Lundi 28 septembre 2009

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/002.jpgQuatrième de couverture : Holly Golightly, sorte de femme-enfant venue du Texas, mène un vie légère, s'attirant les faveurs d'hommes protecteurs. Elle aime flâner chez Tiffany, où tout est beau pour elle. Mais derrière cette frivolité apparente, se cache un femme blessée, condamnée à la solitude. Une des oeuvres maîtresses de Truman Capote.

Mon avis : je ne connaissais cet auteur que de nom (et encore, ça ne fait pas longtemps), et j'ai commencé ce livre sans savoir de quoi il parlait. Le titre me faisait m'attendre à une histoire frivole mettant en scène des personnages de la haute société... je ne m'attendais donc pas à une telle rencontre ! Car j'ai eu un véritable coup de foudre pour Holly, cette jeune fille paumée irrésistible, qui sera désormais l'une de mes héroïnes préférées, au même titre que Lolita, Catherine Earnshaw ou Sophie (celle de Styron)... sa relation avec son voisin (le narrateur de ce roman) m'a captivée, et ce roman a réussi à me surprendre, à me remuer... J'ai eu du mal à retenir mes larmes à certains passages... le style aussi m'a enchantée, tout à fait le genre d'écriture qui me tient en haleine, me donne envie de relire des passages... Un livre qui je pense, me marquera beaucoup, voir le mot "fin" m'a fait un choc, mon plus gros coup de coeur depuis Reflets dans un oeil d'or de McCullers ! (je pense que vous avez compris que j'ai adoré ^^)

Film : je sais qu'il y a eu une adaptation avec Audrey Hepburn dans le rôle de Holly, je la verrai sûrement un jour mais j'ai peur d'être déçue... pour le moment je n'imagine pas du tout Audrey Hepburn - dont je ne connais que quelques photos, soit dit en passant - dans le rôle de Holly.

Mardi 10 novembre 2009

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/pauline.jpgQuatrième de couverture : "Pauline était vêtue de brun avec une petite collerette d'un blanc scrupuleux et d'une égalité de plis vraiment monastique. Ses beaux cheveux châtains étaient lissés sur ses tempes avec un soin affecté ; elle se livrait à un ouvrage classique, ennuyeux, odieux à toute organisation pensante : elle faisait de très petits points réguliers avec une aiguille imperceptible sur un morceau de batiste dont elle comptait la trame fil à fil. La vie de la grande moitié des femmes se consume, en France, à cette solennelle occupation."

Mon avis : mmmh, je reste perplexe. Un roman qui montre qu'on ne peut pas se fier aux apparences, que celles qui semblent les plus honnêtes et les plus vertueuses au départ peuvent être manipulées et se montrer injustes, que leur orgueil détestable peut être caché par un masque d'humilité et de vertu, masque qui peut très bien tromper les autres et les tromper elles-mêmes. Un roman assez différent des autres oeuvres de George Sand que j'ai lues jusqu'ici : dans la petite Fadette et la Mare au Diable, les personnages sont simples, plein de bons sentiments, l'histoire, assez prévisible, était mignonne, bucolique, désuète ; je n'ai pas eu cette impression avec ce roman-ci : difficile de savoir comment tout cela va finir, difficile de voir clair au milieu de cette amitié faussée... mais ce contraste entre les différentes oeuvres de George Sand est en fait cohérent : si on y réfléchit : à la campagne, les moeurs seraient plus pures et simples qu'en ville, lieu d'intrigues où ne peut s'épanouir Pauline, jeune provinciale douce  et exemplaire au début, jetée dans le monde, sa véritable nature se révèle alors, et au final on est incapable de la juger tant la situation trouble semble dure à gérer...

Je me suis sentie parfois aussi perdue que les personnages l'étaient eux-mêmes. Une histoire intéressante d'un point de vue psychologique, mais je trouve que le tout manque un peu de clarté, surtout à la fin où les évènements et revirements de situations se sont enchaînés peut-être un peu trop vites pour moi...

Samedi 14 novembre 2009

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/41XG4QXGGALSS500.jpg

~> CHALLENGE ABC 2009, lettre L - 22ème livre lu <~


 
Quatrième de couverture : Un condamné à mort attend son heure derrière les barreaux, et s'évade par la pensée en revivant ses "vies antérieures" ...
Légionnaire romain dans la Palestine de Jésus, pirate à bord d'un vaisseau viking, bourgeois de Paris sous Louis XIII, époux d'une princesse coréenne, gamin assistant au massacre d'une caravane de pionniers, naufragé sur une île déserte... Dans tous les cas, le héros récurrent se trouve être le témoin privilégié de l'injustice du destin et de la folie des hommes. Ainsi pourra-t-il, à la fin du roman, marcher le sourire aux lèvres vers la corde qui l'attend. La mort qu'on veut lui infliger pour le punir d'avoir "agressé" un maton, il la ressent désormais comme une délivrance...
Une fable violente, toute de bruit et de fureur - mais surtout un hymne aux puissances de l'Imaginaire.
Selon Francis Lacassin, préfacier de la présente édition : le plus grand roman de London avec Martin Eden.
 
 
Mon avis : dans ce roman-mémoires le narrateur ne cesse de s'adresser à son lecteur, et j'ai aimé cette impression d'être impliquée ainsi, cela rend la narration plus vivante, et le héros m'a vraiment paru sympathique. Ce roman est très riche, il offre à la fois une vision très complète de ce que le narrateur subit en prison, vision plutôt pathétique et réaliste, même s'il tourne souvent ses gardiens en ridicule et décrit des trucs atroces avec ironie... et les évocations de ses multiples vies antérieures nous donnent l'impression, au contraire, de se retrouver dans un roman d'aventures, bien loin de son quotidien terrible de détenu. Tout comme Darrell Standing parvient à s'extirper de ses séances de torture en revivant ses autres vies, en lisant ce roman je me suis retrouvée très loin de ma chambre en lisant ses aventures, qu'il s'agisse de sa vie actuelle ou des autres, et je pense que certains épisodes me marqueront...
Seuls deux passages m'ont moins plu : l'épisode où il rencontre Jésus m'a paru un peu long, et vers la fin, quand il parle de ses différentes vies dans des tribus préhistoriques, cela m'a paru un peu trop décousu et répétitif... j'ai aussi trouvé un peu dommage qu'il ne raconte que ses vies d'homme, aucune de ses vies en tant que femme n'est racontée ! Mais à part ces passages que j'ai trouvés moins réussis, je me suis vraiment régalée :p
A partir de ses aventures, le narrateur conclut à une universalité de l'homme, quelles que soient les époques et lieux où il vit, et s'efforce de trouver ce qui unit son Moi en cherchant des points communs entre toutes ses vies... ces réflexions plus philosophiques m'ont intéressée, et elles s'intègrent bien à l'intrigue et, même s'il ne cesse de répéter le sort qui l'attend (la pendaison), le livre se clôt sur une dédramatisation de la mort plutôt optimiste... un livre que j'ai trouvé passionnant, j'ai souffert et voyagé avec le héros, et au final il m'a donné le sourire :)

Mardi 29 décembre 2009

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lebruitetlafureur.jpg~> CHALLENGE ABC 2009, lettre F - 23ème livre lu <~
[ Matilda's Contest ]

Quatrième de couverture / extrait : oui je le hais je mourrais pour lui je suis déjà morte pour lui je meurs pour lui encore et encore chaque fois que cela se produit...
Pauvre Quentin
Elle se renversa en arrière appuyée sur ses bras les mains nouées autour des genoux
Tu n'as jamais fait cela n'est-ce pas
Fait quoi
Ce que j'ai fait
Si si bien des fois avec bien des femmes.
Puis je me suis mis à pleurer sa main me toucha de nouveau et je pleurais contre sa blouse humide elle était étendue sur le dos et par-delà ma tête elle regardait le ciel je pouvais voir un cercle blanc sous ses prunelles et j'ouvris mon couteau.

