aventures personnelles des personnages sont liées au contexte politique, ce qui leur donne une certaine envergure, ce ne sont plus simplement des petites histoires insignifiantes de militaires... et vice-versa, les évènements historiques dont il est question, en ayant une forte résonance dans la vie des personnages, sont rendus romanesques et nous paraissent donc plus proches, plus réels ! Ma connaissance du contexte historique était assez floue mais je n'ai pas été perdue ; je ne peux encore une fois qu'admirer le talent de Dumas qui, tout en faisant comme si le lecteur savait bien de quoi il parlait, nous donne assez d'informations-clé pour qu'on suive sans problème.... et c'est cet aspect qui rend le roman assez facile d'accès et universel ! :D Le cardinal de Richelieu, la reine Anne d'Autriche, le duc de Buckingham... tous ces personnages illustres prennent vie sous nos yeux en intervenant directement dans la vie de nos chers mousquetaires ! :') (je m'emballe, je m'emballe, mais c'est parce que j'ai grave kiffé voyez-vous !)

Mais venons-en à ce qui a été pour moi la cerise sur le gâteau (promis après je me tais). Vous vous souvenez (ou pas, mais faisons comme si), j'avais été un peu déçue par l'absence de personnage féminin vraiment frappant dans le Comte de Monte Cristo.... mais alors là Alexandre Dumas se rattrape, et plutôt deux fois qu'une, et me comble en nous offrant le sublime personnage de Milady !!!! Dangereuse Milady, personnage fort et effrayant, femme fatale à mort et qui donnera bien du fil à retordre à nos pauvres mousquetaires ! Vu ce qu'elle fait je l'ai détestée.... mais j'ai adoré son côté machiavélique, c'est un personnage exceptionnel, qui mérite une bonne place dans mon top 10 des grands-méchants-qui-tuent (je n'ai pas établi de tel top mais si j'en avais un, dedans il y aurait aussi Voldemort, ça vous donne une idée du niveau !).

J'ai donc adoré ce roman, et quand je ferai le bilan de l'année fin décembre je devrai nommer Alexandre Dumas dans la liste des auteurs extraordinaires découverts en 2010 ! C'est donc un livre que je vous recommande ! Des adaptations cinématographiques dignes de ce nom à me conseiller ? :)

Mardi 7 décembre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/Jevaisbiennetenfaispas.jpgRésumé : Une autre lettre de Loïc. Elles sont rares. Quelques phrases griffonnées sur un papier. Il va bien. Il n'a pas pardonné. Il ne rentrera pas. Il l'aime. Rien d'autre. Rien sur son départ précipité. Deux ans déjà qu'il est parti. Peu après que Claire a obtenu son bac. A son retour de vacances, il n'était plus là. Son frère avait disparu, sans raison. Sans un mot d'explication. Claire croit du bout des lèvres à une dispute entre Loïc et son père. Demain, elle quittera son poste de caissière au supermarché et se rendra à Portbail. C'est de là-bas que la lettre a été postée. Claire dispose d'une semaine de congé pour retrouver Loïc. Lui parler. Comprendre.

Mon avis : le film m'avait énormément émue la première fois que je l'ai vu il y a quelques années (il m'a fait moins d'effet les autres fois), et comme je connaissais déjà la fin, je m'étais dit que je ne lirais pas le livre. Mais finalement, les avis pas très positifs que j'ai lus au sujet du livre, au lieu de me conforter dans cette position, ont fini, paradoxalement, par m'intriguer. Le film n'explique pas tout, et en lisant le livre on espère que cela sera plus clair, qu'on en saura plus. Pour avoir lu pas mal de critiques du livre, je savais qu'il n'apporterait pas les réponses qu'on attend.

Dans un sens, le livre est moins pathétique : Loïc et Claire (Lili dans le film) ne sont pas jumeaux, Claire n'ira pas en hôpital psychiatrique... je veux dire par là que les évènements décrits dans le film semblent plus violents, plus tristes, plus propres à faire couler nos larmes. Dans le livre, l'atmosphère est différente, la disparition de Loïc n'est pas la seule source de tristesse, c'est un tout. La première page m'a déstabilisée, j'ai d'abord trouvé le style froid, le quotidien de Claire nous est présenté dans toute sa banalité et son vide, quasiment sans commentaire, et de temps à autre, l'absence du frère vient s'infiltrer, un souvenir, des comparaisons entre Loïc et les hommes qu'elle croise, "Loïc aurait su", etc.

