Quatrième de couverture (l'extrait est le tout début du conte) :
"Lorsque lui arriva cette histoire de pigeon qui, du jour au lendemain, bouleversa son existence, Jonathan Noël avait déjà dépassé la cinquantaine, il avait derrière lui une période d'une bonne vingtaine d'années qui n'avait pas été marquée par le moindre événement, et jamais il n'aurait escompté que pût encore lui arriver rien de notable, sauf de mourir un jour. Et cela lui convenait tout à fait. Car il n'aimait pas les événements, et il avait une véritable horreur de ceux qui ébranlaient son équilibre intérieur et chamboulaient l'ordonnance de sa vie."
Qu'est-ce qu'un événement ? Que se passe-t-il, en somme, quand il se passe quelque chose dans la vie d'un homme ? Tel est au fond le sujet, étonnamment simple et profond, de ce nouveau conte philosophique et cocasse de l'auteur du Parfum.
Patrick Süskind est né en 1949 à Ambach, en Bavière. Il a fait des études littéraires à Munich et à Aix-en-Provence et exerce le métier de scénariste. Outre le Parfum, best-seller mondial, il a écrit une pièce de théâtre à un personnage, la Contrebasse.
Mon avis : j'avais beaucoup aimé le Parfum et lu des éloges du Pigeon, c'est donc tout naturellement que j'ai eu envie d'emprunter ce livre (d'une centaine de pages) quand je l'ai vu à la médiathèque. Le tout début, qui nous présente le personnage et son mode de vie inhabituel, m'a légèrement rappelé Un homme qui dort : le héros vit en effet une existence très ordonnée (et pendant toute une période le héros de Perec cadre sa vie grâce à une multitude d'horaires et de rituels) et solitaire qui lui convient tout à fait puisqu'elle correspond à sa conception du bonheur.
D'emblée ce personnage m'a mise plutôt mal à l'aise : le fait qu'une telle vie le rende heureux a quelque chose de fascinant, mais d'un autre côté je trouve cette sorte d'existence - qui m'a pourtant tentée parfois... - terrifiante, car cette absence totale d'envies, directement liée à une peur absolue du changement et de l'inconnu me semble finalement plus proche de la mort que d'autre chose. On apprend d'ailleurs dès le début que le héros enfant a perdu ses parents pendant la seconde guerre mondiale (on comprend qu'ils ont été déportés mais on ne s'appesantit pas du tout sur ce "détail"), alors ce désir d'éviter tout évènement en s'isolant complètement ne me semble déjà pas vraiment sain, c'est plutôt une réaction de défense suite à une série de manques. Enfin bon je pourrais continuer à essayer de comprendre et juger le héros longuement mais ce n'est pas vraiment la question : ce conte philosophique nous raconte la conséquence d'un bouleversement dans cette non-vie : l'apparition d'un pigeon dans son couloir.
Quand on comprend (très vite) que tout l'équilibre de sa non-vie va être rompu à cause d'un évènement aussi minime, on a d'abord une réaction d'incompréhension.... en tout cas pour ma part j'ai pensé "mais voyons, c'est illogique, impossible qu'il n'y ait pas eu la moindre péripétie dans sa vie pendant 20 ans, ce n'est absolument pas crédible !" mais je me suis vite souvenue de la mention "conte philosophique" de la quatrième de couverture et j'en ai conclu je devais simplement admettre cela sans le remettre en question, juger cette œuvre d'après son réalisme reviendrait à faire fausse route, mieux vaut considérer le pigeon comme le symbole d'un grain dans l'engrenage.... et en effet, sans spoiler plus, on s'aperçoit bien vite que les conséquences de l'apparition du pigeon sont disproportionnées, car Jonathan Noël ne peut s'empêcher d'imaginer immédiatement des "scénarios catastrophe" très développés et de prédire ainsi sa prochaine déchéance !
