Samedi 26 juin 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lesmots.jpg(merci Karine de m'avoir prêté ce livre (o:)

Quatrième de couverture : J'ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute : au milieu des livres. Dans le bureau de mon grand-père, il y en avait partout ; défense était de les faire épousseter sauf une fois l'an, avant la rentrée d'octobre. Je ne savais pas encore lire que, déjà, je les révérais, ces pierres levées : droites ou penchées, serrées comme des briques sur les rayons de la bibliothèque ou noblement espacées en allées de menhirs, je sentais que la prospérité de notre famille en dépendait...

Mon avis : comme vous le savez peut-être si vous avez entendu parler de ce livre, Les Mots est une autobiographie de Jean-Paul Sartre, mais une autobiographie d'un genre bien particulier, il y expose surtout son rapport aux livres, à l'écriture et on se focalise sur la période de son enfance. J'ai été un peu surprise, je m'attendais bêtement à quelque chose de plus chronologique, plus rythmé. Etant donné la relative brièveté de ce texte (200 pages environ), je me suis d'abord dit que j'allais le lire d'une traite comme j'aime souvent le faire, mais je n'ai pas pu. Sans m'ennuyer, j'ai eu l'impression étrange que j'avais besoin de digérer ce que je lisais au fur et à mesure.

On a ici une sorte d'autobiographie intérieure : l'auteur campe d'abord les personnages principaux (ses grands-parents, sa mère et lui-même) et part ensuite dans des digressions qui se suivent sans cesse, difficile de vraiment dégager la structure de l'œuvre, qui se déroule comme un long monologue, une réflexion de l'écrivain sur l'enfant qu'il a été et sur sa relation compliquée aux mots, qui constituent le titre et l'enjeu principal du livre. ; on a deux parties certes, la première s'intitule "Lire", la seconde, "Ecrire" ; pas de chapitres, le rythme du récit est un peu inhabituel, même si on avance quand même dans le temps au fil des pages.

J'admire Sartre depuis que je l'ai découvert en terminale ; à cause des cours de philo, mais surtout grâce à deux pièces de théâtre, Huis Clos et les Mouches, et au recueil de nouvelles Le Mur ; mais j'en m'aperçois aujourd'hui, j'ignorais à peu près tout de sa personnalité, je n'avais jamais vraiment entendu sa voix, et j'ai à présent le sentiment (peut-être illusoire, mais qu'importe) de le connaître un peu mieux. Au cours de ma licence j'ai connu plusieurs profs qui détestaient Sartre... cela me choquait et maintenant cela me choque encore plus, même si paradoxalement je peux essayer de comprendre pourquoi sa personnalité peut sembler antipathique.

Ce qui est le plus étonnant, c'est la façon dont Sartre considère l'enfant qu'il a été ; il se décrit lui-même comme un enfant vaniteux et snob, dénonce les faussetés, les manies de sa personnalité d'alors ; on peut d'abord être un peu agacé par ce personnage d'enfant qui lit Corneille très jeune pour impressionner son grand-père, avant de le délaisser pour des romans d'aventures plus populaires qui seront ses premières sources d'inspiration, il semble aussi prendre sa vocation littéraire très au sérieux, dictée par le Saint-Esprit (eh oui, rien que ça !).... mais je me suis vite attachée à ce petit personnage qui au fond, semble surtout avoir été très seul pendant de nombreuses années. Le regard que Sartre porte sur le petit garçon qu'il a été est tantôt un peu sévère, tantôt plus tendre, souvent railleur et ironique ; et en tout cas, qu'il ose se présenter ainsi, sans chercher spécialement à amoindrir ses défauts, m'a paru être une démarche courageuse, et cette honnêteté m'a touchée.

L'image qu'il a de lui, et qu'il nous donne du coup) est ambivalente : d'un côté il expose ses faiblesses, ses erreurs, son manque de génie évident ; de l'autre il ne nous cache par l'idée de sa supériorité, son assurance de devenir un écrivain. Il s'agit d'un récit auto-centré, je ne crois pas qu'il s'adresse à nous, lecteur, ou alors fort peu ! Et pourtant, il nous évoque indirectement quand il pense à ceux qui le liront, et ce lien biaisé m'a plu.

Dans ce livre qui doit donc se déguster lentement (enfin c'est ainsi que je l'ai apprécié, j'ai vraiment eu envie de savourer le style, que je n'ai pas toujours trouvé évident, mais le plus souvent, doux et très agréable), on trouve aussi pas mal de passages qui m'ont beaucoup plu où Sartre parle de religion (et pourtant Dieu sait (lol) que les passages où il est question de religion me barbent en général), de la difficulté à se faire une place satisfaisante dans sa famille, de la liberté, de l'éducation, de l'existence d'un Destin, de l'ennui, du regard lucide (ou pas) qu'on peut avoir sur soi, des rêves qu'on peut avoir sur son avenir.... un livre que je déconseillerais à tous les amateurs de livres bourrés d'action et aux allergiques au narcissisme, mais les autres, allez-y :)

Quelques extraits :

"(...) Un enfant gâté n'est pas triste ; il s'ennuie comme un roi. Comme un chien.
Je suis un chien : je bâille, les larmes roulent, je les sens rouler. Je suis un arbre, le vent s'accroche à mes branches et les agite vaguement. Je suis une mouche, je grimpe le long d'une vitre, je dégringole, je recommence à grimper. Quelquefois, je sens la caresse du temps qui passe, d'autres fois - le plus souvent - je le sens qui ne passe pas. De tremblantes minutes s'affalent, m'engloutissent et n'en finissent pas d'agoniser ; croupies mais encore vives, on les balaye, d'autres les remplacent, plus fraîches, tout aussi vaines ; ces dégoûts s'appellent le bonheur ; ma mère me répète que je suis le plus heureux des petits garçons. Comment ne la croirais-je pas puisque c'est vrai ? A mon délaissement je ne pense jamais ; d'abord il n'y a pas de mot pour le nommer ; et puis je ne le vois pas : on ne cesse pas de m'entourer. C'est la trame de ma vie, l'étoffe de mes plaisirs, la chair de mes pensées."

"Je viens de raconter l'histoire d'une vocation manquée : j'avais besoin de Dieu, on me le donna, je le reçus sans comprendre que je le cherchais. Faute de prendre racine en mon cœur, il a végété en moi quelque temps, puis il est mort. Aujourd'hui quand on me parle de Lui, je dis avec l'amusement sans regret d'un vieux beau qui rencontre une ancienne belle : "Il y a cinquante ans, sans ce malentendu, sans cette méprise, sans l'accident qui nous sépara, il aurait pu y avoir quelque chose entre nous."

"J'étais élu, marqué mais sans talent : tout viendrait de ma longue patience et de mes malheurs ; (...) je n'étais fidèle à rien sauf à l'engagement royal qui me conduisait à la gloire par les supplices. Ces supplices, restait à les trouver ; c'était l'unique problème mais qui paraissait insoluble puisqu'on m'avait ôté l'espoir de vivre misérable (...). Je me promis d'atroces chagrins d'amour mais sans enthousiasme."

"L'appétit d'écrire enveloppe un refus de vivre."

Vendredi 2 juillet 2010

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http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lecosmonaute.jpgQuatrième de couverture : « J’ai rencontré Pimprenelle vers la fin du xxe siècle… La femme la plus légère de la création, la plus seule, portée par la grâce, la plus instable, la plus étrange, la plus candide et la plus cinglante, la plus bizarrement habillée, une fille irrésistible avec des yeux gris et des cheveux fins. »
Et si la première impression n’était pas la bonne ? Que se passe-t-il quand on s’endort près d’un ange de douceur et qu’on s’éveille dans les bras d’une névrosée, maniaque et misanthrope ? Qu’est-ce qu’une vie réduite aux mètres carrés d’un appartement parisien, à la violence domestique, à la jalousie morbide ? Et la liberté, serait-ce alors de partir, seul dans l’espace, sans attaches dans la ville, tel un cosmonaute ?
Dès son premier livre, Le Chameau sauvage, il y a eu un style Jaenada : la douleur et le rire, la comédie et la tragédie, l’autodérision et la tendresse lucide.

Mon avis : J'ignorais tout de cet auteur, et je ne regrette pas de m'être inscrite au Challenge Caprice  car ce livre a été pour moi une très belle découverte !  L'Ogresse (qui a choisi de me faire lire ce livre donc, suivez un peu) m'avait prévenue, pour lire ce livre il faut "aimer les parenthèses" Je n'avais pas tellement d'a priori contre les parenthèses (j'ai moi-même tendance à en utiliser un peu trop :D), j'espérais juste que cela n'entraverait pas trop la lecture, qu'on pourrait suivre le fil de l'intrigue sans difficultés... et je n'ai pas été déçue : le style est très fluide sans être du tout simpliste, le ton du narrateur et héros, Hector, est tel que je me suis illico sentie très proche de lui, j'ai été scotchée par son histoire du début à la fin !

Les parenthèses (parlons-en) qui en effet reviennent très souvent apportent indéniablement un plus : il s'agit de commentaires d'Hector, le plus souvent humoristiques, ils sont plein d'autodérision, et d'une sincérité désarmante. Ce style assez oral, qui suit de manière fidèle et enjouée les pensées de notre héros, m'a fait songer au ton si agréable qui anime souvent des billets bloguesques, si bien que j'ai été frustrée à plusieurs reprises (riez !) de ne pas pouvoir stopper ma lecture pour laisser un commentaire au héros et ainsi mettre mon grain de sel pour le réconforter et l'aider ; l'extrême sympathie que j'ai ressentie pour lui tout au long de ma lecture est sûrement ce qui explique pourquoi j'ai tant aimé ce livre ; il se passe plein de choses et j'ai été reconnaissante envers Hector (je vous préviens, je suis incapable de prendre de la distance vis-à-vis de ce personnage ! ^^) de tout nous raconter, et dans le détail.

On commence très fort, avec le récit (du point de vue affolé d'Hector qui s'apprête à être père) de la fin de l'accouchement de Pimprenelle, qui se passe très mal. On a ensuite un immense flash-back, pas linéaire et tant mieux, on suit toujours les pensées d'Hector, j'ai été trop collée à l'action (et j'ai peut-être lu trop vite, emportée dans mon élan ? il faudra vraiment que je le relise) pour vous présenter de façon précise toute la structure du roman, sachez juste qu'on saura tout, les circonstances précises de sa rencontre avec Pimprenelle, l'évolution de leur relation au cours du temps... avant de revenir de nouveau à l'accouchement, de façon bien plus détaillée cette fois-ci. Ce fort long passage m'a d'ailleurs bien "dégoûtée", pas dans le sens où j'avais envie de stopper ma lecture, non, mais.... ne me parlez pas de faire un enfant maintenant, je pense qu'il va falloir un certain temps pour que les images gores qui m'ont traversé l'esprit et l'angoisse liée à cet évènement se dissipent !

Dans la deuxième partie du roman (paradoxalement intiulée "l'indépendance"), on a un autre très long passage - très mais pas trop, j'ai admiré qu'on puisse connaître la situation dans toute son ampleur et ses détails terrifiants ! - qui nous montre à quel point Pimprenelle est maniaque... mon amitié pour Hector s'est encore accrue, le pauvre se retrouve prisonnier d'une véritable tyrannie domestique, qui par contraste m'a fait savourer ma liberté actuelle, le fait simplement de pouvoir lire tranquillement sans être ennuyée par quiconque (bon, il y avait bien une télé parasite dans mon environnement mais j'étais assez concentrée pour qu'elle ne me dérange pas !) m'a semblé être un bonheur inestimable. Je ne vais pas continuer à commenter les émotions diverses qui m'ont parcourue pendant cette lecture rapide (deux jours) mais intense et intensive, mais rien que d'évoquer ce livre me donne l'impression de le revivre encore une fois, et c'est un plaisir. La fin m'a frustrée, car elle est ouverte, effrayante, et surtout, c'était la fin (MeL, reine des tautologies ahah, et quand je commence à parler de moi à la troisième personne c'est qu'il est temps que j'aille dormir), j'ai été triste de quitter cet univers bourré de digressions anecdotiques sensationnelles et délirantes, et d'analyses psychologiques qui démontrent d'une façon éblouissante comment une histoire d'amour merveilleuse peut virer progressivement au cauchemar complet.