Les personnages sont assez différents entre le livre et le film : les personnages des parents me semblent plus positifs dans le livre (mais ce n'est probablement qu'une impression personnelle pas vraiment fondée)... les personnages masculins, au contraire, sont édulcorés dans le film, ce ne sont pas les mêmes, je trouve que la Claire imaginée par Olivier Adam a moins de chance que l'héroïne du film, sa vie me semble plus dure, plus cruelle, tout en restant d'une cruauté "ordinaire", qu'on ne peut qu'accepter car la vie est ainsi....

Contrairement à une majorité de personnes, je crois bien qu'au final je préfère le livre au film. Bien sûr je n'ai pas eu la surprise de la fin, ayant vu le film avant. Le livre ne complète pas les informations prodiguées par le film, au final on en sait même moins sur les évènements ! Et pourtant, je l'ai trouvé plus profond, plus subtil, plus réaliste. Simplement en montrant la vie telle qu'elle est, avec toutes les déceptions, les petites injustices de tous les jours qu'on subit : la pénibilité du travail de Claire, le désagréable sentiment de solitude au milieu d'une conversation, mais aussi les petites joies qui permettent de tenir, l'espoir, le fait de se sentir bien avec certaines personnes, même quand ces personnes sont silencieuses, distantes et imparfaites... tout cela m'a parlé. Je me suis pas mal retrouvée dans le personnage de Claire, j'ai retrouvé dans ses pensées (auxquelles on a quand même un peu accès, au détour d'une envie de vomir) des choses que je pense aussi, mais que je n'ose pas forcément dire.

Quand j'ai revu le film, il m'a laissée presque froide alors qu'il m'avait déchirée la première fois... mais je suis sûre que si je relis ce livre, j'en garderai la même impression nauséeuse de cafard tenace, impression sourde mais plus lourde, moins éphémère finalement que ce que nous propose le film.

Extraits :
"Elle ne pense pas à l'avenir. Que faire, où s'inscrire. Paul lui dit qu'elle a l'embarras du choix, maintenant qu'elle a son bac. Elle répond qu'elle a surtout le choix de l'embarras. Tu vas bien faire quelque chose de ta vie, dit Irène. Claire n'a jamais vraiment pensé qu'on pouvait faire quelque chose de sa vie, alors la manière d'y parvenir et les buts à se fixer, tout ça devient très flou."

"Ça sent le dimanche soir, la fin des vacances. Claire a un petit pincement au coeur à l'idée de retrouver sa caisse. Sa caisse ou autre chose, vendre des conserves ou des bouquins, c'est égal. Le problème n'est pas là. Le problème est qu'il faut faire autre chose plutôt que rien. Et qu'on doit "s'estimer heureux, avec tous ces gens dans la rue"."

"Ce soir-là Julien n'est pas bien. Sa journée au bureau a été chargée. De travail et d'électricité. D'engueulades en tout genre, d'angoisses diverses. De délais à respecter, de fournisseurs irrespectueux, de défections successives. Il a fini tard et épuisé. Lorsque tout s'accélère ainsi, lorsqu'il est obligé de s'investir dans ce qu'il fait, dans son travail, Julien ne supporte pas. Il n'est pas de taille. N'a pas la carrure ni les épaules. Et encore moins le goût ou la motivation. Ça lui donne immanquablement envie de mourir. Immanquablement. C'est toujours dans ces moments que, sans raison, les larmes lui montent aux yeux sans jamais en sortir. Que l'idée de se donner la mort se fait plus précise, aguicheuse, raisonnable. Et c'est ce qui le fait tenir. L'idée que s'il ne tient pas, s'il n'est pas à la hauteur, si on vient l'engueuler, pfuit, il se barre. La lâcheté lui donne un peu de courage."

Mercredi 15 décembre 2010

[L'instant Kézako : qu'est-ce qu'un partenariat ?]

