Quatrième de couverture :
"La lecture n'est pas contre la vie. Elle est la vie, une vie plus sérieuse, moins violente, moins frivole, plus durable, plus orgeuilleuse, moins vaniteuse, avec souvent toutes les faiblesses de l'orgueil, la timidité, le silence, la reculade. Elle maintient, dans l'utilitarisme du monde, du détachement en faveur de la pensée. Lire ne sert à rien. C'est pour cela que c'est une grande chose. Nous lisons parce que ça ne sert à rien."
Des conseils, des douceurs, des rosseries, et une conception de la lecture comme "sœur de la littérature", toutes deux marchant ensemble dans un combat contre le temps. Une philosophie de la lecture qui fait s'exclamer, s'enthousiasmer, applaudir, et qui ne donne qu'une envie : (la) relire.
Charles Dantzig est l'auteur du Dictionnaire égoïste de la littérature française (2005), et de l'Encyclopédie capricieuse du tout et du rien (2009).
Mon avis : un essai au titre alléchant qui me nargue depuis quelques mois en libraire... l'article de Matilda a accru mon envie de le lire et je suis bien contente de me l'être procuré en médiathèque (je vais pas répéter ça tout le temps, la plupart des livres que je lis sont des emprunts de toute façon mais je suis inscrite à cette médiathèque depuis peu alors je sais pas, la joie me fait radoter !).
Je lis très peu d'essais, car ils ne me tentent généralement pas, je trimballe toujours un vieux préjugé selon lequel les essais sont souvent compliqués et ennuyeux... le sujet de celui-ci m'intéresse fort et c'est pourquoi je l'ai choisi, et j'ai été étonnée de la vitesse à laquelle je l'ai dévoré, pensant que j'aurais besoin de pauses pour souffler et méditer entre chaque (court) chapitre, mais non, j'ai lu plus de la moitié d'une traite hier soir et ai fini le reste ce matin.... je l'ai lu quasiment avec la même avidité que Comme un roman de Daniel Pennac (essai que je vous recommande chaudement, que j'ai lu et relu et rerelu pas mal de fois) ! La fluidité de l'ensemble m'a donc agréablement surprise... même si le fond m'a (légèrement - mais alors trèès légèrement) déçue (je suis trop dure, ou peut-être que j'en attendais trop. Mais je vous le conseille hein !).
Les titres des différents chapitres sont variés et très attractifs, et la brièveté des chapitres (certains ne font même pas une page entière) laisse penser qu'on peut facilement en lire un par-ci par-là... type de lecture qui doit d'ailleurs être tout à fait possible, même si personnellement j'ai préféré tout avaler d'un coup ou quasiment. J'ai parfois regretté un décalage entre le titre du chapitre (simple, concret) et les réflexions dans lesquelles se lance Charles Dantzig : elles sont intéressantes (mais parfois je me suis sentie un peu frustrée par mes lacunes qui m'empêchaient de bien saisir précisément ce à quoi il faisait allusion...) mais à à plusieurs reprises je me suis un peu demandée quel était le rapport avec le titre du chapitre, les liens ne sont pas forcément directs... il m'a semblé qu'au final les réponses à la question du titre, Pourquoi lire ? ne sont pas si nombreuses que cela, elles se recoupent pas mal (je ne critique pas, je n'aurais pas fait mieux !), et à un moment donné j'ai plutôt eu l'impression que l'auteur cherchait surtout à donner sa conception de la lecture et particulièrement de ce qu'est "la bonne lecture" et le "bon lecteur" (qu'il appelle souvent "grand lecteur")... sujet de réflexion un peu casse-gueule car cela me semble plus subjectif que les raisons que tout le monde peut avoir de lire.
Cet essai n'est pas dénué d'humour, j'ai beaucoup apprécié par exemple qu'il donne aussi les raisons les moins "nobles" de notre envie de lire, liées à l'image positive que cette activité renvoie, et des chapitres comme "lire pour dépasser la moitié du livre" ou "naïveté du lecteur en faveur de la lecture" m'ont semblé à la fois lucides et vraiment amusants ! Sa critique de Stephenie Meyer, de la télévision, de l'inculture de certains libraires et de l'ignorance en général m'a aussi fait sourire même si je l'ai parfois trouvé un peu dur (mais je pense qu'il a raison sur le fond...)
Mais à d'autres moments, j'ai été agacée par son ton parfois un chouïa trop péremptoire à mon goût... en fait je dois admettre ma mauvaise foi : quand j'étais d'accord avec lui, son ton catégorique ne me gênait absolument pas et j'étais prise d'un élan d'admiration... et naturellement, quand ses propos me semblaient plus discutables, là j'aurais souhaité qu'il nuance un peu plus son discours (même s'il le fait un peu quand même mais...).
