Samedi 27 février 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/mourir.jpg[ Coup de coeur ]

Quatrième de couverture : Félix et Marie forment un jeune couple à qui la vie sourit... jusqu'à ce qu'ils se retrouvent soudain confrontés à la mort. Félix apprend de la bouche d'un éminent spécialiste que ses jours sont comptés. Il va d'abord s'efforcer de faire bonne figure, se prétendre de taille à affronter en philosophe un destin cruel, tout en souhaitant le bonheur de sa compagne. Bientôt, pourtant, le masque stoïque se fissure. A mesure qu'approche l'issue fatale, Félix ne veut plus admettre que Marie puisse jouir de la vie après sa disparition et lui demande de mourir avec lui. Entre l'amour et la mort, la jeune femme devra choisir...

Mon avis : ce livre confirme amplement mon admiration pour Schnitzler, que je citerai désormais quand on me demandera quels sont mes auteurs préférés (j'avais déjà lu Mademoiselle Else et La nouvelle rêvée, et c'est un article dans Muze qui m'avait donné envie de lire ce livre-ci.)

Cette longue nouvelle (150 pages) est écrite à la première personne, mais de façon habile on arrive à connaître successivement les pensées de Félix, et celles de Marie. Au début, le style m'a un peu déçue, les dialogues entre les héros (juste avant que Félix ne révèle à Marie qu'il ne lui reste plus qu'un an à vivre) m'ont semblé plats, j'ai trouvé qu'ils semblaient un peu artificiels, qu'ils sonnaient faux... mais en poursuivant ma lecture j'ai compris qu'il ne s'agissait pas d'une maladresse de l'auteur, qui a un style très maîtrisé par la suite, surtout pour les monologues intérieurs qui sont excellents ; cette fausseté des dialogues dès le début nous montre déjà que ce couple n'est pas si uni, si sincère que cela, chacun a une partie de lui-même qu'il cherche à cacher à l'autre, et leur "grand amour" est à moitié en toc.... c'est une histoire cruelle, je n'ai pas réussi à ressentir vraiment de sympathie pour Félix, qui ne cesse de se contredire, et est égoïste du début à la fin ; j'ai un peu plus de pitié pour Marie, qui assiste à l'agonie de son compagnon et est déchirée par la culpabilité, entre son amour et sa joie de vivre... Félix et Marie, ça pourrait être n'importe qui, leurs réactions n'ont rien d'héroïque, elles sont simplement réalistes, terriblement humaines !

En suivant le parcours des deux personnages, on a un aperçu des différentes façons d'envisager la vie, l'amour, la mort, trois notions qui obsèdent le couple, qui ne parviendra pas à faire semblant, à jouer la comédie jusqu'au bout, tout finira aussi mal qu'on aurait pu l'attendre ; et la fin, qui était inévitable, nous laisse pourtant désemparé : qu'en penser ? qu'aurions-nous fait à leur place ?... ces questions modèrent les grandes idées éthérées et "romantiques" qu'on peut avoir sur l'amour et nous peuvent nous remettre à notre place je pense, en nous montrant crûment la laideur que peut revêtir tout cela en réalité... je sors triste mais éblouie de cette lecture.

Extraits :
"Il lui fallait d'abord lutter pour parvenir à un mépris total de la vie, et alors, envisageant calmement le silence de l'éternité, il rédigerait en sage ses dernières volontés. Voilà ce qu'il voulait. Mais pas de ces dernières volontés comme les écrivent les individus vulgaires, textes qui révèlent toujours la crainte secrète de la mort. Les siennes devraient être un poème, un adieu tranquille et souriant au monde surmonté. Il ne parla pas à Marie de cette pensée. Elle ne l'aurait pas compris. (...) Le sentiment de sa supériorité s'affirmait en considérant tout ce qu'il pouvait lui cacher. Sa solitude croissait, et sa grandeur." (p. 45)