Un partenariat - dans le domaine de la blogosphère livresque en tout cas - consiste à se voir offrir un livre par une maison d'édition, par l'intermédiaire de sites comme Livraddict, Babelio, Blog-O-Book... afin d'en faire la critique sur son blog dans le mois qui suit. (bien entendu, le blogolecteur garde toute sa liberté d'expression, sinon c'est pas drôle). Des livres (en nombre d'exemplaires limité) sont régulièrement proposés en partenariat par les sites sus-cités, on postule si on est intéressé et on a un petit moment de suspense avant de savoir si on a été choisi ou pas....
On peut aussi recevoir gratuitement un livre en étant contacté directement par mail par la maison d'édition en question (en ayant été préalablement repéré par son blog), et dans ce cas on parle simplement de "SP" (service presse).

Je ne suis pas une pro du partenariat puisque depuis que je connais l'existence de ce procédé (= depuis mon inscription à Livraddict il y a plus d'un an) j'en ai seulement fait 3... (dont 1 SP). Tout simplement parce que je suis très difficile dans mes choix (et un peu frileuse, je ne postule que si je sais que le livre a toutes les chances de me plaire), et aussi parce que pendant des mois je ne pensais jamais à aller voir quels étaient les partenariats proposés (ou alors toujours trop tard ahem). Comme vous l'avez sans doute déjà compris, cet article va me servir à répertorier les livres que je reçois gracieusement de cette manière ! La liste est pour l'instant très très courte mais je ne doute pas qu'elle s'allonge doucement mais sûrement au fil du temps. (cliquez sur les titres des livres pour voir les articles)

... MERCI à
http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/livraddictlogosmall.png
et à

http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/albinmichel.jpgLe Rire du Cyclope, de Bernard Werber (SP, oct. 2010)

 
  http://www.livraddict.com/images/parte8.jpg
 Tobie Lolness, tome 1 : la vie suspendue, de Timothée de Fombelle (fev. 2010)


http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/Jailulogo.jpg
Le Livre des Choses Perdues, de John Connolly (nov. 2010)



http://bouquins.cowblog.fr/images/divers/ROBERTLAFFONT.jpg
Marina, de Carlos Ruiz Zafón (dec. 2010)

Jeudi 16 décembre 2010


Résumé / extrait :
- Naturellement, vous savez ce que c'est, Rieux ?
- J'attends le résultat des analyses.
- Moi, je le sais. Et je n'ai pas besoin d'analyses. J'ai fait une partie de ma carrière en Chine, et j'ai vu quelques cas à Paris, il y a une vingtaine d'années. Seulement, on n'a pas osé leur donner un nom, sur le moment... Et puis, comme disait un confrère : " C'est impossible, tout le monde sait qu'elle a disparu de l'Occident. " Oui, tout le monde le savait, sauf les morts. Allons, Rieux, vous savez aussi bien que moi ce que c'est...
- Oui, Castel, dit-il, c'est à peine croyable. Mais il semble bien que ce soit la peste.

Mon avis : un livre que j'avais prévu de lire depuis longtemps et dont j'avais entendu pas mal de bien, je pensais vraiment l'adorer sachant que j'ai beaucoup aimé presque tous les autres livres de Camus que j'ai déjà eu l'occasion de lire (La Chute, Les Justes, L'Etranger...). Les extraits qu'on entend dans le film La Tête en Friche m'avait plu et m'ont donné encore plus envie de le lire... et je suis en effet toujours charmée par le style de Camus, le lire me fait souvenir pleinement pourquoi j'aime ma langue, et pourquoi j'aime lire de manière générale, je trouve que son style est à la fois prenant et reposant, clair sans être trop simple... je pourrais m'étendre encore sur plusieurs lignes en impressions positiives au sujet de l'écriture de Camus, impressions tout à fait subjectives et donc pas forcément parlantes pour ceux qui n'ont encore jamais lu de Camus ou n'ont pas simplement pas la même réaction que moi face à son écriture !

Je n'ai pas été déçue, mais je n'ai pas adoré non plus, parce qu'il me semble impossible de dire "whaouh j'ai passé un trop bon moment à lire ce bouquin c'était trop fun". Je ne sais pas bien comment exprimer ce que j'ai ressenti, j'ai peur que cela soit mal interprété.... disons que c'est un roman que je vous conseille, mais qu'à plusieurs reprises j'ai trouvé cette lecture pénible, et c'est pourquoi j'ai étalé cette lecture sur une semaine, je n'aurais pas pu en lire 4 heures d'affilée, j'ai eu besoin de "pauses" conséquentes. Cela n'a pas été une lecture dans le sens "chiante", pas du tout, mais dans le sens "éprouvante", inconfortable. J'ai connu à travers ces pages diverses émotions négatives : peur, dégoût, malaise... j'ai vraiment eu le sentiment d'être "dans" la peste, d'étouffer, d'être prisonnière avec eux dans cette ville close.