Résumé (amazon) : C'est avec cet ouvrage explosif que William Faulkner fut révélé au public et à la critique. Auteur de la moiteur étouffante du sud des États-Unis, Faulkner a réellement bouleversé l'académisme narratif en plaçant son récit sous le signe du monologue intérieur, un monologue d'abord "confié" à un simple d'esprit passablement dépassé par les événements qui se déroulent autour de lui. Confusément, les images qui lui parviennent font remonter ses souvenirs : il brosse de façon impressionniste et chaotique l'histoire douloureuse de sa famille. Vient ensuite le moment d'écouter les confessions de Quentin, son frère, exposant les raisons qui le pousseront à se donner la mort. D'amours déçues en déchirements, la fratrie (qui compte un troisième membre ayant lui aussi son monologue) se désagrège. Jouant subtilement avec les différences de registres en passant d'un personnage à l'autre, Faulkner conclut en tant que narrateur extérieur ce roman violent, où chacun se débat tant bien que mal sans réellement pouvoir se soustraire à un destin funeste.

Mon avis : Un roman difficile à lire, sachez-le d'emblée ; j'ai eu envie de l'inclure au challenge ABC parce que je le connaissais de nom et je trouvais le titre très beau, (et c'est une référence à Macbeth en fait : "La vie […] : une fable racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien." ). je me suis lancée dans cette lecture sans rien connaître de l'histoire mais au bout de quelques pages, j'ai déchanté, j'avais l'impression de ne rien comprendre, je n'arrivais pas à saisir qui était le narrateur, ni à quoi il faisait allusion ; alors, plutôt que d'abandonner ce livre, j'ai décidé de lire la préface proposée par le traducteur (chose que je fais très rarement), et je dois dire qu'elle m'a bien aidée, en donnant des informations sur la composition du roman, j'ai pu comprendre quel est le point de vue adopté dans chaque partie, et ça m'a semblé essentiel pour ne pas perdre le fil.

Ce roman nous montre - et j'utilise ce verbe à dessein car j'ai vraiment eu l'impression que tout nous était montré plus que raconté, et encore, pas vraiment montré, c'est à nous de nous approcher, je n'ai pas eu le sentiment que ce roman était vraiment tourné vers son lecteur , mais tant mieux - l'histoire terrible d'une famille du sud des Etats-Unis, une famille où chacun semble un peu fou à sa manière, où l'amour est aussi destructeur que la haine. Nous voyons successivement à travers les yeux d'un handicapé mental, Ben, de Quentin, son frère qui ne supportera pas le départ et le mariage de leur soeur bien-aimée, Caddy ; et dans la troisième partie nous avons le point de vue de Jason, leur autre frère, qui a eu l'impression de s'être sacrifié pour cette famille, et qui hait Quentin, la fille de Caddy qui est ensuite élevée chez eux. Il faut aussi prendre en compte les autres personnages : Caroline, la mère, Jason, le père et les serviteurs noirs : Roskus, Frony, le jeune Luster et surtout la bonne et dévouée Dilsey. 

Plusieurs personnages portent le même prénom, parfois la ponctuation est presque absente, le roman ne suit pas un ordre chronologique, les retours dans le passé se font de façon imprévisible, pensées au présent et souvenirs se mêlent sans logique, comme c'est le cas dans la réalité : ces monologues intérieurs demandent donc une certaine concentration au lecteur, qui ne peut pas tout comprendre (pas du premier coup en tout cas !) ; mais grâce à ce procédé d'écriture, c'est toute une atmosphère qui ressurgit sous nos yeux, sans les artifices de la narration traditionnelle, c'est au lecteur de s'adapter pour comprendre ce monde. Si parfois la lecture m'a semblé vraiment laborieuse, à d'autres moments j'étais vraiment "dedans" et j'ai été vraiment touchée par certains passages ; chaque partie est vraiment écrite avec un style, un regard différent, ce roman me semble vraiment très riche et je suis persuadée que je pourrais encore le relire plusieurs fois avant d'avoir le sentiment de l'avoir épuisé ; c'est une lecture qui demande un effort, mais un effort qui en vaut la peine !

Pour conclure je vais laisser la parole au traducteur (que je remercie infiniment !) : "Je ne crains pas, du reste, d'affirmer que la compréhension absolue de chaque phrase n'est nullement nécessaire pour goûter Le bruit et la fureur. Je comparerais volontiers ce roman à ces paysages qui gagnent à être vus quand la brume les enveloppent. La beauté tragique s'en accroît, et le mystère en voile les horreurs qui perdraient en force sous des lumières trop crues. L'esprit assez réfléchi pour saisir, à une première lecture, le sens de toutes les énigmes que nous propose M. Faulkner, n'éprouverait sans doute pas cette impression d'envoûtement qui donne à cet ouvrage unique son plus grand charme et sa réelle originalité."

Mardi 29 décembre 2009

Quatrième de couverture : Sur Manderley, superbe demeure de l'ouest de l'Angleterre, aux atours victoriens, planent l'angoisse, le doute : la nouvelle épouse de Maximilien de Winter, frêle et innocente jeune femme, réussira-t-elle à se substituer à l'ancienne madame de Winter, morte noyée quelque temps auparavant ? Daphné du Maurier plonge chaque page de son roman - popularisé par le film d'Hitchcock, tourné en 1940, avec Laurence Olivier et Joan Fontaine - dans une ambiance insoutenable, filigranée par un suspense admirablement distillé, touche après touche, comme pour mieux conserver à chaque nouvelle scène son rythme haletant, pour ne pas dire sa cadence infernale. Un récit d'une étrange rivalité entre une vivante - la nouvelle madame de Winter - et le fantôme d'une défunte, qui hante Maximilien, exerçant sur lui une psychose, dont un analyste aurait bien du mal à dessiner les contours avec certitude. Du grand art que l'écriture de Daphné du Maurier, qui signe là un véritable chef-d'oeuvre de la littérature du XXe siècle, mi-roman policier, mi-drame psychologique familial bourgeois.

Mon avis : Un beau roman, on s'attache vite à l'héroïne, même si j'ai trouvé qu'elle pensait parfois un peu comme une "petite adolescente" un poil trop trop sentimentale. Son mariage la fait évoluer, et j'ai trouvé très intéressant de la voir partagée entre ses rêves d'une vie idéale et sa lucidité croissante, qui donne lieu à un constat moins brillant de sa vie de couple. L'ombre de la femme défunte, Rebecca, s'impose de façon subtile mais est de plus en plus présente. Le personnage diabolique de Mrs Danvers (la femme de charge qui dirige la maison et adorait Rebecca) fait froid dans le dos et le lecteur a alors d'autant plus envie de soutenir l'héroïne tout timide, qui a bien du mal à s'adapter au milieu codifié et dominé par la peur du qu'en dira-t-on où elle a été jetée (son malaise avec les domestiques notamment est très bien décrit !)
Le rythme du roman change lorsque le mari, Maxim, se décide enfin à lui révéler des choses d'importance au sujet de la fameuse et obsédante Rebecca, et suite aux rebondissements concernant sa mort il y a un certain suspense ; même si j'avais deviné l'une des péripéties, l'essentiel est bien ficelé et captivant. En somme j'ai beaucoup aimé ce roman, séduisant par son intrigue riche en surprises, par le portrait de ses personnages (j'ai particulièrement apprécié le fait que l'héroïne imagine sans cesse d'hypothétiques situations) ; le style m'a peut-être un peu déçue, si l'ensemble m'a paru bien écrit, certaines formules un peu cliché et mélo comme "le soleil était plein de promesses" m'ont semblé maladroites, mais finalement elles sont assez en accord avec la personnalité un peu naïve de la narratrice. A présent, j'aimerais beaucoup voir l'adaptation d'Hitchcock ! (d'autant plus que Laurence Olivier, que j'adore dans les Hauts de Hurlevent de William Wyler, joue le rôle de Maxim ! :p)

Samedi 2 janvier 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/aubonheurdesdames.jpg(Challenge ABC 2009, lettre Z - 24ème livre lu, en retard)

Résumé :
Octave Mouret affole les femmes de désir. Son grand magasin parisien, Au Bonheur des Dames, est un paradis pour les sens. Les tissus s'amoncellent, éblouissants, délicats, de faille ou de soie. Tout ce qu'une femme peut acheter en 1883, Octave Mouret le vend, avec des techniques révolutionnaires. Le succès est immense. Mais ce bazar est une catastrophe pour le quartier, les petits commerces meurent, les spéculations immobilières se multiplient. Et le personnel connaît une vie d'enfer. Denise échoue de Valognes dans cette fournaise, démunie mais tenace. Zola fait de la jeune fille et de son puissant patron amoureux d'elle le symbole du modernisme et des crises qu'il suscite. Zola plonge le lecteur dans un bain de foule érotique. Personne ne pourra plus entrer dans un grand magasin sans ressentir ce que Zola raconte avec génie : les fourmillements de la vie.