Un livre qui a donc été pour moi très très agréable (ouais je mets en gras parce que vous serez peu à tout lire, je suis bien trop bavarde), je me considère désormais comme la meilleure pote d'Hector, et, en donnant une image négative de la vie de couple (même si....), ce roman a flatté la vision idyllique que je m'efforce d'avoir du célibat, j'ai donc bien envie de dire que c'est tout pile ce qu'il me fallait actuellement ! XD Alors que les situations décrites sont le plus souvent dramatiques (dans le sens, pas gaies et beaucoup de pression !), on sourit beaucoup et on est de tout cœur avec le personnage. J'adore *_* Merci à l'Ogresse d'avoir choisi ce livre !

Extraits :

"Depuis cette rencontre avec le chameau sauvage*, j'étais donc devenu un vrai costaud. Plus personne ne pouvait me faire du mal (ou du moins je m'en remettais vite), plus rien ne pouvait sérieusement m'atteindre, il suffisait que je me couche mentalement sur le sol, me déclarant ainsi le plus fort, et mes adversaires ne comptaient plus, mentalement (la plupart du temps ils ne s'en rendaient pas compte et me balançaient sur le crâne tout ce qu'ils avaient à portée de la main, mais dans mon esprit, ils s'en allaient tête basse en maugréant qu'ils étaient nuls). Donc j'étais invincible."

"J'allais pénétrer dans une enceinte interdite, moi qui suis si timide (depuis que j'ai une voiture, par exemple, j'attends pour la porter à réparer d'y être indiscutablement obligé (quand elle ne roule plus du tout), car je n'ose pas entrer dans un garage et demander au mécanicien d'y jeter un oeil, j'ai l'impression d'entrer chez des inconnus sans sonner, d'aller trouver la maîtresse de maison dans son salon et de lui demander de me donner un coup de brosse dans les cheveux (or les garagistes ne sont jamais surpris ni outrés qu'on leur apporte une voiture à réviser (et le pire, c'est que je le sais))), mais je n'avais plus le choix. Je ne pouvais pas laisser Pimprenelle là-bas. A toi de jouer, Orphée."


*cette allusion à un "chameau sauvage" m'a fait me demander si Le Cosmonaute n'était pas la suite du premier livre de l'auteur (si vous ne comprenez pas cette phrase, (re)lisez la quatrième de couverture ;)), mais apparemment non ce sont deux livres indépendants.

Mercredi 28 juillet 2010


Quatrième de couverture : Dans l'Angleterre du XIIème siècle ravagée par la guerre et la famine, des êtres luttent chacun à leur manière pour s'assurer le pouvoir, la gloire, la sainteté, l'amour, ou simplement de quoi survivre. Les batailles sont féroces, les hasards prodigieux, la nature cruelle. Les fresques se peignent à coups d'épée, les destins se taillent à coups de hache et les cathédrales se bâtissent à coups de miracles... et de saintes ruses. La haine règne, mais l'amour aussi, malmené constamment, blessé parfois, mais vainqueur enfin quand un Dieu, à la vérité souvent trop distrait, consent à se laisser toucher par la foi des hommes.

Mon avis :
Un roman historique que Maxence me conseille depuis trois ans, et qui est dans ma PAL depuis au moins deux, la taille de la bête (1050 pages dans mon édition) me faisait un peu peur, je dois l'avouer. Peur pour rien (comme d'hab') puisque ce pavé se lit vite et bien !

Le roman commence de façon un peu abrupte par le récit d'une pendaison, à la fin de laquelle la jeune femme enceinte du condamné maudit publiquement les notables responsables de cette exécution ; entrée en matière brutale mais qui nous plonge directement en plein Moyen Age ; le premier point fort de ce gros roman est à mon avis qu'il restitue bien les moeurs de l'époque ; attention, quand je dis qu'il "restitue bien", je ne suis pas historienne, je ne peux pas vous le garantir, mais j'aurais tendance à faire confiance à la quatrième de couverture qui nous assure que l'auteur "s'appuie sur un extraordinaire travail d'historien.' Ce que je veux dire, c'est qu'on sent bien qu'il ne s'agit pas d'une histoire qui aurait pu être contemporaine qui aurait été implantée à cette époque pour faire joli ou original, non : les mentalités des personnages sont souvent bien différentes des nôtres, et la plupart des évènements découlent directement de l'époque où ils se déroulent, rien de tel ne pourrait se passer aujourd'hui (en Angleterre, en tout cas).

Les personnages les plus faibles sont à la merci des tyrans qui ont le pouvoir, mais rien de vraiment pathétique ni pessimiste puisqu'on les voit se battre pendant des années, d'abord pour survivre, ensuite pour mener à bien leur propres projets. A peu près tous les personnages se retrouvent confrontés à de gros ennuis à un moment ou à un autre, et même les plus puissants se retrouvent parfois en difficulté ! Aucun des personnages n'est vraiment à l'abri d'un coup du sort, et cette précarité constante rend possible des rebondissements phénoménaux, laisse de l'espoir dans les situations désespérées... misère comme gloire sont tour à tour extrêmes, et il s'agit donc d'une lecture riche en émotions. (j'ai retenu mes larmes suite à un évènement particulier qui m'a atterrée).

On apprend bien vite à suivre sans se perdre les destinées des personnages principaux : Tom le bâtisseur, Ellen la femme indépendante, Philip le prieur juste et énergique, Jack, Aliéna... ce roman est constitué de deux grandes parties (qui constituent des tomes séparés dans certaines éditions), intitulées "Ellen" et "Aliéna", qui contiennent chacune trois parties. A l'intérieur de chacune des parties, on suit en alternance (je ne pense pas que ces alternances soient tout à fait régulières, mais tout cela est soigneusement construit, cela ne fait aucun doute) la vie des différents personnages ; cette narration complexe (mais pas compliquée à suivre) permet au lecteur d'avoir une connaissance complète des personnalités des personnages et des évènements qui les concernent, et le changement fréquent de point de vue empêche toute lassitude. Le tout est très fluide, tout s'enchaîne très bien, et même si les personnages sont relativement nombreux, il est très facile de les repérer et de s'y retrouver vu qu'ils sont liés de façon logique : j'applaudis vraiment le talent de conteur de Ken Follet !

Que de louanges n'est-ce pas... et pourtant, même si j'ai grandement apprécié ma lecture, ce n'est pas un véritable coup de cœur pour moi (comment ça, je suis très exigeante ?). Si le style avait été une perle rare, un joyau d'originalité et de poésie, j'aurais pu véritablement adorer ce pavé. Mais, ce n'est pas vraiment le cas : certes, comme je l'ai dit c'est fluide, ça se lit bien, je n'ai pas à reprocher à l'auteur de grosses maladresses stylistiques, mais quand même, j'ai quelques réserves. Quand on est emporté dans l'action, pas de problème, tout va bien ; mais dans les moments de "pause", et je pense surtout aux scènes d'amour (sentimentales comme sexuelles), aïe aïe aïe. L'auteur n'hésite pas à nous asséner des métaphores éculées, et quand certaines expressions déjà vues se répètent, ça coince un peu pour moi, on tombe vite dans le mièvre et le banal !

Exemple qui m'a un peu navrée : "Elle l'aimait parce qu'il l'avait ramenée à la vie. Elle était comme une chenille dans un cocon et lui l'en avait tirée pour lui apprendre qu'elle était papillon.", et ça continue pendant encore un bon paragraphe comme ça.... Si ce genre de phrase ne vous choque pas, alors le style ne vous causera vraisemblablement pas de problème, mais perso ça m'a un plutôt gênée parfois... Je pense que si l'auteur avait passé une dizaine d'années de plus à la rédaction de cette œuvre pour fignoler chaque phrase, éviter tous les clichés etc, on aurait vraiment pu se retrouver face à un chef d'œuvre incontournable !

Autres réserve du même genre : certains personnages se ressemblent un peu trop ; si j'admire certaines analyses psychologiques en actes plutôt fouillées comme celle que Ken Follett fait au sujet de William Hamleigh, jeune homme frustré et amoureux qui devient au fil du temps un homme sanguinaire et sadique, j'ai été déçue de constater que les personnages d'Ellen et d'Aliéna étaient très similaires, j'aurais aimé qu'ils creusent leurs différences au lieu de se répéter ainsi....

=> En un mot, je suis un peu déçue par le style qui n'a pas été aussi travaillé que la structure, la narration du roman qui est elle très réussie, et pour cette raison je ne pense pas que je lirai la suite, Un monde sans fin (ou alors seulement dans plusieurs années) ; mais cette lecture restera un excellent souvenir pour moi malgré tout, car à travers une fiction elle nous apprend beaucoup de choses sur la vie au Moyen Age, et les ressorts romanesques sont très bien exploités pour nous offrir de longues heures d'évasion !

 
Lecture terminée le 20 juillet,
billet publié le 28 car c'est une Lecture Commune :
vous pouvez donc également allez voir les avis de
Frankie, Véro, Mlle Pointillés, Mam'zellebulle, Leyla...
En cliquant sur la couverture vous aurez accès à encore plus de chroniques ;)

Jeudi 26 août 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/ledieudespetitsriens.jpg(lu le 11 août)


Quatrième de couverture : Rahel et Estha Kochamma, deux jumeaux de huit ans, vivent en Inde, entourés de leur grand-mère, Mammachi, qui fabrique des confitures trop sucrées, de l'oncle Chacko, un coureur de jupons invétéré, esprit romantique converti au marxisme pour les besoins de son portefeuille, de la grand-tante Baby Kochamma, qui nourrit un amour mystique pour un prêtre irlandais, et de leur mère Ammu, désertée par son mari, qui aime secrètement Velutha, un Intouchable.

Un drame va ébranler leur existence et les séparer. Comment réagir quand, à huit ans, on vous somme de savoir "qui aimer, comment et jusqu'où  ? Comment survivre quand, après un événement affreux dont on a été témoin, on vous demande de trahir la vérité pour l'amour d'une mère ? Un récit envoûtant, plein d'humour et d'émotion, servi par une écriture neuve et poétique, qui recrée le monde de l'enfance - celui de l'imaginaire et de la liberté.

Mon avis : un roman foisonnant qui nous fait découvrir jusque dans leur intimité une foule de personnages, comme si l’auteur connaissait le secret de chacun et nous l’esquissait grâce à de petites touches bien senties, bribes de pensées, de chansons, paroles, images, sensations… on va d’un personnage à un autre, et on voyage dans le temps sans cesse ; ce roman, c’est avant tout l’histoire d’un drame qui a marqué toute une famille indienne, et en priorité, nous suivons le destin de deux jumeaux, Rahel et Estha, et indirectement, celui de leur mère, Ammu.
 
Au début du roman, Rahel adulte retrouve son frère Estha, devenu muet, qu’elle n’a pas vu depuis leur enfance ; et tout l’enjeu du roman sera de comprendre quelle est la tragédie qui a causé leur séparation… on comprend bien vite que cette séparation est liée à la mort de leur cousine, Sophie Mol, mais impossible de deviner ce qui s’est vraiment passé, et alors que s’enchaînent des anecdotes nous illustrant la vie des deux enfants, je me suis demandée à plusieurs reprises où l’auteur voulait en venir, quel était le rapport avec le secret qu’on aimerait voir révélé….
 
