Mercredi 1er septembre 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/uneformedevie.jpg(lu le 20 août)

Quatrième de couverture : "Ce matin-là, je reçus une lettre d'un genre nouveau." Amélie Nothomb.

Mon avis : comme à chaque rentrée littéraire, le dernier livre d'Amélie Nothomb sort ; je m’étais dit que j’attendrais de l’emprunter en bibli mais finalement mon père me l’a offert ^^
Sans surprise, Amélie nous propose une fois de plus une œuvre brève… pourtant cette œuvre-ci m’a paru plus longue que d’autres… peut-être parce qu’elle est moins entraînante ? Parce qu’autant le dire d’emblée : si j’ai savouré dans ce dernier cru certains traits nothombiens, je n’ai cependant pas dévoré ce roman.
 
Ce roman relate une correspondance entre Amélie Nothomb et un soldat américain obèse basé en Irak ; l’obésité et la boulimie qui la cause sont décrites de façon intéressante, plusieurs raisons psychologiques à cette faim excessive sont avancées, de façon poétique, le soldat finira même, suite à des lettres d’Amélie, par considérer son propre corps déformé comme son œuvre d’art. Le roman est constitué des lettres du soldat, des réponses d’Amélie, et (j’ai presque envie de dire « surtout », même si du point de vue de la quantité ce n’est pas l’essentiel), de commentaires d’Amélie Nothomb : commentaires des lettres du soldat, commentaires des réponses qu’elle lui fait, et de manière plus générale, des réflexions sur l’art épistolaire, sur la relation qu’elle a avec ses correspondants, et plus largement, avec ses lecteurs.
 
C’est cet aspect qui n’a pas su me séduire, en fait, mes sentiments sont partagés : d’un côté j’ai été ravie d’en savoir plus sur la façon dont elle envisage l’acte de correspondre avec quelqu’un, la question difficile du rapport à l’autre est encore développée et certains passages m’ont beaucoup plu ; et au fond, je crois que ce roman a accru mon envie secrète de lui écrire un jour ; mais d’un autre côté, certaines de ses paroles (je dis paroles car l’ensemble de ses commentaires m’a plus fait penser à une conversation qu’à un discours romanesque) m’ont agacée. J’ai été un peu rebutée par sa sévérité, et l’exaspération qu’elle dit ressentir à la lecture de certaines lettres, blâmant certaines maladresses sans pitié, du genre « si on m’écrit ceci, je mets la lettre à la poubelle sans aller plus loin » (citation absolument pas exacte, je paraphrase de façon éhontée là). Je comprends bien que vu la quantité de courrier qu’elle reçoit, elle doit trier, et qu’elle est devenue exigeante au fil du temps ; je devrais plutôt applaudir sa sincérité… mais je n’ai pas arrêté de penser malgré moi « bon sang, quelle pression pour ceux qui lui écriront à l’avenir ! »
 
 Parfois j’ai même été jusqu’à penser que si elle exposait tant ce qui lui plaisait, ce qui lui déplaisait dans une lettre, c’était plus pour informer ses lecteurs potentiellement futurs correspondants de ce qu’elle voulait que pour servir l’intérêt du roman. Le décalage entre ce qu’elle pense d’une lettre, et ce qu’elle répond m’a aussi parfois choquée, sans doute parce que j’ai personnellement du mal à ne pas être sincère quand j’écris... mais je dois aussi admettre que je ne corresponds qu’avec des personnes qui me sont agréables, aussi si je devais correspondre avec des inconnus, j’injecterais peut-être moi aussi une dose d’hypocrisie à mes réponses pour ne pas blesser mes interlocuteurs… je suis une bien piètre épistolière alors je pense que je ne suis pas bien placée pour juger la manière dont elle procède, mais j’ai cependant parfois été gênée. Pourtant, elle est aussi très humaine Amélie, et justement désireuse de ne pas heurter les autres si ce n’est pas nécessaire, et si elle n’a pas été poussée à bout… c’est pourquoi mes sentiments sont si emberlificotés que j’ai dû mal à les démêler.
 
