
Subtil, dramatique, analysant à la perfection les rapports des humains avec les animaux, La Chatte est un des romans les plus beaux et les plus originaux de Colette.
Mon avis : Alain est un peu comme un enfant capricieux à l'aise dans son univers et qui n'aime pas qu'on lui change ses petites habitudes, ce côté immature m'a fait songer au personnage de Chéri. C'est un personnage assez hypocrite, qui ne cesse de critiquer mentalement les faits et gestes de son épouse. Ces deux-là auraient pourtant peut-être su taire leurs griefs et leur incompatibilité, et cela n'aurait été qu'une banale histoire de mariage un peu raté, si seulement il n'y avait pas Saha, un troisième personnage bien supérieur à ces deux nigauds... je pensais que le personnage de la chatte aurait encore plus d'importance, mais il faut bien reconnaître que même si elle n'est pas au centre de l'action (sauf à la fin), elle reste sans cesse au cœur des pensées d'Alain, et s'il trouve sa femme aussi médiocre, c'est sans doute parce qu'il la compare toujours indirectement avec la grâce, la dignité de la chatte.
Alain est un personnage égoïste, incapable de véritablement aimer sa femme, mais son amour pour Saha le rend touchant, le singularise en l'écartant du reste du monde, tandis que Camille est une femme tristement "normale", pragmatique, et il lui est donc impossible de combler son mari, de comprendre et de supporter la relation qu'il a avec Saha...
Extraits :
"Dans le miroir, en face d'eux, il reçut le regard de Camille, noir de reproche, qui ne l'attendrit pas. "Je ne l'ai pas embrassée sur la bouche pendant que nous étions seuls. Eh bien ! non, je ne l'ai pas embrassée sur la bouche, là ! Elle n'a pas eu son compte de baisers-sur-la-bouche aujourd'hui. Elle a eu celui de midi moins le quart dans une allée du Bois, celui de deux heures après le café, celui de six heures et demie dans le jardin ; alors il lui manque celui de ce soir. Eh bien ! elle n'a qu'à le marquer sur le compte, si elle n'est pas contente.... Qu'est-ce que j'ai ? Je suis fou de sommeil. Cette vie est idiote ; nous nous voyons mal et beaucoup trop."
" (...) il regarda Camille de biais. Elle arborait, revendiquait sa fatigue de jeune mariée, le gonflement léger de sa paupière inférieure sous l'angle ouvert du grand oeil. "Auras-tu toujours, à toute heure, dès que tu sors du sommeil, un si grand oeil ? Ne sais-tu pas fermer les yeux à demi ? Cela me fait mal à la tête de voir des yeux si ouverts..."
Il trouvait un plaisir déshonnête, une commodité évasive à l'interpeller en lui-même. "C'est moins désobligeant que la sincérité, en somme..."
Autre résumé et autres avis ici.