J'avais lu, il y a des mois voire des années, que cette peste était le symbole du nazisme. Mais je suis tout à fait d'accord avec Matilda, et je comprends bien ce qu'elle a voulu dire, quand elle a écrit dans son article qu'on ne peut pas seulement réduire La Peste à cela. On a en effet beaucoup de descriptions concrètes des symptômes de la maladie, de la douleur physique qu'elle entraîne.... tous ces passages m'ont fait froid dans le dos, je ne m'attendais peut-être pas à de tels détails (n'oubliez pas que je suis une petite chose impressionnable ; cela n'a pas franchement de rapport avec Camus mais je doute d'avoir un jour le courage de lire American Psycho - qui est pourtant dans ma PAL).

Les passages où on nous raconte (le narrateur semble extérieur, objectif, il ne s'appesantit pas en commentaires personnels mais il s'inclut pourtant dans la population, et utilise toujours l'expression "nos concitoyens", on ne saura qu'à la fin de qui il s'agit) les comportements des gens, ce que l'épidemie va changer dans leur mode de vie, m'ont vivement intéressée et je pense que c'est plutôt ça qu'on peut assimiler à la vie, à l'état d'esprit d'un peuple en temps de guerre / face à un fléau. Mais ces passages ne m'ont pas non plus permis de "souffler" car je les ai trouvés plutôt désespérants, la description de la douleur des personnes séparées par la fermeture de la ville notamment m'a touchée. J'ai apprécié l'humanisme qu'on sent à travers la plume de Camus, le courage qu'il prône, courage qui n'est pas non plus magnifié mais qui est nécessaire pour tenir dans une telle situation. J'ai cependant trouvé certains passages un peu longs ou répétitifs, mais en même temps cette lenteur, cette relative monotonie nous fait pleinement comprendre ce qu'ont dû supporter les personnages, isolés, piégés dans une situation infernale et qui ne fait qu'empirer, forcés de tenter de combattre malgré leurs faibles moyens, obligés de survivre malgré tout...

J'ai trouvé que Rieux (médecin, et le personnage auquel je me suis le plus attachée), qui est un peu le "sage" du livre, celui qui se conduit de la façon la plus raisonnable, cherchait une sorte d'équilibre salutaire mais difficile à trouver : il savait qu'il était inutile et dangereux de chercher à se révolter, à s'évader... il fallait donc se résigner suffisamment pour rester calme, sans non plus renoncer à combattre l'horreur.

Comme j'ai souvent interrompu ma lecture, il m'est arrivé de perdre de vue un ou deux personnages, d'oublier subitement à quel personnage exactement correspondait ce nom, seul Rieux finalement a retenu toute mon attention. C'est pourquoi je pense qu'il est nécessaire que je relise plus tard ce livre, je suis loin de l'avoir épuisé.

Extraits : (nombreux, mais le livre n'est pas à moi, je ne veux pas perdre ces passages et je veux les garder sous le coude parce que j'adore ! - et encore je n'ai pas tout noté ici)

"Les fléaux, en effet, sont une chose commune, mais on croit difficilement aux fléaux lorsqu'ils vous tombent sur la tête. Il y a eu dans le monde autant de pestes que de guerres. Et pourtant pestes et guerres trouvent les gens toujours aussi dépourvus. (...) Quand une guerre éclate, les gens disent : "Ça ne durera pas, c'est trop bête." Et sans doute une guerre est certainement trop bête, mais cela ne l'empêche pas de durer. La bêtise insiste toujours, on s'en apercevrait si l'on ne pensait pas toujours à soi. Nos concitoyens à cet égard étaient comme tout le monde, ils pensaient à eux-mêmes, autrement dit ils étaient humanistes : ils ne croyaient pas aux fléaux. Le fléau n'est pas à la mesure de l'homme, on se dit donc que le fléau est iréel, c'est un mauvais rêve qui va passer. Mais il ne passe pas toujours et, de mauvais rêve en mauvais rêve, ce sont les hommes qui passent, et les humanistes en premier lieu, parce qu'ils n'ont pas pris leurs précautions. Nos concitoyens n'étaient pas plus coupables que d'autres, ils oubliaient d'être modestes, voilà tout, et ils pensaient que tout était encore possible pour eux, ce qui supposait que les fléaux étaient impossibles. Ils continuaient de faire des affaires, ils préparaient des voyages et ils avaient des opinions. Comment auraient-ils pensé à la peste qui supprime l'avenir, les déplacements et les discussions ? Ils se croyaient libres et personne ne sera jamais libre tant qu'il y aura des fléaux."