Un exemple typique de ce qui a pu m'exaspérer : dans le chapitre "Qui lit les chefs d'œuvre ?" il dit n'avoir jamais (il insiste bien sur le mot) surpris par hasard quelqu'un en train de lire un chef d'œuvre (il cite des auteurs "classiques" comme Proust et d'autres)... ce qui m'a plutôt indignée (mmh, je m'enflamme vite !), j'ai eu envie de lui dire d'ouvrir les yeux ! Je suis loin de passer ma vie dans les transports en commun et je suis bien plus jeune que lui mais j'ai déjà vu des gens lire Proust, et à plusieurs reprises encore ! Alors je n'arrive vraiment pas à le croire sur ce coup-là ! Les deux premières pages du topic "la pêche du jour des Livraddictiens curieux" (qui consiste à donner les titres de livres qu'on a pu croiser dans le métro et ailleurs) suffisent d'ailleurs à prouver qu'on croise des gens lisant Flaubert et Aldous Huxley par exemple... certes les gens lisant des best-sellers sont bien plus nombreux mais de là à nier complètement l'existence des lecteurs de classiques (et donc à se croire unique parce qu'il en lit, lui, évidemment...), il y a une marge !
Je ne suis donc pas à 100% fan de ce livre parce que je ne m'y suis pas toujours reconnue, mais cela m'a rappelé à quel point la littérature et la conception qu'on peut avoir de la lecture sont vastes, à quels points les lecteurs peuvent être différents, et c'est tant mieux ! Et il y a tout de même pas mal de passages que j'ai trouvés vraiment beaux... en conclusion je dirais que malgré les bémols que j'ai pu soulever, ça a été une lecture très positive, et c'est un essai que j'aimerais avoir dans ma bibliothèque pour pouvoir en relire des passages (voire tout !) un jour, et voir si mon avis au sujet de certains passages évolue au fil du temps !
Extraits :
"Lorsqu'on est farouche et qu'on n'ose pas aborder les gens, comme quelqu'un que je connais, les romans sont idéaux. Aux grands lecteurs les personnages des romans deviennent plus réels que les personnes de la vie. Ils pensent souvent à eux, leur rendent visite dans les livres, ils les aiment beaucoup, ils leur manquent souvent, les agacent parfois, enfin, des amis, quoi. A ceci près que ces amis imaginaires ne cachent rien. C'est pourquoi ils sont les seuls à ne jamais nous trahir, pensent les grands lecteurs, qui en oublient quelquefois de prendre le risque de vivre."
"Oui, on lit par protestation contre la vie. La vie est très mal faite. On y rencontre sans arrêt des gens inutiles. Elle est pleine de redites. Ses paysages sont interminables. Si elle se présentait chez un éditeur, la vie serait refusée. Encore plus, quand je pense aux dialogues qu'on entend. Comme ils sont lourds, hésitants, répétitifs ! Je crois que c'est une des causes de l'existence du théâtre. L'homme a inventé le théâtre parce qu'il n'en pouvait plus des conversations de café."
"Un livre n'est seul que quand il est inconnu. C'est la meilleure chance qu'il a d'être jugé pour lui-même. Et pour qu'il soit inconnu, il nous suffit d'être ignares."
"Le génie est un vampire. Il vole à l'écrivain mineur ses bonnes choses qu'il porte à un degré génial."
"Lorsqu'on lit, on tue le temps. (...) On a même, confusément, une sensation d'éternité. Voilà pourquoi les lecteurs sortant de leur livre ont un air de plongeur sous-marin, l'œil opaque et le souffle lent. Il leur faut un moment pour revenir au temps pratique. Et voilà pourquoi les grands lecteurs ont le sentiment d'être toujours jeunes. Ils n'ont pas été usés de la même façon par un emploi du temps, c'est-à-dire un temps employé à autre chose qu'à obéir au temps commun. Même à cent ans, ils meurent jeunes. Chaque nouvelle lecture a été une plongée dans un bain frais, un moment où on a, pas tout à fait illusoirement, vaincu le temps."
"Quand on lit énormément dans son jeune âge, je crois que c'est pour devenir écrivain et, si ça n'est pas réalisé, le grand lecteur devient un écrivain rentré. Il l'oublie à la longue, continue à lire, et c'est très beau s'il n'est pas amer. J'ai rencontré beaucoup moins de grands lecteurs amers de n'avoir pas écrit que de petits écrivains amers de n'être pas lus."