[à propos des philosophes] "Ces messieurs-là - il désigna des yeux le volume posé sur la couverture - sont de méprisables poseurs. (...) Mépriser l'existence quand on jouit d'une santé de fer, et regarder calmement la mort en face quand on voyage pour son plaisir en Italie et qu'autour de vous la vie resplendit de toutes ses couleurs, j'appelle tout simplement cela de la pose. Qu'on enferme ce monsieur dans une chambre, qu'on le condamne à la fièvre, à la suffocation, et qu'on lui dise : "Vous serez enterré entre le 1er janvier et le 1er février de l'année prochaine", on verra alors quels discours philosophiques il vous tiendra..." (p. 93)

Dimanche 28 février 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/kitchen.jpgChallenge ABC 2010, 8ème livre lu ♦

[ Coup de coeur !!! ]

(ouais, le deuxième de la journée, et je viens d'ailleurs de commander Mourir et Kitchen, car ce sont vraiment des livres que je veux avoir dans ma bibliothèque pour pouvoir les relire à ma guise !)

Quatrième de couverture : Que faire à vingt ans, après la mort d'une grand-mère, quand on se retrouve sans famille et qu'on aime les cuisines plus que tout au monde ? Se pelotonner contre le frigo, chercher dans son ronronnement un prélude au sommeil, un remède à la solitude. Cette vie semi-végétative de Mikage, l'héroïne de Kitchen, est un jour troublée par un garçon, Yûichi Tanabe, qui l'invite à partager l'appartement où il loge avec sa mère. Mikage s'installe donc en parasite chez les Tanabe : tombée instantanément amoureuse de leur magnifique cuisine, elle est aussi séduite par Eriko, la « mère » de Yûichi Eriko, personnage ambigu et pur, transsexuel à la beauté éblouissante, qui, traversant le récit comme un soleil éphémère, va bientôt mourir à son tour de mort violente...

Banana Yoshimoto révèle dans Kitchen, à travers une sorte de « minimalisme flou », une sensibilité nourrie de paradoxes, une sensibilité dans laquelle toute une génération de jeunes Japonais s'est reconnue.

Mon avis : J'avais sélectionné ce titre pour le Challenge ABC sans grande envie, un peu au hasard, pour avoir un auteur en Y quoi, mais j'avais oublié la quatrième de couverture et je n'attendais pas grand-chose de ce bouquin, je l'ai même ouvert un peu à reculons je dois dire. Et quelle claque ! J'ai immédiatement ressenti énormément d'empathie pour l'héroïne, qui m'a un peu fait penser à Young-goon, l'héroïne du film Je suis un cyborg (si vous connaissez pas, eh bien vous ratez quelque chose, c'est un de mes films préférés !). Ce roman évoque des situations difficiles, Mikage est vraiment désespérée au départ, elle n'a plus envie de rien, la rencontre avec la famille Tanabe est providentielle, et elle ne comprend pas trop pourquoi ils la recueillent, enfin vous voyez, ce genre d'action bonne et désintéressée arrive trop rarement dans la réalité, et ça me fait toujours beaucoup beaucoup de bien de me dire que des choses comme ça existent quand même, ou du moins que des gens les imaginent (mais c'est pareil n'est-ce pas !). Ce roman magnifique essaie de répondre à sa façon à des questions qu'on se pose tous à un moment ou à un autre, par exemple, comment faire pour avancer encore, quand on se retrouve complètement seul, quand ceux qu'on aime ne sont plus là, comment faire pour être de nouveau avec quelqu'un ensuite...?

Le style m'a aussi bluffée, parce que c'est simple sans être simpliste, c'est-à-dire que les personnages, qui ont déjà bien assez de problèmes, essaient de voir les choses simplement, de façon spontanée, sans se compliquer encore plus les choses, ils osent des choses qui pourraient paraître incongrues, ou inconvenantes, et ça les aide beaucoup. Je rêverais de parvenir à voir les choses, à vivre comme ça en fait ! Parfois c'est un peu décousu, mais pas plus que dans la vraie vie, on a la vie en direct, des pensées qui s'ajoutent, et puis des souvenirs qui reviennent, des petites anecdotes, qui surviennent sans qu'on sache trop comment mais qui comptent, qui ont leur place malgré tout dans le présent.