Mon avis : Emile, je t'aime. C'est ce que j'ai pensé en lisant ce roman. Pourtant, ça n'était pas gagné : certes, j'avais entendu beaucoup de bien de cette œuvre, mais au départ le résumé ne me tentait pas du tout.... les histoires où il est question de commerce, très peu pour moi, me disais-je. Mais j'ai l'impression à présent qu'Emile pourrait me parler d'à peu près n'importe quoi, il arriverait à me captiver ! Ce qui m'a plu au départ, bien plus que le cadre (qui est essentiel), c'est l'histoire de ces trois gamins débarqués à Paris sans le sou : Denise, 20 ans, toute chétive et maternelle, son frère Jean, un bel adolescent, et Pépé, l'adorable petit. Quand on apprend  (au tout début) que Baudu, un des commerçants que Le Bonheur des Dames ruine, est l'oncle de Denise, je me suis dit aïe aïe aïe : il était évident que notre héroïne, qui cherche une place de vendeuse, allait devoir faire son choix, entre les petites boutiques traditionnelles, et le grand magasin.
J'ai eu donc peur pendant un instant que l'auteur nous offre une vision manichéenne du commerce de l'époque, avec le Bonheur des Dames comme grand méchant loup d'un côté, et les petites boutiques au bord de la faillite comme des victimes qu'il faut plaindre, de l'autre. Heureusement, Zola a eu la très bonne idée de nous offrir quelque chose de beaucoup plus subtil ; loin de diaboliser le Bonheur des Dames (qui est cependant plusieurs fois qualifié de "monstre" à cause de son gigantisme), il en décrit le charme à la perfection, et même moi qui ne suis guère une adepte du shopping, je me suis prise à rêver chiffons pendant ma lecture ! On comprend donc bien vite que Denise est du côté du grand magasin, tout en gardant du respect et de la compassion pour le camp adverse, ce qui nous donne un tableau très humain de l'ensemble. Les nombreuses descriptions, loin de m'ennuyer, m'ont séduite, et j'admire le talent de portraitiste de Zola qui est quelques mots parvient à nous présenter un personnage, toujours différent de tous les autres.
Ce roman confirme donc mon amour pour Zola, que j'admirais déjà énormément pour Thérèse Raquin et l'Assommoir (j'avais aussi lu Germinal, je l'avais aimé mais avais eu un peu de mal à le lire quand même, je pense que j'étais trop jeune pour l'apprécier, il faut que je le relise !) J'ai été peut-être un peu moins captivée par la fin, qui est quand même assez prévisible : mais je garderai de ce roman un souvenir enchanté, ne serait-ce que grâce du style de Zola ! Un jour je pense que je reprendrai les Rougon-Macquart dès le début, pour tous les lire, et dans l'ordre :p

Mercredi 20 janvier 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lucienleuwen.jpgQuatrième de couverture : Chassé de l'École polytechnique dans les années 1830, Lucien Leuwen, grâce aux relations de son père, riche banquier parisien, obtient de devenir sous-lieutenant et gagne Nancy. Tandis que son régiment de lanciers entre dans la ville, il aperçoit, derrière une persienne entrouverte, une jeune femme blonde, Mme de Chasteller. Lui qui se croyait insensible à l'amour va s'éprendre d'elle et, lorsqu'une nouvelle carrière fera suite à sa vie d'officier de province, il n'oubliera pas cette passion. Ce roman qui s'ouvre sur la délicate peinture des premiers sentiments de Lucien pour Bathilde, avant de faire place à cette comédie qu'est la politique et dont l'auteur s'amuse, Stendhal le commence en 1834, puis, après l'avoir quasiment achevé, l'abandonne sans le corriger. Lucien Leuwen est ainsi demeuré un manuscrit de travail, avec lequel les éditeurs posthumes ont pris leurs libertés. Pour la première fois, la présente édition le propose tel qu'il est, accompagné des annotations de Stendhal : jugements, repentirs ou désirs. Ainsi se découvre une œuvre en train de se faire entre le galop et la bride : entre l'écriture spontanée et le moment de l'évaluation critique.

Mon avis : je dois lire ce roman pour la fac (cours de littérature du XIXème siècle) et j’appréhendais assez cette lecture, j’aime en général les gros romans avec un style passé mais le côté "politique" me faisait peur ; mais finalement ce pavé de 800 pages est plutôt sympathique. La lecture des 150 premières pages environ a été un peu pénible ; la quatrième de couverture dit que « ce roman s’ouvre sur la délicate peinture des premiers sentiments de Lucien pour Bathilde » : mais que nenni ! Avant ces passages passionnants, on a la présentation assez longue de Lucien et de sa situation : fils d’un riche banquier, sans grandes convictions dans quelque domaine que ce soit, il devient militaire pour la beauté de l’uniforme, et parce que son cousin lui a reproché son oisiveté ; il est donc un peu frivole, un peu vaniteux, mais il est assez lucide sur la médiocrité des gens qui l’entourent, l’hypocrisie qui règne dans le monde lui déplaît, même s’il la pratique lui-même avec succès ; il ne tarde pas à s’ennuyer à Nancy, et même s’il y a pas mal d’ironie dans tout cela, le lecteur aussi attend avec impatience la venue d’une péripétie qui viendrait débloquer la situation.

Péripétie qui finit par arriver heureusement, et comme je m’y attendais, les pages qui concernent Mme de Chasteller sont celles que j’ai le plus aimées. Hélas elles durent trop peu à mon goût, pour des raisons que je ne dévoilerai pas Lucien quitte Nancy et comme alors pour lui une nouvelle carrière, celle d’employé d’un ministère. Magouilles électorales, corruption et compagnie nous montrent de nouveau la fausseté du monde ; ce qui est le plus intéressant dans ce roman selon moi, c’est peut-être de voir le combat perpétuel qui se joue entre la sphère publique, la place dans le monde que Lucien Leuwen se sent obligé de tenir, et ce qui lui tient réellement à cœur, son dégoût de toutes ces manigances, son regret de Nancy.

Un passage assez long ensuite concerne le père de Lucien, et c’est, avec le début de la carrière militaire de Lucien, les pages du roman qui m’ont le moins plu, je dois même admettre que je me suis même un peu ennuyée ; mais étant donné que tout cela fait référence à une période historique que je ne connais guère et qui ne m’intéresse que moyennement, je m’attendais vraiment à peiner plus que cela sur ce roman ; en général Stendhal a réussi à m’intéresser à ce qu’il racontait, j’avais peur de trouver toute l’évocation des manigances politiques confuse, mais c’est resté assez clair finalement, et la lecture de ce roman n’a pas été désagréable, même si certains passages m’ont beaucoup plus passionnée que d’autres.

