(lu le 15 août)
Quatrième de couverture : " Toute ma vie je m'ai moquée de ce que les gens pensaient de moi. Mais dans mon coeur, c'était important Dieu qu'est-ce qu'il pensait. Et voilà maintenant j'ai compris, il pense pas, il se prélasse là-haut, assis sur son trône à faire la sourde oreille." Célie est née sous de tristes auspices. Hier régulièrement violée par son père et aujourd'hui négligée par son mari, elle ne connaît des hommes que leurs pires travers. L'amour, pour elle, c'est d'abord Shug, une merveilleuse chanteuse de blues qui saura l'extraire de sa pauvre vie. C'est aussi Nettie, sa soeur, missionnaire en Afrique, avec laquelle elle correspond sans relâche. L'amour, c'est encore le bon Dieu, à qui elle s'adresse parfois, même si elle a l'impression qu'il la laisse un peu tomber.
Mon avis : un livre que j’ai envie de lire depuis que j’ai vu un extrait du film au lycée (ça commence dont à faire un moment), et qui se présente comme un roman épistolaire bien particulier ; d’abord les lettres de Celie sont adressées à Dieu (le titre de la première édition française était d’ailleurs Cher Bon Dieu), puis elle les adresse à sa sœur, Nettie, et vice-versa, mais toutes ces lettres ne parviennent jamais à destination (ou alors, bien des années après leur écriture) ; il s’agit donc plus de lettres-monologues où Celie - la majeure partie des lettres sont d’elle, la première lettre de Nettie n’apparaît qu’à la page 100 (sur 250) – raconte ce qui lui arrive, le tout m’a fait penser à un journal intime tenu irrégulièrement.
L’absence de dates est ce que je reprocherais en premier à ce roman : dans la première lettre Celie a 14 ans, quelques pages après, elle en a vingt, et ce n’est qu’au détour d’une phrase qu’on l’apprend… un peu avant la fin, l’une des sœurs (je crois que c’est Nettie) parle de ses cheveux blancs et on apprend qu’une trentaine d’années s’est écoulée, et même si on sent que le temps passe puisqu’il est souvent question d’enfants qui grandissent, je ne m’étais pas vraiment rendu compte du nombre d’années que le tout représentait ! Si les lettres avaient été datées, je me serais peut-être repérée plus facilement.
Je n’ai pas non plus aimé le début, que j’ai trouvé trop pathétique et en même temps trop froid : dès la deuxième page, Celie nous informe que sa mère va mourir, que son père la viole fréquemment, qu’il lui a fait deux enfants qu’il lui a aussitôt enlevés, sûrement pour les tuer. Evènements qui font déjà bien froid dans le dos, et qui ne sont assortis d’aucun commentaire, d’aucune plainte, ils sont énoncés de façon rapide et détachée, c’est à se demander d’abord si Celie n’est pas complètement insensible voire attardée ! (j’exagère un peu et la suite nous montre le contraire mais en lisant les toutes premières pages c’est vraiment ce que j’ai pensé tant j’ai senti un décalage entre les faits atroces et la façon de les dire !)
Pendant un bon bout de temps encore, Celie (qui est la véritable héroïne du roman) m’a agacée ; les malheurs s’enchaînent pour elle, mais elle ne cherche pas à se battre, elle courbe l’échine et ne semble pas avoir une meilleure opinion d’elle-même que ses bourreaux ; ce n’est vraiment qu’avec l’arrivée de Shug, une femme charismatique au caractère bien trempé et indépendant (tout le contraire de Celie a priori) que la vie, et surtout le cœur de Celie va être bouleversé, et que mon avis plutôt négatif a changé. Au fil des années, les personnages prennent de l’épaisseur, deviennent moins manichéens (pendant longtemps la plupart des femmes sont soumises et la plupart des hommes, brutaux), et suivre leur évolution et leurs aventures m’a beaucoup plu, le roman s’est révélé finalement bien plus prenant que les premières pages ne le laissaient présager !
Les lettres de Nettie, qui nous racontent son périple de missionnaire en Afrique, sont passionnantes, elles nous font vivre auprès de ceux qui sont alors considérés comme des "indigènes" ; des relations se nouent, et à travers ce roman très humain, les personnages se posent finalement pas mal de questions d’importance à propos des relations entre les Blancs et les Noirs, les « civilisés » et les « indigènes », les hommes et les femmes, et tous les êtres humains en général avec la nature et la spiritualité ; réflexions nouées à propos de situations concrètes, dans un style simple et très oral (les lettres de Celie surtout garderont toujours un ton assez innocent, lié au tempérament particulier de Celie, et à son manque d’instruction et de connaissance du monde extérieur, même si les choses progresseront au cours du roman).
Une lecture positive donc, j’ai mis du temps à vraiment m’attacher à l’héroïne, mais j’ai adoré le personnage de Shug, certaines situations, et la sensation globable d’évolution que nous donne l’ensemble du roman.
Extrait :
"Maintenant que mes yeux sont ouverts, je me sens toute bête. Si je compare la méchanceté de Mr... à côté de n'importe quelle petite plante du jardin, elle paraît plus si importante. Mais pas rien du tout non plus. Shug a raison quand elle dit qu'y faut d'abord chasser l'homme de devant son oeil pour y voir plus clair.
L'homme il se met partout et il pourrit tout. Il est sur ta boîte de céréales, dans ta tête, sur toutes les radios. Il veut te faire croire qu'y a que lui partout. Et quand tu le crois, alors tu penses que Dieu c'est lui. Mais c'est pas vrai. Donc quand t'as envie de prier et que l'homme se met devant toi comme si c'était lui, envoie-le balader. Pense aux petites fleurs, au vent, à l'eau, à un gros caillou."
Extrait :
"Maintenant que mes yeux sont ouverts, je me sens toute bête. Si je compare la méchanceté de Mr... à côté de n'importe quelle petite plante du jardin, elle paraît plus si importante. Mais pas rien du tout non plus. Shug a raison quand elle dit qu'y faut d'abord chasser l'homme de devant son oeil pour y voir plus clair.
L'homme il se met partout et il pourrit tout. Il est sur ta boîte de céréales, dans ta tête, sur toutes les radios. Il veut te faire croire qu'y a que lui partout. Et quand tu le crois, alors tu penses que Dieu c'est lui. Mais c'est pas vrai. Donc quand t'as envie de prier et que l'homme se met devant toi comme si c'était lui, envoie-le balader. Pense aux petites fleurs, au vent, à l'eau, à un gros caillou."
Je sais pas si je t'avais raconté mais au moment de mon déménagement avec mes parents en banlieue parisienne, on a trouvé 2 gros cartons remplis de livres qui étaient dans notre camion emprunté. Mais le plus mystique c'est que au moment de l'emprunt, le camion était absolument vide, et donc il ne me reste plus qu'à penser qu'une âme charitable me les a offert ;) Et ce livre d'Alice Walker était dedans (avec "Le haut de Hurle-vent" aussi et pleins d'autres).. Et je m'étais toujours dit que si X avait posé ces livres ici, c'était pour que je les lise.. Donc, voilà, tu me rappelle que celui là je l'ai dans un coin :) Merci!
PS : C'est drôle de noter ton net penchant pour les femmes entreprenantes et fortes! Tout ce qu'on voudrait devenir, toi et moi, non?