" - (...) Maintenant je sais que l'homme est capable de grandes actions. Mais s'il n'est pas capable d'un grand sentiment, il ne m'intéresse pas.
- On a l'impression qu'il est capable de tout, dit Tarrou.
- Mais non, il est incapable de souffrir ou d'être heureux longtemps. Il n'est donc capable de rien qui vaille.
Il les regardait, et puis :
- Voyons, Tarrou, êtes-vous capable de mourir pour un amour ?
- Je ne sais pas, mais il me semble que non, maintenant.
- Voilà. Et vous êtes capable de mourir pour une idée, c'est visible à l'œil nu. Eh bien, moi, j'en ai assez des gens qui meurent pour une idée. Je ne crois pas à l'héroïsme, je sais que c'est facile et j'ai appris que c'était meurtrier. Ce qui m'intéresse, c'est qu'on vive et qu'on meure de ce qu'on aime."

"Rien n'est moins spectaculaire qu'un fléau et, par leur durée même, les grands malheurs sont monotones. Dans le souvenir de ceux qui les ont vécues, les journées terribles de la peste n'apparaissaient pas comme de grandes flammes somptueuses et cruelles, mais plutôt comme un interminable piétinement qui écrasait tout sur son passage."

"Des épouses lui prenaient le poignet et hurlaient : "Docteur, donnez-lui la vie !" Mais il n'était pas là pour donner la vie, il était là pour ordonner l'isolement. A quoi servait la haine qu'il lisait alors sur les visages ? "Vous n'avez pas de cœur", lui avait-on dit un jour. Mais si, il en avait un. Il lui servait à supporter les vingt heures par jour où il voyait mourir des hommes qui étaient faits pour vivre. Il lui servait à recommencer tous les jours. Désormais, il avait juste assez de cœur pour ça. Comment ce cœur aurait-il suffi à donner la vie ?"

"Rieux savait ce que pensait à cette minute le vieil homme qui pleurait, et il le pensait comme lui, que ce monde sans amour était comme un monde mort et qu'il vient toujours une heure où on se lasse des prisons, du travail et du courage pour réclamer le visage d'un être et le cœur émerveillé de la tendresse."

Bonus : (pour le challenge Tête en Friche), un mot que ce livre m'a appris :
fuligineux
, adj. 1) qui rappelle la suie, qui donne de la suie, qui en a la couleur. 2) d'une obscurité épaisse.

Lundi 20 décembre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lepetitchose.gif
CHALLENGE ABC 2010, 25ème livre lu ♦
 

Résumé :
Le Petit Chose paraît en feuilleton en 1867. Daudet s'inspire des souvenirs d'une jeunesse douloureuse : humiliations à l'école, mépris pour le petit provencal, expérience de répétiteur au collège et enfin coup de foudre pour une belle jeune femme. L'écrivain manifeste une tendresse, une pitié et un respect remarquables à l'égard des malchanceux et des déshérités de la vie.

Mon avis : comme le sous-titre est "Histoire d'un enfant", je pensais vraiment que le récit se concentrerait sur l'enfance du héros et narrateur, mais en vérité on passe assez rapidement cette période, cela . Je connaissais l'extrait célèbre (cf ci-dessous) dans lequel on se moque de sa blouse et commence à le surnommer "le petit Chose", mais en fait c'est à peu près la seule scène décrivant sa vie au collège ! Contrairement aux romans autobiographiques tels que Vipère au Poing d'Hervé Bazin, Poil de Carotte, de Jules Renard ou L'Enfant de Jules Vallès, les malheurs du héros ne découlent pas de mauvais traitements qu'il aurait subis chez lui, il est au contraire aimé par ses parents et son frère. Non, ce qui marquera sa "descente aux enfers", c'est la ruine financière de sa famille, la misère qui les forcera à se séparer. J'ai été assez étonnée par cette séparation dont la nécessité me semble encore discutable, mais bon, admettons...