Le narcissime d’Amélie Nothomb ,que personne n’irait nier et que beaucoup de monde lui reproche, m’a toujours charmée, mais dans ce roman-ci il m’a fait un effet moins agréable ; l’auteur parle ici en son nom propre et il est donc difficile de distinguer ce qu’on a envie de croire, de ce qui est exagéré et fictif ; même si la correspondance avec ce soldat est à mon avis imaginaire (je ne conçois pas le contraire en fait), Amélie brouille volontairement les pistes, et finalement nous dupe comme son personnage sera dupé ; la fin, qui sur le coup m’a épouvantablement frustrée, est en fait un habile pied-de-nez à tout ce qui précède, et avec du recul je l’apprécie (même si une méchante petite voix me dit que c’est aussi une manœuvre forcée, elle n’aurait pas pu finir autrement, sinon il aurait fallu au moins trente pages de plus pour conclure et on aurait alors dépassé la longueur habituelle des romans nothombiens) ; mais la présence de l'auteur est trop explicite pour moi, je crois bien que j’ai besoin du filtre de la fiction ou plutôt, du filtre de la littérature, pour vraiment aimer Amélie.

Elle écrit elle-même que certains auteurs gagnent à être connus, mais que pour d’autres, il vaut mieux se contenter de leur prose ; j’ai déjà eu l’occasion d’entendre certaines des ses interviews, je les ai appréciées, mais rien à voir avec l’admiration énorme que j’ai pu ressentir à la lecture de certains de ses romans (et je n’exclus absolument pas de mes favoris ses romans les plus autobiographiques : tout en Amélie est susceptible de m’intéresser pourvu que ses textes revêtent un style particulier, le masque de la littérature, masque qui n'en est peut-être pas vraiment un et révèle au contraire ce qui n'est pas accessible autrement) ! Et en lisant Une forme de vie, j’ai eu le sentiment d’avoir plus affaire à l’Amélie « people » qu’à l’Amélie pure romancière, et c’est ce qui explique pourquoi je pense que je ne pourrais jamais véritablement l’adorer (même si je le répète, certains passages m'ont beaucoup plu, un passage de dialogue avec elle-même vers la fin par exemple me fait beaucoup rire). Et je ne m’en fais pas, ce roman ravira sans doute une catégorie de lecteurs plus fans que moi de la personnalité « quotidienne » de l’auteur, et celui de l’année prochaine aura peut-être un style plus "fictif" !
 
Extraits :
 
"Un artiste qui ne doute pas est un individu aussi accablant qu'un séducteur qui se croit en terrain conquis."

"Rares sont les êtres dont la compagnie m'est plus agréable que ne le serait une missive d'eux (...). "Vous n'aimez pas les gens en vrai", m'a-t-on déjà sorti. Je m'insurge : pourquoi les individus seraient-ils forcément plus vrais quand on les a en face de soi ? Pourquoi leur vérité n'apparaîtrait-elle pas mieux, ou tout simplement différemment, dans l'épître ?"

"Je suis un être capable d'aller très loin au nom de ses conviction sémantiques. Le langage est pour moi le plus haut degré de réalité."
Par cristaux-de-verre le Mercredi 1er septembre 2010
J'ai hâte de découvrir ce nouveau roman ! Ton avis est très intéressant à lire et retranscrit parfaitement ce que je ressens parfois en lisant certaines remarques très autobiographiques que place Amélie Nothomb dans ses romans.
J'avoue être très curieuse de découvrir cet échange épistolaire !
Par B0uille le Mercredi 1er septembre 2010
Je vois ce que tu peux reprocher à cet ouvrage. Je me suis parfois fait les mêmes réflexions, et puis cette histoire de soldat m'a emportée tout de même, je veux dire, le déroulement, et la fin, c'est un sacré retournement de situation. Après le côté très narcissique commence à devenir une habitude, il faut y voir le second degré, ce n'est pas toujours évident dans ce roman =)
Par Raison-et-sentiments le Jeudi 2 septembre 2010
Je l'ai également lu et ... et j'en pense la même chose que toi. Le filtre entre le personnage public et celui qu'elle peut jouer dans d'autres romans, genre Le voyage d'hiver, ou alors Ni d'eve ni d'adam (mais dans façon purement autobiographique on s'y retrouve je pense) n'est pas péis et m'a ennuyée.
On ne sait pas trop quoi penser et j'ai eu plus l'impression de lire des propos mondains qu'autre chose.
M'enfin après la somme de romans qu'elle a écrit, il y en a forcément quelques uns qui plaisent moins (moi c'est Peplum ((quoi qu'il faudrait que je le relise)) et Stupeur et tremblements ((je n'ai jamais compris tout le chambardement qu'on fait autour)) ) que d'autres. Mais enfin, je me prononcerais vraiment quand je le relirais ...