Mais maintenant que j’ai fini ce roman extraordinaire, autant du point de vue du style que du point de vue de l’univers qu’il contient (serait-ce le premier roman que je lis qui a lieu en Inde ? Possible…), je comprends l’intérêt de tout cela, car comme Estha le dit, « N’Importe Quoi peut Arriver à N’importe Qui », est c’est pourquoi « Mieux Vaut Se Tenir Prêt ».  C’est le mélange de tous ces Petits Riens qui mènent à la conclusion, Petits Riens majuscules car malgré leur apparente insignifiance, leurs conséquences sont importantes… un beau mélange de hasard, de réactions liées aux différents personnages, leurs goûts, leurs choix, leurs frustrations, leurs peurs, leurs regrets… qui mèneront à d’autres évènements qui paraîtront anodins sur le coup, et pourtant…
 
Un roman non linéaire, flash-backs de différentes époques et temps présent se confondent tant que je m’y suis parfois un peu perdue, et même parfois ennuyée parce que j’avais l’impression de ne plus comprendre… et pourtant, malgré ce désordre apparent on se dirige toujours, lentement mais sûrement, vers le jour qui bouleversera tout, somme logique (si tant est que la Vie est logique…) de tout le reste. Les trois personnages qui me resteront le plus en tête sont bien sûr Ammu, femme qui se sacrifie pour ses enfants, pour sa famille, broyée par une société injuste envers les femmes censées être soumises et dans la norme, une société qui impose, comme cela est répété plusieurs fois, des « Lois de l’Amour. Qui disaient qui devait être aimé et comment. Et jusqu’à quel point. » Et ses enfants donc, les faux jumeaux, Rahel et Estha, qui longtemps ne sont qu’un « Nous » avant d’être absurdement séparés…
 
Une lecture vibrante, surtout vers la fin pour moi, car c’est là que toutes les expressions récurrentes et parfois un peu incompréhensibles qui rythmaient tout le roman ont pris leur sens à mes yeux, que j’ai compris à quel point elles symbolisaient de façon poétique et forte ce qui comptait pour chaque personnage. L’histoire m’a pas mal rappelé Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, car c’est une histoire d’enfance, d’amour concernant un « intouchable », et d’injustices, mais le style, s’il n’est pas forcément toujours très aisé, est unique.

Jeudi 26 août 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/levoyagedannablume.jpg(lu le 12 août)
COUP DE CŒUR !

Quatrième de couverture : D'une ville qui semble sur le point de disparaître, Anna Blume écrit une lettre dont on ne sait si elle trouvera jamais son destinataire. Cet ailleurs presque indéfini, ce pays des dernières choses (c'est, littéralement traduit, le titre de l'édition anglaise) a une force symbolique d'autant plus efficace qu'elle défie en nous un passé de terreurs et d'apocalypses en même temps qu'elle renouvelle les interrogations auxquelles nous oblige parfois notre perverse relation avec le langage. Mais la force et le talent de Paul Auster, révélé en France par sa fameuse Trilogie new-yorkaise, c'est de faire sentir le poids de ces oppressions sans jamais s'éloigner d'une " aventure " infiniment romanesque par laquelle on reste fasciné du commencement à la fin.

Mon avis : eh bien, j’adore ! Même si je n’ai lu que pour le moment que deux œuvres de Paul Auster – celle-ci et La Nuit de l’Oracle -, j’ai bien envie d’introduire cet auteur dans la liste de mes Ecrivains Préférés. Ce livre-ci m’a autant captivée que la Nuit de l’Oracle, même si ces deux œuvres sont très différentes : dans la Nuit de l’Oracle, on assiste à la « renaissance » d’un homme d’un certain âge qui revient à la vie après un grave accident ; dans Le Voyage d’Anna Blume au contraire, on assiste à la lente « déchéance » (mais est-ce le mot juste ? Anna apprend tout de même bien des choses tout au long de son parcours…) d’une jeune fille qui part à la recherche de son frère disparu dans une ville mystérieuse et effrayante.

On a peu d’informations objectives sur le monde dans lequel se déroule cette histoire ; comme la quatrième de couverture l’indique, il s’agit d’une lettre, mais aucun indice ne permet d’identifier de façon très précise le destinataire ; ce flou, associé à l’utilisation régulière du pronom de la deuxième personne du singulier (un peu comme dans Un homme qui dort, mon livre fétiche…), fait qu’on se sent encore plus concerné par tout cela, un lien se tisse entre l’héroïne et nous, je me suis sentie proche d’elle, et d’autant plus impuissante…
 
Ce qui importe, ce n’est pas tant la nature des différentes aventures que l’héroïne va nous raconter, que l’ambiance de cette ville terrible, et les comportements de ses habitants. On a une ambiance apocalyptique qui m’a pas mal fait penser à La Route, de Cormac McCarthy ; de même que le début, qui est assez étrange (on a du mal à distinguer si la ville qui commence à être décrite n’est pas un songe, une chimère sortie de l’esprit de l’héroïne, tout semble étrange et fantastique), nous montre un monde de misère anarchique, cependant régi par des règles impitoyables, une vraie jungle, cet ordre paradoxal, les coutumes désordonnées de ce résidu de civilisation m’ont fait penser au monde fictif créé par Georges Perec (encore lui... <3) dans W ou le Souvenir d’enfance.
 
Chacun doit se battre pour survivre, l’environnement est instable, profondément violent et dangereux, les instincts humains les plus mauvais s’y déchaînent, chacun est poussé dans ses derniers retranchements, et ce qui m’a passionnée, c’est d’imaginer (enfin en l’occurrence, d’admirer les fruits de l’imagination de Paul Auster) dans quelle mesure il est possible de rester « humain » dans ces conditions, et qu’est-ce qui caractérise notre humanité alors, l’amitié et l’amour peuvent-ils subsister quand l’égoïsme primitif est nécessaire pour avoir une chance de survivre ? Quels sont les différents moyens de réagir à une telle précarité, de s’en sortir, que devient notre vie quand on n’a plus rien, jusqu’où va notre instinct de survie ?
 
 
 A aucun moment notre héroïne (et narratrice) ne semble sombrer dans la folie, elle reste assez humaine à nos yeux, et lucide, son discours est clair et agréable à suivre, on sent bien qu’elle tient vraiment à faire comprendre à son interlocuteur ce qu’elle nous raconte, à nous faire sentir comment une mentalité très civilisée peut évoluer, elle incarne à la fois la mémoire vivante du monde tel que nous le connaissons, et le personnage qui doit s’intégrer de force dans ce nouveau monde sauvage : les rencontres qu’elle y fait sont variées et nous permettent de nous trouver face à un large panel des situations possibles.

L’impression de flou et d’inconstance qui domine tout le livre donne paradoxalement une impression de réalisme, on ignore comment on est arrivé là, aucune solution n’est trouvée, aucune réponse certaine n’est donnée aux questions qui se posent, l’héroïne flotte entre lutte, désespoir et indifférence, tout en étant tournée vers l’extérieur elle n’échappe pas à l’exercice d’introspection que revêt tout acte d’écriture autobiographique (je vous rappelle encore que la totalité du livre constitue une lettre où elle raconte ce qui lui est arrivé), si bien qu’on s’identifie facilement à elle, ce roman est universel, et toutes ses réactions m’ont paru tout à fait plausibles.
 
Enfin j’ai trouvé l’ensemble du texte très beau, si beau que j’ai souvent relu des passages, que j’ai eu envie de les noter ou de les lire à voix haute, ce cocktail de misère extrême dans tous les sens du terme et de pensées humaines envers et contre tout m’a semblé extrêmement poétique.

Citations :
"Tout ce que tu vois a la capacité de te blesser, de te diminuer, comme si par le seul acte de voir une chose tu étais dépouillé d'une partie de toi-même."

"Chaque fois que tu crois connaître la réponse à une question, tu découvres que la question n'a pas de sens."

Jeudi 26 août 2010

http://raison-et-sentiments.cowblog.fr/images/Anciens/9782877302968.jpg(lu le 13 août)
/!\ Pour lecteurs avertis /!\

Quatrième de couverture : Bleu presque transparent relate, en une succession de courts chapitres, quelques journées dans la vie d'un groupe d'adolescents. Journées ou plutôt nuits vides d'espoir d'une " génération perdue " et désillusionnée qui s'abîme dans la destruction. Sexe, drogue, musique, violence... le tableau serait d'une banale désespérance s'il n'y avait ce mélange de distance quasi clinique et d'infinie générosité dans le regard porté sur les personnages. Dans Tôkyô oppressante et triste, Ryû, Kei, Okinawa payent, dans leur corps qu'ils ruinent avec constance, l'absence d'âme d'une société. Et leur déchéance possède la couleur du bleu presque transparent de la pureté.
 
Mon avis : Un livre qui m’a été offert par Matilda, qui ne l’avait pas aimé (son avis m’avait cependant donné envie de le lire).

Comme prévu, c’est trash à souhait (encore que, je m’attendais presque à pire...). D’abord, ça semble sans queue ni tête, une succession de soirées orgiaques où les personnages vont de plus en plus loin… mais ce qui m’a donné envie de poursuivre ma lecture (que je n’aurais de toute façon pas arrêté, une telle débauche de violence a quelque chose de fascinant, je trouve – serais-je perverse ?), c’est le style, le ton de Ryû, narrateur et héros (et auteur, puisque tout cela semble autobiographique, si on en croit la lettre de la fin adressée à Lili, un des personnages – c’est elle d’ailleurs, sur la photo de la couverture).
 
Il semble blasé, comme s’il s’intéressait plus aux insectes grouillants autour de lui, à la nourriture pourrissant à ses côtés, à ce qui se passe par la fenêtre, qu’aux actes sexuels nombreux, variés et extrêmes auxquels il participe pourtant, comme s’il était un observateur machinalement actif… leurs soirées semblent cruelles, dénuées de sentiments, jeux fous empreints de douleur voire de mort ; à de multiples reprises Ryû nous informe qu’il a la nausée ; l’atmosphère glauque entraîne des descriptions sordides mais porteuses d’images inattendues, qui en deviennent poétiques, j’ai beaucoup aimé par exemple l’image des « cornichons pareils à des doigts de cadavre couverts de verrues ».
 
L’amour et l’amitié semblent impossibles dans de telles conditions, et pourtant, dans des moments de calme et de tête-a-tête, certains personnages se livrent parfois à des confidences intimes qui nous les font voir (ou pas, mais quelquefois si) sous un autre jour, plus humain, ils deviennent alors plus touchants, même si la scène d’orgie qui suit vient nous dégoûter à nouveau et anéantir le début de compassion qu’on a eu pour eux…

Cependant à la fin, c’est la compassion qui a dominé pour moi, les « confessions » des personnages pendant lesquelles ils tentent d’expliquer leur mal-être se font plus nombreuses, on a l’impression que tout déraille, qu’ils n’en peuvent plus, qu’ils ne peuvent aller plus loin, qu’ils partent dans des directions différentes ; à la toute fin la lettre à Lili que j’ai déjà évoquée, lettre aux accents personnels, m’a parue être une conclusion émouvante, qui donne à tout l’ensemble un tour peut-être un peu plus humain (si j’ai fait tant d’efforts pour, à l’instar du narrateur, ne pas juger les personnages, c’est peut-être aussi parce que j’avais lu cette lettre de la fin avant de lire tout le reste ?)
 
Un ouvrage étrange, qui peut se révéler fort pour peu qu’on arrive à entrer suffisamment dedans sans être dégoûté (ce qui, je le conçois, n’a rien d’évident), à ne pas lire n’importe quand, et donc à ne pas mettre dans toutes les mains, mais j’ai aimé cette lecture, qui me donne encore plus envie de lire d’autres œuvres de cet auteur (et en premier lieu, les Bébés de la consigne automatique, qui est dans ma LAL depuis plusieurs mois).