Cette séparation est un tournant dans la vie du Petit Chose qui doit alors se prendre en charge et gagner sa vie. Il ne cache rien des souffrances qu'il a endurés en tant que surveillant, les passages où il décrit ses humiliations, son manque d'autorité, la hargne des élèves m'ont peinée. Le ton du roman est assez original et m'a bien plu : le narrateur parle souvent de lui-même à la troisième personne en prenant le lecteur à témoin ; ses pensées et réactions de l'époque nous sont restituées en même temps que le regard postérieur du narrateur sur celui qu'il était alors, ce qui nous permet de nous amuser avec lui de sa naïveté, ce roman est en effet bien plus drôle que ce que j'aurais pensé, malgré le caractère pathétique de certaines péripéties j'ai très souvent souri ! Grâce à ce décalage, à cette double vision de personnage, on peut aussi un peu dédramatiser ses malheurs : si on avait eu seulement le point de vue du personnage au moment des faits, sans recul, j'aurais sans doute trouvé ça trop plaintif par moments... mais j'ai vraiment apprécié l'honnêteté du narrateur qui ne masque pas ses défauts et donne une image de lui pas toujours reluisante.

Le personnage du petit Chose m'a vraiment touchée en fait, et j'ai aimé suivre ses rêves, puis ses désillusions, les conséquences désastreuses de sa vanité... Si on considère ce roman de manière large, je trouve qu'il montre symboliquement ce qu'implique le passage à l'âge adulte (selon Alphonse Daudet, ce n'est pas une vérité générale mais je suis assez d'accord avec lui), l'évolution de la mentalité du héros m'a paru juste, réaliste.

Les autres personnages sont également dignes d'intérêt : le personnage de Jacques est l'incarnation même de l'amour fraternel, son abnégation va si loin qu'elle m'a quasiment semblé invraisemblable par moments... mais je la trouve vraie quand même, je suis sûre que de tels comportements se retrouvent dans la vraie vie.
J'ai aimé la façon originale dont il parle de la jeune fille qu'il aime, il distingue la personnalité bourgeoise (et commune) de cette demoiselle et ce qui lui plaît vraiment chez elle : ses yeux noirs, à tel point que "les yeux noirs" sont un personnage à part entière,  la dualité de cette jeune fille (enfin surtout, la duplicité du regard du héros sur elle) nous permettent de bien voir ce qui l'attire vraiment et cela remet pas mal en cause la vision idéale du sentiment amoureux qu'on pourrait avoir, que le narrateur discrédite complètement ; ce n'est pas dit de façon aussi explicite mais c'est comme cela que j'interprète la chose en tout cas... tout cela n'est pas très positif comme vision des choses mais j'ai trouvé ça plus réaliste que les clichés habituels. (la toute fin m'a d'ailleurs un peu déçue, mais bon c'est vrai que le côté heureux du dénouement est à nuancer - je n'en dis pas plus, chut)
Un dernier personnage m'a beaucoup plu, j'aurais aimé le voir plus développé : il s'agit d'Irma Borel la séductrice, je trouve que le héros la juge un peu trop sévèrement, qu'il surestime ses torts, peut-être pour amoindrir sa propre responsabilité ? Comportement plausible étant donné la personnalité du personnage du petit Chose, je l'ai trouvé très sympathique mais il faut bien admettre qu'il n'a rien de parfait (il le laisse entendre assez lui-même).

Au final, une belle lecture pour moi, assez riche et plus distrayante que l'Enfant de Jules Vallès par exemple, et elle m'a plus personnellement parlée.