Pas la peine de décrire ensuite par la menu tout ce qui va lui arriver : on le suit pendant 24 heures terribles (pour lui) pendant lesquelles tout s'enchaîne, réduisant à néant tout le quotidien qu'il s'est créé pendant des décennies. J'ai aimé suivre l'évolution de ses pensées et j'ai trouvé l'ensemble de ce conte... vraiment flippant. Je pense qu'il y a deux manières de lire ce conte : si on lit ce conte de manière légère, l'absurdité de la situation est comique (et c'est apparemment le parti-pris de l'éditeur qui présente l'œuvre comme un conte "cocasse")... personnellement, je n'ai pas pu m'empêcher de le prendre au sérieux, de chercher à m'identifier au héros, en me demandant si j'aurais été capable d'une telle réaction à sa place. Quand je parvenais à réellement me mettre dans sa peau, j'étais paniquée comme lui ; mais quand je prenais du recul, je trouvais merveilleusement rassurant de me rendre compte que finalement, je suis bien plus zen que lui ^^ (alors qu'a priori je ne suis pas particulièrement zen, j'ai tendance à angoisser pour des riens etc.... mais là Jonathan Noël est largement pire que moi !)
Au final, je prends ce conte comme une leçon positive qui m'engage à ne pas m'emprisonner dans un carcan d'habitudes faussement sécurisantes... faussement car chercher à se protéger du monde et des aléas de la vie ne peut que nous déshumaniser (malgré son aveuglement et sa terreur irraisonnée le héros a des moments de lucidité pendant lesquels il comprend le ridicule de sa propre situation) et nous fragiliser : la moindre vétille peut faire s'effondrer l'existence artificielle qu'on s'est fabriqué et nous laisser alors complètement désarmé. Si cette histoire me reste en tête - ce dont je doute hélas un peu, j'aurais aimé plus d'emportement émotionnel, un rythme plus marqué pour être plus touchée peut-être ? et je m'attendais à cette fin, ce qui m'a un peu déçue même s'il est jouissif de se rendre compte qu'on a raison, et même si cette fin était la plus logique ! J'aurais aussi aimé qu'on sache si le héros tire vraiment une leçon de cette expérience, j'ai trouvé la fin trop abrupte - il est possible que j'y repense et y réfléchisse encore....
"Lorsque lui arriva cette histoire de pigeon qui, du jour au lendemain, bouleversa son existence, Jonathan Noël avait déjà dépassé la cinquantaine, il avait derrière lui une période d'une bonne vingtaine d'années qui n'avait pas été marquée par le moindre événement, et jamais il n'aurait escompté que pût encore lui arriver rien de notable, sauf de mourir un jour. Et cela lui convenait tout à fait. Car il n'aimait pas les événements, et il avait une véritable horreur de ceux qui ébranlaient son équilibre intérieur et chamboulaient l'ordonnance de sa vie."
Qu'est-ce qu'un événement ? Que se passe-t-il, en somme, quand il se passe quelque chose dans la vie d'un homme ? Tel est au fond le sujet, étonnamment simple et profond, de ce nouveau conte philosophique et cocasse de l'auteur du Parfum.
Patrick Süskind est né en 1949 à Ambach, en Bavière. Il a fait des études littéraires à Munich et à Aix-en-Provence et exerce le métier de scénariste. Outre le Parfum, best-seller mondial, il a écrit une pièce de théâtre à un personnage, la Contrebasse.
Mon avis : j'avais beaucoup aimé le Parfum et lu des éloges du Pigeon, c'est donc tout naturellement que j'ai eu envie d'emprunter ce livre (d'une centaine de pages) quand je l'ai vu à la médiathèque. Le tout début, qui nous présente le personnage et son mode de vie inhabituel, m'a légèrement rappelé Un homme qui dort : le héros vit en effet une existence très ordonnée (et pendant toute une période le héros de Perec cadre sa vie grâce à une multitude d'horaires et de rituels) et solitaire qui lui convient tout à fait puisqu'elle correspond à sa conception du bonheur.