"La lecture n'est pas contre la vie. Elle est la vie, une vie plus sérieuse, moins violente, moins frivole, plus durable, plus orgeuilleuse, moins vaniteuse, avec souvent toutes les faiblesses de l'orgueil, la timidité, le silence, la reculade. Elle maintient, dans l'utilitarisme du monde, du détachement en faveur de la pensée. Lire ne sert à rien. C'est pour cela que c'est une grande chose. Nous lisons parce que ça ne sert à rien."
Des conseils, des douceurs, des rosseries, et une conception de la lecture comme "sœur de la littérature", toutes deux marchant ensemble dans un combat contre le temps. Une philosophie de la lecture qui fait s'exclamer, s'enthousiasmer, applaudir, et qui ne donne qu'une envie : (la) relire.
Charles Dantzig est l'auteur du Dictionnaire égoïste de la littérature française (2005), et de l'Encyclopédie capricieuse du tout et du rien (2009).
Mon avis : un essai au titre alléchant qui me nargue depuis quelques mois en libraire... l'article de Matilda a accru mon envie de le lire et je suis bien contente de me l'être procuré en médiathèque (je vais pas répéter ça tout le temps, la plupart des livres que je lis sont des emprunts de toute façon mais je suis inscrite à cette médiathèque depuis peu alors je sais pas, la joie me fait radoter !).
Je lis très peu d'essais, car ils ne me tentent généralement pas, je trimballe toujours un vieux préjugé selon lequel les essais sont souvent compliqués et ennuyeux... le sujet de celui-ci m'intéresse fort et c'est pourquoi je l'ai choisi, et j'ai été étonnée de la vitesse à laquelle je l'ai dévoré, pensant que j'aurais besoin de pauses pour souffler et méditer entre chaque (court) chapitre, mais non, j'ai lu plus de la moitié d'une traite hier soir et ai fini le reste ce matin.... je l'ai lu quasiment avec la même avidité que Comme un roman de Daniel Pennac (essai que je vous recommande chaudement, que j'ai lu et relu et rerelu pas mal de fois) ! La fluidité de l'ensemble m'a donc agréablement surprise... même si le fond m'a (légèrement - mais alors trèès légèrement) déçue (je suis trop dure, ou peut-être que j'en attendais trop. Mais je vous le conseille hein !).
Les titres des différents chapitres sont variés et très attractifs, et la brièveté des chapitres (certains ne font même pas une page entière) laisse penser qu'on peut facilement en lire un par-ci par-là... type de lecture qui doit d'ailleurs être tout à fait possible, même si personnellement j'ai préféré tout avaler d'un coup ou quasiment. J'ai parfois regretté un décalage entre le titre du chapitre (simple, concret) et les réflexions dans lesquelles se lance Charles Dantzig : elles sont intéressantes (mais parfois je me suis sentie un peu frustrée par mes lacunes qui m'empêchaient de bien saisir précisément ce à quoi il faisait allusion...) mais à à plusieurs reprises je me suis un peu demandée quel était le rapport avec le titre du chapitre, les liens ne sont pas forcément directs... il m'a semblé qu'au final les réponses à la question du titre, Pourquoi lire ? ne sont pas si nombreuses que cela, elles se recoupent pas mal (je ne critique pas, je n'aurais pas fait mieux !), et à un moment donné j'ai plutôt eu l'impression que l'auteur cherchait surtout à donner sa conception de la lecture et particulièrement de ce qu'est "la bonne lecture" et le "bon lecteur" (qu'il appelle souvent "grand lecteur")... sujet de réflexion un peu casse-gueule car cela me semble plus subjectif que les raisons que tout le monde peut avoir de lire.
Cet essai n'est pas dénué d'humour, j'ai beaucoup apprécié par exemple qu'il donne aussi les raisons les moins "nobles" de notre envie de lire, liées à l'image positive que cette activité renvoie, et des chapitres comme "lire pour dépasser la moitié du livre" ou "naïveté du lecteur en faveur de la lecture" m'ont semblé à la fois lucides et vraiment amusants ! Sa critique de Stephenie Meyer, de la télévision, de l'inculture de certains libraires et de l'ignorance en général m'a aussi fait sourire même si je l'ai parfois trouvé un peu dur (mais je pense qu'il a raison sur le fond...)
Mais à d'autres moments, j'ai été agacée par son ton parfois un chouïa trop péremptoire à mon goût... en fait je dois admettre ma mauvaise foi : quand j'étais d'accord avec lui, son ton catégorique ne me gênait absolument pas et j'étais prise d'un élan d'admiration... et naturellement, quand ses propos me semblaient plus discutables, là j'aurais souhaité qu'il nuance un peu plus son discours (même s'il le fait un peu quand même mais...).