Jeudi 26 août 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lacouleurpourpre.jpg(lu le 15 août)

Quatrième de couverture : " Toute ma vie je m'ai moquée de ce que les gens pensaient de moi. Mais dans mon coeur, c'était important Dieu qu'est-ce qu'il pensait. Et voilà maintenant j'ai compris, il pense pas, il se prélasse là-haut, assis sur son trône à faire la sourde oreille." Célie est née sous de tristes auspices. Hier régulièrement violée par son père et aujourd'hui négligée par son mari, elle ne connaît des hommes que leurs pires travers. L'amour, pour elle, c'est d'abord Shug, une merveilleuse chanteuse de blues qui saura l'extraire de sa pauvre vie. C'est aussi Nettie, sa soeur, missionnaire en Afrique, avec laquelle elle correspond sans relâche. L'amour, c'est encore le bon Dieu, à qui elle s'adresse parfois, même si elle a l'impression qu'il la laisse un peu tomber.

Mon avis : un livre que j’ai envie de lire depuis que j’ai vu un extrait du film au lycée (ça commence dont à faire un moment), et qui se présente comme un roman épistolaire bien particulier ; d’abord les lettres de Celie sont adressées à Dieu (le titre de la première édition française était d’ailleurs Cher Bon Dieu), puis elle les adresse à sa sœur, Nettie, et vice-versa, mais toutes ces lettres ne parviennent jamais à destination (ou alors, bien des années après leur écriture) ; il s’agit donc plus de lettres-monologues où Celie - la majeure partie des lettres sont d’elle, la première lettre de Nettie n’apparaît qu’à la page 100 (sur 250) – raconte ce qui lui arrive, le tout m’a fait penser à un journal intime tenu irrégulièrement.

L’absence de dates est ce que je reprocherais en premier à ce roman : dans la première lettre Celie a 14 ans, quelques pages après, elle en a vingt, et ce n’est qu’au détour d’une phrase qu’on l’apprend… un peu avant la fin, l’une des sœurs (je crois que c’est Nettie) parle de ses cheveux blancs et on apprend qu’une trentaine d’années s’est écoulée, et même si on sent que le temps passe puisqu’il est souvent question d’enfants qui grandissent, je ne m’étais pas vraiment rendu compte du nombre d’années que le tout représentait ! Si les lettres avaient été datées, je me serais peut-être repérée plus facilement.
 
Je n’ai pas non plus aimé le début, que j’ai trouvé trop pathétique et en même temps trop froid : dès la deuxième page, Celie nous informe que sa mère va mourir, que son père la viole fréquemment, qu’il lui a fait deux enfants qu’il lui a aussitôt enlevés, sûrement pour les tuer. Evènements qui font déjà bien froid dans le dos, et qui ne sont assortis d’aucun commentaire, d’aucune plainte, ils sont énoncés de façon rapide et détachée, c’est à se demander d’abord si Celie n’est pas complètement insensible voire attardée ! (j’exagère un peu et la suite nous montre le contraire mais en lisant les toutes premières pages c’est vraiment ce que j’ai pensé tant j’ai senti un décalage entre les faits atroces et la façon de les dire !)
 
Pendant un bon bout de temps encore, Celie (qui est la véritable héroïne du roman) m’a agacée ; les malheurs s’enchaînent pour elle, mais elle ne cherche pas à se battre, elle courbe l’échine et ne semble pas avoir une meilleure opinion d’elle-même que ses bourreaux ; ce n’est vraiment qu’avec l’arrivée de Shug, une femme charismatique au caractère bien trempé et indépendant (tout le contraire de Celie a priori) que la vie, et surtout le cœur de Celie va être bouleversé, et que mon avis plutôt négatif a changé. Au fil des années, les personnages prennent de l’épaisseur, deviennent moins manichéens (pendant longtemps la plupart des femmes sont soumises et la plupart des hommes, brutaux), et suivre leur évolution et leurs aventures m’a beaucoup plu, le roman s’est révélé finalement bien plus prenant que les premières pages ne le laissaient présager !
 
Les lettres de Nettie, qui nous racontent son périple de missionnaire en Afrique, sont passionnantes, elles nous font vivre auprès de ceux qui sont alors considérés comme des "indigènes" ; des relations se nouent, et à travers ce roman très humain, les personnages se posent finalement pas mal de questions d’importance à propos des relations entre les Blancs et les Noirs, les « civilisés » et les « indigènes », les hommes et les femmes, et tous les êtres humains en général avec la nature et la spiritualité ; réflexions nouées à propos de situations concrètes, dans un style simple et très oral (les lettres de Celie surtout garderont toujours un ton assez innocent, lié au tempérament particulier de Celie, et à son manque d’instruction et de connaissance du monde extérieur, même si les choses progresseront au cours du roman).
 
Une lecture positive donc, j’ai mis du temps à vraiment m’attacher à l’héroïne, mais j’ai adoré le personnage de Shug, certaines situations, et la sensation globable d’évolution que nous donne l’ensemble du roman.

Extrait :
"Maintenant que mes yeux sont ouverts, je me sens toute bête. Si je compare la méchanceté de Mr... à côté de n'importe quelle petite plante du jardin, elle paraît plus si importante. Mais pas rien du tout non plus. Shug a raison quand elle dit qu'y faut d'abord chasser l'homme de devant son oeil pour y voir plus clair.
  L'homme il se met partout et il pourrit tout. Il est sur ta boîte de céréales, dans ta tête, sur toutes les radios. Il veut te faire croire qu'y a que lui partout. Et quand tu le crois, alors tu penses que Dieu c'est lui. Mais c'est pas vrai. Donc quand t'as envie de prier et que l'homme se met devant toi comme si c'était lui, envoie-le balader. Pense aux petites fleurs, au vent, à l'eau, à un gros caillou."

Jeudi 26 août 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/linsoutenablelegeretedeletre.jpg(lu le 16 août)

COUP DE FOUDRE

Quatrième de couverture / extrait : Qu'est-il resté des agonisants du Cambodge ? Une grande photo de la star américaine tenant dans ses bras un enfant jaune.
Qu'est-il resté de Tomas ? Une inscription : il voulait le Royaume de Dieu sur la terre. Qu'est-il resté de Beethoven ? Un homme morose à l'invraisemblable crinière, qui prononce d'une voix sombre : Es muss sein ! " Qu'est-il resté de Franz ? Une inscription : Après un long égarement, le retour. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Avant d'être oubliés, nous serons changés en kitsch. Le kitsch, c'est la station de correspondance entre l'être et l'oubli.
 
Mon avis : il y aurait tant à dire… la première fois que j’ai vu ce livre, c’était il y a six ans, dans une librairie montargoise. La beauté du titre m’avait frappée (comme vous le savez peut-être, je suis très sensible à ces choses-là), la beauté du nom de l’auteur également. La quatrième de couverture ne me tentait pas (je l’ai d’ailleurs aussitôt oubliée), mais j’ai été immédiatement fascinée, attirée et en même temps impressionnée, intimidée par ce livre, que je n’ai donc pas acheté mais que je m’étais promis de lire plus tard. C’est, je crois bien, le seul livre que j’ai adoré avant de le lire ; ça semble peut-être idiot, mais c’était mon intime conviction.

Quelques années plus tard, j’ai commencé à lire un blog (que je suis toujours) écrit par une demoiselle de talent, un blog que je commente irrégulièrement et toujours anonymement, et dont je garde jalousement l’adresse ; et la propriétaire de ce blog a écrit à plusieurs reprises qu’elle adorait Kundera, et je ne saurai pas expliquer pourquoi, mais cela a fortement renforcé l’impression que je l’adorerais moi aussi. Pour mes vingt ans, je me suis offert l’Insoutenable Légèreté de l’Etre, et je me suis promis que je le lirai avant mes vingt et un ans ; mais ensuite, plus les mois passaient, moins j’osais l’ouvrir, tellement j’avais peur d’être déçue. J’ai donc encore attendu 8 mois et demi avant de l’ouvrir, et hier, je l’ai presque entièrement englouti (je l’ai fini ce matin).
 
J’ai encore la sensation que je n’ai pas assez de recul pour vous parler de ce livre. Je ne sais pas si j’en aurai un jour assez. (curieux hein, comme je rechigne à commenter de la façon habituelle les livres qui m’ont le plus touchée). Mais je pense pouvoir dire aujourd’hui sans me tromper que ma rencontre avec Milan Kundera ne fait que commencer, et que l’Insoutenable Légèreté de l’Être est le troisième véritable coup de foudre littéraire de ma vie. (les deux premiers sont : Le Portrait de Dorian Gray, d’Oscar Wilde, lu l’été de mes quatorze ans ; Un homme qui dort, de George Perec, lu quand j’avais 18 ans. A 16 ans, j’aurais peut-être ajouté La Hors-Venue, de Marie Brantôme, mais je n’ai pas réussi à le relire de façon satisfaisante des années après et c’est donc un coup de cœur que j’aurais tendance à disqualifier aujourd’hui)
 
Comment vous définir ce qu’est à mes yeux un coup de foudre littéraire ? Je dirais que c’est un livre que je suis sûre de relire, que je dois absolument avoir dans ma bibliothèque (si jamais je l’ai emprunté pour le lire, je l’achète rapidement), et même pourquoi pas, en plusieurs éditions, pour l’avoir toujours sous la main et ne pas risquer de le perdre ; un livre qui me procure une jouissance non éphémère, dont la simple évocation me réconforte ; un livre que je lis lentement pour bien le savourer ; j’interromps ma lecture pour relire certains passages, je note des pages que j’ai envie de relire et relire, de connaître par cœur (une quarantaine de passages de l’Insoutenable légèreté de l’Être m’ont ainsi paru géniaux)
 
Pour le moment, je dirais juste que j’ai été touchée par tous les personnages ; Tomas l’indécis séducteur, Tereza l’amoureuse jalouse aux cauchemars effrayants, Sabina la femme légère, Franz le rêveur... C’est un livre qui mêle des personnages humains en proie à des histoires d’amour tout sauf niaises, qui façonneront grandement leur vie ; des personnages qui se posent des questions ; des réflexions sur la liberté, Dieu (sujet qui parfois me barbe prodigieusement mais que j’ai trouvé captivant ici), l’existence, le kitsch (le kitsch, un concept qui m’était assez étranger et qui m’a énormément intéressée, je n’en ai pas fini avec lui !), la vie et l’expérience qu’elle peut nous apporter, les possibles inaccessibles, le roman (j’ai eu du mal à me remettre du formidable art poétique de la page 318), les symboles qu’on choisit pour rendre notre vie romanesque, la place de l’Histoire dans nos vie, la guerre, les animaux, les rêves… sujets variés, tous liés de façon originale, je continuerai longtemps à puiser dans ce livre (puisqu’il est une de mes bibles désormais).

Kundera a réussi à rendre concrètes et compréhensibles des choses abstraites qui m’étaient inconnues (dans la première phrase par exemple il parle du concept nietzschéen de l’éternel retour et au début je me demandais bien où il voulait en venir…) C’est un livre universel, assez vaste pour être général, mais qui nous donne aussi une vision particulière de notre monde, en évoquant notamment la Tchécoslovaquie sous l’emprise de l’Union Soviétique (évènements historiques que je connais assez peu, et seulement grâce à des cours d’Histoire, et j’ai maintenant envie d’en savoir plus).

Avis très très subjectif et qui mériterait d'être complété par plusieurs relectures, mais je pense que vous avez compris à quel point je vous le conseille !

Quelques citations :
"Qui cherche l'infini n'a qu'à fermer les yeux."

"Avoir le vertige c'est être ivre de sa propre faiblesse."

"Tomas se dit : Lier l'amour à la sexualité, c'est l'une des idées les plus bizarres du Créateur.
Et il se dit encore ceci : Le seul moyen de sauver l'amour de la bêtise de la sexualité ce serait de régler autrement l'horloge dans notre tête et d'être excité à la vue d'une hirondelle."

