Quatrième de couverture :
"La guerre de 14, je ne l'ai pas connue. Je veux dire, la tranchée boueuse, l'humidité qui traverse les os, les gros rats noirs au pelage d'hiver qui se faufilent entre les détritus informes, les odeurs mélangées de tabac gris et d'excréments mal enterrés, avec, pour couvrir le tout, un ciel métallique uniforme qui se déverse à intervalles réguliers comme si Dieu n'en finissait plus de s'acharner sur le simple soldat. C'est cette guerre-là que je n'ai pas connue."
Dans les premiers jours de 14, Adrien F, lieutenant du génie, est fauché par un éclat d'obus sur les bords de la Meuse. Défiguré, il est transporté au Val-de-Grâce où il séjournera cinq ans dans la chambre des officiers. Au fil des amitiés qui s'y noueront, lui et ses camarades, malgré la privation brutale d'une part de leur identité, révéleront toute leur humanité. De cette épopée dramatique, émouvante, mais drôle aussi parfois, on retiendra que des blessures naît aussi la grâce.
Mon avis : J'ai emprunté ce livre (sans en lire le résumé, comme d'hab') parce que j'ai le DVD et que je voulais donc lire le livre avant de le regarder. Etant donné que le DVD fait partie d'un coffret de "films romantiques", je m'attendais à une histoire un peu légère d'amourettes d'officiers pendant la guerre... alors que ce n'est pas du tout le sujet de ce livre, je ne m'attendais vraiment pas à ça ! ^^
Au début, certes, Adrien n'est rien d'autre qu'un jeune homme comme les autres, un peu frivole même puisqu'il séduit Clémence, une femme engagée à un autre homme déjà parti à la guerre la veille de sa propre mobilisation. Mais très vite, cette intrigue sentimentale n'est plus sur le devant de la scène, l'"accident" d'Adrien bouleverse tout. L'originalité de ce roman réside dans le fait de nous parler de la violence de la guerre d'un point de vue peu utilisé dans la littérature (enfin peu utilisé, après tout je n'en sais rien... mais c'est le premier roman de ce genre qui me tombe entre les mains !) : celui des Gueules Cassées. Adrien, narrateur de la guerre, se retrouve défiguré et coincé dans un hôpital pendant toute la durée de la guerre, et comme on suit son histoire et voit tout à travers ses yeux, on n'aura aucun récit de combat par exemple... les horreurs de cette guerre nous sont rapportées d'une façon à la fois indirecte - on reste à l'arrière - et terriblement directe, puisque le héros se retrouve mutilé et donc on ne peut plus concerné par tout ce qui se passe....
La douleur, la répulsion que lui causent ses blessures, la peur du regard de l'autre nous sont racontées. Le lecteur se retrouve dans une situation ambivalente, d'un côté on est nous aussi un peu dégoûté par l'aspect que doit avoir Adrien (je me demande ce que donne le film d'ailleurs, comment cet aspect est rendu, si le réalisateur cherche à épargner le spectateur ou pas...), mais de l'autre, on souffre avec lui, qui partage son intimité avec nous. On s'attache rapidement à cette "chambre des officiers" habitée par des hommes détruits, différents mais unis par une amitié indéfectible qui continuera bien après la guerre.
Le ton est réaliste, assez désenchanté, j'ai surtout aimé l'humour noir assez présent et qui met habilement en évidence l'absurdité de toute cette situation... sans espoir pour son avenir, Adrien doit faire le deuil d'un certain nombre de choses mais refuse malgré tout de renoncer à vivre, et combat ses propres faiblesses par une gaieté touchante. Il manque quand même un petit quelque chose pour que cela soit vraiment un coup de cœur pour moi, j'aurais aimé peut-être encore plus de passages d'introspection (même si on comprend aussi pourquoi il s'efforce de ne pas trop réfléchir, afin de ne pas s'apitoyer sur son sort), ou que l'histoire des autres personnages soit plus développée ? J'aurais aimé en savoir plus sur Clémence par exemple, on la revoit, d'accord, mais j'ai été un peu frustrée par leurs retrouvailles !
