Quatrième de couverture /extrait : Jusqu'à ce jour, je n'ai jamais parlé de mes deux garçons. Pourquoi ? J'avais honte ? Peur qu'on me plaigne ?
Tout cela un peu mélangé. Je crois, surtout, que c'était pour échapper à la question terrible : « Qu'est-ce qu'ils font ? »
Aujourd'hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j'ai décidé de leur écrire un livre.
Pour qu'on ne les oublie pas, qu'il ne reste pas d'eux seulement une photo sur une carte d'invalidité. Peut-être pour dire mes remords. Je n'ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas. Avec eux, il fallait une patience d'ange, et je ne suis pas un ange.
Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d une catastrophe. Pour une fois, je voudrais essayer de parler d'eux avec le sourire. Ils m'ont fait rire avec leurs bêtises, et pas toujours involontairement.
Grâce à eux, j'ai eu des avantages sur les parents d enfants normaux. Je n'ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n'avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu'ils feraient plus tard, on a su rapidement ce que ce serait : rien.
Et surtout, pendant de nombreuses années, j'ai bénéficié d'une vignette automobile gratuite. Grâce à eux, j'ai pu rouler dans des grosses voitures américaines.
Mon avis : un livre original, par son sujet (je ne connais pas beaucoup de livres qui parlent d'enfants handicapés, quels sont ceux que vous me conseilleriez sur ce sujet ?) mais surtout par la manière dont ce sujet est traité. Loin de chercher à minimiser les problèmes multiples que leur handicap entraîne, l'auteur nous donne une vision réaliste, lucide de leur état. Ce regard particulier qu'il porte sur ses enfants peut sembler choquant, cruel si on le prend au premier degré ; mais on comprend bien vite que la cruauté vient surtout du sort, ou en tout cas du hasard qui les ai fait naître ainsi... il démonte toutes les paroles généralement proférées par les personnes bien-pensantes. Il ne cherche pas du tout hypocritement le bon côté des choses, ou plutôt, ce "bon côté des choses", il nous le livre de manière cynique. Il y a beaucoup d'humour noir, et j'ai vraiment apprécié cet aspect.
Toutes ces plaisanteries pas toujours de bon goût auraient sans doute du mal à passer si on ne sentait pas derrière l'amour immense de ce père (qui y tient à ses "petits oiseaux" malgré tout ce qu'il peut dire par ailleurs), et sa tristesse, son impuissance. C'est une œuvre autobiographique, et montrer une partie si intime de sa vie, proposer une image si peu rose de soi-même me semble un acte courageux. Cette lecture est émouvante, une grande douleur et un humour souvent grinçant se mêlent, même si certains passages sont plus joyeux.
On suit de façon chronologique (sans qu'il y ait jamais de datation précise, et on passe d'anecdotes en réflexions diverses sans transitions) le parcours de ses deux fils mais j'ai eu l'impression à un moment que l'auteur avait plus ou moins épuisé son lot d'histoires, qu'il avait craché sa rage contre la maladie et contre tous les gens qui réagissent de façon idiote ou ont des idées préconçues sur le handicap, et on n'avance plus guère ; la fin m'a donc un peu lassée, le narrateur évoque de façon répétitive toutes les choses que ses enfants ne pourront jamais faire, et toutes les choses qu'il aurait pu faire avec eux s'ils avaient été "normaux" (ce qui revient à peu près au même). C'est dans ces dernières pages que son sentiment de culpabilité est le plus manifeste. Stylistiquement, le même schéma se répète, il parle de quelque chose qui semble positif, mais on a soudain une retombée, une chute déceptive. Trop utilisé, ce procédé fait moins d'effet vers la fin au lecteur, qui devine la conclusion négative avant qu'elle survienne. Un livre touchant et rapide à lire, que je vous conseille même si la fin m'a moins plu.
Tout cela un peu mélangé. Je crois, surtout, que c'était pour échapper à la question terrible : « Qu'est-ce qu'ils font ? »
Aujourd'hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j'ai décidé de leur écrire un livre.
Pour qu'on ne les oublie pas, qu'il ne reste pas d'eux seulement une photo sur une carte d'invalidité. Peut-être pour dire mes remords. Je n'ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas. Avec eux, il fallait une patience d'ange, et je ne suis pas un ange.
Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d une catastrophe. Pour une fois, je voudrais essayer de parler d'eux avec le sourire. Ils m'ont fait rire avec leurs bêtises, et pas toujours involontairement.
Grâce à eux, j'ai eu des avantages sur les parents d enfants normaux. Je n'ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n'avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu'ils feraient plus tard, on a su rapidement ce que ce serait : rien.
Et surtout, pendant de nombreuses années, j'ai bénéficié d'une vignette automobile gratuite. Grâce à eux, j'ai pu rouler dans des grosses voitures américaines.
Mon avis : un livre original, par son sujet (je ne connais pas beaucoup de livres qui parlent d'enfants handicapés, quels sont ceux que vous me conseilleriez sur ce sujet ?) mais surtout par la manière dont ce sujet est traité. Loin de chercher à minimiser les problèmes multiples que leur handicap entraîne, l'auteur nous donne une vision réaliste, lucide de leur état. Ce regard particulier qu'il porte sur ses enfants peut sembler choquant, cruel si on le prend au premier degré ; mais on comprend bien vite que la cruauté vient surtout du sort, ou en tout cas du hasard qui les ai fait naître ainsi... il démonte toutes les paroles généralement proférées par les personnes bien-pensantes. Il ne cherche pas du tout hypocritement le bon côté des choses, ou plutôt, ce "bon côté des choses", il nous le livre de manière cynique. Il y a beaucoup d'humour noir, et j'ai vraiment apprécié cet aspect.
Toutes ces plaisanteries pas toujours de bon goût auraient sans doute du mal à passer si on ne sentait pas derrière l'amour immense de ce père (qui y tient à ses "petits oiseaux" malgré tout ce qu'il peut dire par ailleurs), et sa tristesse, son impuissance. C'est une œuvre autobiographique, et montrer une partie si intime de sa vie, proposer une image si peu rose de soi-même me semble un acte courageux. Cette lecture est émouvante, une grande douleur et un humour souvent grinçant se mêlent, même si certains passages sont plus joyeux.
On suit de façon chronologique (sans qu'il y ait jamais de datation précise, et on passe d'anecdotes en réflexions diverses sans transitions) le parcours de ses deux fils mais j'ai eu l'impression à un moment que l'auteur avait plus ou moins épuisé son lot d'histoires, qu'il avait craché sa rage contre la maladie et contre tous les gens qui réagissent de façon idiote ou ont des idées préconçues sur le handicap, et on n'avance plus guère ; la fin m'a donc un peu lassée, le narrateur évoque de façon répétitive toutes les choses que ses enfants ne pourront jamais faire, et toutes les choses qu'il aurait pu faire avec eux s'ils avaient été "normaux" (ce qui revient à peu près au même). C'est dans ces dernières pages que son sentiment de culpabilité est le plus manifeste. Stylistiquement, le même schéma se répète, il parle de quelque chose qui semble positif, mais on a soudain une retombée, une chute déceptive. Trop utilisé, ce procédé fait moins d'effet vers la fin au lecteur, qui devine la conclusion négative avant qu'elle survienne. Un livre touchant et rapide à lire, que je vous conseille même si la fin m'a moins plu.
Je termine par quelques propositions pour répondre à ta question : "je ne connais pas beaucoup de livres qui parlent d'enfants handicapés, quels sont ceux que vous me conseilleriez sur ce sujet ?"
- Hellen Keller (je pense que tu l'as déjà lu, c'est un "classique")
- L'enfant bleu de Henry Bauchau, une pure merveille qui raconte l'histoire d'un enfant psychotique. C'est une fiction, mais très proche de la réalité : Henry Bauchau a travaillé dans un hôpital pour adolescents psychotiques et s'inspire fortement de cette expérience. On y retrouve les mêmes ingrédients que dans le livre de Jean-Louis Fournier : de l'humour et une sensibilité exacerbée. Et le style est une pure merveille. Ce livre est plus approfondi, je trouve, et viendra compléter ton approche à ce sujet, si tu as aimé cette première lecture. Je te le recommande vivement !