"L'amour physique est impensable sans violence."

"Le rêve est la preuve qu'imaginer, rêver ce qui n'a pas été, est l'un des plus profonds besoins de l'homme."

Jeudi 26 août 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/fanfan.jpg(lu le 17 août)

Quatrième de couverture :
Alexandre Crusoé a vingt ans lorsqu'il décide de résister toujours au désir que lui inspire Fanfan et ne jamais avouer sa passion afin de la soustraire à l'usure du temps.
Faire la cour sans fléchir devient sa maxime.
Amoureuse, Fanfan usera de toutes les ressources de son esprit imprévisible pour exacerber la concupiscence d'Alexandre, avec l'espoir de l'obliger ainsi à renoncer à sa résolution.
Fanfan est le roman d'un jeune homme qui voulut prolonger éternellement les préludes d'un amour.

Mon avis :
j’avais déjà fait la connaissance d’Alexandre Jardin avec son roman L’Île des Gauchers, qui décrit une utopie où les humains maîtrisent l’art d’aimer. L’amour est encore le sujet central de ce roman-ci écrit à une période antérieure ; le court texte qui présente l’auteur avant l’œuvre (et qui est vraisemblablement écrit par l’auteur lui-même) laisse penser que ce livre a un lien fort avec sa vie puisqu’il est écrit que de ses trois premiers livres, Fanfan est « celui qui lui ressemble le plus ». Le contenu du roman même nous fait croire à une forte résonnance autobiographique : le héros et narrateur se prénomme Alexandre, et il deviendra écrivain.

Malgré cette volonté de l’auteur de nous faire croire à l’authenticité des faits décrits (mais comme c’est un procédé courant, je pense plutôt à un jeu avec le lecteur qui n’est pas dupe), l’ensemble du roman m’a paru tout simplement incroyable ; tout d’abord, les personnages sont une floppée d’excentriques, et même dans le cas où ils ne sont pas des excentriques « volontaires », à chaque fois quelque chose les marginalise. Certains personnages secondaires m’ont semblé carrément caricaturaux, je pense notamment à deux personnages subalternes, Hermantrude, qui incarne la laideur, et à Titanic, qui serait plutôt le type même de la perversité. Les parents d’Alexandre vivent une existence de débauche ; Alexandre au contraire rêve de fidélité, Monsieur Ti est un vieux sage espiègle, Fanfan est caractérisée par sa liberté et son énergie ; tous sont rebelles à leur manière, même les parents de Laure, la fiancée d’Alexandre, qui incarnent le couple fossilisé parfait, finiront par quitter leur vie ultra-conformiste en se séparant ; tout cela nous donne une belle galerie de personnages hors du commun, une telle accumulation d’originaux ne semble déjà pas naturelle ; le projet d’Alexandre ensuite (et surtout) est étonnant, je reconnais que c’est une très bonne idée, une très bonne piste de départ, et si une telle piste a déjà été développée dans un roman plus ancien, j’aimerais le savoir.
 
Le personnage d’Alexandre est très réussi, comme c’est un narrateur interne on suit toutes ses pensées, toutes ses hésitations et revirements, les arguments qu’il donne à son entreprise sont variés, développés, réfutés, mis en pratique, et dans une certaine mesure, ils sont réalistes, intéressants, et ils se valent, tout part d’une bonne intention et n’est pas dénué de bon sens, même si cet excès de vertu pour réussir un amour parfait vire rapidement au vice, c’est du moins comme cela que je le vois (peut-être qu’il y en a qu’un tel projet ferait rêver, va savoir ?).
 
En ce qui concerne le style, à un moment pour parler des romans écrits par Titanic, il est dit que son style est « luxueux et flamboyant », et c’est ainsi que je qualifierais également la prose d’Alexandre Jardin dans ce roman : le côté luxueux m’a parfois paru un peu too much, l’auteur s’est visiblement fait plaisir en allant chercher des mots un peu soutenus alors qu’il aurait pu se contenter de façon plus naturelle d’un lexique plus simple, ce qui donne des tournures parfois un peu artificielles qui m’ont fait sourire mais le tout n’est cependant pas lourd et reste fluide. L'aspect "flamboyant" du style m'a plus intéressée : ce roman est assez riche en évocations sensuelles du désir.
 
Même si la vision de l’amour dans ce roman est – pendant la majeure partie de l’histoire en tout cas – assez différente de la vision de l’amour dans l’Île des Gauchers, la conclusion nous donne une image de l’amour finalement assez similaire, et donc souriante. J’ai vraiment apprécié la tirade de Monsieur Ti vers la fin. Pour résumer, je dirais qu’Alexandre Jardin est en fait un doux rêveur qui ne manque pas d’optimisme, ce livre est léger, peut faire grandement plaisir (ou rendre mélancolique, au choix), je ne pense pas qu’il me marquera tellement, mais ça a été une lecture très distrayante, qui m’a fait l’effet d’un conte parfois un peu trop anesthésiant, mais pourquoi pas après tout ? Je regarderai le film (réalisé par Alexandre Jardin lui-même si j’ai bien compris) avec plaisir.

Extraits :
"Les fous sont ceux qui oublient de l'être par amour."

"ECRIVAIN, profession abjecte pratiquée par des vampires qui, trop souvent, s'égarent en réclamant à la vie plus qu'elle ne doit donner."

"Je sais que la maladie du siècle c'est l'adolescence, cet âge dont on ne guérit plus. Oh, tu n'es pas le seul. Vous êtes des millions à vouloir "rester jeunes", à fuir l'engagement, à ressasser votre enfance, à suivre les modes qu'imposent les puceaux, à préférer la passion à l'amour."

Mercredi 1er septembre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/uneformedevie.jpg(lu le 20 août)

Quatrième de couverture : "Ce matin-là, je reçus une lettre d'un genre nouveau." Amélie Nothomb.

Mon avis : comme à chaque rentrée littéraire, le dernier livre d'Amélie Nothomb sort ; je m’étais dit que j’attendrais de l’emprunter en bibli mais finalement mon père me l’a offert ^^
Sans surprise, Amélie nous propose une fois de plus une œuvre brève… pourtant cette œuvre-ci m’a paru plus longue que d’autres… peut-être parce qu’elle est moins entraînante ? Parce qu’autant le dire d’emblée : si j’ai savouré dans ce dernier cru certains traits nothombiens, je n’ai cependant pas dévoré ce roman.
 
Ce roman relate une correspondance entre Amélie Nothomb et un soldat américain obèse basé en Irak ; l’obésité et la boulimie qui la cause sont décrites de façon intéressante, plusieurs raisons psychologiques à cette faim excessive sont avancées, de façon poétique, le soldat finira même, suite à des lettres d’Amélie, par considérer son propre corps déformé comme son œuvre d’art. Le roman est constitué des lettres du soldat, des réponses d’Amélie, et (j’ai presque envie de dire « surtout », même si du point de vue de la quantité ce n’est pas l’essentiel), de commentaires d’Amélie Nothomb : commentaires des lettres du soldat, commentaires des réponses qu’elle lui fait, et de manière plus générale, des réflexions sur l’art épistolaire, sur la relation qu’elle a avec ses correspondants, et plus largement, avec ses lecteurs.
 
C’est cet aspect qui n’a pas su me séduire, en fait, mes sentiments sont partagés : d’un côté j’ai été ravie d’en savoir plus sur la façon dont elle envisage l’acte de correspondre avec quelqu’un, la question difficile du rapport à l’autre est encore développée et certains passages m’ont beaucoup plu ; et au fond, je crois que ce roman a accru mon envie secrète de lui écrire un jour ; mais d’un autre côté, certaines de ses paroles (je dis paroles car l’ensemble de ses commentaires m’a plus fait penser à une conversation qu’à un discours romanesque) m’ont agacée. J’ai été un peu rebutée par sa sévérité, et l’exaspération qu’elle dit ressentir à la lecture de certaines lettres, blâmant certaines maladresses sans pitié, du genre « si on m’écrit ceci, je mets la lettre à la poubelle sans aller plus loin » (citation absolument pas exacte, je paraphrase de façon éhontée là). Je comprends bien que vu la quantité de courrier qu’elle reçoit, elle doit trier, et qu’elle est devenue exigeante au fil du temps ; je devrais plutôt applaudir sa sincérité… mais je n’ai pas arrêté de penser malgré moi « bon sang, quelle pression pour ceux qui lui écriront à l’avenir ! »
 
 Parfois j’ai même été jusqu’à penser que si elle exposait tant ce qui lui plaisait, ce qui lui déplaisait dans une lettre, c’était plus pour informer ses lecteurs potentiellement futurs correspondants de ce qu’elle voulait que pour servir l’intérêt du roman. Le décalage entre ce qu’elle pense d’une lettre, et ce qu’elle répond m’a aussi parfois choquée, sans doute parce que j’ai personnellement du mal à ne pas être sincère quand j’écris... mais je dois aussi admettre que je ne corresponds qu’avec des personnes qui me sont agréables, aussi si je devais correspondre avec des inconnus, j’injecterais peut-être moi aussi une dose d’hypocrisie à mes réponses pour ne pas blesser mes interlocuteurs… je suis une bien piètre épistolière alors je pense que je ne suis pas bien placée pour juger la manière dont elle procède, mais j’ai cependant parfois été gênée. Pourtant, elle est aussi très humaine Amélie, et justement désireuse de ne pas heurter les autres si ce n’est pas nécessaire, et si elle n’a pas été poussée à bout… c’est pourquoi mes sentiments sont si emberlificotés que j’ai dû mal à les démêler.
 
Le narcissime d’Amélie Nothomb ,que personne n’irait nier et que beaucoup de monde lui reproche, m’a toujours charmée, mais dans ce roman-ci il m’a fait un effet moins agréable ; l’auteur parle ici en son nom propre et il est donc difficile de distinguer ce qu’on a envie de croire, de ce qui est exagéré et fictif ; même si la correspondance avec ce soldat est à mon avis imaginaire (je ne conçois pas le contraire en fait), Amélie brouille volontairement les pistes, et finalement nous dupe comme son personnage sera dupé ; la fin, qui sur le coup m’a épouvantablement frustrée, est en fait un habile pied-de-nez à tout ce qui précède, et avec du recul je l’apprécie (même si une méchante petite voix me dit que c’est aussi une manœuvre forcée, elle n’aurait pas pu finir autrement, sinon il aurait fallu au moins trente pages de plus pour conclure et on aurait alors dépassé la longueur habituelle des romans nothombiens) ; mais la présence de l'auteur est trop explicite pour moi, je crois bien que j’ai besoin du filtre de la fiction ou plutôt, du filtre de la littérature, pour vraiment aimer Amélie.

Elle écrit elle-même que certains auteurs gagnent à être connus, mais que pour d’autres, il vaut mieux se contenter de leur prose ; j’ai déjà eu l’occasion d’entendre certaines des ses interviews, je les ai appréciées, mais rien à voir avec l’admiration énorme que j’ai pu ressentir à la lecture de certains de ses romans (et je n’exclus absolument pas de mes favoris ses romans les plus autobiographiques : tout en Amélie est susceptible de m’intéresser pourvu que ses textes revêtent un style particulier, le masque de la littérature, masque qui n'en est peut-être pas vraiment un et révèle au contraire ce qui n'est pas accessible autrement) ! Et en lisant Une forme de vie, j’ai eu le sentiment d’avoir plus affaire à l’Amélie « people » qu’à l’Amélie pure romancière, et c’est ce qui explique pourquoi je pense que je ne pourrais jamais véritablement l’adorer (même si je le répète, certains passages m'ont beaucoup plu, un passage de dialogue avec elle-même vers la fin par exemple me fait beaucoup rire). Et je ne m’en fais pas, ce roman ravira sans doute une catégorie de lecteurs plus fans que moi de la personnalité « quotidienne » de l’auteur, et celui de l’année prochaine aura peut-être un style plus "fictif" !
 