Sinon au fait, dans mon école (au BTS Edition et fabrication du livre => pas très glamour, on ne devient pas éditeur mais technicien de fabrication) les prof nous ont plusieurs fois parler d'auteurs et apparemment Nothomb, pour eux, c'est juste de la sous-merde ... vaut mieux pas répondre ....
Par Grazyel le Vendredi 3 septembre 2010
Je n'aime pas Amélie Nothomb, je ne sais pas si cela va influencer sur ce que je vais dire mais : rien qu'avec les extraits que tu as mis, je trouve que cette auteur a un style et une écriture prétentieuse... Ca me déprime. Sa façon d'utiliser les mots en devient presque pathétique, je suis tellement exaspérée que j'en oublie le message qu'il peut y avoir...
Ce n'est donc pas avec ce livre que je me réconcilierai avec Nothomb (et dire que je l'aimais bien à l'époque, aimant la chanteuse Robert).
Je sais très bien que l'on peut me répondre "tu n'as pas lu le livre, ce ne sont pas avec quelques extraits que tu peux en venir à cette conclusion", mais honnêtement, Amélie Nothomb fait partie de ces écrivains qui ne passent pas, pour moi. Même une amie à moi, grosse dévoreuse de livres, a trouvé ce livre vide, bâclé et d'une police grossie juste pour parvenir à faire une centaine de pages...
Par Electra the real one le Dimanche 3 octobre 2010
@Raisonsetsentiments : C'est effectivement ce que j'ai entendu dire sur elle, que c'est de la "m". Moi j'aime effectivement beaucoup la personne d'Amélie Nothomb, je la regarde dès qu'elle passe à la télévision et je la trouve fascinante. Elle mène une vie de nonne, se lève tous les jours à 4h et répond à ses lecteurs. Combien d'auteurs répondent à leurs lecteurs ? J'imagine qu'au nombre de livres écrits, il y a en a des ratés, moins réussis mais elle accepte de mettre sa vie à nu, et de correspondre avec des inconnus. J'imagine que tous ceux qui lui écrivent ne lui envoient pas uniquement des fleurs. J'ai lu ses premiers écrits (je faisais du baby-sitting un été et la maman possédait tous ses romans), j'avais aimé ses premiers écrits, aimant beaucoup le Japon, mais j'ai lâché après. Et puis, j'ai aimé ce que tu dis sur elle, narcissique, hautaine, bref humaine tout simplement. Les gens voudraient qu'elle soit non seulement un écrivaine parfaite mais aussi une personne parfaite. Quand je la vois en interview (thé et café par exemple ou sur Arte), j'ai découvert quelqu'un d'autre. Assez isolée finalement. Bon, je ne mets pas en doute que son livre peut être raté, c'est l'avis général. Mais j'aimerais toujours le fait qu'elle assume ce qu'elle est, au risque de déplaire.
Par Lalou le Mardi 2 novembre 2010
Ah tiens, moi par contre c'est justement cette ambiguité entre la vraie Amélie Nothomb et le personnage joué dans le roman qui m'ont séduite. Oui, sa correspondance est fictive, donc les réactions, et tout ce qui tourne autour aussi, par contre il y a beaucoup de vrai dans ce roman, beaucoup de choses qui expliquent qui est Amélie Nothomb en 2010...
Beaucoup de lecteurs lui reprochaient de centrer ses autobiographies sur des années plutôt lointaines, elle a voulu leur répondre au travers de ce livre très réussi, selon moi :)
 

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