Extrait :
«Ce qui me frappa d’abord, à mon arrivée au collège, c’est que j’étais le seul avec une blouse. À Lyon, les fils de riches ne portent pas de blouses ; il n’y a que les enfants de la rue, les gones comme on dit. Moi, j’en avais une, une petite blouse à carreaux qui datait de la fabrique ;  j'avais une blouse, j’avais l’air d’un gone... Quand j’entrai dans la classe, les élèves ricanèrent. On disait « Tiens ! il a une blouse ! » Le professeur fit la grimace et tout de suite me prit en aversion. Depuis lors, quand il me parla, ce fut toujours du bout des lèvres, d’un air méprisant. Jamais il ne m’appela par mon nom ; il disait toujours « Hé ! vous, là-bas, le petit Chose ! » Je lui avais dit pourtant plus de vingt fois que je m’appelais Daniel Ey-sset-te... À la fin, mes camarades me surnommèrent « le petit Chose », et le surnom me resta..."

"Un soir, au moment de se mettre à table, on s'aperçoit qu'il n'y a plus une goutte d'eau dans la maison.
- Si vous voulez, j'irai en chercher, dit ce bon enfant de Jacques.
Et le voilà qui prend la cruche, une grosse cruche de grès.
M. Eyssette hausse les épaules : 
- Si c'est Jacques qui y va, dit-il, la cruche est cassée, c'est sûr.
- Tu entends, Jacques, - c'est Mme Eyssette qui parle avec sa voix tranquille - tu entends, ne la casse pas, fais bien attention. ”
M. Eyssette reprend :
- Oh ! tu as beau lui dire de ne pas la casser, il la cassera tout de même.
Ici, la voix éplorée de Jacques :
- Mais enfin, pourquoi voulez-vous que je la casse ?
- Je ne veux pas que tu la casses, je te dis que tu la casseras, répond M. Eyssette, et d'un ton qui n'admet pas de réplique.
Jacques ne réplique pas ; il prend la cruche d'une main fiévreuse et sort brusquement avec l'air de dire :
- Ah ! je la casserai ? Eh bien, nous allons voir.
Cinq minutes, dix minutes se passent; Jacques ne revient pas. Mme Eyssette commence à se tourmenter :
- Pourvu qu'il ne lui soit rien arrivé !
- Parbleu ! que veux-tu qu'il lui soit arrivé ? dit M. Eyssette d'un ton bourru. Il a cassé la cruche et n'ose plus rentrer.
Mais tout en disant cela - avec son air bourru, c'était le meilleur homme du monde -, il se lève et va ouvrir la porte pour voir un peu ce que Jacques était devenu. Il n'a pas loin à aller ; Jacques est debout sur le palier, devant la porte, les mains vides, silencieux, pétrifié. En voyant M. Eyssette, il pâlit, et d'une voix navrante et faible, oh ! si faible : “ Je l'ai cassée ”, dit-il... Il l'avait cassée !...
Dans les archives de la maison Eyssette, nous appelons cela “ la scène de la cruche”."

Lundi 27 décembre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lecharmedesapresmidisansfin.jpgQuatrième de couverture : Le Charme des après-midi sans fin, sans doute le livre de Dany Laferrière le plus autobiographique, nous conte une jeunesse haïtienne en une succession de brefs tableaux sur le cours des jours à Petir-Goâve.
Manifeste d'amour adressé par l'auteur à Da, la grand-mère qui l'a élevé, mais aussi, sur fond de crise politique haïtienne, roman initiatique de l'adolescence, ce livre nous émeut par sa tendresse et sa justesse.

Mon avis : j'ai aimé le découpage en très très brefs chapitres (le terme de "tableaux" de la quatrième de couverture convient mieux d'ailleurs), que j'ai trouvé original et bien choisi, mais je suis dans l'ensemble déçue par cette lecture. Peut-être que je n'ai pas lu ce livre au bon moment, que j'ai besoin d'exaltation et que la douceur de ces "après-midi sans fin" n'est pas ce dont j'ai envie en ce moment. J'ai eu du mal à entrer dans le livre. Le narrateur est un enfant (ou plutôt, un jeune adolescent) mais comme une andouille, je me suis d'abord fiée à son surnom, Vieux Os, et j'ai donc mis un certain temps à comprendre son âge... -_-' c'est un héros assez attachant (ne serait-ce que pour l'amour qu'il porte à sa grand-mère Da, et à la jeune Vava) qui "aime observer les gens".