Extraits :
 
"Un artiste qui ne doute pas est un individu aussi accablant qu'un séducteur qui se croit en terrain conquis."

"Rares sont les êtres dont la compagnie m'est plus agréable que ne le serait une missive d'eux (...). "Vous n'aimez pas les gens en vrai", m'a-t-on déjà sorti. Je m'insurge : pourquoi les individus seraient-ils forcément plus vrais quand on les a en face de soi ? Pourquoi leur vérité n'apparaîtrait-elle pas mieux, ou tout simplement différemment, dans l'épître ?"

"Je suis un être capable d'aller très loin au nom de ses conviction sémantiques. Le langage est pour moi le plus haut degré de réalité."

Samedi 18 septembre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lalenteur-copie-1.jpgQuatrième de couverture / extrait :
« "Un roman ?" demande-t-elle angoissée.
J'incline la tête.
"Tu m'as souvent dit vouloir écrire un jour un roman où aucun mot ne serait sérieux. Une Grande Bêtise Pour Ton Plaisir. J'ai peur que le moment ne soit venu. Je veux seulement te prévenir : fais attention."
J'incline la tête encore plus bas.
"Te rappelles-tu ce que te disait ta maman ? J'entends sa voix comme si c'était hier : Milanku, cesse de faire des plaisanteries. Personne ne te comprendra. Tu offenseras tout le monde et tout le monde finira par te détester. Te rappelles-tu ?
- Oui, dis-je.
- Je te préviens. Le sérieux te protégeait. Le manque de sérieux te laissera nu devant les loups. Et tu sais qu'ils t'attendent, les loups."
Après cette terrible prophétie, elle s'est rendormie.»

Mon avis : est tout embrouillé dans ma tête. (vous êtes prévenus)

C'est court, beaucoup plus court que l'Insoutenable Légèreté de l'être. Alors la construction, qui est essentielle, est moins visible, même si après on voit tous les liens (et là j'ai fait "aaaaah ! tu es génial !"), mais au début j'ai un peu nagé en me disant "d'accord, mais où veux-tu en venir ?". Mais je l'ai suivi, et je ne regrette pas, même si (parce que ?) ce que j'en pense reste un peu flou (mais j'ai aimé !!!).

Milan et sa femme Véra (qui s'appelle vraiment comme ça dans la réalité), passent une nuit dans un château devenu hôtel. Château rapproché du château de Mme T dans la nouvelle Point de lendemain de Vivant Denon (nouvelle dont il est beaucoup question donc, tout part de là et y revient). Une réunion d'entomologistes européens, avec au milieu, un savant tchèque ému. Les enfants mourrant en Somalie. Les danseurs, un concept très intéressant que je ne connaissais pas. La vitesse, désir d'oubli, la lenteur, désir de mémoire. Différentes façons de considérer l'amour, la place qu'on veut dans le monde, le regard de l'autre, des autres. Feinte copulation. Une piscine, les cauchemars d'une femme (ils étaient déjà dans l'Insoutenable légèreté de l'être). Un livre lent : réflexions immobiles du narrateur qui ne fait rien d'autre que raconter et faire de sa femme le témoin endormi de son imagination. Un livre rapide : des histoires et pensées qui semblent d'abord sans rapport (mais j'ai déjà dit que c'était pas le cas), de nombreux sujets évoqués, tout cela tourbillone. Un côté fantastique, magique même à la fin.

Bien sûr, une partie de moi a envie de le relire (déjà), pour essayer de tout décortiquer, tout comprendre, pourquoi dit-il ceci à cet instant, mais pour apprécier cette oeuvre, le mieux est peut-être de s'accrocher/se laisser emporter (selon son humeur et la relation qu'on a directement avec le livre, les deux étant possibles, même en même temps), se laisse toucher simplement par l'humour, les faiblesses touchantes des personnages, la fantaisie de toutes ces histoires, les références souriantes à Apollinaire, Laclos, Epicure...  et toutes ces idées disséminées qui nous permettent de voir notre monde différemment, avec un peu de recul.

Extrait :
"L'amour, par définition, est un cadeau non mérité ; être aimé sans mérite, c'est même la preuve d'un vrai amour. Si une femme me dit : je t'aime parce que tu es intelligent, parce que tu es honnête, parce que tu m'achètes des cadeaux, parce que tu ne dragues pas, parce que tu fais la vaisselle, je suis déçu ; cet amour a l'air de quelque chose d'intéressé. Combien il est plus beau d'entendre : je suis folle de toi bien que tu ne sois ni intelligent ni honnête, bien que tu sois menteur, égoïste, salaud."

Vendredi 1er octobre 2010


Résumé :
L'histoire commence en 1915 et s'achève à la fin de la seconde guerre mondiale. La famille Cleary originaire de la Nouvelle Zélande émigre en Australie pour faire fructifier un domaine où se pratique l'élevage du mouton et qui appartient à la riche soeur de Paddy Cleary, le père de famille. Une épopée superbement rendue où s'acharnent les passions des personnages avec comme fil conducteur les amours tragiques de l'héroine Maggie pour le magnifique prêtre Ralph de Bricassart lié à jamais au sort de l'exploitation du domaine.
Mon avis : mmmh.... je suis contente de l'avoir lu, mais mon avis est quand même mitigé. A vrai dire, les cinquante dernières pages ont été un peu longues, j'étais contente de l'avoir fini, heureusement qu'il ne faisait pas 100 pages de plus, je n'aurais peut-être pas tenu. Mais je préfère plutôt vous parler de ce qui m'a plu, car démonter ce bouquin pour vous le déconseiller n'est absolument pas mon intention (même si je ne vais pas me gêner non plus pour vous dire ce qui m'a exaspérée, ahem) !
 
Je dirais que c'est de la bonne (voire très bonne) littérature de divertissement. L'histoire est touchante, souvent très prenante, il y a pas mal d'ingrédients qui font que c'est une lecture agréable, régulièrement relancée par des péripéties "fortes" qui changent pas mal la situation, on ne peut pas dire qu'il ne se passe rien ! On suit toute une famille pendant cinquante ans, le roman est divisé en sept parties qui portent chacune le nom d'un des personnages principaux ; avant de commencer ma lecture j'avais peur que chaque partie soit vraiment consacrée exclusivement à un personnage mais heureusement ce n'est pas le cas, on a quand même des nouvelles de tout le monde tout le long !

J'ai aimé le récit de l'enfance de Meggie, et la façon dont les personnages principaux sont présentés.
Leur installation dans le domaine de Drogheda est aussi intéressante, leur quotidien nous est raconté avec pas mal de détails, des anecdotes sympa qui nous permettent de bien comprendre leurs conditions de vie, on a pas mal d'infos sur le monde de l'élevage des moutons, la tonte, je ne m'étais jamais intéressée à la question mais j'ai trouvé ça plutôt instructif, et pas du tout ennuyeux !
 
Mais bien sûr, ce qui retient rapidement toute notre attention, c'est la rencontre que va faire la petite Meggie (qui a alors une dizaine d'années) avec le prêtre du coin, Ralph de Bricassart, qui va se prendre d'affection pour elle, affection réciproque et qui va évoluer au fil des années - évidemment - de la façon à laquelle on s'attend tous (pauvres d'eux !). Le personnage de Ralph m'a plu, il m'a beaucoup fait penser à une personne de mon entourage, et la suite de l'histoire (que je connaissais un chouïa parce que 1) c'est assez prévisible 2), quand on m'a parlé de ce livre il y a quelques mois on m'a dit "ah oui, c'est l'histoire de ce prêtre qui....") n'a fait que renforcer ce phénomène d'identification (ce n'est pas moi qui m'identifie à Ralph hein, mais vous me comprenez, ou pas, mais je vais certainement pas raconter ma vie ici alors merde) (hum). En un mot, j'ai été touchée par cette histoire d'amour, qui est sans doute ce qu'on retient le plus de ce livre, et même si elle est relativement prévisible comme je l'ai déjà dit, elle est quand même assez complexe pour que je suive avec passion (même pas honte) ses moindres revirements, d'autant plus que ça va durer dans le temps. D'autres péripéties extérieures (plus ou moins) (mais je vais pas tout raconter que diable !) qui vont profondément bouleverser cette famille et la destinée de Meggie en particulier, font que pendant environ 200 pages (j'ai pas compté, c'est une estimation à la louche !), j'ai été assez scotchée au bouquin.
 
Le souci, c'est que les deux dernières parties du livre (sur sept, je vous le rappelle) s'attardent sur les descendants des premiers personnages princpaux et pfffiouuu, ça m'a beaucoup moins passionnée. Les passages qui parlent de la seconde guerre mondiale (en Egypte notamment, ça aurait dû m'intéresser vu que ce n'est pas une partie de la guerre qu'on connaît bien), et ceux, plus tard, qui ont lieu en l'Europe, m'ont plutôt gavée. J'ai pourtant apprécié le personnage de Justine (une jeune fille indépendante, la plus indépendante du roman sans doute - on m'a fait remarquer récemment que j'aimais les personnages féminins forts et entreprenants, j'ai un peu nié mais je dois bien reconnaître que tu as raison, Yuko), mais son histoire ne m'a pas parue tellement originale, le grand drame qu'elle va vivre m'a presque laissée de glace, je ne faisais qu'attendre les moments où on parlerait de nouveau de Meggie et de Ralph et autant dire que mes attentes ont été satisfaites au compte-gouttes ! Quant à l'histoire d'amour de Justine, pitié, on en devine la fin cent pages avant et elle en a mis un temps à venir, cette foutue conclusion ! (je vous parle de mon ennui des 50 dernières pages, là).
 
Autre mauvais point du bouquin : le style m'a vite fait déchanter (sans toutefois décourager ma lecture). C'est fluide, ça se lit bien en général, certes, mais l'auteur a vite tendance à balancer dans le gnangnan, les descriptions élogieuses du paysage (entre autres) se voulaient sans doute poétiques mais j'ai trouvé qu'elles devenaient souvent lourdes (j'ai sauté des lignes, j'avoue !), et les passages où il est question de sexe sont carrément risibles, l'auteur ne fait que décrire les sensations exacerbées des personnages (ah grand recours d'exclamations mimant leurs pensées du style "Oh ! Mon dieu ! La douceur de ses lèvres !"), je me demande si je n'aurais pas préféré un peu plus de crudité réaliste (ou à défaut, que l'auteur s'abstienne de nous narrer ce genre de scène si elle n'est pas capable de nous servir autre chose que ces délires romantiques dignes d'un Harlequin...)) parce qu'à moins d'être vraiment à fond dans la tête des personnages au point de n'avoir aucun recul, dur dur de lire ces passages en gardant son sérieux !

Bon, je suis vache, je dois admettre que le récit du dépucelage de Justine m'a fait rire, mais dans le bon sens du terme cette fois-ci. Il faut quand même un certain talent narratif pour mener à bien un récit aussi riche en personnages et évènements s'étendant sur plusieurs centaines de pages, j'en conviens tout à fait, mais le style globalement ne m'a pas vraiment séduite, à aucun moment je n'ai eu envie de relire une phrase pour sa beauté ou de noter un passage.... j'avais déjà lu Tim de cet auteur (et j'avais beaucoup aimé il me semble, là encore, parce qu'un des personnages avait fait que je m'étais sentie concernée, je ne me souviens pas ce que j'avais pensé du style mais à l'époque j’étais moins exigeante), mais je ne pense pas que je le relirai, ni même que je chercherai à lire d'autres oeuvres de cet auteur, qui donne à ses histoires une couleur un peu trop rose qui ne correspond pas (plus ?) vraiment à ce que je recherche ! Si j’avais lu ce roman il y a quelques années, j’aurais peut-être adoré !
 