D'emblée ce personnage m'a mise plutôt mal à l'aise : le fait qu'une telle vie le rende heureux a quelque chose de fascinant, mais d'un autre côté je trouve cette sorte d'existence - qui m'a pourtant tentée parfois... - terrifiante, car cette absence totale d'envies, directement liée à une peur absolue du changement et de l'inconnu me semble finalement plus proche de la mort que d'autre chose. On apprend d'ailleurs dès le début que le héros enfant a perdu ses parents pendant la seconde guerre mondiale (on comprend qu'ils ont été déportés mais on ne s'appesantit pas du tout sur ce "détail"), alors ce désir d'éviter tout évènement en s'isolant complètement ne me semble déjà pas vraiment sain, c'est plutôt une réaction de défense suite à une série de manques. Enfin bon je pourrais continuer à essayer de comprendre et juger le héros longuement mais ce n'est pas vraiment la question : ce conte philosophique nous raconte la conséquence d'un bouleversement dans cette non-vie : l'apparition d'un pigeon dans son couloir.
Quand on comprend (très vite) que tout l'équilibre de sa non-vie va être rompu à cause d'un évènement aussi minime, on a d'abord une réaction d'incompréhension.... en tout cas pour ma part j'ai pensé "mais voyons, c'est illogique, impossible qu'il n'y ait pas eu la moindre péripétie dans sa vie pendant 20 ans, ce n'est absolument pas crédible !" mais je me suis vite souvenue de la mention "conte philosophique" de la quatrième de couverture et j'en ai conclu je devais simplement admettre cela sans le remettre en question, juger cette œuvre d'après son réalisme reviendrait à faire fausse route, mieux vaut considérer le pigeon comme le symbole d'un grain dans l'engrenage.... et en effet, sans spoiler plus, on s'aperçoit bien vite que les conséquences de l'apparition du pigeon sont disproportionnées, car Jonathan Noël ne peut s'empêcher d'imaginer immédiatement des "scénarios catastrophe" très développés et de prédire ainsi sa prochaine déchéance !
Pas la peine de décrire ensuite par la menu tout ce qui va lui arriver : on le suit pendant 24 heures terribles (pour lui) pendant lesquelles tout s'enchaîne, réduisant à néant tout le quotidien qu'il s'est créé pendant des décennies. J'ai aimé suivre l'évolution de ses pensées et j'ai trouvé l'ensemble de ce conte... vraiment flippant. Je pense qu'il y a deux manières de lire ce conte : si on lit ce conte de manière légère, l'absurdité de la situation est comique (et c'est apparemment le parti-pris de l'éditeur qui présente l'œuvre comme un conte "cocasse")... personnellement, je n'ai pas pu m'empêcher de le prendre au sérieux, de chercher à m'identifier au héros, en me demandant si j'aurais été capable d'une telle réaction à sa place. Quand je parvenais à réellement me mettre dans sa peau, j'étais paniquée comme lui ; mais quand je prenais du recul, je trouvais merveilleusement rassurant de me rendre compte que finalement, je suis bien plus zen que lui ^^ (alors qu'a priori je ne suis pas particulièrement zen, j'ai tendance à angoisser pour des riens etc.... mais là Jonathan Noël est largement pire que moi !)
Au final, je prends ce conte comme une leçon positive qui m'engage à ne pas m'emprisonner dans un carcan d'habitudes faussement sécurisantes... faussement car chercher à se protéger du monde et des aléas de la vie ne peut que nous déshumaniser (malgré son aveuglement et sa terreur irraisonnée le héros a des moments de lucidité pendant lesquels il comprend le ridicule de sa propre situation) et nous fragiliser : la moindre vétille peut faire s'effondrer l'existence artificielle qu'on s'est fabriqué et nous laisser alors complètement désarmé. Si cette histoire me reste en tête - ce dont je doute hélas un peu, j'aurais aimé plus d'emportement émotionnel, un rythme plus marqué pour être plus touchée peut-être ? et je m'attendais à cette fin, ce qui m'a un peu déçue même s'il est jouissif de se rendre compte qu'on a raison, et même si cette fin était la plus logique ! J'aurais aussi aimé qu'on sache si le héros tire vraiment une leçon de cette expérience, j'ai trouvé la fin trop abrupte - il est possible que j'y repense et y réfléchisse encore....
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