J'ai été plutôt émue à la lecture mais je crains déjà que cette histoire ne me marque pas autant que son sujet le mériterait.... il ne me reste plus maintenant qu'à voir le film, et je me demande quand même quelles modifications ont pu être effectuées pour qu'il soit carrément considéré comme un "film romantique"....
Extraits :
"Clémence est en filigrane dans toutes mes pensées. Le sentiment de trahison qu'a fait naître sa lettre ne m'a détourné d'elle que pendant quelques jours. Je sais que je la reverrai, cela dût-il prendre des mois, des années. Je la regarderai se faner, je verrai le temps affaiblir ses contours, creuser sa beauté. Car moi, le mutilé de la face, je ne vieillirai pas. La guerre m'a fait vieillir à vingt-quatre ans. Je n'ai pas eu le courage de me suicider. J'ai eu le courage de ne pas me suicider. La rancœur, l'aigreur menacent. Je fais face à l'ennemi intérieur."
"Les jours se succèdent, tous pareils malgré nos efforts pour animer notre petite communauté. Une vie monacale, la souffrance en plus, l'illumination en moins. Le même renoncement. La même contrainte de rythmes immuables qui apaisent et qui oppressent. L'imaginaire d'un blessé, incarcéré par sa mutilation dans une chambre d'hôpital militaire pendant plusieurs mois, s'ordonne autour d'un petit nombre de pensées répétitives, rarement profondes et que d'autres trouveraient certainement obsessionnelles. La première tâche fut d'éliminer de notre champ de conscience tout ce qui pouvait rappeler que notre vie antérieure s'était normalement organisées autour de nos sens. Le seconde, de nous interdire toute projection dans un avenir autre que celui des petits progrès quotidiens de mastication et de prononciation."
"La guerre de 14, je ne l'ai pas connue. Je veux dire, la tranchée boueuse, l'humidité qui traverse les os, les gros rats noirs au pelage d'hiver qui se faufilent entre les détritus informes, les odeurs mélangées de tabac gris et d'excréments mal enterrés, avec, pour couvrir le tout, un ciel métallique uniforme qui se déverse à intervalles réguliers comme si Dieu n'en finissait plus de s'acharner sur le simple soldat. C'est cette guerre-là que je n'ai pas connue."
Dans les premiers jours de 14, Adrien F, lieutenant du génie, est fauché par un éclat d'obus sur les bords de la Meuse. Défiguré, il est transporté au Val-de-Grâce où il séjournera cinq ans dans la chambre des officiers. Au fil des amitiés qui s'y noueront, lui et ses camarades, malgré la privation brutale d'une part de leur identité, révéleront toute leur humanité. De cette épopée dramatique, émouvante, mais drôle aussi parfois, on retiendra que des blessures naît aussi la grâce.
Mon avis : J'ai emprunté ce livre (sans en lire le résumé, comme d'hab') parce que j'ai le DVD et que je voulais donc lire le livre avant de le regarder. Etant donné que le DVD fait partie d'un coffret de "films romantiques", je m'attendais à une histoire un peu légère d'amourettes d'officiers pendant la guerre... alors que ce n'est pas du tout le sujet de ce livre, je ne m'attendais vraiment pas à ça ! ^^
Au début, certes, Adrien n'est rien d'autre qu'un jeune homme comme les autres, un peu frivole même puisqu'il séduit Clémence, une femme engagée à un autre homme déjà parti à la guerre la veille de sa propre mobilisation. Mais très vite, cette intrigue sentimentale n'est plus sur le devant de la scène, l'"accident" d'Adrien bouleverse tout. L'originalité de ce roman réside dans le fait de nous parler de la violence de la guerre d'un point de vue peu utilisé dans la littérature (enfin peu utilisé, après tout je n'en sais rien... mais c'est le premier roman de ce genre qui me tombe entre les mains !) : celui des Gueules Cassées. Adrien, narrateur de la guerre, se retrouve défiguré et coincé dans un hôpital pendant toute la durée de la guerre, et comme on suit son histoire et voit tout à travers ses yeux, on n'aura aucun récit de combat par exemple... les horreurs de cette guerre nous sont rapportées d'une façon à la fois indirecte - on reste à l'arrière - et terriblement directe, puisque le héros se retrouve mutilé et donc on ne peut plus concerné par tout ce qui se passe....