En relisant mon avis je trouve que mon avis général penche hélas plus du côté négatif finalement... sans doute parce que je suis restée sur la mauvaise impression de la fin, et les critiques que j'ai formulées à propos du style sont rédhibitoires, je ne parviens plus à vraiment aimer un livre si le style me gêne. J'espère que je me souviendrai quand même surtout des passages qui m'ont rendue radieusement niaise (d'ailleurs c'est marrant, mais un passage qui se passe sur une île m'a fait beaucoup penser au voyage de noces de Bella & Edward dans le quatrième tome de la saga de Stephenie Meyer !), je ne regrette pas cette lecture, et je vous la recommande si vous avez envie d'aller en Australie au début du 20ème siècle, si vous avez envie de vous plonger dans une épopée familiale assez dense qui vous occupera plusieurs jours et surtout si les histoires à l'eau de rose ne vous font pas peur ! Si toutes ces conditions sont remplies, vous pourriez bien adorer cette lecture...
Bonus : Ce livre a été lu dans le cadre d'une Lecture commune !
Allez donc voir le billet de Mélusine, et celui de Cerisia (qui ont un un avis plus positif que le mien)

Mercredi 6 octobre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/aunomdetouslesmiens.gifCHALLENGE ABC 2010, 17ème livre lu ♦
 
Quatrième de couverture : De la guerre, le petit Martin connaîtra tout : les privations, les humiliations, la peur durant le temps passé au ghetto de Varsovie, l'horreur absolue des camps nazis à Treblinka, la fureur de vivre quand il s'en échappera caché sous un camion, l'abattement et aussi le suprême courage quand il apprendra qu'il a perdu tous les siens...
Et puisqu'il faut bien vivre, il s'engagera ensuite dans l'Armée rouge, puis partira aux Etats-Unis... Enfin la paix reviendra. Martin reconstruit alors sa vie et rencontre le grand amour en la personne de Dina.
C'est dans le sud de la France, par une journée d'été éclatante, que le destin le blessera à nouveau - à mort - en décimant ceux qui lui sont le plus chers.
Ce récit de vie, extraordinairement dramatique, a fait le tour du monde. Traduit dans plus de vingt langues, adapté au cinéma par Robert Enrico (avec dans les rôles principaux Michael York et Brigitte Fossey), devenu ensuite un feuilleton, il continue à toucher des millions de lecteurs car son message de courage, mais aussi d'espérance, est universel.

Mon avis : Comme prévu étant donné le sujet, c'est un récit très fort, qui ne laisse pas indifférent. A plusieurs reprises j'ai posé le livre, par besoin de respirer et de me couper un peu des faits dont il est question - ayant lu Si c'est un homme et d'autres livres sur le sujet (je cite Si c'est un homme car c'est sans doute celui qui m'a le plus marqué, qui évoque ces horreurs de la façon la plus explicite, et parce que je l'ai lu plusieurs fois), visité le mémorial de la Shoah, effectué un voyage en Pologne il y a quelques années pour visiter le ghetto et le camp de concentration de Cracovie, ainsi qu'Auschwitz-Birkenau, je n'étais pas complètement ignare, mais certains faits m'ont tout de même beaucoup choquée, et je pense de toute façon que les descriptions de conditions de vie inhumaines telles qu'on les trouve dans ce livre ne sont pas le genre de choses auxquelles on peut s'habituer (et heureusement).

    Difficile donc de juger un tel livre... que peut-on juger, au juste ? La masse d'informations apportée ? Ce livre est tout à fait instructif sur bien des points, et il nous montre notamment à quoi ressemblait la vie dans le ghetto de Varsovie, je connaissais peu de choses sur ce sujet et j'ai appris des choses. On voit à quel point l'emprise des nazis était totale : par tous les moyens possibles ils cherchaient à parvenir à leurs fins, en employant la manière forte bien sûr, mais aussi en manipulant les esprits de telle sorte que les victimes, trompées, pouvaient elles-mêmes aller au-devant de ce qui allait être un piège mortel. Pour survivre à une telle machine de mort, la chance est primordiale (et elle est souvent évoquée), mais elle ne suffit pas, et il a fallu une bonne dose d'astuce et d'audace à Martin Gray : pour ne pas dépérir et laisser mourir de faim son entourage il a pris des risques énormes en faisant entrer régulièrement et clandestinement des vivres à l'intérieur du ghetto ; pour cela il met en place tout un système, qu'on peut même qualifier de véritable entreprise ! Les détails concernant cette période sont nombreux et m'ont passionnée. Tout au long du livre, son ingéniosité et sa ténacité m'ont laissée sans voix. Je pensais que les passages racontant sa vie après la guerre seraient beaucoup plus calmes (et beaucoup moins intéressants, en fait), mais ce n'est pas la cas : Martin continue à se battre comme un lion pour faire fortune aux Etats-Unis, son caractère reste le même et il compare souvent sa façon d'agir pour se faire une place dans la société et rester libre quoi qu'il arrive à ses actes de rébellion dans le ghetto.

   Le ton du narrateur m'a légèrement surprise, mais avant de vous expliquer pourquoi, je vais formuler mes interrogations  (qui n'ont pas trouvé de véritable réponse malgré les recherches que j'ai faites sur le net) à propos de la paternité de ce texte. (ça me tient à cœur mais ça risque de prendre un certain temps, accrochez-vous).
[ La couverture nous indique que l'auteur est Martin Gray ; la page de titre précise : "Au nom de tous les miens, récit recueilli par Max Gallo". La préface, signée Max Gallo, et que vous pouvez lire intégralement ici (c'est pas long, une page et demie), semble indiquer que c'est bien Max Gallo qui a rédigé cet ouvrage, à partir d'une série d'entretiens qu'il a eus avec Martin Gray...  et il semble même insister sur le fait qu'il s'est approprié le personnage : "Je n'ai retenu que l'essentiel ; j'ai recomposé, confronté, monté des décors, tenté de recréer une atmosphère. J'ai employé mes mots."
    Peut-être que j'interprète mal (dites-moi !), mais il me semble que dans cette phrase Max Gallo admet avoir "romancé" le récit original de Martin Gray, puisqu'il peut s'écarter de la réalité brute (tout en tâchant de rester fidèle à l'esprit que Martin Gray a voulu donner à son livre). J'ai essayé de garder cet avertissement en mémoire, mais bien sûr, emportée par le récit, je n'y ai plus pensé et j'ai en fait pris chaque évènement narré  pour la stricte vérité ; cette impression d'authenticité s'est trouvée renforcée par la toute dernière page, où on lit quelques paragraphes, signés Martin Gray, dans lesquels il écrit des choses comme "ces mots que j'ai écrits il y a quelques années déjà, voici qu'ils continuent à vivre grâce à vous, lecteur." "j'ai publié d'autres livres"... la préface et cette dernière page se contredisent, je ne sais plus trop qu'en penser : QUI a réellement écrit ce texte ? Si c'est effectivement Max Gallo qui en est l'auteur (ce que je suis portée à croire), pourquoi chercher à brouiller les pistes en attribuant ce rôle à Martin Gray ?

    Je ne me serais peut-être pas interrogée plus que cela si je n'avais pas appris qu'il y a une controverse au sujet de ce livre, et notamment au sujet des passages évoquant Treblinka ; plusieurs historiens pensent que toute cette partie du livre est romancée, ce qui est problématique car introduire de la fiction dans un tel récit tout en le faisant passer pour vrai ne fait que créer une confusion non souhaitable et apporte de l'eau au moulin des négationnistes. Pour tout ce qui concerne cette controverse, je vous renvoie à la discussion wikipedia où j'ai trouvé ces informations ; j'y ai lu que Martin Gray n'aurait pas lu le livre avant sa publication (!), pire, qu'il aurait nié l'importance de la véracité de tous les faits rapportés, cf cet extrait effrayant d'un article de l'historienne Gitta Sereny (en anglais, mais je pense que c'est facilement compréhensible) :

« Gray's For Those I loved was the work of Max Gallo the ghostwriter, who also produced Papillon. During the research for a Sunday Times inquiry into Gray's work, M. Gallo informed me coolly that he 'needed' a long chapter on Treblinka because the book required something strong for pulling in readers. When I myself told Gray, the 'author', that he had manifestly never been to, nor escaped from Treblinka, he finally asked, despairingly : ' But does it matter ? ' Wasn't the only thing that Treblinka did happen, that it should be written about, and that some Jews should be shown to have been heroic ?
It happened, and indeed many Jews were heroes. But untruth always matters, and not just because it is unnecessary to lie when so much terrible truth is available. Every falsification, every error, every slick re-write job is an advantage to the neo-Nazis.
"

J'aurais aimé que cette affaire soit éclaircie, mais ce n'est apparemment pas le cas, et je regrette qu'on ne puisse pas vraiment distinguer le vrai du faux. Les faits historiques sont assez graves pour qu'on n'ait pas besoin d'en rajouter, d'ajouter des détails fictifs ! Dans le cas d'un témoignage réel, (car c'est bien ainsi que le texte est présenté) je trouve que la véracité historique doit primer sur l'intérêt romanesque. Quoi qu'il en soit, je ne mets pas en doute la bonne foi de Martin Gray ; je pense plutôt qu'il a été manipulé (ou du moins que son histoire l'a été) par le peu scrupuleux Max Gallo (mais dans quelle mesure ? impossible de le savoir !). Dans tous les cas, je ne pense pas (connaissant d'autres documents traitant de cette époque et de ces faits) que le livre soit vraiment mensonger, tous les faits décrits sont très réalistes. Je pense donc que ce récit, malgré cette zone trouble regrettable, reste d'un certain intérêt documentaire.

Une marque de l'intervention de Max Gallo plus perceptible que les ajouts ou modifications de l'histoire qu'il a pu faire, à mon avis, réside dans le style, qui m'a un peu surprise, et parfois, légèrement dérangée. Alors que le narrateur de Si c'est un homme essayait de rester neutre, celui d'Au nom de tous les miens semble beaucoup plus personnellement engagé ; ce lyrisme, qui aurait été bien compréhensible si l'auteur avait été réellement Martin Gray, devient un procédé qui manque un peu de naturel quand on sait qu'il sort de la plume de Max Gallo. Le ton est souvent assez enflammé, on n'a pas l'impression de lire un récit rétrospectif, mais d'être directement aux côtés du personnage au moment des faits, et même, de lire ses pensées, puisqu'on le voit s'adresser à lui-même pour se donner du courage. On a souvent des énumérations, des répétitions ("j'ai vu..."), qui donnent un caractère solennel au texte, le narrateur semble parfois psalmodier une prière funèbre, on a pas mal de remerciements, et d'adieux. L'avantage d'un tel style, bien sûr, est de rendre le texte encore plus prenant, le lecteur, encore plus sensible, et peut-être faut-il voir cela seulement sous un jour positif, applaudir le talent de Max Gallo ; mais j'ai eu la sensation que l'auteur jouait volontairement avec les émotions de son lecteur, en rajoutant une couche de mélo plutôt superflue... vous l'avez donc compris, je fais ma chiante et je suis un chouïa déçue par la façon dont le biographe s'est approprié la voix de Martin Gray, et cette histoire de controverse surtout m'a chiffonnée ! ]

Malgré ces quelques bémols, j'ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture, le récit d'un tel courage force le respect et nous fait énormément relativiser nos petits problèmes ! C'est une lecture éprouvante, qui ne nous épargne pas ; et j'ai tout particulièrement apprécié les réflexions que se fait le héros vers la fin de la guerre, quand il est sorti d'affaire (ou presque) et que la situation s'inverse : capable de déceler la barbarie naissante dans tout homme, il cherche avant tout à rester humain, à ne pas se tromper d'ennemis, à ne pas devenir lui-même un bourreau. Il cherche à comprendre ce qui fait qu'un homme peut basculer et devenir "une bête à visage d'homme", quels sont nos penchants naturels les plus dangereux ; j'ai trouvé toute cette analyse très pertinente, à méditer : "L'égoïsme, l'indifférence, la lâcheté : les bourreaux avaient toujours les mêmes alliés, cette part sombre de l'homme qui peut le masquer tout entier et faire de lui une bête."