C'est plutôt agréable de suivre ce personnage, de rencontrer avec lui différents personnages qui nous font découvrir le quotidien de Petit-Goâve, ancienne capitale d'Haïti (merci wikipedia)... mais je me suis demandée pourquoi il accompagnait le notaire Loné pendant presque toute une journée, enfin j'ai surtout trouvé un peu étrange que le notaire n'en ait pas marre de l'avoir dans les pattes... c'est au lecteur de s'adapter, et de plonger à la suite du narrateur dans cet univers qui m'a semblé plus hospitalier que le nôtre, le rituel qui consiste à venir boire du café chez l'un ou chez l'autre m'a fait sourire. Et j'ai surtout aimé les quelques passages (hélas trop rares à mon goût) où il est question de surnaturel... sans que les personnages ne semblent s'étonner plus que ça justement, j'ai trouvé que c'était un des aspects qui nous montrait peut-être le mieux la différence de mentalité  (je me suis sentie une minable petite cartésienne en pensant "hein ? mais quoi, comment ? c'est pas possible ?!" alors que le sujet était simplement accepté, et pas plus développé que ça.)

Un peu après la moitié du livre, un évènement assez important (qui correspond à la "crise politique" évoquée par la quatrième de couverture) vient bouleverser la vie plutôt tranquille de tout ce petit monde et le roman prend alors un tour un peu plus dramatique... mais sans que le rythme ne change vraiment finalement. J'ai eu du mal à situer la période (dans les années 60 si j'ai bien compris), j'ignore encore quelle est exactement la crise politique dont il est question, on a le sentiment que ce qui se passe est vraiment très grave et laisse présager des choses bien pires encore, mais à cause de mon inculture totale concernant l'Histoire d'Haïti, je me suis sentie un peu à côté de la plaque et je suis restée sur ma faim.

Pas désagréable donc, mais je me suis un peu ennuyée parfois, disons que l'aura du livre n'était pas assez forte pour effacer complètement toutes mes pensées parasites, l'évasion n'a pas totalement marché pour moi cette fois-ci, j'ai presque toujours eu la sensation de rester un peu étrangère à ma lecture... et j'ai bien peur qu'au final il ne m'en reste pas grand souvenir dans quelques mois voire semaines. A retenter dans dix ans peut-être, pour voir si cela me fait plus d'effet ?

1er livre que je lis d'un auteur haïtien... j'améliore donc mon "score" à mon challenge "mondial" ;)
Je vous conseille l'avis d'Exxlibris qui a aimé ce livre plus que moi (car même s'il ne m'a personnellement pas emballée, je ne le vous déconseille pas !!!) et qui contient de chouettes extraits ! Je suis d'accord avec elle quand elle nous conseille de lire ce roman "seul, en pleine chaleur d’été, en pleine campagne", je pense que je l'aurais peut-être plus apprécié dans ces conditions...

Extrait :
"Tiens, voilà Fifi là-bas, en train de parler à Gina. Il n'y a pas si longtemps, Rico était fou de cette fille. (...) Rico lui écrivait un poème par jour que je devais donner à ma cousine Didi pour qu'elle le lui remettre en mains propres. Gina ne lui a jamais répondu. Mais depuis deux semaines Rico n'envoie plus de poèmes, et il semble, selon Didi, que ça lui manque. Le problème c'est que Rico ne joue pas à l'indifférent, il n'est tout simplement plus intéressé. La fièvre est tombée. Avant, je savais par Rico ce que faisait Gina toute la sainte journée. Maintenant, c'est comme si elle était morte, comme si elle n'avait jamais existé. Je ne suis pas comme ça. Si j'ai aimé une fille, elle ne me sera jamais indifférente. Mon cœur battra toujours plus vite en entendant son nom. Frantz, lui, n'a pas de cœur. Rico s'enflamme vite, mais pas pour longtemps. J'essaie de ne pas trop laisser paraître mes sentiments. Mon cœur est un volcan en éruption. Cela me tue. Je suis épuisé. Parfois, j'ai l'impression de cracher de la cendre. J'aurais préféré être comme Frantz ou même comme Rico. J'ai un cœur qui ne se repose jamais, même pendant mon sommeil. Je rêve d'elle. Et elle ne sait même pas que je suis amoureux d'elle. Je n'ose pas prononcer son nom."

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"La vraie lecture commence quand on ne lit plus seulement pour se distraire et se fuir, mais pour se trouver." Jean Guéhenno

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