J'ai pas envie d'argumenter posément, j'ai juste envie que vous sachiez que j'ai adoré ce livre, que je viens de le commander donc, et que j'ai déjà envie de le relire pour noter plein de passages doux qui parlent de solitude, de tristesse, d'amitié, et du charme incroyable qui émane de certaines personnes extraordinaires et qui font que la vie vaut le coup quoi qu'il arrive. Mais là je m'emporte, hum. (mais non, j'ai pas à m'excuser merde, j'aime m'emporter !)

Après Kitchen, il y a un autre texte, une nouvelle qui s'appelle Moonlight Shadow, et qui brasse un peu les même thèmes (la perte d'un être cher et comment se reconstruire après), en montrant encore une fois des personnages que j'ai senti proches de moi, et qui sont hors du commun. Les similitudes avec Kitchen ne m'ont pas ennuyée, au contraire, il s'agit des mêmes thèmes mais abordés de façon différente (et je pense que c'est un sujet assez inépuisable de toute façon, on peut parler longtemps de l'amour et de la mort sans se répéter), c'est encore plus douloureux d'une certaine façon, mais des éléments fantastiques viennent bouleverser tout ce marasme... je me suis plus attachée à Mikage, l'héroïne de Kitchen, car cette première histoire est développée plus longuement, et je l'avais encore complètement en tête en commençant à lire Moonlight Shadow, mais cette nouvelle mérité largement qu'on la lise aussi et qu'on s'y intéresse tout autant !

Dimanche 28 février 2010

http://bouquins.cowblog.fr/images/livres/soudaindanslaforetprofonde.jpgChallenge ABC 2010, 9ème livre lu ♦

Quatrième de couverture : Un village au bout du monde, triste et gris, encerclé par des forêts épaisses et sombres. Un village maudit : toutes les bêtes, tous les oiseaux et même les poissons de la rivière l'ont déserté. Depuis, ses habitants se barricadent chez eux dès la nuit tombée, terrorisés par la créature mystérieuse nommée Nehi, et interdisent aux enfants de pénétrer dans la forêt. Mais surtout, ils gardent le silence. Personne ne veut se souvenir des animaux ni évoquer la vie d'avant. Seule Emanuela, l'institutrice du village, tente d'enseigner aux élèves à quoi ressemblaient ces animaux disparus. Deux enfants de sa classe, Matti et Maya, décident alors d'élucider le mystère et s'aventurent dans la forêt en dépit de l'interdit...

Soudain dans la forêt profonde est un conte pour enfants et adultes. Au carrefour de la tradition biblique, du folklore yiddish et du conte européen, il nous offre une magnifique parabole sur la tolérance.

Mon avis : dans un monde imaginaire plutôt mystérieux, deux enfants, Matti et Maya, vont chercher à comprendre ce que tous les autres taisent : pourquoi les animaux ont-ils disparu, où sont-ils passé ? Pourquoi la forêt et la nuit effraient tant les villageois ? Pourquoi les adultes refusent-ils de parler de tout cela ? Qu'est-il arrivé à Nimi, l'enfant qui ne parle plus depuis qu'il est revenu de la forêt ? J'ai beaucoup aimé les descriptions qui sont faites du village, de la nature environnante, qui créent une atmosphère d'étrangeté... on sent vraiment qu'il existe un fossé entre l'ensemble des villageois qui constituent l'opinion publique, et les quelques personnages marginaux qui refusent d'accepter cet état de fait et se posent des questions. Ce fossé, l'auteur propose de le combler à force de tolérance, de gentillesse, d'humanité, un beau programme plein d'espoir, même si la fin du conte montre bien qu'il est pas si évident de changer les choses... les personnages sont plutôt développés pour des personnages de contes, et certains restent ambigus jusqu'au bout, comme Neihi. Ce conte m'a permis de découvrir agréablement l'auteur israélien Amos Oz, et j'ai bien l'intention de lire par la suite d'autres œuvres de cet écrivain.

Extrait : "La dérision est peut-être un rempart contre la solitude. En effet, les moqueurs veulent un public, et celui qui en est la victime est toujours seul."

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"La vraie lecture commence quand on ne lit plus seulement pour se distraire et se fuir, mais pour se trouver." Jean Guéhenno

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