Je suis même étonnée de constater que j’aurais aimé au fond que cela soit plus long ; le roman est inachevé et je suis un peu restée sur ma faim, à nous de nous imaginer ce qui peut suivre… les notes sont nombreuses, je ne les ai pas toutes lues, beaucoup n’indiquent que des variantes pour un mot, et ne sont pas très utiles ; mais d’autres sont amusantes, les commentaires que Stendhal écrit au sujet de ses personnages par exemple sont assez drôles parfois, et on a alors l’impression de véritablement accompagner l’auteur dans son travail d’écriture. Voir par exemple que Stendhal lui-même semble capable de se lasser d’un sujet politique qui n’était pas non plus ce que je préférais m’a fait sourire : note 2 p 662 : "deux cent soixante-quatre pages d’élection. For me : il est bien temps de sortir des idées d’élection et d’intérêts d'ambition."

Extraits : "L'homme malheureux cherche à se fortifier par la philosophie, mais pour premier effet elle l'empoisonne jusqu'à un certain degré en lui faisant voir le bonheur impossible."

"En amour, il faut oser, ou l'on s'expose à d'étranges revers."

"La vieillesse n'est autre chose que la privation de folie, l'absence d'illusion et de passion. Je place l'absence des folies bien avant la diminution de la force physique.  Je voudrais être amoureux, fût-ce de la plus laide cuisinière de Paris, et qu'elle répondît à ma flamme. (...) Plus ta passion serait absurde, plus je l'envierais."

"J'oublie de vivre, se dit-il. Ces sottises d'ambition me distraient de la seule chose au monde qui ait de la réalité pour moi. Il est drôle de sacrifier son cœur à l'ambition , et pourtant de n'être pas ambitieux..."

"(...) Qu'est-ce qu'un amant ? C'est un instrument auquel on se frotte pour avoir du plaisir."

Vendredi 5 février 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/monsieurteste.jpgQuatrième de couverture : Dans La Soirée avec Monsieur Teste, Valéry explique pourquoi, à la recherche du succès littéraire, auquel il aurait pu légitimement aspirer suivant le voeu de ses amis, il a préféré autre chose. La recherche du succès entraîne nécessairement une perte de temps : " Chaque esprit qu'on trouve puissant commence par la faute qui le fait connaître. En échange du pourboire public, il donne le temps qu'il faut pour se rendre perceptible... "
M. Teste est un homme qui a mieux employé son temps : " J'ai fini par croire que M. Teste était arrivé à découvrir des lois de l'esprit que nous ignorons. Sûrement, il avait dû consacrer des années à cette recherche : plus sûrement, des années encore, et beaucoup d'autres années avaient été disposées pour mûrir ses inventions et pour en faire ses instincts. Trouver n'est rien. Le difficile est de s'ajouter ce que l'on trouve. "
Tel était bien sans doute le programme ambitieux que s'était assigné Valéry lui-même à l'époque où il rédigeait cette fameuse Soirée avec Monsieur Teste.  Cet ouvrage a paru pour la première fois en 1896 dans la Revue Centaure.

Mon avis : Un de mes profs nous a parlé de ce livre, en nous disant que c'était la seule œuvre de Paul Valéry, qui par ailleurs n'aime pas ce genre ; il en avait parlé de telle sorte qu'il m'avait donné envie de me pencher dessus ; selon sa description ce Monsieur Teste me faisait un petit peu penser à mon cher Homme qui dort (un de mes livres fétiches, de Perec), puisqu'il s'agit d'un homme qui se retire du monde en quelque sorte, il a un esprit génial mais ne veut pas l'exploiter pour en faire des œuvres effectives... mais cette lecture a été en fait  difficile et pas aussi agréable que mon prof nous la présentait, cela fait plus penser à un essai plutôt philosophique qu'à un roman. Je n'ai pas l'impression d'avoir tout saisi ; j'ai bien compris que Monsieur Teste avait un esprit fort particulier, mais je n'ai pas compris toutes ses méditations, la majorité m'a semblé bien obscure, il passe son temps à penser certes, mais à quoi exactement, je ne saurais le dire.... 

Ce livre se compose de plusieurs textes différents, tous courts : La Soirée avec Monsieur Teste, qui constitue la première version du texte. La Lettre de madame Emilie Teste complète ce premier texte. Selon mon prof cette partie est moins intéressante puisqu'au lieu de nous livrer le point de vue de Monsieur Teste, elle nous livre celui de sa femme, qui vit auprès de lui tout en étant incapable de le comprendre réellement à cause de la singularité de son esprit. C'est pourtant cette partie-là qui m'a le plus plue, à moi, elle m'a parue bien plus compréhensible... les autres textes, je ne les ai pas vraiments lus, tout juste parcourus : il y a les extraits du Log-Book de Monsieur Teste, Pour un portrait de Monsieur Teste, Quelques pensées de Monsieur Teste (certaines m'ont interpellée tout de même, leur brièveté les rend un peu plus accessibles).... je pense que je reprendrai ce livre plus tard, peut-être qu'une seconde lecture m'éclairera plus, je dois aussi préciser qu'un état de fatigue et des maux de tête que j'ai eus cette semaine ne m'ont pas aidée à apprécier cette lecture pas vraiment faite pour se détendre...

Extraits :

"Je ne suis pas tourné du côté du monde. J'ai le visage vers le MUR. Pas un rien de la surface du mur qui me soit inconnu."

"Il faut entrer en soi-même armé jusqu'aux dents."

(extrait de la lettre de madame Emilie Teste)
"Il n'y a pas de femme au monde nommé comme moi. Vous savez quels noms ridicules échangent les amants : quelles appellations de chiens et de perruches sont les fruits naturels des intimités charnelles. Les paroles du cœur sont enfantines. Les voix de la chair sont élémentaires. M. Teste, d'ailleurs, pense que l'amour consiste à pouvoir être bête ensemble - toute licence de niaiserie et de bestialié. Aussi m'appelle-t-il à sa façon. Il me désigne presque toujours selon ce qu'il veut de moi. A soi seul, le nom qu'il me donne me fait entendre d'un mot ce à quoi je m'attends, ou ce qu'il faut que je fasse. Quand ce n'est rien de particulier qu'il désire, il me dit : Être, ou Chose. Et parfois il m'appelle Oasis, ce qui me plaît.
Mais il ne me dit jamais que je suis bête - ce qui me touche bien profondément."

 
Lire Monsieur Teste en ligne ICI.

Samedi 6 mars 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lachatte.jpgQuatrième de couverture : Bien avant que Camille, la fiancée d'Alain, découvre une rivale inattendue en Saha, la chatte du jeune homme, celui-ci a déjà opposé secrètement l'élégance du félin à la présence un peu vulgaire de la future épouse. Le mariage ne fait que confirmer chez Alain le léger écoeurement qu'il éprouve en présence de l'exubérante Camille. L'arrivée de Saha révèle à Camille un monde d'affection et de tendresse dont elle se sent exclue. Elle en vient à détester la chatte, objet de toutes les attentions d'Alain. Et peu à peu, Saha s'installe dans le ménage et devient le symbole vivant de tout ce qui sépare les époux. Un jour, Camille commet le geste impardonnable. Elle tente de tuer la chatte... "Ce qui est monstrueux, c'est toi, dira Camille. Si j'avais tué, ou voulu tuer une femme par jalousie, tu me pardonnerais probablement. Mais c'est sur ta chatte que j'ai porté la main, alors mon compte est bon".

Subtil, dramatique, analysant à la perfection les rapports des humains avec les animaux, La Chatte est un des romans les plus beaux et les plus originaux de Colette.

