« De 1985 à 1992, j'ai transcrit des scènes, des paroles, saisies dans le R.E.R., les hypermarchés, le centre commercial de la Ville Nouvelle, où je vis. Il me semble que je voulais ainsi retenir quelque chose de l'époque et des gens qu'on croise juste une fois, dont l'existence nous traverse en déclenchant du trouble, de la colère ou de la douleur. » A. E.
Me fait un peu penser à la BD La Vie secrète des jeunes, de Riad Sattouf, sauf que c'est quand même moins vulgaire, et la narratrice, Annie Ernaux, s'implique un peu plus dans le récit que Riad Sattouf qui n'est qu'un regard, un témoin (absolument pas neutre cependant, puisque le choix de s'intéresser à telle ou telle scène est déjà significatif, et ses dessins qui enlaidissent les personnages ont valeur de jugement). Ils s'agit moins d'anecdotes que d'instants banals, qui mis bout à bout donnent une atmosphère générale... comme dans la Vie secrète des jeunes (je ne peux décidément pas m'empêcher de faire le parallèle, même si à bien des égards les deux oeuvres sont très différentes), il y a plein de scènes qui me pincent le coeur, des petits moments d'humiliation, des scènes tristes avec des mendiants qu'on ignore, des caissières qu'on méprise ou des enfants qu'on rabroue... heureusement, l'auteur a aussi capturé des moments tendres et amusants, mais ils sont trop rares...
Je ne pense pas, de toute façon, qu'Annie Ernaux ait cherché à privilégier tel ou tel ton ; j'ai l'impression qu'elle a seulement essayé d'enregistrer des instants du quotidien, des moments d'attente et d'ennui (dans le RER, les supermarchés) auxquels on ne prend pas garde quand on les vit - et qu'on essaie même de nier, dans les lieux publics les gens s'ignorent complètement le plus souvent -, et elle a essayé de les observer, de les analyser... j'ai parfois trouvé son point de vue trop encombrant, légèrement condescendant dans certains cas (même si je suis à peu près sûre qu'elle ne serait pas d'accord avec moi).
J'apprécie tout de même ce projet de se souvenir de ce qui nous semble sans intérêt... en effet quand notre vie change et qu'on perd nos repères, on se rend compte que toutes ces choses quotidiennes que nous pensions nulles constituaient l'essentiel de notre vie ou presque et je trouve ça triste, quand tout part en fumée sans prévenir, et quand c'est une fois qu'on a oublié quelque chose qu'on se rend compte qu'on aurait aimé lui garder une petite place dans notre esprit.
J'apprécie tout de même ce projet de se souvenir de ce qui nous semble sans intérêt... en effet quand notre vie change et qu'on perd nos repères, on se rend compte que toutes ces choses quotidiennes que nous pensions nulles constituaient l'essentiel de notre vie ou presque et je trouve ça triste, quand tout part en fumée sans prévenir, et quand c'est une fois qu'on a oublié quelque chose qu'on se rend compte qu'on aurait aimé lui garder une petite place dans notre esprit.
Moi qui connais encore peu Paris, mais qui vais peut-être devoir m'habituer à cette foule mouvante à la rentrée, cela m'a intéressée de lire au sujet de ces "rencontres" un point de vue différent du mien qui reste très flou ; et j'étais contente enfin quand un nom de station croisé il y a quelques jours était évoqué.
page 36 :
Pourquoi je raconte, décris, cette scène, comme d’autres qui figurent dans ces pages. Qu’est-ce que je cherche à toute force dans la réalité ? Le sens ? Souvent, mais pas toujours, par habitude intellectuelle (apprise) de ne pas s’abandonner seulement à la sensation : la “mettre au-dessus de soi”. Ou bien, noter les gestes, les attitudes, les paroles de gens que je rencontre me donne l’illusion d’être proche d’eux. Je ne leur parle pas, je les regarde et les écoute seulement. Mais l’émotion qu’ils me laissent est une chose réelle. Peut-être que je cherche quelque chose sur moi à travers eux, leurs façons de se tenir, leurs conversations. (Souvent, pourquoi ne suis-je pas cette femme ?” assise devant moi dans le métro, etc.)
Hé mais c'est vert ici ; on plante une forêt dit ?