Un exemple typique de ce qui a pu m'exaspérer : dans le chapitre "Qui lit les chefs d'œuvre ?" il dit n'avoir jamais (il insiste bien sur le mot) surpris par hasard quelqu'un en train de lire un chef d'œuvre (il cite des auteurs "classiques" comme Proust et d'autres)... ce qui m'a plutôt indignée (mmh, je m'enflamme vite !), j'ai eu envie de lui dire d'ouvrir les yeux ! Je suis loin de passer ma vie dans les transports en commun et je suis bien plus jeune que lui mais j'ai déjà vu des gens lire Proust, et à plusieurs reprises encore ! Alors je n'arrive vraiment pas à le croire sur ce coup-là ! Les deux premières pages du topic "la pêche du jour des Livraddictiens curieux" (qui consiste à donner les titres de livres qu'on a pu croiser dans le métro et ailleurs) suffisent d'ailleurs à prouver qu'on croise des gens lisant Flaubert et Aldous Huxley par exemple... certes les gens lisant des best-sellers sont bien plus nombreux mais de là à nier complètement l'existence des lecteurs de classiques (et donc à se croire unique parce qu'il en lit, lui, évidemment...), il y a une marge !
Je ne suis donc pas à 100% fan de ce livre parce que je ne m'y suis pas toujours reconnue, mais cela m'a rappelé à quel point la littérature et la conception qu'on peut avoir de la lecture sont vastes, à quels points les lecteurs peuvent être différents, et c'est tant mieux ! Et il y a tout de même pas mal de passages que j'ai trouvés vraiment beaux... en conclusion je dirais que malgré les bémols que j'ai pu soulever, ça a été une lecture très positive, et c'est un essai que j'aimerais avoir dans ma bibliothèque pour pouvoir en relire des passages (voire tout !) un jour, et voir si mon avis au sujet de certains passages évolue au fil du temps !
Extraits :
"Lorsqu'on est farouche et qu'on n'ose pas aborder les gens, comme quelqu'un que je connais, les romans sont idéaux. Aux grands lecteurs les personnages des romans deviennent plus réels que les personnes de la vie. Ils pensent souvent à eux, leur rendent visite dans les livres, ils les aiment beaucoup, ils leur manquent souvent, les agacent parfois, enfin, des amis, quoi. A ceci près que ces amis imaginaires ne cachent rien. C'est pourquoi ils sont les seuls à ne jamais nous trahir, pensent les grands lecteurs, qui en oublient quelquefois de prendre le risque de vivre."
"Oui, on lit par protestation contre la vie. La vie est très mal faite. On y rencontre sans arrêt des gens inutiles. Elle est pleine de redites. Ses paysages sont interminables. Si elle se présentait chez un éditeur, la vie serait refusée. Encore plus, quand je pense aux dialogues qu'on entend. Comme ils sont lourds, hésitants, répétitifs ! Je crois que c'est une des causes de l'existence du théâtre. L'homme a inventé le théâtre parce qu'il n'en pouvait plus des conversations de café."
"Un livre n'est seul que quand il est inconnu. C'est la meilleure chance qu'il a d'être jugé pour lui-même. Et pour qu'il soit inconnu, il nous suffit d'être ignares."
"Le génie est un vampire. Il vole à l'écrivain mineur ses bonnes choses qu'il porte à un degré génial."
"Lorsqu'on lit, on tue le temps. (...) On a même, confusément, une sensation d'éternité. Voilà pourquoi les lecteurs sortant de leur livre ont un air de plongeur sous-marin, l'œil opaque et le souffle lent. Il leur faut un moment pour revenir au temps pratique. Et voilà pourquoi les grands lecteurs ont le sentiment d'être toujours jeunes. Ils n'ont pas été usés de la même façon par un emploi du temps, c'est-à-dire un temps employé à autre chose qu'à obéir au temps commun. Même à cent ans, ils meurent jeunes. Chaque nouvelle lecture a été une plongée dans un bain frais, un moment où on a, pas tout à fait illusoirement, vaincu le temps."
"Quand on lit énormément dans son jeune âge, je crois que c'est pour devenir écrivain et, si ça n'est pas réalisé, le grand lecteur devient un écrivain rentré. Il l'oublie à la longue, continue à lire, et c'est très beau s'il n'est pas amer. J'ai rencontré beaucoup moins de grands lecteurs amers de n'avoir pas écrit que de petits écrivains amers de n'être pas lus."
[Challenge ABC, 3/26]