Mon avis : Alain est un peu comme un enfant capricieux à l'aise dans son univers et qui n'aime pas qu'on lui change ses petites habitudes, ce côté immature m'a fait songer au personnage de Chéri. C'est un personnage assez hypocrite, qui ne cesse de critiquer mentalement les faits et gestes de son épouse. Ces deux-là auraient pourtant peut-être su taire leurs griefs et leur incompatibilité, et cela n'aurait été qu'une banale histoire de mariage un peu raté, si seulement il n'y avait pas Saha, un troisième personnage bien supérieur à ces deux nigauds... je pensais que le personnage de la chatte aurait encore plus d'importance, mais il faut bien reconnaître que même si elle n'est pas au centre de l'action (sauf à la fin), elle reste sans cesse au cœur des pensées d'Alain, et s'il trouve sa femme aussi médiocre, c'est sans doute parce qu'il la compare toujours indirectement avec la grâce, la dignité de la chatte.

Alain est un personnage égoïste, incapable de véritablement aimer sa femme, mais son amour pour Saha le rend touchant, le singularise en l'écartant du reste du monde, tandis que Camille est une femme tristement "normale", pragmatique, et il lui est donc impossible de combler son mari, de comprendre et de supporter la relation qu'il a avec Saha...

Extraits :

"Dans le miroir, en face d'eux, il reçut le regard de Camille, noir de reproche, qui  ne l'attendrit pas. "Je ne l'ai pas embrassée sur la bouche pendant que nous étions seuls. Eh bien ! non, je ne l'ai pas embrassée sur la bouche, là ! Elle n'a pas eu son compte de baisers-sur-la-bouche aujourd'hui. Elle a eu celui de midi moins le quart dans une allée du Bois, celui de deux heures après le café, celui de six heures et demie dans le jardin ; alors il lui manque celui de ce soir. Eh bien ! elle n'a qu'à le marquer sur le compte, si elle n'est pas contente.... Qu'est-ce que j'ai ? Je suis fou de sommeil. Cette vie est idiote ; nous nous voyons mal et beaucoup trop."

" (...) il regarda Camille de biais. Elle arborait, revendiquait sa fatigue de jeune mariée, le gonflement léger de sa paupière inférieure sous l'angle ouvert du grand oeil. "Auras-tu toujours, à toute heure, dès que tu sors du sommeil, un si grand oeil ? Ne sais-tu pas fermer les yeux à demi ? Cela me fait mal à la tête de voir des yeux si ouverts..."
Il trouvait un plaisir déshonnête, une commodité évasive à l'interpeller en lui-même. "C'est moins désobligeant que la sincérité, en somme..."


Autre résumé et autres avis ici.

Samedi 6 mars 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lemepris.jpgQuatrième de couverture : "Durant les deux premières années de mon mariage, mes rapports avec ma femme furent, je puis aujourd'hui l'affirmer, parfaits (...) L'objet de ce récit est de raconter comment, alors que je continuais à l'aimer et à ne pas la juger, Emilia au contraire découvrit ou cru découvrir certains de mes défauts, me jugea et, eu conséquence, cessa de m'aimer."

(Cette quatrième de couverture est un extrait de la première page, que je trouve très belle, et que je vais bientôt mettre en ligne)

Mon avis : Un livre lu vite, avec un certain malaise... vous est-il déjà arrivé de vous sentir accablé parce que vous avez l'impression que quelqu'un que vous aimez ne vous aime plus, suite à une dispute ou pire, sans que vous compreniez pourquoi ? Eh bien j'ai eu cette sensation désagréable en lisant Le Mépris, car c'est ce qui arrive au héros, et je me suis totalement identifiée à lui. Héros un peu maladroit, on voit ses défauts nous, et lui-même ne porte parfois pas un jugement très tendre envers sa femme, quoi qu'il en dise... mais cependant il est vrai qu'il n'apparaît pas du tout comme un être vil, et les motifs véritables du profond mépris que sa femme ressent pour lui sont bien mystérieux. Les découvrir, les comprendre, et tenter de les renverser, est donc l'objectif du narrateur, ainsi qu'il l'énonce clairement à la première page.

La suite peut faire songer à une enquête : le narrateur raconte assez méthodiquement (sans que cette rigueur devienne jamais ennuyeuse) sa vie avec sa femme et les différents évènements qui ont peut-être pu conduire à sa situation actuelle. Tout est vu du point de vue du mari, on assiste donc à tous ses doutes, à son désespoir... bien que la situation semble dès le début extrêmement critique, on espère avec lui un rebondissement qui conduirait à une réconciliation durable. Toute sa vie, ou plutôt toute son envie de vivre dépend de son bonheur conjugal ; on a aussi accès à la vie professionnelle de Riccardo Molteni, son travail de scénariste (qu'il trouve très pénible) va en effet se retrouver curieusement lié à sa vie amoureuse pour plusieurs raisons... il doit écrire un scénario adapté de l'Odyssée d'Homère, et un étrange parallèle se dessine entre la vie sentimentale désastreuse du héros et l'interprétation de l'Odyssée faite par le metteur en scène : selon lui, Ulysse fait exprès de mettre tant de temps à rentrer à Ithaque car en vérité il n'a aucun envie de rentrer chez lui sachant que Pénélope ne l'aime plus... cette interprétation originale m'a intéressée et le parallèle avec les problèmes de couple de Molteni est troublant et habilement amené...

L'auteur se joue vraiment de son lecteur, nous faisant confondre fiction et réalité, nous faisant tour à tour espérer et désespérer ; la sensation de malaise persistant dont j'ai déjà parlé prouve bien à quel point j'ai été plongée dans l'univers du roman, je me suis interrogée, j'ai souffert avec le héros, et il me semble, à l'instar du personnage, avoir aimé sa femme Emilia, femme plutôt énigmatique pendant la majeure partie du roman, et qu'objectivement je n'ai pourtant pas trouvé très sympathique... encore une très belle découverte, les œuvres d'Alberto Moravia sont un nouveau domaine que j'ai envie de creuser ! Et à présent je vais pouvoir regarder le film de Godard avec Brigitte Bardot....

Samedi 6 mars 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/mamere.jpg/!\ pour lecteurs avertis /!\

Quatrième de couverture : Pierre raconte comment, après une enfance religieuse, il fut, à l'âge de dix-sept ans, initié à la perversion par sa mère. Plongeant grâce à elle dans l'orgie et la débauche, il découvre l'extase de la perdition où se mêlent l'angoisse, la honte, la jouissance, le dégoût et le respect. Respect pour cette femme, la mère, qui a su brûler ses vaisseaux jusqu'au dernier et qui, ayant touché le fond de l'abîme, entraîne son fils dans la mort qu'elle se donne. Ma mère est l'un des textes les plus violents, les plus scandaleusement beaux de Georges Bataille, qui disait de lui-même : " Je ne suis pas un philosophe, mais peut-être un saint, peut-être un fou ", sachant que c'est dans cette ambiguïté même que réside la seule philosophie.

Mon avis : mouais... déçue. A la mort de son père alcoolique qu'il déteste, le héros et narrateur, Pierre, apprend de la bouche de sa mère qu'elle n'est pas aussi pure qu'il le pensait mais qu'elle est au contraire une débauchée finie ; elle lui déclare alors que non seulement elle ne veut plus rien lui cacher de ses agissements, mais qu'elle veut en plus qu'il la suive dans cette voie... aveuglé par son amour pour sa mère et convaincue que cette vie peut avoir des charmes, que de telles ignominies sont empreintes de grandeur, Pierre se laisse très facilement entraîner. S'ensuit une nouvelle vie de plaisirs et de fête, tout se déroule dans une atmosphère d'ivresse, les personnages enflammés tiennent des propos lyriques ou presque incohérents, et même si les scènes de sexe sont plus suggérées que racontées avec précision, on comprend bien que c'est l'activité qui domine... je me suis assez vite lassée, alors que ce roman est court (126 pages) j'ai eu le temps de m'ennuyer... la dernière partie du roman surtout, dans laquelle le personnage de la mère est presque totalement absent (sauf à la fin), m'a parue plutôt dénuée d'intérêt.