Extrait :
"C'est vrai, je suis devenu égoïste, c'est vrai je peux voir un mourant et passer près de lui sans m'arrêter. Parce que j'ai compris que pour le venger il me fait vivre, à tout prix. Et pour vivre il faut que j'apprenne à le regarder mourir. Mon égoïsme c'est ce qu'ils m'ont laissé comme arme, je m'en suis saisi, contre eux. Au nom de tous les miens."

Film : (fiche allociné) ma grand-mère l'a en VHS, je vais donc sans doute bientôt le voir. L'édition DVD comporte une vidéo bonus de 4 minutes intitulée "Au nom de tous les miens, la controverse", j'aurais bien aimé voir cette vidéo mais impossible de la trouver sur Internet -_-

Vendredi 8 octobre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lamusiqueduhasard.jpgQuatrième de couverture : Nashe, qui a hérité de deux cent mille dollars, se débarrasse de ce qu’il possède, achète une voiture et entreprend de sillonner l’Amérique. Ainsi rencontre-t-il Pozzi, professionnel du poker, avec qui il décide de miser le restant de sa fortune dans une partie " facile " contre deux millionnaires excentriques, Flower et Stone. Et le plus extravagant commence alors… A chacun de ses romans, Paul Auster révèle une nouvelle dimension de sa maîtrise romanesque. Et son succès, en Europe comme aux Etats-Unis, doit beaucoup à la manière qu’il a de combiner une esthétique européenne avec des mythes américains. Les amateurs de littérature romanesque seront comblés par ce livre scintillant de coïncidences et de conjonctions révélatrices, écrit avec une ferveur et une habileté narratives plus " austériennes " que jamais.

Mon avis : mon troisième Auster, après La Nuit de l'Oracle et Le Voyage d'Anna Blume. Même si je l'ai trouvé un peu moins entraînant que les deux premiers, j'ai beaucoup beaucoup aimé. Jim Nashe est un personnage qui d'un coup, rompt avec sa vie, et semble se fuir, même s'il a confusément l'intention de se trouver. C'est un personnage qui semble d'abord assez simple : l'abandon de ses habitudes se fait sans qu'il réfléchisse beaucoup avant, il obéit à ses pulsions, fait juste comme il le sent, on n'a pas de longues analyses psychologiques, pas vraiment de passages d'introspection, et pourtant, ce voyage sans but que Jim va d'abord mener me semble avoir un intérêt existentiel ; en quittant tout, Nashe a l'air de chercher quelque chose de plus vrai que la vie qu'il a eu jusqu'alors, vie conventionnelle, banale, par défaut, qui n'était peut-être au fond qu'une mascarade (ne ressent-on pas tous cela un jour ou l'autre ?).

Attention, j'interprète beaucoup, et peut-être que d'autres lecteurs de ce livre ne seront pas d'accord avec moi, ne verront même pas de quoi je parle, mais c'est comme ça que je vois les choses : en partant, Nashe veut reprendre sa vie en main, mais rapidement, il ne sait pas quoi faire de lui-même, et j'ai trouvé ça bigrement intéressant : que va-t-il faire de sa liberté ? Qui va-t-il rencontrer ? Vers quoi va-t-il se laisser entraîner ? Et jusqu'où ira-t-il, arrivera-t-il quelque part finalement ? On comprend à quel point les moindres détails peuvent être importants, quand on sait à quelles conséquences ils conduiront, et ça devient vite hallucinant quand on y réfléchit. Peut-être que ça vous semble à côté de la plaque, mais ce personnage m'a beaucoup rappelé le héros du film American Beauty* (film que j'adore soit dit en passant).

Le personnage qui va croiser sa route, Pozzi, jeune, fanfaron, nerveux, m'a été sympathique. J'ai bien aimé le passage de la soirée chez les millionnaires, je l'ai trouvé pittoresque, puis haletant, et les conséquences font froid dans le dos... Nashe est quand même un personnage plus complexe qu'il n'y paraît : d'un côté, il quitte le moule qu'on lui impose, veut retrouver sa liberté, dans la solitude, la fuite d'abord, puis dans l'immobilité, le travail ; moyens divers, antagonistes, je me suis d'abord attendue à ce qu'il fasse de vrais coups d'éclats ; m'apercevant que ce n'était pas le cas, j'ai d'abord regretté son côté passif, avant de l'admirer : malgré son désir initial d'être le propre guide de sa vie, il accepte rapidement son sort, se soumet aux évènements avec une sérénité qui m'a d'abord étonnée, et qui finalement est cohérente, cimente les différentes facettes de ce personnage paradoxal. Je suis un peu déçue que certains indices nous laissent entrevoir la tournure que vont prendre les évènements, la fin aurait pu être beaucoup plus surprenante si le suspense avait été un peu mieux préservé ; mais tous ces indices inquiétants doivent permettre une deuxième lecture très intéressante.

Quant au style de Paul Auster, j'en suis toujours aussi fan : cet homme sait vraiment écrire. Cela peut paraître stupide de dire ça, vous pensez peut-être que forcément, tous les écrivains savent écrire, mais quel plaisir de lire tout un roman sans avoir envie de critiquer une seule fois la moindre tournure, la moindre modalisation abusive, quelle maîtrise ! Cela coule, c'est fluide, et c'est en même temps assez beau, assez précis, pas simpliste. J'aime, et j'ai bien l'intention de continuer à lire ce grand auteur que je n'ai découvert que depuis quelques mois.

Citations : "Le véritable avantage de la richesse, ce n'était pas la possibilité de satisfaire ses désirs, c'était celle de ne plus penser à l'argent."

"Du moment qu'un homme commence à se reconnaître dans un autre, il ne peut plus considérer cet autre comme un étranger."

Lundi 11 octobre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/heroine.jpgRésumé : Ce récit sur les affres de la passion met en scène une jeune femme de 32 ans qui décide de renouer avec Iris, une jeune fille de 22 ans, avec laquelle elle avait vécu une aventure brève, une rencontre physique d'une rare violence, cinq ans auparavant. Mais, Iris est toujours aussi insaisissable. Elle promet, ne tient jamais, annule, débranche son téléphone, mais rappelle à la dernière seconde.

Quatrième de couverture /extrait de critiques :
«Les histoires d'amour finissent mal en général. Celles entre filles n'échappent pas à la règle. Surtout lorsque l'une aime et l'autre pas... [...] Le nouveau roman d'Ann Scott, écrit au scalpel et à coups de SMS non retournés, est plus addictif que jamais. Mieux : il aspire à l'universel.» SENSO

«Ann Scott renoue pulpeusement avec ses jeux interdits et donne à son succès Superstars une suite, peut-être même une fin.» SANDRINE MARIETTE - ELLE

«L'héroïne est aussi attachante que pathétique. Ann Scott possède le sens du détail qui tue. Son récit rageur se lit d'une seule traite, comme la chronique acide des errements amoureux d'aujourd'hui.» François Vey - LE PARISIEN

Mon avis : Un livre écrit simplement, qui se lit vite, et qui m'a beaucoup touchée parce que je m'y suis énormément reconnue ; bon, il m'a surtout déprimée en fait, parce qu'il a ravivé pas mal de souvenirs personnels pathétiques ; Iris, la jeune femme dont est amoureuse l'héroïne de ce roman, ne cesse de la faire tourner en bourrique en lui posant des lapins, en reportant indéfiniment des rendez-vous, et elle justifie son comportement infâme en enchaînant les prétextes minables... tout à fait mon ex ^^ ! Et l'héroïne, amoureuse transie, est aussi hystérique et obsessionnelle que j'ai pu l'être, elle renoue sans cesse le contact, gobe des mauvaises excuses aberrantes, et va ainsi d'espoirs en désillusions, mais les déceptions sont de plus en plus lourdes. On sait d'avance comment ça va finir (enfin à peu près), mais peu importe, là n'est pas l'intérêt du roman.

L'auteur dépeint de façon très juste, très réaliste cette d'histoire d'amour merdique, foutue d'avance. Pour qui n'a jamais vécu quelque chose de ce genre, le livre paraîtra sans doute très répétitif, puisque cette histoire d'amour n'en finit pas...  de ne pas commencer. Et l'héroïne vous paraîtra sans doute idiote. Si j'avais lu ça quand j'étais en plein dedans, peut-être que ça m'aurait aidé à décrocher, peut-être... ou pas : je suppose que j'aurais tout autant aimé ce roman, mais j'aurais pensé "haan j'ai vraiment une vie trop romanesque trop bien" (lol).

J'ai aussi bien aimé le fait qu'il s'agisse d'une histoire d'amour entre filles ; ce n'est pas essentiel (la preuve, mon ex est un garçon mais il était tout à fait comme ça), mais ça change un peu, et surtout ça me parle, globalement, j'ai beaucoup apprécie les passages érotiques du bouquin (qui ne manquent pas). Le thème de la drogue apparaît aussi (en fait je n'avais pas lu la quatrième de couverture et je pensais donc que c'était le sujet principal du roman, à cause du titre), mais finalement assez peu. La fin ne m'a pas vraiment convaincue, j'aurais bien aimé qu'un rebondissement plus extrême vienne clôturer tout ça. Là les choses s'arrêtent bien certes, mais c'est un peu mou. (remarquez, la fin de mon histoire d'amour a été tout aussi molle hein ^^)

Un livre qui m'a donc beaucoup accrochée, car il a éveillé en moi une sorte de nostalgie malsaine ; je me suis complètement identifiée à la narratrice, d'autant plus que la narration en rajoute une couche : tout le livre est écrit à la deuxième personne du singulier... procédé qui devient de plus en plus courant apparemment et qui marche à tous les coups avec moi, cf mon, admiration pour Un homme qui dort de Perec ! Je ne saurais donc pas juger de façon objective le style, dans quelques années si je relis possible que je trouve ça naze et sans aucun intérêt littéraire... là, j'ai joué la carte du bovarysme à fond. Ce livre est paraît-il la suite de Superstars, livre que je n'ai pas lu et dont le sujet me tente moins que celui-ci, mais peut-être que je le lirai un jour si j'en ai l'occasion...

Je remercie donc de nouveau Matilda qui a touché en plein dans le mille en m'envoyant ce petit roman pas prise de tête (qui convenait tout à fait au moment où je l'ai lu : la fin du Read-A-Thon) mais plein d'émotions pour moi ! (tout de même je me questionne, qu'est-ce qui t'a indiqué que je l'aimerais ? j'avais pourtant pas déballé ma vie sentimentale passée ici... ni clairement évoqué mon attirance pour les filles... si ? xD)

Extrait :
"Au réveil suivant, en constatant qu'il est midi passé, tu es anéantie. Depuis toujours, tu dois te mettre au travail dès le matin. Tu n'as jamais pu t'expliquer pourquoi, mais si tu n'as pas la journée entière devant toi, une chape de plomb te tombe dessus et tu restes à regarder la journée filer sans trouver le moyen d'entrer dedans. Tu te sens alors comme paralysée, et à mesure que les heures passent, le dégoût qui te submerge devient si palpable, si épais, visqueux, gluant, que tu te retrouves empêtrée sans savoir comment t'en défaire. Même tendre la main pour allumer la télé demande un effort que tu ne peux fournir."

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"La lecture suffit pour arrêter l'intelligence, la nourrir, l'élever, la purifier ; quoique peu fatigante, elle suffit pour éloigner l'oisiveté." Henri Lacordaire

Un livre au hasard

Il ne se passait rien...
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