La douleur, la répulsion que lui causent ses blessures, la peur du regard de l'autre nous sont racontées. Le lecteur se retrouve dans une situation ambivalente, d'un côté on est nous aussi un peu dégoûté par l'aspect que doit avoir Adrien (je me demande ce que donne le film d'ailleurs, comment cet aspect est rendu, si le réalisateur cherche à épargner le spectateur ou pas...), mais de l'autre, on souffre avec lui, qui partage son intimité avec nous. On s'attache rapidement à cette "chambre des officiers" habitée par des hommes détruits, différents mais unis par une amitié indéfectible qui continuera bien après la guerre.
Le ton est réaliste, assez désenchanté, j'ai surtout aimé l'humour noir assez présent et qui met habilement en évidence l'absurdité de toute cette situation... sans espoir pour son avenir, Adrien doit faire le deuil d'un certain nombre de choses mais refuse malgré tout de renoncer à vivre, et combat ses propres faiblesses par une gaieté touchante. Il manque quand même un petit quelque chose pour que cela soit vraiment un coup de cœur pour moi, j'aurais aimé peut-être encore plus de passages d'introspection (même si on comprend aussi pourquoi il s'efforce de ne pas trop réfléchir, afin de ne pas s'apitoyer sur son sort), ou que l'histoire des autres personnages soit plus développée ? J'aurais aimé en savoir plus sur Clémence par exemple, on la revoit, d'accord, mais j'ai été un peu frustrée par leurs retrouvailles !
J'ai été plutôt émue à la lecture mais je crains déjà que cette histoire ne me marque pas autant que son sujet le mériterait.... il ne me reste plus maintenant qu'à voir le film, et je me demande quand même quelles modifications ont pu être effectuées pour qu'il soit carrément considéré comme un "film romantique"....
Extraits :
"Clémence est en filigrane dans toutes mes pensées. Le sentiment de trahison qu'a fait naître sa lettre ne m'a détourné d'elle que pendant quelques jours. Je sais que je la reverrai, cela dût-il prendre des mois, des années. Je la regarderai se faner, je verrai le temps affaiblir ses contours, creuser sa beauté. Car moi, le mutilé de la face, je ne vieillirai pas. La guerre m'a fait vieillir à vingt-quatre ans. Je n'ai pas eu le courage de me suicider. J'ai eu le courage de ne pas me suicider. La rancœur, l'aigreur menacent. Je fais face à l'ennemi intérieur."
"Les jours se succèdent, tous pareils malgré nos efforts pour animer notre petite communauté. Une vie monacale, la souffrance en plus, l'illumination en moins. Le même renoncement. La même contrainte de rythmes immuables qui apaisent et qui oppressent. L'imaginaire d'un blessé, incarcéré par sa mutilation dans une chambre d'hôpital militaire pendant plusieurs mois, s'ordonne autour d'un petit nombre de pensées répétitives, rarement profondes et que d'autres trouveraient certainement obsessionnelles. La première tâche fut d'éliminer de notre champ de conscience tout ce qui pouvait rappeler que notre vie antérieure s'était normalement organisées autour de nos sens. Le seconde, de nous interdire toute projection dans un avenir autre que celui des petits progrès quotidiens de mastication et de prononciation."
Pour ma part, je n'ai pas vu ni lu "la chambre des officiers"