La brusque révélation de la véritable nature de sa mère aurait dû soulever beaucoup de questions et de réticences chez le héros (qui avant la mort de son père s'apprêtait à rentrer dans les ordres !), mais cet aspect des choses est très peu développé, je m'attendais à plus de réflexions, plus de profondeur ; même la fin tragique survient sans toucher vraiment le lecteur, alors que la dernière péripétie est le paroxysme de la déchéance entamée par les personnages, on a l'impression qu'il ne s'agit au fond que d'une aventure de plus dans le tourbillon d'une vie de plus en plus floue... certes, ce roman n'a pas été achevé, il manque certains passages non rédigés ou non lisibles, qui ont été résumés par l'éditeur, mais je pense que ce qui m'intéressait le plus, à savoir le recul du fils sur l'attitude de sa mère et sur la sienne, m'aurait de toute façon manqué. Je me demande ce que  donne l'adaptation de Christophe Honoré (avec Isabelle Huppert et Louis Garrel).

Mercredi 5 mai 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/lebavard.jpgRésumé  (trouvé ici) : Le narrateur veut confesser son mal au lecteur : il est un bavard. Il évoque donc les circonstances de sa première "crise" violente de bavardage. Un soir dans un bar, il est fasciné par une femme belle et impassible. Il danse avec elle, et, après une altercation avec l'amant de cette femme, un rouquin agressif, il réussi à offrir à celle-ci un verre.

Quatrième de couverture : (que je trouve très compliquée et qui ne donne pas forcément envie de lire le livre !)

Publié en 1946, remanié lors d'une nouvelle édition en 1963, Le Bavard, pure contamination des mots les uns avec les autres, étend cette contagion avec une rage qui offre peu d'exemples à l'ensemble des protagonistes du drame, gagne à sa cause délétère les figures mêmes de l'auteur et du lecteur, provoquant de la sorte un rare et extraordinaire malaise. Il ramasse de la façon la plus éprouvante et la plus sarcastique la destruction, le saccage, le désir de silence autant que l'envie de perdre et de mourir. Il rappelle à la mémoire les interminables et prodigieux jeux vains, obligatoirement perdants, du désaveu, auxquels la langue dans laquelle il s'enferme oblige parfois, en le terrorisant, un enfant qui fait vœu de se taire. Enfin il révèle un désir plus général et plus obscur : désir d'une médiation pour elle-même, dénuée de toute fin.

Véhicule qui ne véhicule plus rien, que rien ne subordonne que lui-même, qui se consomme totalement en soi autant qu'il consume avec intensité les forces qui le sous-tendent. Telle une offrande. Le caractère exemplaire, presque " catégorique ", qu'un tel écrit présente est renforcé par la violence, qu'on peut dire désastreuse, qui le porte. Au sein de ce récit qui reproduit et détruit en effet intensément des textes célèbres de H. von Kleist et de F. Dostoïevski, c'est la langue même qui se résout en retournant ses armes contre elle-même, qui se porte en avant et s'expose dans le dessein insensé de perdre définitivement la bataille. Qui s'escrime à défaire, à détruire les fonctions dont les sociétés et les cultures la prétendent porteuses. Défi et carnage.

Mon avis : un livre à lire pour la fac, dans le cadre d'un cours sur le roman réflexif de la seconde moitié du XXème siècle. Dans ce livre le narrateur dit vouloir nous expliquer "sa crise de bavardage" et nous raconte tout cela de façon... très bavarde. Il se passe en vérité assez peu de choses, et par divers moyens le narrateur retarde toujours son récit, et surtout à l'aide de ce qu'il appelle lui-même des "digressions oiseuses" ; la brièveté de ce livre (155 pages) m'a permis de le lire d'une traite, et je me suis retrouvée prise dans ce flot de paroles ; le narrateur ne cesse de préciser à l'infini les circonstances de ce dont il parle, revient sans arrêt sur la situation d'énonciation, s'adresse beaucoup au lecteur (surtout dans la dernière partie), réfutant les remarques qu'il pourrait faire, faisant à la fois les questions et les réponses. Comme il ne cesse des rajouter des éléments, les phrases ont tendance à être longues et emberlificotées, la syntaxe n'est pas des plus simples, c'est donc une lecture qui demande une certaine concentration afin de ne pas perdre le fil...

A cause de la complexité du style, je pense que certaines personnes pourront trouver cette lecture pénible voire même carrément indigeste, mais à partir du moment où on est averti du ton du narrateur (et je l'étais puisque j'ai préalablement assisté à un exposé sur ce livre), si on se sent prêt à user de patience et de bienveillance envers ce narrateur étonnant, alors on a une chance d'être emportée et amusée par tout cela comme je l'ai été. J'ai trouvé sympathique ce narrateur pas toujours tendre envers son lecteur, mais qui surtout joue avec lui avec humour ; le voir déchiré entre son désir de parler et son désir de se taire, et finalement souffrir d'une profonde solitude qu'il essaie de vaincre comme il peut, m'a touchée. Je suis sortie de cette lecture un peu étourdie, en pensant en souriant qu'il y a donc "pire que ma mère" (je m'amuse souvent à lui reprocher de nous saouler de paroles).

Je dirais donc que pour bien apprécier cette lecture (qui reste tout de même rapide), il faut avoir du temps, être de bonne volonté, et dès lors qu'on se place dans ces conditions de lectures favorables, on peut vivre une expérience de lecture assez intense et intéressante ! =)

Quelques extraits qui m'ont plu et qui vous donneront une idée du style dense de ce récit :

"C'est dans le sentiment de ma différence que j'ai trouvé mes principaux sujets d'exaltation."

"Je resterais à l'écart, insoucieux des plaisanteries qu'on ferait sur le fait que je n'ouvrais jamais la bouche ; c'était agréable de penser que je pourrais me livrer en toute quiétude au plaisir de contempler quelque chose de vivant sans être sollicité à y prendre part ; tout ce que je désirais maintenant, c'était rester dans un coin, environné de fumée, de musique et de rires et cependant solitaire, à observer avidement et lucidement un spectacle plein de vie auquel il me plaisait d'être le seul à ne pas participer d'une manière active."

"Et un lecteur, j'insiste, ça veut dire quelqu'un qui lit, non pas nécessairement quelqu'un qui juge. Au reste, je n'interdis pas qu'on me juge, mais si le lecteur brûle d'impatience, s'il se dessèche d'ennui, je le prie de n'en rien laisser paraître, je tiens à lui signifier une bonne fois pour toutes que je n'ai que faire de ses bâillements, de ses soupirs, de ses vociférations à voix basse, des ses coups de talon sur le parquet, est-ce ma faute si j'ai un faible pour les gens polis ? Et notez que je ne vous demande pas de me lire vraiment, mais de m'entretenir dans cette illusion que je suis lu : vous saisissez la nuance ?"

"(...) éprouvant subitement une répugnance insurmontable pour la vie en société avec son cortège d'intrigues, de méprisables agitations et de paroles creuses, toute cette chaleur d'étuve qui émanait d'une promiscuité que les sinistres obligations de la vie m'imposaient, je n'aspirais qu'à m'en dégager pour goûter aux bienfaits de l'air pur et du silence, mais je n'avais pas plutôt obéi à ce désir qu'effrayé à la perspective de me trouver désormais privé de tout contact humain et cette peur suffisant à justifier à mes yeux l'abandon d'une position que je persiste pourtant à tenir pour la meilleure, je courais me souiller avec délice au contact du monde, véritable cloaque d'où bientôt, faute de ne pouvoir raisonnablement me fixer et sûr une fois de plus que ma vie était inassociable à celle des autres, je sortais précipitamment en m'ébrouant pour me réfugier de nouveau dans le lieu inviolable auquel j'avais rêvé, et ainsi de suite."

"A mesure que j'avançais dans la vie, mon indifférence allait s'accroissant, rien ne me semblait valoir la peine d'aucun effort, et il en résultait que mon avidité n'était plus dirigée comme autrefois vers des idées de revanche ou de conquête : elle aspirait au contraire à ce qui saurait m'en délivrer. C'est qu'aujourd'hui le fracas des combats me répugne et me lasse, et j'en veux à mort à qui m'arrache de force à mon indifférence. Ne rien entreprendre, veiller, attendre, veiller..."

Lundi 17 mai 2010

http://multimedia.fnac.com/multimedia/images_produits/ZoomPE/1/4/6/9782264043641.jpgQuatrième de couverture : Lucy Honeychurch n'aurait jamais pu partir à la découverte de l'Italie comme toute jeune Anglaise de bonne famille sans la surveillance d'un chaperon zélé, sa cousine Charlotte. A leur arrivée à Florence, les deux voyageuses constatent avec dépit que la chambre qui leur a été réservée n'a pas de vue sur l'Arno. En violation de toutes les convenances, deux inconnus, M. Emerson et son fils George, leur proposent de leur échanger la leur qui, elle, donne sur le fleuve. L'attitude cavalière de George envers Lucy et le peu de résistance qu'elle lui oppose poussent Charlotte à décider d'abréger leur séjour. Mais le hasard va à nouveau réunir les Emerson et les Honeychurch, en Angleterre cette fois...

Un roman délicieux sur l'éveil des sentiments et le poids des conventions sociales par un des maîtres de la littérature anglaise.

Mon avis : il  a quelques années j'ai vu et aimé le film Chambre avec vue (réalisé par James Ivory et avec Helena Bonham Carter dans le rôle de Lucy) qui est une adaptation fidèle de ce livre (si mes souvenirs sont bons), j'ai retrouvé la même ambiance agréable que dans le film, un petit peu à la Jane Austen... Edward Morgan Forster est décrit comme un "remarquable styliste", et même si je ne suis pas aussi enthousiaste que la personne qui a écrit cela dans la biographie de l'auteur dans mon édition, il est vrai que le style est assez particulier : on trouve de nombreux brefs passages de monologues intérieurs habilement intégrés au récit afin de le rendre plus subjectif, plus vivant (les dialogues sont aussi plus nombreux que ce à quoi je m'attendais), et le narrateur reprend souvent des expressions propres à un personnage, ce qui a un effet comique et innattendu, le narrateur parvient à railler ses personnages avec subtilité, tout en restant proches d'eux. Tout ce qui concerne les liens ambigüs entre le désir de sincérité de Lucy, et la nécessité qu'elle a d'être "convenable", l'importance que les personnages accordent à leur réputation, m'a beaucoup intéressée, E.M. Forster réussit à nous décrire ce monde parfois un peu coincé sans lourdeur.

Lucy est charmante dans le rôle de la jeune fille hésitante, elle ne sait si elle doit faire primer l'obéissance aux règles de la société inculquées par sa famille, ou bien céder à ses désirs d'indépendance (qui la rapprochent quasiment d'un personnage féministe), ou encore à ses sentiments amoureux naissants et qu'elle peine à comprendre. Elle n'est ni trop héroïque, ni trop niaise (même si la fin est un poil trop sentimentale et facile à mon goût), on ne tombe pas dans la caricature. J'aurais bien aimé qu'on ait une analyse psychologique des personnages plus poussée, mais l'auteur ne s'est pas appesanti sur cet aspect ; on connaît certes assez bien les pensées de Lucy (et le personnage de Charlotte Bartlett, sa cousine, est aussi bien cerné par l'auteur !), mais j'aurais aimé connaître de façon plus intime le personnage de George, qui reste un peu trop secondaire, dommage. Quelques incohérences liées à la traduction et des coquilles un peu trop nombreuses dans mon édition m'ont un peu fait tiquer, mais je garderai un bon souvenir de ce roman, même si je pense que je préfère le film, sans doute pour le charme d'Helena Bonham Carter, et parce que j'espérais que le livre nous laisserait voir un peu plus l'intériorité des personnages... j'aurais aussi aimé qu'on ait plus de descriptions de Florence (je chipote ! ^^), mais le film comble cette petite lacune.

Extrait :
"- En ce qui concerne le vieux Mr. Emerson, je ne sais pas. Non, il n'a aucun tact. Toutefois, n'avez-vous jamais remarqué que certaines personnes font des choses dénuées de délicatesse et pourtant... belles ?
- Belles ? fit Miss Bartlett perplexe. La beauté ne se confond-elle pas avec la délicatesse ?
- On le croirait volontiers, dit l'autre, perdue. Mais tout est si compliqué, me semble-t-il parfois."

Mardi 18 mai 2010

http://www.decitre.fr/gi/22/9782253060222FS.gifQuatrième de couverture : Scandale dans une pension de famille " comme il faut ", sur la Côte d'Azur du début du siècle : Mme Henriette, la femme d'un des clients, s'est enfuie avec un jeune homme qui pourtant n'avait passé là qu'une journée...
Seul le narrateur tente de comprendre cette " créature sans moralité ", avec l'aide inattendue d'une vieille dame anglaise très distinguée, qui lui expliquera quels feux mal éteints cette aventure a ranimés chez elle.
Ce récit d'une passion foudroyante, bref et aigu comme les affectionnait l'auteur d'Amok et du Joueur d'échecs, est une de ses plus incontestables réussites.

Mon avis : une nouvelle que j'ai adoré, et que je décide de placer au même niveau dans mon coeur que Lettre d'une inconnue ; comme l'héroïne de Lettre d'une inconnue, l'héroïne de cette nouvelle est une femme discrète, effacée, qui va pourtant devenir une femme exaltée par la passion dans des circonstances particulières ; sa vie est bouleversée en un clin d'oeil, et elle est alors prête à tout sacrifier par amour ; si cette passion était pleinement réciproque, cela donnerait sans doute une romance absolue, mais quasiment banale, en tout cas, peu intéressante ; mais ce qui caractérise les héroïnes de Zweig et les rend si touchantes, c'est leur complet désintéressement. J'ignorais totalement le sujet de cette nouvelle avant de la lire, et malgré la rapidité de ma lecture (cette nouvelle fait 127 pages, j'ai en fait plutôt tendance à la considérer comme un court roman, les anglais diraient probablement novella ?), j'ai été surprise plusieurs fois ; j'ai été complètement happée par cette histoire...

Et ce qui fait tout à mes yeux, encore plus que le personnage et l'intrigue qui sont déjà excellents, c'est le style, le style unique de Zweig qui m'éblouit à chaque fois que j'ai l'occasion de le lire et qui m'oblige à placer Zweig parmi mes auteurs favoris : Zweig nous fait voir d'une façon à la fois claire, précise, fluide et belle des choses auxquelles je ne prêterais pas attention toute seule ; en lisant cette histoire c'est comme si nous avions nous-même un coup de foudre, car l'héroïne nous montre d'une manière tout à fait transparente sa passion, on sent à quel point elle est touchée par la sensibilité exacerbée de cet homme, sensibilité qui semble la (et nous ?) contaminer aussi. Le plus beau passage est certainement celui de la rencontre : l'héroïne ne voit d'abord que les mains du jeune homme, et cette seule vision l'occupe un bon moment tant elle voit de choses à travers ces simples mains ; et loin de m'ennuyer j'ai observé, et admiré avec elle l'exceptionnelle expressivité de ces mains qui nous sont décrites... un passage trop long pour que je le recopie ici, et puis mieux vaut que vous lisiez la nouvelle dans son ensemble, c'est un délice :p (et puis, ça n'a aucune importance pour vous mais j'ai lu la moitié de cette nouvelle allongée dans l'herbe au soleil, près du lac sur le campus, et c'était très agréable :))

Extrait : "Vieillir n'est, au fond, pas autre chose que n'avoir plus peur de son passé."


[+ Rien à voir mais : article Théâtre en liberté mis à jour, j'ai aussi lu hier soir Mille francs de récompense de Victor Hugo]

Lundi 5 juillet 2010


Quatrième de couverture : Dans une petite ville d'Alabama, à l’époque de la Grande Dépression, Atticus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Avocat intègre et rigoureux, il est commis d'office pour défendre un Noir accusé d'avoir violé une Blanche.
Ce bref résumé peut expliquer pourquoi ce livre, publié en 1960 - au cœur de la lutte pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis -, connut un tel succès. Mais comment ce roman est-il devenu un livre culte dans le monde entier ? C'est que, tout en situant son sujet en Alabama dans les années 1930, Harper Lee a écrit un roman universel sur l'enfance. Racontée par Scout avec beaucoup de drôlerie, cette histoire tient du conte, de la court story américaine et du roman initiatique.
Couronné par le Prix Pulitzer en 1961, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur s'est vendu à plus de 30 millions d'exemplaires dans le monde entier.

« Ce livre est magique. D'une tendresse, d'un humour, d'une mélancolie sans pareils. »
Frédéric Vitoux, Nouvel Observateur.

« Un phénomène comparable à l'Attrape-Coeurs de Salinger, et donc l'un des plus beaux livres jamais écrits. »
Femina

Mon avis : toutes les critiques que j'ai eu l'occasion de lire sur ce livre jusqu'ici sont très positives, j'en attendais donc beaucoup. Mais environ jusqu'à la moitié du livre, j'étais un petit peu déçue. Je pensais "mmmh, c'est très bien, mais pour le moment je n'ai pas de magistral coup de cœur". Au tout début du roman, Scout (dont le vrai nom est Jean Louise) évoque la fracture du bras que son frère s'est faite à 13 ans et tous deux, une fois adultes, se demandent quels sont exactement "les évènements qui avaient conduit à cet accident." Le roman tout entier est en fait un immense récit rétrospectif : Scout, la narratrice, va revenir sur des tas d'aventures dont, de manière plus ou moins directe, les circonstances de cet accident bien plus important qu'on ne pourrait le penser au départ sont la conséquence... accident qui sera raconté finalement en détails à la fin du livre (et à ce moment-là, on pense "aaaaaah !", et on relit le début ^^).

On suivra donc la vie de Scout, son frère Jem, leur père Atticus, leur domestique Calpurnia, leur ami Dill et les voisins sur une période de trois ans. A travers bien des anecdotes (que je n'évoquerai pas de manière précise pour ne pas vous gâcher la lecture :)), on apprend à connaître les différents personnages, et de manière générale, la mentalité des gens de Maycomb, qui peut nous sembler bien étrange : les traditions ont beaucoup de poids et les préjugés font loi, chacun étant censé avoir un comportement strictement conforme à ce que la réputation de sa famille lui prescrit.... à travers ses yeux d'enfant, Scout nous parle du fonctionnement de cette petite société, qu'elle accepte comme une évidence au début, mais qu'elle va progressivement remettre en question.

Je viens de parler de "ses yeux d'enfant", mais justement, ce point pose un peu problème. Je m'attendais vraiment à un style enfantin très marqué, comme dans L'attrape-coeurs de Salinger (un extrait de critique figurant sur la quatrième de couverture fait un rapprochement entre les deux oeuvres), ou dans Quand j'avais cinq ans je m'ai tué, d'Howard Buten. Mais ce n'est pas vraiment le cas : les situations sont analysées de façon subtile, la syntaxe est tout à fait normale et le vocabulaire est d'une richesse telle que, même si on a l'impression de suivre en temps réel les actions de notre petite héroïne, on a bien du mal à croire qu'on a le point de vue d'une petite fille de huit ans, j'ai vraiment senti un décalage entre ce personnage de petite fille, et le langage utilisé : c'est d'ailleurs le seul bémol que je pourrais trouver à ce livre, et je dois d'ailleurs le nuancer ; il faut premièrement se souvenir qu'il s'agit d'un récit rétrospectif, raconté par Jean Louise adulte ; étant donné la vivacité du récit, la proximité qu'on ressent vis-à-vis des personnages, on a tendance à vite l'oublier ; deuxièmement, il me semble évident que Scout n'était de toute façon pas une petite fille ordinaire, mais au contraire un personnage très mûr pour son âge, et même, précoce (elle a appris à lire seule et très jeune par exemple). Ces deux choses justifient donc aisément le style un peu inattendu.
Cependant, certains éléments nous rappellent de manière régulière qu'elle reste une enfant : sa candeur vis-à-vis de certains sujets (la sexualité...), la description de ses jeux, la relation émouvante qu'elle a avec son frère (protecteur et taquin), l'affection qu'elle a pour son père, son refus d'être une "dame" comme sa tante le voudrait et son caractère garçon manqué la rendent authentique et amusante. On a en quelque sorte accès à la fois la sensibilité de l'enfant, et à la maturité de l'adulte, et c'est un mélange finalement très réussi puisqu'on ne peut les distinguer.
L'atmosphère de ce roman m'a fait songer à plusieurs reprises à Frankie Addams de Carson McCullers : le sud des Etats-Unis et toute la mentalité que ça implique, la chaleur, l'été, une héroïne un peu rebelle, une domestique noire comme figure maternelle, la fin de l'enfance, la densité du récit....

Tout ce qui concerne le domaine de l'enfance, des questions et des peurs qui y sont liées, font de ce livre un roman universel qui peut toucher à peu près tout le monde, je pense.... et tout l'aspect historique lié à la ségrégation raciale s'ajoute à ce premier aspect déjà riche. J'avoue d'ailleurs que c'est à partir du moment où il est question du procès de manière plus centrale que j'ai vraiment été prise dans ce roman (avant, j'arrivais à le reposer sans angoisse). Même si l'issue du procès est assez prévisible (hélas) j'ai été émue par toute cette partie de l'intrigue.

Enfin, ce roman a un côté poétique, avec plusieurs métaphores originales, plusieurs motifs en arrière-plan qui parcourent tout le roman comme un fil rouge : l'"oiseau moqueur" (qui renvoie à plusieurs personnages), et le personnage mystérieux de Boo Radley, voisin fantômatique que personne ne voit jamais, et qui va hanter l'imaginaire des enfants... et quand on finit le roman, on s'aperçoit que pas mal de questions restent en suspens, on ignore tout de la mère de Scout et Jem par exemple, et ces manques peuvent nous laisser penser que le monde des personnages est sans fin et a une véritable existence en-dehors de la lecture qu'on en a faite... ce qui donne également envie de relire ce livre plus tard, pour voir si on trouve plus de choses, plus d'indices... et en attendant on peut toujours imaginer ce qu'on ne sait pas !

Un livre très vivant, riche, avec un personnage principal excellent, un arrière-plan historique prenant.... et donc, en un mot, une vraie réussite, même s'il a fallu un certain temps pour que je m'attache complètement à tout cet univers plus complexe qu'il n'y paraît !

Extrait :

"Le problème de mes vêtements rendait tante Alexandra fanatique. Je ne pourrais jamais être une dame si je portais des pantalons ; quand j'objectai que je ne pourrais rien faire en robe, elle répliqua que je n'étais pas censée faire des choses nécessitant un pantalon. La conception qu'avait tante Alexandra de mon maintien impliquait que je joue avec des fourneaux miniatures, des services à thé de poupée, que je porte le collier qu'elle m'avait offert à la naissance - auquel on ajoutait peu à peu des perles ; il fallait en outre que je sois le rayon de soleil qui éclairait la vie solitaire de mon père. Je fis valoir qu'on pouvait aussi être un rayon de soleil en pantalon, mais Tatie affirma qu'il fallait se comporter en rayon de soleil, or, malgré mon bon fond, je me conduisais de plus en plus mal d'année en année. Elle me blessait et me faisait constamment grincer des dents, mais, quand j'en parlai avec Atticus, il me répondit qu'il y avait déjà assez de rayons de soleil dans la famille et que je n'avais qu'à continuer à vivre à ma façon, peu lui importait la manière dont je m'y prenais."

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"Le temps de lire, comme le temps d'aimer, dilate le temps de vivre." Daniel Pennac

Un livre au hasard

Il ne se passait rien...
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